"Prénom : Isabelle
Nom : Mercier
Surnom : No Mercy ("Sans pitié")
Profession : Bluffeuse
Isabelle, qu'est-ce que vous faites dans la vie ?
Je suis joueuse de poker professionnelle.
D'où vient ce surnom de "No Mercy" (sans pitié) ?
C'est Mike Sexton qui me l'a donné à l'antenne. j'adore ! Cela veut dire 'cassez-vous", "ne restez pas sur mon chemin". C'est parfait, quelle consécration ! Dans le poker, on ne choisit pas son surnom, c'est un autre joueur qui vous baptise... Gus Hansen est The great Dane (pour super-Danois), Phil Hellmuth est le Poker Brat (le sale gosse du poker), Mike Matusow est The Mouth (parce qu'il n'arrête pas de parler), la plupart des surnoms ont été trouvés à l'occasion des tournois télévisés...
Quel est votre rêve ?
Devenir championne du monde. L'année dernière Jamie Gold a dû battre 8773 joueurs pour obtenir la place suprême. Pourquoi le destin s'arrêterait-il cette fois sur moi ? Pourquoi ? Parce que j'y crois.
Est-ce qu'il y a de belles histoires dans le poker, des histoires où il est question d'audace, de détermination ?
Le monde du poker connaît l'histoire du duel légendaire entre Johnny Moss et Nick "le Grec" Dandalos. La partie de Stud à cinq cartes a commencé un dimanche de janvier 1949, elle a duré 21 semaines, soit un peu plus de cinq mois. Les joueurs faisaient un break tous les quatre jours !
Le Grec a terminé par cette fameuse phrase : "Monsieur Moss, je crois qu'il est temps que je vous laisse partir." Moss avait remporté la bagatelle de trois millions de dollars, l'équivalent de 100 millions de dollars aujourd'hui.
Est-ce difficile d'être une femme dans un monde d'hommes ?
Les femmes peuvent être méchantes, vicieuses, mais l'agressivité n'est pas spontanée. Notre point fort, c'est notre sixième sens, une certaine intuition des situations. Face à une femme, un homme a toujours du mal à cacher ses mensonges. Quand il essaie de mentir, ça se voit ; le plus drôle, c'est quand il veut cacher ses incartades amoureuses. Face à face, au poker, hommes et femmes doivent aller au-delà de leurs penchants naturels. Moi, je me force à l'agression.
Quelle est votre préparation pour les tournois ?
La concentration est la clé. Le soir, je fixe une bougie pendant 10 minutes, je fais le poirier pendant cinq minutes pour faire descendre le sang et redistribuer mon énergie interne, je dessine une étoile à cinq branches qu représente l'étoile de mes rêves, mes objectifs...
J'ai aussi une phrase que je me répète, inscrite sur une carte postale. C'est ma requête de l'univers : " Ce mois-ci, je vais surpasser tous les joueurs et ne pas les laisser m'intimider. Mon talent grandit de jour en jour et je vais gagner les championnats du monde. Le profit me vient aisément et chaque moment présent fait partie de ma montée fructueuse."
Dans le même style, histoire de pousser encore un peu plus loin le destin, je répète 108 fois au lever et 108 fois au coucher la phrase suivante : "Je laisse aller, tout s'arange pour le mieux. Merci mon Dieu."
Je suis aussi des cours par correspondance avec une femme qui m'a appris à orienter mes songes et à qui m'aide à analyser toutes les drôles de situations nocturnes avec des postulats comme : "Cette nuit, je travaille mon poker. Et je laisse, la nuit, mes rêves me guider." Il y a aussi my "Zone music" qui me met en condition, me prépare mentalement avec des chansons comme la B.O de Rocky. Sans oublier les post-it dans la salle de bain où j'inscris en grosses lettres : "Je vais gagner le tournoi."
Enfin, j'ai un truc qui vient de mon arrière-grand-mère. Pour gagner à tous les coups, il suffit d'être devant un miroir avec des raisins dans la bouche et de répéter trois fois : grossebichgrenue, grossebichgrenue, grossebichgrenue. Imparable !
Utilisez-vous l'imagerie mentale ?
Bien sûr, parfois pour m'isoler, je m'invente un prince charmant et j'écris mentalement une histoire comme ..."Je t'attendais, j'attendais que tu viennes me rejoindre pour aller dormir, et je voulais que tu sois épaté en arrivant. J'ai dominé cette table de la première à la dernière. Bien sûr tu n'es jamais arrivé, je le savais au fond de moi, mais quand même, ça aurait été bien beau. Avoir quelqu'un. Me voici encore en train de songer à toi, entre deux avions, entre deux mondes, entre mes différents moi... Je porte encore ce parfum parce que j'apprécie cette odeur qui me rappelle ces moments où je me préparais pour une soirée dont tu allais faire partie."
Cette histoire me met dans une casquette mentale positive. Elle me booste. Et puis un jour j'aurais un chéri sérieux, mon voyant m'a dit que que j'étais "un leader et que j'allais vivre jusqu'à cent quatre ans, que j'aurais deux gamins et que j'allais me lancer prochainement dans un business avec deux femmes". Je suis ressortie stimulée !
Vous avez des amis ?
Mes copains d'enfance sont presque tous devenus profs, donc sans contraintes l'été. Une semaine de vacances ensemble est donc devenu non négociable : pas de mail, pas de coups de fil. Au programme : déjeuners qui se terminent à l'heure du souper, drinks relax en terrasse, nuit autour du feu à fumer un joint et discuter existentialisme. Barbecue, volley-ball, promenades en barque et fiesta : le paradis. Je suis une épicurienne. J'ai lu avec attention les articles de ce site sur le bonheur et je sais que pour le moment, seulement 0.9% des gens meurent heureux. je suis très préoccupé par ce thème. D'ailleurs je vous recommande le livre Demandez et vous recevrez, écrit par Pierre Morency. L'idée ? La terre est le paradis terrestre, tout ce qu'il faut faire pour obtenir ce que l'on désire, c'est de le demander. on ne risque pas grand-chose à essayer.
Isabelle, d'où vient cette passion pou le poker ?
Depuis toute petite. Je jouais tout le temps en famille.
Plus tard, j'ai travaillé dans des bureaux, je devais m'y tenir toute la journée, sauf pour la pause déjeuner, à heure fixe. Une carrière professionnelle assurée à vie. Au secours ! Laissez-moi sortir ! C'est tout le contraire de ma philosophie de vie !
J'ai donc préparé un CV avec la lettre de motivation qui va avec, je l'ai envoyé aux quatre coins du monde, à tous les casinos. Je voulais faire le tour du monde, rester deux ans dans chaque pays mais personne ne me prenait au sérieux, j'entendais : " Tout le monde a plein de projets, et tout le monde parle, parle, mais ne fait jamais rien."
A 24 ans, j'ai eu une opportunité à Paris et j'ai donc frappé à la porte du vice-président de la société, il m'a dit : " Que voulez-vous que je vous dise ? Quand j'avais votre âge, je criais sur tous les toits que je voulais faire le tour du monde, mais j'ai commencé à travailler ici, il y a 25 ans, et avec deux semaines de congé annuels...".
J'ai donné ma démission illico, je lui ai serré la main et je suis parti à Paris. Quatre jours plus tard, j'étais dans l'avion, avec 50 dollars en poche et en tête une phrase de L'alchimiste de Paulo Coellho : "Quand tu veux quelque chose, tout l'univers conspire à te permettre de réaliser ton désir."