"Le succès est tout compte fait une affaire de tempérament.
En avoir ou pas.
Que ceux qui en douteraient suivent pas à pas la fascinante avanture de la campagne Marlboro. La plus hésitante mais aussi la plus acharnée des luttes publicitaires : le modèle absolu.
Le roman feuilleton, à peine croyable, d'une marque qui d'échec en échec réussit le plus grand succès de tout les temps. Le marché de la cigarette est sans nul doute, avec celui de l'automobile le plus féroce du monde : 30 milliards de paquets par an et 110 marques. En 1953, Winston caracole en tête, Marlboro piaffe loin derrière. Il faudra une décennie au cow-boy pour prendre la tête mais il ne la laissera plus.
En 1954, la marque est dans l'anonymat. Son propriétaire Philip Morris bat de l'aile. Raison de la glissade : le filtre. Introduit en 53, il grignote 2 à 3 points par an. Il en a aujourd'hui 97 sur 100. La seule contre attaque logique aurait été de lancer une Philip Morris filtre. Contre toute attente, les réacs du marketing vont prendre une autre décision, inventer un nouveau positionnement. Dans leur crise d'orgueil, ils ne se doutent pas qu'ils vont précipiter leur compagnie au bord du gouffre. La Marlboro était une prétentieuse cigarette pour femmes, munit d'un embout carmin pour mieux dissimuler toute trace de rouge à lèvres.
On stoppe donc la fabrication mais on garde le nom. Il est inconnu mais il sonne bien. Graphiquement, il est symétrique avec trois lettres assises, Mar et Oro qui s'articulent de chaque côté du L et du B. Pour l'emballage, on fait appel au "genius" du moment Louis Chesquin, le maître sera inspiré. Il conçoit l'enfant de sa vie et accouche d'un étui en carton rouge et blanc. Un paquet dur, 1ère révolution depuis l'invention du papier mou. Il n'y en aura pas d'autres, un nom, une gueule, restait à faire une réputation.
L'annonceur choisit un cow-boy hâtivement trouvé dans la photothèque et titre "du nouveau chez Philip Morris".
L'annonce est fusillée dés sa première sortie. Les personnes ne se reconnaissent pas dans ce cow-boy de salon aux doigts manucurés. Puis la femme du photographe de la campagne le met sur les rails en disant : "Feuillez n'importe quel homme qui porte des tatouages et vous trouverez un passé d'aventures."
Trois années de tatouages vont prendre le relais du western série B mais a-t-on jamais vu un cow-boy tatoué ? A bout de souffle, l'agence tombe au plus bas : une ménagère invite ses congénères à offrir une Marlboro à leurs petits maris pour les retenir à la maison. Un massacre !
Marlboro est toujours en queue de classement. 1964 sonne, c'est l'année de tout ou de rien. Après le dernier flop, Burnett lance la première cigarette image. La nouvelle annonce montre un cow-boy sur fond de montagne pourpre. Mais celui-ci maîtrise la fougue de son cheval. L'annonceur a donné une consigne : "Je veux voir toutes les rides de la vie sur son visage, le regard bien perdu sur la ligne bleue de l'Arizona et toute la poussière du désert sur les épaules."
Depuis Marlboro est N°1, des paroles qui ne sont pas parties en fumée...