"LE SOUVENIR EST UN POETE, N'EN FAITES PAS UN HISTORIEN."
- Recommandation de Mamie -
"L'oeil de Robert Doisneau.
La photographie « Le baiser de l’hôtel de ville » a été réalisée pour le magazine Life qui l'a publiée le 12 juin 1950 au sein d'une série de photographies sur le thème de l'amour à Paris au printemps.
La scène est jouée par deux étudiants en théâtre, Françoise Delbart (née Bornet) et son petit ami Jacques Carteaud, alors élèves au Cours Simon.
Le photographe les avait repérés dans un café parisien et, les ayant vus s'embrasser, leur avait proposé une séance de prise de vue en pleine rue, moyennant une rétribution de 500 francs.
Cette photographie, tombée dans l'oubli pendant près de trente ans, est devenue célèbre avec la commercialisation, en 1986, de 410 000 exemplaires d'un tirage en format affiche, un record mondial.
Doisneau expliquera ce succès en affirmant « C'est le symbole d'un moment heureux ».
En 1992, le couple Lavergne revendique être les amants de l’hôtel de ville, et réclament 500 000 francs au photographe pour violation de sa vie privée.
Ce procès fait ressurgir Françoise Bornet qui se fait connaître de Robert Doisneau et fournit, pour prouver qu'elle est bien l'un des protagonistes, un cliché original, numéroté et estampillé que le photographe avait donné aux amants après la séance photo.
Françoise Bornet fait, elle aussi, un procès et réclame 100 000 francs de rémunération complémentaire, ainsi qu'un pourcentage sur les bénéfices commerciaux.
Depuis la prise du cliché, les amants se sont séparés. Jacques Carteaud refuse quant à lui de se joindre à la démarche, refusant de « transformer cette histoire photographique en histoire de fric ».
Françoise Bornet a mis en vente son cliché original, le 25 avril 2005. Mis à prix à 10 000 € lors de la vente aux enchères d'Artcurial à l'hôtel Dassault à Paris, il sera adjugé 155 000 € en présence de sa propriétaire, record qui n'est pas seulement dû à la célébrité de l'image mais qui s'explique également par la qualité du tirage, contemporain de la prise de vue.
Un mot de Mamie :"On est toujours plus vieux que sur la photo ...
La suite n'est que littérature.
"Les souvenirs d'Arthur Conte ...
"Ils m'arrivent en foule, pêle-mêle.
Marlene Dietrich, "la première vamp du monde", "les jambes les plus spirituelles de l'univers". Jean Cocteau dit d'elle que son nom commence par une caresse et finit par un coup de cravache. De sa voix la plus brûlante, elle redonne tous ses succès, "La vie en rose", Johnny".
Toute la salle se dresse quand, après avoir affiché une robe de sirène sous le manteau de cour en cygne blanc, elle redevient soudain l'héroïne de L'ange bleu avec habit, bottes, cannes, haut-de-forme et cuisses à tenter le plus calme des hommes.
Je découvre Colette Renard. "Irma la douce", "Marie-la-bleue", "Judas", "Sans famille", "La pêche à la crevette". On l'adore. On dit qu'elle a une voix de de pavé mouillé.
Charles Trenet vient dîner à la maison. Nous parlons catalan et nous ne manquons pas d'entonner "La chanson de la Bepa" ou Bolem pa omb oli ("nous voulons du pain à l'huile").
Il chante ensuite ses créations d'enfant, il poursuit avec les chansons de ses débuts. Il termine avec ses succès les plus connus, bien entendus sans surtout oublier "La mer", qui est la chanson de sa vie, qui bat le record mondial de l'enregistrement et avec qui la France ne se lasse toujours pas de chanter :
"Pars, c'est du mystère
Que tu veux, en voilà !
Pars ! Oublie la terre
Pars ! Viens avec nous - tu verras
Les joyeux matins
Et les grands chemins
Où l'on marche à l'aventure
Hiver comme été
Toujours la nature
La route enchantée...
Le One-Man-Show d'Yves Montand, enfant gouailleur des "grands boulevards" ou d'"A bicyclette".
Jacque Brel chante "Ne me quitte pas" pour les fillettes romantiques et "Le grand air de la bêtise" pour les hommes. Puis, il devient l'inaccessible étoile" qu'il chante avec une incomparable intensité.
