"Une photo, là, sous vos yeux...
Dans la boutique, tous les clients viennent voir Jeanne, la plus ravissante des vendeuses. Son prénom est plus joli que son nom : Bécu.
La future Mme du Barry - car c’est d’elle dont il s’agit - est née à Vaucouleurs le 10 août 1743. Elle est la fille d'une couturière de moeurs aussi légères que son aiguille et d’un moine, J.B Gomard de Vaubernier, en religion Frère Ange... mais on n’avait jamais vu un ange d’aussi peu de vertu !
Jeanne, après avoir reçu une bonne éducation dans un couvent parisien était devenue demoiselle de compagnie chez une noble veuve qui acheva d’en faire une exquise jeune fille qui pouvait parfaitement faire illusion sur son origine.
Seule ombre au tableau, ses parents lui ont légué le goût de l’amour libre - si libre que la noble veuve met sa jeune dame de compagnie à la porte. C’est alors que Jeanne entre chez Labille, où, tout en folâtrant entre les rubans, elle sème des passions...
Il faut dire à son excuse qu’on ne pouvait - même dans les plus beaux rêves - imaginer plus jolie blondeur de dix-huit ans. Et puis, par dessus le marché, elle est sensuelle.
Quant à la grâce de son corps, que l’on devine même lorsqu’on est doué de peu d’imagination, c’est la perfection, une perfection que Jeanne, point égoïste, ne tient nullement à garder pour elle et pour son miroir. Nombreux, dit-on, sont ceux qui ont pu serrer ce corps dans leur bras. On conte même - et ce n’est pas impossible - qu’elle devint pensionnaire d’une de ces maisons de jeu où l’on ne jouait pas seulement aux cartes...
Est-ce là, est-ce dans la boutique de Labille qu’elle est remarquée par ce fripon, ce cynique de Jean du Barry ?
On ne sait au juste.
On sait en revanche qu’il est devenu son amant et qu’il avait des vues sur le trône.
On sait aussi que le roi a éconduit Mme de la Popelinière alors que cette dernière s’était - un peu gênée et dans le plus simple appareil - glissée entre les draps de soie du roi.
La suite ? Quand Louis XV la rejoint... Il y a un silence... Puis :
- Madame, soupire le roi, il faut m’excuser, je ne suis plus jeune ; je suis sur que votre personne mérite tous les hommages, mais un roi n’est pas plus un homme comme un autre, malgré la meilleure volonté... Habillez-vous, je vais vous raccompagner.
L’amant de Jeanne était certain que sa maîtresse possédait plus d’imagination que Mme de La Popelinière... Comment le comte du Barry parvint-il exactement à ses fins ? On l’ignore. Mais ma Mamie a son idée derrière la tête...
Il a invité Lebel à dîner chez lui et lui a présenté Jeanne... La-dessus, le valet du chambre fait le récit au roi qui s'enflamme. Il désire voir la merveille annoncée et est ébloui dès le premier regard. Le maréchal Richelieu, cette vieille machine a galanterie, en fut quelque peu étonné :
- Un nouvel astre va-t-il se lever à Versailles ?
- Attendez d’abord qu’il se couche, lui répondit du Barry.
Ainsi fut fait... Et "l’astre" contenta le roi au delà du possible.
- Mais en quoi, Sire, Mme de Barry est-elle capable de vous émouvoir ainsi ? demanda Richelieu.
- Mon cher maréchal, vous ne connaissez pas ses charmes ; c’est la seule femme de France qui ait trouvé le secret de me faire oublier que je suis sexagénaire.
Quant à l’ex petite grisette, elle trouva le roi à son goût. Et d’une parce que c’était le roi et de deux parce que, même à cinquante-neuf ans, Louis XV avait plus de charme que bien des jeunes gens.
Bref, la merveilleuse aventure de Jeanne Bécu, baptisée pour la circonstance comtesse du Barry, commençait...