"Une photo, là, sous vos yeux.
Wallis serait-elle Wallis si elle ne songeait pas, au procès, à se montrer "présentable" ?
Elle file donc chez son coiffeur à Londres. Dehors la foule ne cesse de grossir.
A peine le dernier coup de peigne a-t-il été donné qu'elle fait appeler Storier : il faut qu'il la tire de là.
Storier la fait passer par une porte de derrière mais la foule n'est pas dupe. Elle suit. Pleine d'espoir, Wallis se glisse par la petite porte quand, tout à coup, elle se trouve face à une meute. Elle s'engouffre dans la voiture qui démarre en trombe. Le soir même, elle est de retour chez elle.
Désespérée.
Dans les épreuves, on compte ses amis. Ils ne sont pas légions.
Jusqu'où ira-t-on ?
L'Establishment se pose la question. Le roi ne peut épouser cette femme divorcée deux fois, Américaine de surcroît.
Le divorce prononcé, Wallis n'éprouve que du soulagement. De son propre aveu, "aucune joie".
Il lui faudra attendre six mois pour être vraiment libre. On ne plaisante pas avec le décret "Nisi".
A peine a-t-elle repris ses esprits que le téléphone sonne : c'est Edward qui lui crie son bonheur et s'annonce pour diner. L'avenir s'éclaire.
Le cauchemar serait-il achevé ?
Tout va basculer un vendredi. Un vendredi 13. Faut-il croire aux vendredis 13 ?
De ce jour-là, notre action prend un tour cinématographique. Pendant quatre semaines, du 13 novembre jusqu'au 10 décembre, jour de l'abdication, elle va se donner l'allure d'un scénario à suspense.
L'histoire s'écrira au galop.
Le synopsis, d'abord, tel que, dans sa forme simplifiée, il va faire les délices d'un immense public.
Le nouveau roi d'Angleterre est épris d'une Américaine sur le point de divorcer pour la deuxième fois. Il veut l'épouser.
Tous deux ont la quarantaine, un âge où l'on ne se conte pas fleurette.
Lui : très populaire en son royaume, se fait de son métier une idée assez peu conformiste ; s'intéresse aux classes déshéritées, aux chômeurs, aux anciens combattants.
Elle : vive, spirituelle, laisse derrière elle deux expériences matrimoniales malheureuses; son second mari l'a trompée avec une amie d'enfance ; le roi l'aime et elle aime le roi.
Des personnes louches vont vouloir que le roi abdique.
Le lecteur écarquille les yeux. Mamie le comprend.
Ensuite cela va très vite, Wallis par en France pour retrouver un peu de sérénité.
Elle écrit alors au Roi. Elle a posé son stylo. A-t-elle compté les pages de cette lettre-fleuve ? Non, sans doute.
Mamie, elle l'a fait : quinze pages !
S'est-elle relue ? Probablement non car elle se serait aperçue que son désir de mettre ses idées en ordre abouti à une telle confusion qu'elle-même aurait bien du mal à s'y retrouver.
Le lecteur peut-il tenter de s'y affronter ? Avant tout, elle ne veut pas paraître, aux yeux du monde, comme l'artisan de la faillite. Elle ne veut pas non plus que l'homme qu'elle aime fasse mauvaise figure.
Mamie a finit par comprendre que pour elle, tout n'est pas joué.
Elle se pose des questions sur la tactique à suivre. Attendre ? Attaquer ? Abandonner ? Qui peut les aider ?
Alors, Churchill se lève.
Ses amis l'ont supplié de n'en rien faire mais celui qui aurait empêché Winston de parler n'est pas encore né.
Il entreprend donc de développer de nouveau les arguments qui, quatre jours plus tôt, lui ont valu un succès. Mais des protestations se font entendre, puis des huées.
Churchill s'époumone, tonitrue.
En vain.
Les clameurs couvrent sa voix. Il doit se taire, s'asseoir. Il a perdu. Un témoin déclarera avoir assisté au plus cuisant échec parlementaire que l'on ait jamais vu. Tassé sur lui-même, le mufle furieux, Churchill regarde droit devant lui.
Il gît à terre.
Plus tard, le duc de Windsor écrira ceci : "J'ai toujours déploré cet incident et je donnerais beaucoup pour pouvoir l'effacer des annales de cette ancienne assemblée qui doit tant à celui qu'elle traita de la sorte. Et, cependant, je suis fier aussi que, de tous les Anglais, ce soit Mr. Churchill qui ait élevé la voix jusqu'au bout pour défendre le roi, son ami."
Wallis est retournée à sa solitude. La voilà donc au terme de sa belle aventure.
Peut-être, à cet instant, a-t-elle revu en accélérer les images d'une histoire dont elle n'a même plus la certitude d'être l'héroïne : la petite Américaine de Baltimore.
Le visage incertain, flou, de sa mère. L'oncle Sol et ses danseuses. La tante Bessie. Un bel aviateur, la Chine. Le retour en Amérique. Ernest Simpson, très strict dans son complet rayé. Une porte qui s'ouvre tandis qu'apparaît le jeune visage d'un prince charmant. Le soleil, la mer. Un roi.
Et le film casse.
Le rêve est fini.
Les rois n'épousent pas les bergères, même venues de Pensylvanie.
Pour Edward VIII, rien - absolument rien - n'a changé.
Tous les intermèdes du monde ne peuvent le faire dévier de la destination qu'il s'est fixée, de même que le navigateur perdu se guide sur une étoile.
Il va abdiquer.
L'histoire vraie de l'attachement passionné qui unit Edward VIII et Wallis Simpson :