Je vais applaudir Georges Brassens - l'anarchiste tendre, capable de faire des fleurs même avec des gros mots, révolté à coups de roses, "Le Gorille" sentimental, ne voulant aimer rien d'autre que "Les copains d'abord", et pour "Hécatombe", imaginant qu'"elles leur auraient même coupé les choses, par bonheur, ils n'en avaient pas".
Je vais écouter les Compagnons de la Chanson qui lancent, avec un brin de poésie scoute, "Les Trois Cloches", "Perrine était servante", "Le prisonnier de la tour", "Les gendarmes s'endorment sous la pluie"...
Georges Ulmer est de la aprtie avec "Pigalle", "Les rues de Copenhague", "dans le parc du Danemark", "Il y a des squares dans les rues de Paris", tout fou, tout joyeux, tout incorrigiblement misogyne.
Et toi dans ta p'tite tête de femme
T'as pas compris que j'étais foutu
Alors, j'ai bu.
Les adieux d'Edith Piaf. Elle s'avance sur scène comme à regret, chétive, à petits pas, genoux pliés. On croit qu'elle chancelle ou qu'elle porte des sabots trop lourds. La robe, noire, est d'une pauvrette : le visage, blême, d'une affamée. On lui jetterait vingt sous. Mais quand elle chante, même la salle cesse d'exister.
Les murs s'enfuient. Le public se confond avec toute la terre. Il ne reste plus que cette voix qui semble à elle seule remplir soudain tout l'univers. Qu'elle donne "Monsieur Browning", "L'accordéoniste" ou "Le grand voyage du pauvre nègre", avec elle, c'est chaque fois entendre la douleur la plus profonde de la planète. Jamais, de toute ma vie, je n'aurai été aussi saisi.
A nous "Simple comme bonjour", "Ne pleurez pas milord", "Madeleine", "C'est lui que mon coeur a choisi"... "Je pleure", me dit ma femme. La foule, envoûtée, murmure et chante en silence avec la voix magique les refrains qui célèbrent chaque fois la grandeur inconnue d'un maudit.
"Il était jeune, il était beau
Il sentait bon le sable chaud
Mon légionnaire ...
J'"enterre" aussi les Frères Jacques, inimitables maîtres ès parodies. Une dernière fois, ils nous offrent "La jolie Trapéziste", "L'entrecôte", "La queue du chat", "Le général à vendre".
" Il nous parlait des Dardannelles
Quand il n'était que colonel
Et de la campagne d'Orient
Quand il n'était que commandant,
De l'épopée napoléonienne
Quand il n'était que capitaine
Et de la guerre de cent ans
Quand il n'était que lieutenant..
Ils auront chanté trente-trois ans. Au grenier des souvenirs, leurs fausses moustaches, leurs chapeaux claques et leurs gants blancs.
Je ne cacherai pas que j'ai le coeur qui bat.
J'aurai applaudi Dalida, poitrine ardente, croupe opulante, sourire sur dents parfaites, voix caressée de nuages, nous donnant "Bambino", "Le jour où la pluie viendra" et "Oh ! papa, achète-moi un juke-box", mais aussi Juliette Gréco, la "Jolie Môme"...
J'aurai acclamé Zizi Jeanmaire qui sait autant danser une Aubade avec un Serge Lifar que ressuciter une Mistinguett.
Je garde le plus poignant souvenir de Mouloudji. "Quatre femmes", "J'ai le mal de Paris", "Aubervilliers" et l'immortelle "Complainte des Infidèles".
" Bonnes gens écoutez la triste ritournelle
Des amants errants en proie à leurs tourments
Parce qu'ils ont aimé des femmes infidèles
Qui les ont trompés ignominieusement...
Les années passent, le plaisir demeure.
Je retrouve Regine qui est devenu en 1980 une gloire nationale, voire une gloire planétaire avec ses établissements et n'enregistre que des tubes à succès, de "Nounours" à Je survivrai".
A Bobino, Pierre Perret sert un gala de trente-cinq chansons, tantôt pessimistes à la Zola, telle "L'Hôpital".
"Un lit de fer tout blanc
Et sur la table de nuit
Un bouquet d'anémones
Offert par un ami ...
Voici Serge Gainsbourg, un oiseau de nuit ébouriffé, poil de boulot et oeil tendre. Un vampirisateur, quoi.
"Enfin, faut faire avec c'qu'on a
Not'sale gueule, nous on y peut rien ...
