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2 septembre 2012 7 02 /09 /septembre /2012 16:15

Le Petit Journal illustré"Un sac de billes.

 

 De tous mes souvenirs d’enfance, voici l’un des meilleurs. Certains soirs, mon papa entrait dans la chambre, s’asseyait sur mon lit et commençait les récits de grand-père.

 Les enfants aiment les histoires, on leur en lit, on leur en invente mais pour moi ce fut différent. Le héros en était mon grand-père dont je pouvais voir dans le salon un daguerréotype sur cadre ovale. Le visage sévère et moustachu avait pris avec le temps une couleur rose délavée comme en ont les layettes des bébés.

 Il s’appuyait sur un dossier de chaise qui semblait ridiculement chétif et prêt à s’effondrer sous le poids du géant. Il le reste de ces récits le souvenir confus d’une série d’aventures s’imbriquant les unes dans les autres comme des tables gigognes dans un décor de déserts blancs de neige.

 Mon grand-père avait douze fils, était un homme doux et généreux. Ces récits ont bercé mon enfance, je voyais les crosses des fusils s’enfoncer dans les portes, brisant les vitres, la fuite éperdue des paysans, les flammes courant sur les poutres des isbas, il y a dans mes yeux un tourbillon de lames de sabre, d’haleines de chevaux  lancés, de lueurs d’éperon et par dessus tout, se détachant dans la fumée, la figure gigantesque de mon aïeul Jacob Joffo.

Mon grand-père n’était pas homme à laisser massacrer ses amis sans rien faire.

En classe, je revois de mémoire la tête du maréchal Pétain. Une belle tête digne avec un képi. En dessous, il y avait une phrase suivie de sa signature : "Je tiens mes promesses, même celle des autres." Je me demandais à qui il avait bien pu promettre de me faire porter une étoile. Ca avançait à quoi ? Et pourquoi les autres cherchaient-ils à me dérouiller ?

Cette étoile est cousu à gros points et le fil n’est pas très solide. Je l’ai échangé avec Zérati. Ses yeux brillent.

Mon étoile. Pour un sac de billes.

Ce fut ma première affaire.

  Nous n’avons jamais manqué de réglisse dans mon enfance. Des rouleaux noirs caoutchouteux qui collaient aux dents et aux boyaux et nous flanquaient d’opiniâtres constipations.

 Dans les conversations des mots revenaient souvent : Ausweiss, Kommandantur, ligne de démarcation... Des noms de ville aussi : Marseille, Nice, Casablanca.

 Dix ans de ma vie pour une grenadine glacée.

 La nuit les vélos font du bruit, c’est à cause du frottement de la roulette sur le pneu pour l’éclairage. Mais le plus fort de tout c’est que le cycliste sifflote. Un léger sifflotement, un air joyeux, c’est une chanson de Tino Rossi.

 

"Vingt-sept kilomètres à pied, ça use, ça use...

"Vingt sept kilomètres à pied, ça use les souliers..."

Nous n’avons pas fait vingt-sept kilomètres, à peine trois mais c’est la vingt-septième fois que nous reprenions le refrain.

 

 Dans les magasins, on ne trouvait plus que des courgettes, les gens faisaient la queue pour la salade, les topinambours étaient pris d’assaut. En un an mon père avait perdu douze kilos.

Je portais toujours un béret. Cela ne se fait plus aujourd’hui, sans doute les enfants sont-ils moins fragiles de la tête qu’ils ne l’étaient autrefois.

Une partie de foot sur la plage. Les ballons étaient plus que rares à l’époque. Mon frère était goal. Nous délimitions les buts avec nos manteaux et je shootais à perdre haleine, hurlant de triomphe lorsqu’il n'arrivait pas à bloquer le ballon.

A la maison, j’étais le spécialiste des pâtes. Cuites à l’eau avec un petit morceau de margarine, du sel, je tartinais le dessus du plat avec de la cancoillote qui remplaçait le gruyère et que l’on trouvait assez facilement dans les épiceries et je passais le tout au four pour faire gratiner, c’était un régal.

Il y a des mauvais souvenirs aussi, des phrases qui font mal...

- C’est la faute à Jo s’il y a la guerre

- Parfaitement, il faut les virer les youds.

 

 Au moment de la guerre, j’étais un gosse moi, avec des billes, des taloches, des cavalcades, des jouets, des leçons à apprendre, les ballades du dimanche avec papa, la semaine en classe et tout d’un coup on me colle quelques centimètres carrés de tissu et je deviens juif.

