"La fin tragique de "Coeur d'or".
Dans les années 30, le marché du disque explose.
Dans cette course au disque, Berthe Sylva est en première ligne avec plus de 250 titres gravés dont Le raccommodeur de faïence écoulé à plus de deux cent mille exemplaires, un record fabuleux pour l’époque.
Si bien que des décennies plus tard, le chant désespéré de celle que l’on surnomme "Coeur d’or" nous est heureusement parvenu. Qui n’aura pas au moins une fois dans sa vie entendu ses Roses blanches ?
"C’est aujourd’hui dimanche, tiens ma jolie maman
Voici des roses blanches, toi qui les aimes tant
Va quand je serai grand, j’achèterai au marchand
Toutes ces roses blanches, pour toi jolie maman
Ce ne serait là qu’une comptine enfantine si à son arrivée à l’hôpital, l’adorable enfant ne se retrouvait pas face au corps sans vie de sa jolie maman.
Berthe Sylva, Faquet pour l’état civil, née en Bretagne entre 1885 et 1886 - les détails de sa naissance se seraient égarés... - n’a rencontré le succès qu’à plus de 40 ans, mais celui-ci fut immense.
Ses accents déchirants, les sanglots profonds qui brisent sa voix sur Rends-moi mon papa ou l’éternel On a pas tous les jours vingt ans sont des sommets dans l’art douloureux du mélodrame. Au point que l’artiste suscite les passions les plus folles...
En 1935, ses fans auraient lacérés les banquettes de l’Alcazar et enfoncé les portes de sa loge. Et l’un de ses passages sur Radio-Toulouse lui aurait valu de recevoir 16 000 lettres d’admiration ! Ni plus, ni moins.
16 000 !
Son art du mélodrame ne serait parfait si elle n’avait rencontré à la ville les affres qu’elle a tant chantées à la scène.
Ainsi, en 1940, acculée à la pauvreté et ravagée par la boisson, elle s’installe à Marseille où elle meurt l’année suivante. La maison de disques règle l’ardoise de ses obsèques mais quelques années plus tard, personne n’ayant renouvelé la concession funéraire, la dépouille de cette idole du peuple rejoint la fosse commune.
Fred Gouin, l’inoubliable interprète de La chanson des blés d’or, qui fut l’amant de la chanteuse ne se remettra jamais de sa disparition, si bien que par dépit, il lâchera le métier et sillonnera la France jusqu’à sa mort en 59 - non plus en semant des refrains - mais en vendant des frites !
Rideau.