Voilà Mireille Mathieu et toute une vaste ronde de jolies chansons : "La dernière valse", "La vieille barque", "Les yeux de l'amour", "Les bicyclettes de Belzize", "La première étoile", "La parade des chapeaux melons", "Pardonnez-moi ce caprice d'enfant"...
Voici Sacha Distel qui aura interprété plus de deux cents chansons en quatre langues et sera resté quatorze semaines d'affilées sur la scène du prince of Wales de Londres.
Alain Souchon qui m'a marqué en chantant J'ai dix ans et ...
"Allô maman bobo
maman comment tu m'as fait
J'suis pas beau
Allô maman bobo
Enrico Macias qui peut réellement pleurer quand il chante "Enfants de tous pays", "A la face de l'humanité", "les Gens du Nord" ou "Aimez-vous les uns les autres".
Henri Salvador. Principaux succès : "Le loup", "Zorro est arrivé", "Le travail, c'est la santé", "Syracuse", "Les Aristochats".
Guy Béart qui adore chanter pour ses hôtes ses principaux succès : "Chandernagor", "L'eau vive", "Printemps sans amour", "Il fait toujours bon quelque part", "Le grand chambardement".
Au cours de l'un de ces déjeuners, il me parle de l'un de ses plus chers projets : sortir un album avec "Les chansons gaies des vieilles années", "les chansons que mon père, dit-il, chantait le samedi soir, des chansons qui ont près d'un siècle, "La Valse brune des chevaliers de la lune", "La Baya", "La Matchiche", "Enrevenant d'la r'vue", "Viens Poupoule"...
"Mais je reste toujours jeune !" C'est Tino Rossi qui parle. dans les années trente, il était sans rival pour chanter les étoiles. Toute la France savait chanter avec lui "Vieni Vieni", "Corse île d'amour", "Marinella je te tiens encore dans mes bras", "Naples au baiser de feu", "Tchi ! Tchi !", "Le plus beau de tous les tangos du monde"... sa voix ensorcelante, tout en roucoulements, berçait autant la marquisette que la midinette.
Après la guerre, toujours objet d'un véritable culte, il renouait avec le temps triomphal des guitares. "Le miracle Tino recommence", s'exclamait Vincent Scotto émerveillé. L'idole à maman et à grand-maman se montre encore capable d'émouvoir de nouvelles générations en ne chantant que des chansons d'amour.
Georges Ulmer l'appelle L'anti-otite...
Et le plus solide bonheur, un village sans ambition, une famille sans complications, des amours sans complexes, une source, une montagne, une chanson, l'univers des pâtres et des fidèles, comme l'écrit magnifiquement Emmanuel Berl, "le doux royaume des mêmes fleurs toujours recommencées ...
"Jean Ferrat,
C’est après avoir vu sur une carte de France la ville de Saint-Jean-Cap-Ferrat, qu'il décide de prendre le nom de Jean Ferrat, après le nom de Jean Laroche déjà utilisé sur scène par un autre artiste.
C’est sa rencontre en 1959 avec Gérard Meys, qui deviendra son éditeur et son ami, qui lance sa carrière. Il signe alors un contrat chez Decca avec Daniel Filipacchi et, l'année suivante, sort son second 45 tours EP avec la chanson Ma Môme, qui devient son premier succès en passant sur toutes les ondes.
"Ma môme, elle joue pas les starlettes
Elle met pas des lunettes de soleil
Elle pose pas pour les magazines, elle travaille en usine à Créteil …
En 1961, il rencontre Zizi Jeanmaire, pour laquelle il écrit Eh l'amour, Mon bonhomme. Elle l'engage comme vedette américaine de son spectacle à l'Alhambra, le premier music-hall où il chantera. Il y reste six mois et abandonne alors sa guitare pour l’orchestre.
Son premier 33 tours, Deux enfants au soleil, sort en 1961 et reçoit le prix de la SACEM.
« La mer sans arrêt
Roulait ses galets
Les cheveux défaits
Ils se regardaient
Dans l'odeur des pins
Du sable et du thym
Qui baignait la plage
Ils se regardaient
Tous deux sans parler
Comme s'ils buvaient l'eau de leurs visages
Et c'était comme si tout recommençait …
En 1962, il fait la connaissance d'Isabelle Aubret. Cette rencontre est pour les deux artistes le début d'une grande et pérenne complicité artistique, puis amicale.
C'est à la même époque que Ferrat compose la musique de C’est beau la vie, chanson que Michelle Senlis a écrite pour Isabelle Aubret après son accident de voiture.