Juif, qu’est-ce que ça veut dire d’abord ? C’est quoi, un juif ?

Je sens la colère qui vient doublée de la rage de ne pas comprendre.

A la récrée, j’ai alors entendu :

- Prenez vos cahiers, la date dans la marge, en titre : le sillon rhodanien.

On était loin de l’atmosphère obscurcie par les boulettes qui régnait avec la maîtresse précédente. Le père Boulier, il avait une manie : c’était le silence.

 Il voulait toujours entendre les mouches voler, quand il entendait un bavardage, un porte-plume qui tombait ou n’importe quoi d’autre, il n’y allait pas par quatre chemin, son index désignait le coupable et la sentence tombait en couperet : "Au piquet à la récréation, trente lignes - Conjuguer le verbe "faire moins de bruit à l’avenir» au passé-composé, plus-que-parfait et futur antérieur."

J’ai posé mon ardoise sur le coin du bureau. C’était une vraie ardoise et c’était rare à l’époque, la plupart d’entre nous avaient des sortes de rectangles de carton noir qu’il ne fallait pas trop mouiller et sur lequel on écrivait mal.

Moi c’était une vraie avec un cadre de bois et un trou qui laissait passer la ficelle retenant l’éponge. Du bout du doigt, je l’ai poussée. Elle s’est balancée un court moment et est tombée.

Braoum.

Le père Boulier écrivait au tableau et s’est retourné.

Il a regardé l’ardoise par terre puis moi.

Tous les autres nous fixaient.

C’est rare qu’un élève cherche à être puni. Moi je le voulais, ça aurait été la preuve que rien n’avait changé, que j’étais toujours le même, un écolier comme les autres que l’on peut interroger, punir, féliciter.

Le maître m’a regardé puis son regard est devenu vide. Lentement, il a pris la grande règle sur son bureau et il en a placé l’extrémité sur la carte de France suspendue au mur comme si de rien n’était.

 Le gouvernement de Vichy, ayant jugé que les enfants de France pouvaient souffrir des privations, distribuait à quatre heures des biscuits vitaminés qui donnaient lieu à d’infinis tractations (quatre billes contre une pilule super-vitaminée).

 Pour les plus chétifs, l’infirmière préposée à l’établissement distribuait sur le coup de dix heures des pastilles acidulées super-vitaminées et des cuillerées d’huile de foie de morue. Au même moment, dans la France entière, tous les écoliers de six à quatorze ans avalaient la purge avec la même grimace.

 Dans le midi, nous avons eu droit à quelques : "Parisiens, têtes de chien, Parigots, tête de veau", mais aux alentours de dix ans, la possession d'un ballon arrange bien les choses.

 A l'école, mon maître fut un très vieux monsieur à barbiche qui s'était retiré depuis un grand nombre d'années et qui tentait trois cents fois par jour d'imposer le silence à une meute déchaînée de trente-cinq élèves au milieu d'une atmosphère obscurcie par les boulettes. C'était la période des compositions parmi lesquelles celle de géométrie me causait bien du souci.

 Il faisait froid déjà et l'instituteur allumait le poêle de la classe chaque matin.

Je joue alors avec François, un cancre invétéré. Il a de l'encre jusqu'aux poignets, des yeux qui ont toujours l'air de se foutre du monde et il sort rarement de l'école avec les autres, il est en retenue tous les jours et s'il lui arrivait de franchir la porte à quatre heures et demi, il serait sans doute fort étonné. Cependant, il est le préféré du directeur parce qu'il a une voix merveilleuse.

Ce roi des chahuteurs, ce tireur d'élastiques, ce recordman des lignes supplémentaires possédait la plus belle voix de Soprano que j'ai jamais entendue. Lorsqu'il chantait dans la cour, j'en oubliais ma partie de football. Il monnayait d'ailleurs habilement son talent et poussait la romance en échange de plumes, rouleaux de réglisse et autres dons.

 Je me souviens aussi d'un anniversaire de ma maman qui avait reçu une machine à coudre Singer, ce qui était pour l'école une machine à coudre appréciable. Elle pourrait dorénavant se faire beaucoup plus de choses sans avoir à tirer l'aiguille de longues journées devant la fenêtre.

