"Lettre ouverte à ma femme. Morceaux choisis :
Le soir, à peine entrés dans la chambre, tu mets tes bras autour de mon cou et ta langue dans ma bouche. Nous restons ainsi quelques secondes pendant lesquelles je remonte ta jupe par-derrière et te caresse les fesses.
Alors la jeune femme au regard sans mystère, à la coiffure sage, aux vêtements sans ostentation, la parente d'élève irréprochable, la fille affectueuse, la tante aimée, la mère attentive, la charmante voisine, la première levée, la dernière couchée, la reine des confitures de myrtilles, celle qui lave plus blanc, la championne du bigoudi, la buveuse d'infusions, la traqueuse de poussière, la parfaite maîtresse de maison...
Mais aussi celle que j'ai connue vierge sortant du couvent, l'ange du foyer devient une créature du diable, brûlante, palpitante, ardente, succulente, exigeante, déchaînée, experte, cochonne, insatiable, impudique, obscène, geisha, salope, qui murmure des mots trop gros pour sa bouche, qui me supplie de lui dire ce que je fais et de lui faire ce que je n'ose pas lui dire et de lui décrire ce que je n'ose pas lui faire.
Dans un miroir placé à la tête du lit comme par inadvertance, elle cherche le meilleur exemple pour contempler nos deux corps soudés et luisants.
Et elle me supplie encore de la prendre comme Emmanuelle dans l'avion, comme O à Roissy, comme la femme-biche par l'homme éléphant dans le Kama Soutra, comme Eugénie par Dolmancé dans La Philosophie dans le boudoir, comme Fanny Hill par Charles, comme Pierre Louys par Ricette, Lili Teresa et Charlotte, comme Léda par le Cygne.
En général, je me réveille avant la fin de ce rêve d'un phallocratisme dégoulinant.
On a les fantasmes qu'on mérite. Les miens sont relativement simples. Je ne suis pas très compliqué. Rêver que sa femme est mère et putain, c'est banal pour un homme. Vous avez sans doute raison d'appeler cela une oppression, une servitude et un avilissement.
Mais moi je me dis : quand on mange du poulet, se pose-t-on la question de savoir si le poulet aime être mangé ?
Dans le fond, et tu le sais bien, je m'ennuierais avec la femme que je viens de décrire, mais tant d'hommes préfèrent s'ennuyer plutôt que d'avoir des ennuis !
Je ne faisais jamais l'amour lorsque j'avais vingt ans. J'étais timide. Inexpérimenté, assez fauché.
On s'embrassait dans les surprises-parties lorsque les parents, qui n'étaient jamais bien loin, tournaient le dos. On se serrait en dansant. Je me demande ce que les filles pensaient de cette bosse dure que nous trimballions entre nos jambes.
Rarement, car c'était cher pour moi, je me payais une prostituée. J'allais dans une rue chaude et je passais et repassais. Sans conclure, parfois, si je ne trouvais pas la fille qui me convenait. j'étais plut^ot attiré par celles qui n'avaient pas troop l'air putain.
Les lèvres très fardées, le style Viviane Romance, les robes fendues en satin noir ultra-courtes me rebutaient. le coeur battant à tout rompre, j'accostais la pauvre créature et d'une voix entrecoupée lui demandais son prix.
C'était dix francs environ, ou quinze.
Dans la chambre, d'un sordide rassurant, je sortai mon billet préparé à l'avance. "Si tu me donnes un petit peu plus, je me déshabille", disaient-elles toujours.
Je m'y attendais. J'avais un autre petit billet dans la poche. "C'est tout ce que tu as ? Tu ne veux pas qu'on reste un quart d'heure ? Je te sucerai bien."
Voyant mon embarras, elles n'insistaient pas et commençaient à me laver soigneusement un sexe pas très vaillant au savon de Marseille.
Ensuite, elles me désigbnaient l'inévitable dessus de lit à fleurs sur lequel je m'étendais, gardant mes chaussettes lorsqu'elles n'étaient pas trouées.
Elles se fourraient mon sexe dans la bouche et m'infligeaient une fellation aussi énergique que distraite. Lorsque j'étais rigide, elles se couchaient, écartaient les jambes et me disaient d'une voix impatiente. "Alors, tu viens ?"
Je venais. Et en trois coup de reins c'était terminé. Ensuite, j'étais pressé de partir. Je me retrouvais dehors, une petite fatigue dans les jambes. Assez cafardeux, sans un sou sur moi. Il ne me restait plus qu'à rentrer chez moi.
Là, las, dans mon lit, je déversais mon sperme dans un mouchoir que j'avais sournoisement préparé à cet effet et glissé sous le matelas.
La suite ? j'ai eu pas mal d'aventures. mais si je parle autant de ma sexualité, c'est certainement que j'y prends du plaisir. peu importe si ce plaisir est sain ou malsain, le plaisir, c'est le plaisir. Et je déplore que nous n'ayons pas le temps ni le loisir de nous aimer mieux et plus souvent.
Pris que nous sommes dans le "tourbillon de la vie quotidienne". Si j'ai le courage et l'impudeur d'avouer tout cela, c'est que je reste persuadé que c'est le lot de la plupart de mes concitoyens.
faire l'amour au moment où on en a vraiment envie et dans de bonnes conditions, c'est une aventure exceptionnelle.