« Le vent dans tes cheveux blonds, le soleil à l’horizon
Quelques mots d'une chanson, que c'est beau, c'est beau la vie …
En 1964, il confirme son succès naissant auprès du public avec La Montagne qui demeure l'un de ses plus grands succès. Avec ce texte, il chante – sans la nommer – l'Ardèche, région chère à son cœur, et fait de cet hommage à la France paysanne un classique de la chanson française.
« Pourtant, que la montagne est belle, comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d'hirondelles, que l'automne vient d'arriver ?
En 1969, Jean Ferrat chante Ma France, chanson phare de l'album homonyme. Une chanson dont il sera le plus fier.
« De plaines en forêts de vallons en collines
Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
De ce que j'ai vécu à ce que j’imagine
Je n'en finirai pas d'écrire ta chanson
Ma France.
"La petite Tonkinoise.
Les années folles ne le seraient pas sans la démesure de Josephine Baker, tout droit venue d’Amérique.
Au commencement, le public de Paris ne voit d’elle que sa croupe, "une croupe qui rit", selon le bon mot de Simenon.
Elle a 19 ans lorsqu’elle apparaît au public français à quatre pattes et nue comme un ver.
La revue nègre vient de débarquer en France.
Freda Josephine Mc Donald est née dans les bas-fonds du Missouri avant d’épouser à 13 ans Willie Wells, un ouvrier fondeur qu’elle quittera après lui avoir fracassé une bouteille sur la tête.
A 15 ans, elle se lie à un M. Baker dont elle gardera à jamais le patronyme mais fuira vite sa compagnie.
A Broadway, elle présente ses danses métissées, un charleston très vitaminé audacieusement teinté de gesticulations africaines.
La revue nègre invitée à Paris est un spectacle sage. Trop sage aux yeux du directeur du théâtre.
Finalement, la veille de la première est ajouté un tableau plus piquant, La danse sauvage, dans lequel la jeune Joséphine, nue et couverte de plumes, esquisse un charleston endiablé.
La nudité, les bondissements de la danseuse ont de quoi choquer le public ; pourtant le caractère inédit de sa performance fait d’elle la nouvelle attraction de Paris.
Les cubistes tombent en pamoison devant la plastique de la jeune femme et l’extravagance de son art.
Désormais, dans les bals, dans les salons, on s’exerce avec passion au charleston.
Ces mouvements acrobatiques empruntés aux danses noires africaines sont nés à Charleston, en Caroline du Sud, quelques années plus tôt. Elle présente ensuite La folie du jour aux Folies-Bergère : pour l’un des 45 tableaux du spectacle la voici juste parée de perles et d’une ceinture de 16 bananes.
Pour un autre, elle se retrouve dans une boule incrustée de fleurs. Du jamais vu ! Auréolée de ce triomphe, elle se voit conviée au Casino de Paris par Henri Varna. L’homme offre - comble de l’érotisme - un léopard à sa protégée.
Paris ne parle que de ça !
Le public joue à s’effrayer, redoutant de voir paraître l’animal sur scène et déplorant aussi de ne l’avoir point vu. Joséphine entretient sa légende dans ce Paris où l’Afrique et animaux sauvages signifient tant de fantasmes.
Ne dit-elle pas, à raison peut-être, qu’elle a appris à danser en observant les animaux du zoo ?
Passée meneuse de revue, elle se met à chanter. Avec J’ai deux amours, Joséphine signe son pacte d’amour avec Paris. Si la petite Tonkinoise est l’un de ses plus grands tubes, elle n’a de cesse de chanter Paris.
"Je me suis sentie libérée à Paris", dira-t-elle religieusement.
"C'est moi qui suis sa petite
Son Anana, son Anana, son Anammite
Je suis vive, je suis charmante
Comme un p'tit z'oiseau qui chante
Il m'appelle sa p'tite bourgeoise
Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise
D'autres lui font les doux yeux
Mais c'est moi qu'il aime le mieux ...
Par la suite, elle fera preuve d’humanité en devenant un agent de renseignement dès 1939, au commencement de la seconde guerre mondiale, ainsi que la marraine de la Croix-Rouge.
"Pour moi, y a qu'un home dans Paris, c'est lui
Je peux rien y faire, mon coeur est pris par lui
Je crois que j'en perds la tête, il est si bête
Qu'il ne l'a pas compris ...