 La fin de la guerre ? Il y eut chaque soir une cérémonie que, je le suppose, la plupart des familles françaises de cette époque. Sur un planisphère fixé au mur, nous plantions des petits drapeaux reliés entre eux par du fil à repriser, les petits drapeaux étaient des épingles avec un petit rectangle de papier collé.

 D'un côté les Russes, de l'autre les Américains et au milieu les Allemands. Londres déversait des noms que nous notions à toute vitesse et sur les villes nouvellement conquises, nous plantions les drapeaux de la victoire.

 Stalingrad dégagé, ce fut  Kharkov, Rostov, Kiev...

 Il fallait aussi s'occuper de l'Afrique et là il y avait un ennui : une grande bataille se déroulait à El Alamein. Mais impossible de trouver El Alamein sur la carte. Mais ce qui me remplit d'enthousiasme, ce fut le 10 juillet 1943 le débarquement des Alliés en Sicile.

En classe, nous étions intenables. Chaque fois qu'un élève frappait à la porte pour demander un renseignement, la liste de la cantine, de la craie, une carte de géographie, la moitié de la classe se levait en criant : "Voilà les Américains !"

 C'était la fin du mythe de la défense élastique.

La classe verte ? "La soupe à six heures, baisser des couleurs à sept, toilette à huit heures trente, coucher à neuf, extinction des feux à neuf heures quinze." Je me souviens que de ça.

 A l'école, je jouais à chat, chat perché, chat coupé, au prisonnier, à la balle, aux billes, , alors là il y a tous les jeux, à la tique, à la patte, au trou, au paquet, aux osselets aussi.

 Rideau.

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Published by Régis IGLESIAS - dans Les souvenirs de ...

Livre d'or

Première affiche

 

  "MA MAMIE M'A DIT"  

Spectacle nostalgique 

 

"On nous avait promis la magie, promesse tenue : un spectacle plein de féérie de souvenirs où chacun se retrouvait. Une belle énergie. Les résidents ont adoré. Merci." Marie ("La Clairière de Luci" - Bordeaux)
 
"Formidable ! Nous sommes tous remontés dans le temps, nous avons vingt ans, on a ri, on a presque pleuré et surtout on a chanté. Merci." Cathy (Arles)
 
"Un véritable petit chef d'oeuvre" ; "La légion d'honneur pour la créativité" "Un véritable artiste" ; "Après-midi formidable" ; "Absolument parfait" ; "Une rétrospective originale" ; "Un très bon moment d'évasion". Propos recueillis à la résidence Emera d'Angoulême  
 
"Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux... C'était magnifique. Nous avons revu toute notre jeunesse et notre enfance. Et c'est beau de redevenir jeune dans l'ambiance d'autrefois." Aimée et Janine
 
"Les chansons, les réclames et les anecdotes ont transporté les résidents dans leur enfance. Une après-midi de nostalgie mais aussi de chansons et de rires. Merci encore pour ce magnifique spectacle." Sandrine
 
"Spectacle complet, tellement agréable et thérapeutique pour nos personnes âgées, encore félicitations !" Docteur Souque
 
"Un choix extraordinaire de chansons, des moments magiques, des photos magnifiques, vous nous avez mis de la joie dans le coeur. Et retrouver sa jeunesse avec tous ces souvenirs, ça fait plaisir et j'espère que vous reviendrez nous voir." Mme Lorenzi (Juan-Les-Pins)
 
"Pour ma fête, par un pur hasard je me suis retrouvé dans un club de personnes âgées où j'ai pu assister à votre spectacle sur le passé. Cela m'a rappelé mes grands-parents et mes parents et c'était vraiment un moment magique." Josette, La Roque d'Antheron
 
"Bravo bravo bravo Regis, c'est le meilleur spectacle que j'ai vu depuis que je fais le métier d'animatrice." Bénédicte La Salette-Montval (Marseille)
 
"Je n'imaginais pas lorsque je vous ai accordé un rendez-vous que vous enchanteriez pendant 1 h 1/4 les personnes âgées d'une telle façon. Merci pour votre prestation qui a fait revivre les moments publicitaires, évènementiels et musicaux de leurs vies." Michelle, CCAS de Toulouse
 
"Un super voyage dans le temps pour le plus grand plaisir des résidents. Merci à Régis pour cette magie et à bientôt." Brigitte (Lunel)
 
