"Les Marocains.
Ma Mamie a toujours aimé les Marocains. Toujours. A part au début...
Elle m'a dit qu'"il y avait beaucoup de Marocains dans les mines et que quand il y avait le ramadan, ceux qui étaient du matin ne mangeaient rien. Ça ne les empêchait pas de travailler. Ils sont arrivés dans les années 70, c'était dur pour eux au départ, ils vivaient dans des baraques en tôle, c'étaient des misérables, puis ils n'avaient pas leurs femmes. Ils ont vécu dans la misère pendant longtemps, et ne se sont pas tout de suite acclimaté. Certains n'avaient jamais vu de vélo par exemple, ils montaient dessus et se cassaient la gueule ! On se méfiait d'eux. Leur intégration s'est faite facilement pourtant, mais ça n'a pas valu les Polonais. Pourtant on se méfiait aussi des Polonais !"
Puis ils se sont intégrés, aidés malgré tout par les mineurs français et polonais. Au final, ils avaient plus de courage que les autres, même avec des difficultés d'intégration.
Papi avait un ami marocain. Il s'appelait Badaï. Il l'avait invité chez lui à Ouarzazate. Ils fêtaient la Sainte-Barbe ensemble. Il ramenait des gâteaux, des boissons, pas d'alcool. Pendant cette fête, les Français descendaient beaucoup d'alcool au fond, ils le cachaient une semaine avant, ils buvaient beaucoup. Et après, les Marocains les remontaient !
Badaï travaillait dans l'agriculture à Taroudant, il cultivait de l'orge, du maïs, des oranges.
Il avait des moutons, des chèvres, il vendait aussi du lait et du miel.
Un jour, il avait reçu une lettre qui disait : "Monsieur Badou, il faut venir à une réunion tel jour."
Il y est allé et à rencontré le recruteur des mines. "Il y avait beaucoup de monde, c'était un coup de chance. Il ne prenait pas les vieux, pas les trop maigres, ils voulaient des jeunes en bonne santé. Ensuite, il fallait passer la visite médicale. Il a dit à certains d'entre nous : "Tu viens la semaine prochaine à Agadir passer la visite."
Le médecin lui a dit : "Tu es trop jeune" mais le recruteur a ajouté "Donne-moi ta main, fais voir comment elle est", il a regardé et à dit : "Celui-là, il va arriver en France, il va travailler un an et bien grossir. Tu vas bien manger."
Ensuite, ils se sont occupés de tout.
Quand Badou est arrivé, il a demandé à Papi où était le couché du soleil levant pour faire la prière.
"On faisait la prière avec eux pour rigoler, ils savaient qu'on riait. Ça se passait bien. Ils chantaient toujours Téléphonez-moi chérie. J'en connaissais un qui, quand le travail ne marchait pas, il se retournait et montrait son cul au charbon !"
Le chef de taille râlait parce qu'ils quittaient le boulot un peu trop tôt. Du coup, il m'a dit : "Demain aucun sort avant l'heure, tu verras." Il avait accroché des oreilles de cochon bien en vue, dans le passage, alors ils ne sont pas passés !
Un jour Mamie et Papi avaient été invités chez un chef de taille marocain à manger le tajine. Il mangeait avec les mains, sans alcool, mais pour eux il avait mis les couverts et une bouteille de vin !
A la fin, Mon papi aussi aimait beaucoup les Marocains.
"Les Marocains étaient très bons, comme les Polonais. En revanche, les Italiens, je n'ai jamais pu les encaisser ! Ils faisaient des coups en douce et ils draguaient nos femmes... Pendant six mois, je me suis occupé de tout un quartier de nuit, rien qu'avec des Marocains, je n'ai jamais eu à m'en plaindre. On s'amusait comme des fous.
Ce sont des gens très bien."