Sa popularité et sa respectabilité sont telles que le nazi Goering, ne se risquant pas à l’arrêter, la fait confier à un dîner où l’on tentera de l’empoisonner.
L’héroïne, digne d’un roman d’espionnage, doit quitter la France pour le Maroc où elle oeuvrera au sein des services de renseignements de la France libre puis de l’armée de l’air.
Elle a tant fait pour la France, la tolérance et la liberté, qu’elle sera la première femme d’origine américaine à recevoir lors de ses funérailles les honneurs militaires français.
Elle repose aujourd’hui au cimetière de Monaco, la princesse Grace ayant été l’une de ses plus chères amies.
Rideau.
"1099 morts.
Courrières, 6 h 45 du matin, le 10 mars 1906. Une formidable explosion vient de secouer la fosse n°3 dans laquelle sont descendus près de mille cinq cents mineurs.
Nul ne sait ce qui s’est passé.
Les premiers rescapés restent muets de terreur. Ils ont le visage noirci, les vêtements déchirés, les mains et le visage en sang. Certains s’enfuient à toutes jambes.
Quand ils racontent, comme le fait Pierre Dasson, sorti indemne de la fournaise, c’est pour évoquer le vacarme assourdissant, l’air qui se raréfie, les vapeurs toxiques, les camarades qui tombent, les corps qui s’enchevêtrent.
Des épouses, des mères, des femmes affolées qui crient, qui s'évanouissent.
Elles attendent un père, un mari, un fils, souvent les trois.
Et parfois même toute leur famille comme Philomène Pétain ou Cordule Levan, qui perdent chacune dans la catastrophe leur mari et leurs quatre garçons.
"Le destin", disent les journaux de droite. "Une sommation de justice sociale", écrit-on à gauche.
Pas de chance ? Comment qualifier autrement l’infortune de ces pauvres bougres auxquels la mort avait donné rendez-vous par 350 mètres de fond ?
Est-ce que l’accident était inscrit en filigrane dans l’agenda de leurs vies ?
Les absents n’ont pas toujours tort. Jean Heirle ne travaillait pas ce jour-là, il se portera sauveteur volontaire.
Partout c’est le chaos.
L’orphelin Charlemagne Venant, seize ans, venait de trouver une famille d ‘adoption chez Lucien et Amandine Delvallez. Il va mourir asphyxié à la fosse 4 de Sallaumines.
Son père adoptif, parti le chercher, ne reviendra pas de l’enfer.
Les cadavres sont dans un état qui défie toute description. La plupart sont nus ; les vêtements ont été brûlés ; les corps carbonisés. A l’un les doigts sont arrachés ; un autre à les yeux sortis des orbites ; un troisième est privé de tête. "On remonte aussi un cheval amputé des quatre pattes, et décapité", rapporte l’envoyé spécial du Matin.
Parfois, pourtant, l’espoir renaît.
Ici, ce sont des coups frappés contre la paroi et laissent envisagé des survivants. Là, c’est Pierre Simon qui parvient, au péril de sa vie, à sauver vingt-sept de ses camarades et qui dit :
- Ils sont morts, seuls les yeux vivent." Ailleurs, c’est un chef porion, Adolphe Grandamme, qui en retire dix-huit autres avant de repartir dans les galeries. On ne le reverra pas.
Le bilan est épouvantable : mille quatre-vingt-dix-neuf morts.
Toutes les communes sont touchées. Tous les mineurs sont en deuil. Pourtant, on veut croire encore au miracle. Pour éviter des scènes pénibles, les corps sont maintenant remontés la nuit, à l’insu des familles, identifiés par les uns, déclarés "inconnus" pour les autres.
Devant l’urgence et le nombre des victimes, des cercueils arrivent de toute la France. Ils forment le 13 mars, lors des obsèques officielles, un interminable cordon mortuaire.
Et la neige qui s’en mêle et la mine qui brûle toujours. Et des questions sur toutes les lèvres : "Et s’il restait encore des vivants ? Et si l’on avait abandonné trop tôt les recherches ? Mais le coeur n’y est plus.
Et pourtant, le 30 mars, l’incroyable arrive. Vingt jours ont passé, les secours ont cessé, l’espoir est mort quand, à 7 h 30 du matin, treize hommes surgissent d’une galerie, hébétés et hirsutes, devant une équipe d’ouvriers occupés à réhabiliter les lieux.