"Enfin un retour à notre "époque". Quel bonheur, que de souvenirs, quelle belle époque ou l'amitié était de mise. Merci pour cette très belle après-midi, on s'est régalé avec ce très très beau spectacle". Danielle (Mirandol)
 
"Super - divinement bien -  tout le monde était enchanté même que M. Benaben a dit : "Vous nous avez donné l'envie de revivre notre vie"." Sylvie (Sainte Barthe)
 
"Un grand merci pour ce bon moment et je crois, je suis sûre, qu'il a été partagé par mon mari." Mme Delbreil
 
"Une féérie de l'instant." Christian
 
"Beaucoup d'émotion dans ce spectacle plein de chaleur et d'humanité." Sylvie
 
"Une soirée inoubliable. Continuez à nous émerveiller et faites un long chemin." Claude
 
"Le meilleur spectacle que j'ai jamais vu. De loin." Tonton Kiko
 
"C'est bien simple, je n'ai plus de Rimmel !" Claudine (seconde femme de Tonton Kiko)
 
"A ma grande surprise, j'ai versé ma larme. Tu as atteint mon coeur. Bravo pour ces sentiments, ces émotions fortes, j'ai eu des frissons par moment." Ta couse Céline
 
"Redge, encore un bon moment passé en ta présence. On était venu plus pour toi que pour le spectacle, mais quelle agréable surprise ! On est fier de toi, continues d'oser, de vivre !" Pascale
 
"J'avais froid, un peu hagard, l'humeur moribonde et puis voilà, il y a toi avec toute ta générosité, l'intérêt, l'affection que tu as toujours su apporter aux autres, à moi aussi et Dieu sait si tu m'as rendu la vie belle depuis qu'on se connaît comme tu as su le faire une fois de plus." Jérôme
 
"Ce spectacle est nul à chier et je pèse mes mots." Gérard
 
memoria.viva@live.fr

Ma Mamie m'a dit...

Madka Regis 3-copie-1

 

COLLECTION "COMEDIE"

Mamie est sur Tweeter

Mamie n'a jamais été Zlatanée !

Mamie doit travailler plus pour gagner plus

Mamie, tu l'aimes ou tu la quittes

"Casse-toi pauvre Régis !"

Papi a été pris pour un Rom

Mamie est sur Facebook

Papi est sur Meetic

Il y a quelqu'un dans le ventre de Mamie

Mamie n'a pas la grippe A

La petite maison close dans la prairie

 

COLLECTION "THRILLER"

Landru a invité Mamie à la campagne...

Sacco et Vanzetti

Mamie a rendez-vous chez le docteur Petiot

La Gestapo française

Hiroshima

 

COLLECTION "SAGA"

Les Windsor

Mamie et les cigares du pharaon

Champollion, l'homme qui fit parler l'Egypte

Mamie à Tombouctou

 

COLLECTION "LES CHOSES DE MAMIE"

Mamie boit dans un verre Duralex

Le cadeau Bonux

Le bol de chocolat chaud

Super Cocotte

Mamie ne mange que des cachous Lajaunie

 

COLLECTION "COUP DE COEUR"

Mamie la gauloise

Mamie roule en DS

Mamie ne rate jamais un apéro

Mamie et le trésor de Rackham le Rouge

 

COLLECTION "DECOUVERTE"

Mamie va au bal

La fête de la Rosière

Mamie au music-hall

Mamie au Salon de l'auto

 

COLLECTION "SUR LA ROUTE DE MAMIE"

Quand Papi rencontre Mamie

Un Papi et une Mamie

Mamie fait de la résistance

Mamie au cimetière

24 heures dans la vie de Mamie

 

COLLECTION "MAMIE EXPLORE LE TEMPS"

Jaurès

Mamie embarque sur le Potemkine

Mamie et les poilus

Auschwitz

 

COLLECTION "FRISSONS"

Le regard de Guynemer

Mr et Mme Blériot

Lindbergh décroche la timbale

Nobile prend des risques

 

COLLECTION "MAMIE EN BALLADE"

Mamie chez les Bretons

Mamie voulait revoir sa Normandie !

La fouace Normande

La campagne, ça vous gagne...

Mamie à la salle des fêtes

Launaguet

La semaine bleue

Le monastère

 

COLLECTION "MAMIE AU TEMPS DES COURTISANES"

Lola Montès

Les lorettes

Mme M.

Napoléon III

Plonplon

La marquise de Païva

Mme de Pompadour

Générique de fin