Stupeur.
On les installe avec précaution. Dans les rues, on accourt de toutes parts, les familles déboulent.
Camille-Léonie Busquet, qui a déjà perdu deux fils dans la catastrophe, s’évanouit en voyant le troisième indemne. Sans un mot, comme figée, Nelly Pruvost étreint son mari et son fils, sauvés tous les deux.
On pleure, on rit, on dit des banalités.
"J’ai surtout eu froid." "Je n’ai jamais perdu espoir." "Je n’ai pas pu fermer l’oeil." "Tiens, te voilà toi." d’un frère aîné à son frère cadet. Un mari à sa femme : "Ben qu’est-ce que tu fous toute habillée en deuil ?
On est submergé par l’émotion.
Le fond ? Un seul y retournera.
Albert Dubois, dix-sept ans, quittera le métier. Le destin, disiez-vous ? Il sera, en 1914, huit ans plus tard, un des premiers soldats français à tomber au champ d’honneur.
L'horreur encore.
"Ma vie à dormir debout ...
Le village était traversé par un ruisseau dans lequel j'allais pêcher de tout petits poissons argentés.
Mon père nous emmenait aussi en promenade sur le Cher, qui poussait tout près de la fermette où nous vivions.
Il adorait pêcher à la ligne au lancer et nous rapportait des brochets ainsi que des tanches. Mon rôle consistait à cultiver les asticots qui servaient d'appâts.
Il m'arrivait aussi de jouer à la guerre avec ma soeur et les voisins. Un homme nous avit fabriqué des fusils en bois. Ma soeur tenait le rôle de l'infirmière, et moi celui du FFI.
Mon autonomie a augmenté le jour où ma grand-mère m'a offert un vélomoteur. J'avais vu un Vélosolex d'occasion en vente dans un charbonnier.
Et ma grand-mère qui m'aimait beaucoup, qui m'appelait "mon tout-petit", m'a donné l'argent qu'elle gagnait en travaillant la nuit dans l'imprimerie de l’Humanité.
Naturellement, cela a contrarié mon père . "C'est le bouquet a-t-il dit à ma mère. Voilà qu'il a un vélomoteur…"
Ma grand-mère habitait rue du Croissant, elle ne manquait jamais de me montrer le café du Croissant, où Jaurès a été assassiné, et l'impact sur l'un des murs de la balle qui l'avait tué.
Avec elle, j'ai vu sur scène les adieux de Mistinguett, j'ai également vu Maurice Chevalier chanter Ma Pomme en se déshabillant sur scène. Il retirait son smoking et se mettait en caleçon avant de s'habiller en clochard, puis, de clochard, il se déshabillait de nouveau sur la scène jusqu'au caleçon pour remettre son smocking.
Et pendant ce temps-là, il chantait la fameuse chanson : "Ma pomme, c'est moi, j'suis plus heureux qu'un roi... Je n'me fais jamais d'mousse, en douce, je m’pousse...
1954. A l'époque j'aimais beaucoup une chanson de Trenet qui s'appelait En Avril à Paris.
"Quand Paris s'éveille au mois d'avril, quand le soleil revient d'exil, quand l'air plus doux berce une jeune romance, quand le printemps vraiment commence... Alors voici qu'aux portes de Paris, du Nord jusqu'au Midi, la France chante et rit, en avril à Paris..."
Je suis donc allé chercher la partition pour la chanter.
A l'époque, les succès du jour se vendaient sous forme de partitions qu'on appelait des "petits formats".
Sur la couverture figurait la photo de la vedette et à l'intérieur, on trouvait toutes les indications pour jouer le morceau. Je me souviens par exemple qu'on voyait André Claveau en couv de La Petite Diligence, Yves Montand pour Les feuilles mortes, Jacqueline François posait pour Mademoiselle de Paris, Edith Piaf pour Les trois cloches…
Puis j'ai vu Mouloudji qui avait fait un triomphe avec Un jour, tu verras, Le petit Coquelicot, La complainte des infidèles, Le voleur ...
"Je suis voleur, j'aime voler, moi je suis comme les aviateurs, les magasins, c'est beau, ça brille, l'intérieur est un océan où tout scintille. Me voivi au rayon des livres, prenons garde au détective, c'est difficile de prendre l'air, l'air de ne pas en avoir l’air..."
Ensuite, je me suis retrouvé avec une 5 CV Citroën qu'à l'époque, on appelait une "petite citron". Il s'agissait d'une petite voiture noire avec des ailes qui ressortaient.
C'était ma première voiture, et elle tombait en panne partout.
Je me souviens qu'à ce moment-là, Colette Renard venait d'exploser avec la comédie musicale Irma la douce. C'est aussi à ce moment-là qu'est apparu le Teppaz : ce lecteur de disque qui comportait un gros trou où on était obligé de mettre un cylindre pour tenir le disque.
Fin 59, Johnny a sorti son premier disque, Itsy Bitsy petit Bikini, et a enregistré Twist Again presque en même temps. Petit Bikini n'a pas plus à Lucien Morisse qui ne voulait pas le passer à la radio parce qu'il ne comprenait pas pourquoi un jeune qui débutait avait pris la chanson de Dalida.
Cela a fait une espèce de pataquès.
Mais avec Twist Again, on a vu que Jonhny commençait à allumer le feu partout. Puis il y a eu la première soirée "yéyé" au Palis des Sports. En première partie, Richard Anthony chantait : "Deux petites pépées dans une petite MG", puis Johnny est arrivé et c'est devenu complètement fou.
A l'époque il rentrait en scène sur la chanson Kily Watch. Tous les jeunes se sont mis à taper dans leurs mains, à chanter avec lui.
Deux films cartonnaient en ce temps-là, Les enfants du Paradis de Marcel Carné et Napoleon d'Abel Gance.
De son côté, Claude François était très malheureux parce que Bécaud lui avait piqué Janet. Puis comme on le sait, il a enregistré Belle, belle, belle, qui a fait de lui en quelques semaines, un recordman de vente de disques.
C'est cette année-là que j'ai rencontré Brel. Il me demandait des anecdotes sur Trenet.
Je me souviens qu'un jour un journaliste lui a demandé ce qu'il pensait de Brassens, Ferré et Mouloudji. "Mon préféré de tous, c'est évidemment Brassens", a répondu Brel. Puis, il a précisé : "Mais celui qui a ouvert la porte, c'est quand même le père Trenet. Je pense que sans lui, nous serions tous aujourd'hui des employés des PTT !".
Puis j'ai rencontré Marlène. Elle avait toujours la nostalgie de Gabin et ne pensait qu'à le revoir.
Elle me parlait de lui chaque jour ; me racontait qu'elle lui avait écrit d'innombrables fois, sans jamais recevoir de réponse. "Sa femme doit intercepter mes lettres", m'avait-elle expliqué. Elle répétait :
"Picasso a eu sa période bleue. Moi, avec Gabin, j'ai eu ma période rose !"
- Vous avez dû beaucoup l'aimer, faisais-je observer.
- Je l'ai plus qu'aimé", répondait-elle, non sans tristesse.
Un jour, elle m'a dit : "Je vais écrire une lettre que vous lui porterez. Je lui dirai que je vais passer à l'Olympia et que toutes les chansons que je chanterai sera pour lui."
J'ai alors déjeuné avec Gabin et j'ai compris pourquoi elle l'avait tellement aimé, pourquoi elle l'aimait encore. Il était à la fois fascinant d'intelligence, de générosité, et d'un naturel impressionnant.
J'ai glissé ma requête et je lui ai donné la lettre où sur l'enveloppe, Marlène avait inscrit : "Pour Monsieur Jean Gabin". Gabin m'a dit : "Fais voir, môme." Il m'a pris la lettre et a dit :
"Ah, c'est encore la Schleue qui me poursuit. Putain de merde ! Elle va me faire chier longtemps celle-là !" Sans la décacheter, il a froissé l'enveloppe dans ses mains.
Il y avait sur la table devant lui un cendrier Cinzano. Gabin a mis la boulette de papier dedans. Il a sorti son briquet Zippo et a mis le feu à la lettre sans même l'avoir ouverte. Je le regardais faire, pétrifié. J'entendais la voix de Marlène qui me répétait chaque jour : "A l'Olympia, je chanterai uniquement pour lui", et je voyais sa lettre se consumer dans le cendrier blanc.
Quand je suis revenu chez elle, elle a commandé une coupe de champagne avant que je parle et à prononcé un seul mot, dans lequel toute son attente était résumée : "Alors ?" J'ai répondu que j'avais bien donné la lettre à Gabin. "Et comment a-t-il pris ça ?" Je ne pouvais pas lui dire ce qu'il avait fait. J'ai donc menti. "Il l'a mise dans la poche de son veston. Et il n'a rien dit à personne."
"Ah bon, et vous ne pouvez pas savoir par votre ami ? a-t-elle demandé encore. - Non, Roger ne m'a rien dit." Pour rien au monde, je n'aurais voulu lui faire de la peine en lui disant comment Gabin avait réagi...
La rencontre de ma vie.
Je chantais Les boutons dorés ...
"En casquette à galons dorés
En capote à boutons dorés
Tout au long des jeudis sans fin
Voyez passer les orphelins ...
... et pendant que je chantais, j'ai remarqué une jeune fille aux cheveux châtains, avec une robe rouge cerise, assise dans un canapé.
Elle me regardait et j'ai eu une impression très forte. C'était comme si je me trouvais face à quelqu'un venu d'un autre monde. Elle avait un grâce, une lumière qui émanait d'elle, qui la rendaient très singulière. De ce fait, elle m'est apparue comme une petite princesse. Tout en chantant, je me disais : "Qu'est-ce qu'elle doit être jolie sur une scène ! »
La chanson terminée, je suis allé directement vers elle. Je lui ai demandé son nom : "Je m'appelle Chantal de Guerre. »
J'étais dans un trouble extrême, et pourtant j'avais une intuition très forte, que je lui ai confiée : "J'ai l'impression que nous allons nous marier un jour, lui ai-je dit, que nous aurons deux enfants. Vous serez célèbre vers trente ans et vous chanterez à l'Opéra de Paris. »
Elle m'a répondu très sérieusement : "Qu'on se marie, ça peut arriver ; deux enfants, ça peut arriver aussi. Pour ce qui est de la célébrité à trente ans, je veux bien le croire. Mais en ce qui concerne le fait de chanter à l'Opéra de Pari, ça me semble très improbable. Je ne suis pas la Callas. Alors j'ai l'impression que vous vous moquez de moi."
J'étais déjà sous le charme.
Comme m'avait dit Marlene, un jour : "Il faut se méfier de ces petites. Elles savent se faufiler partout, même à travers les larmes." Chantal aussi, je crois qu'elle a magnifiquement su se faufiler à travers les larmes de sa vie.
C'est à ce moment-là que Sylvie Vartan a gagné ses galons de grande vedette. Je chante pour Swany a été un tube énorme, en Italie, au Japon, partout.
Je me souviens qu'ensuite quand j'ai chanté à l'Olympia avec Souchon qui débutait en première partie, Coquatrix s'est énervé parce qu'Alain voulait chanter en blue-jean...
"Ici, M. Sinatra, Nat King Cole, Armstrong chantent en smoking ! Marlene Dietrich met ce qu'elle a de mieux ! Alors, je ne vois pas pourquoi M. Souchon se permettrait de venir habillé avec une culotte de charpentier. Il ne lui manque plus que le mètre qui dépasse de la poche, une perceuse dans une main et un marteau-piqueur dans l'autre ! Il ne respecte pas le public !"
De son côté, Chantal commençait a cartonné avec "Voulez-vous danser grand-mère ».
"O, quelle cérémonie
Pour grand-père et grand maman,
La famille est réunie
Pour leurs noces de diamant ...
"MA MAMIE M'A DIT"
Spectacle nostalgique
COLLECTION "COMEDIE"
Mamie n'a jamais été Zlatanée !
Mamie doit travailler plus pour gagner plus
Mamie, tu l'aimes ou tu la quittes
Il y a quelqu'un dans le ventre de Mamie
La petite maison close dans la prairie
COLLECTION "THRILLER"
Landru a invité Mamie à la campagne...
Mamie a rendez-vous chez le docteur Petiot
COLLECTION "SAGA"
Mamie et les cigares du pharaon
Champollion, l'homme qui fit parler l'Egypte
COLLECTION "LES CHOSES DE MAMIE"
Mamie boit dans un verre Duralex
Mamie ne mange que des cachous Lajaunie
COLLECTION "COUP DE COEUR"
Mamie et le trésor de Rackham le Rouge
COLLECTION "DECOUVERTE"
COLLECTION "SUR LA ROUTE DE MAMIE"
24 heures dans la vie de Mamie
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Mamie embarque sur le Potemkine
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COLLECTION "MAMIE EN BALLADE"
Mamie voulait revoir sa Normandie !
COLLECTION "MAMIE AU TEMPS DES COURTISANES"