"Le micro débarque.
Jean Sablon introduit le micro sur scène à Mogador. Il l'a utilisé pour chanter ses derniers succès. Je sais que vous êtes jolie et Par correspondance, à la fureur de certains spectateurs pour qui cette technique venue des Etats-Unis est un artifice inadmissible. "Ils sont dans le crooner. Grâce à l'usage du micro, les spectateurs peuvent retrouver la voix qu'ils ont entendue à la radio." Les chansonniers ont donné à Jean Sablon le surnom du "petit qu'à le son court". L'un d'entre eux a lancé, à propos de Germaine Sablon, la soeur de Jean : "Elle se prend pour Jeanne d'Arc, elle entend des voix. Elle a même entendu celle de son frère. Cela fait sourire le principal intéressé. "On dit parfois que je suis un artiste qui chante sans avoir de voix. C'est oublier que je peux maintenant murmurer, grâce au micro, des confidences comme on le fait à voix basse."
Sinon, à part ça, Tino Rossi prend la relève de Valentino et Michel Simon devient chanteur d'opérette. Et c'est le grand retour d'Yvette Guybert qui, à 67 ans, reprend le chemin des studios. Notre diseuse a décidé de profiter des progrès de la technique pour enregistrer à nouveau ses anciens succès. Dans ce répertoire actualisé figurent, bien sûr, le Fiacre et Madame Arthur, ses deux plus grands succès.
Berthe Sylva de son côté vient d'obtenir ce qui sera sans doute le plus grand succès de sa carrière. Le petit format de On n'a pas tous les jours vingt ans a été vendu, en moins d'un an, a plusieurs milliers d'exemplaires. Dans l'usine où travaillait Mamie, on reprenait en coeur, "Si l'patron nous fait les gros yeux, on dira faut bien rire un peu..." "Ce sont mes couplets les plus optimistes", dit Berthe Sylva pour essayer d'expliquer l'engouement du public.
On écoute aussi Pourquoi m'as-tu fait ça d'Arletti, La crise est finie d'Albert Préjean, Ici, on pêche de Jean Tranchant, Quand c'est aux autos de passer de Paul Colline; Maman ne vends pas la maison de Charles et Johnny, sans oublier La Charlotte de Marie Dubas, Les beaux dimanches de printemps de Reda Caire et Je n'attends plus rien de Fréhel.
Enfin, comment passer sous silence les palétuviers de Koval et Pauline et Pauline Carton ? Chaque soir, ils sont ovationnés après avoir chanté en duo des couplets hilarants que ne renieraient pas les poètes surréalistes. Ils se terminent ainsi : "Prends-moi sous les laitues, aimons-nous sous l'évier !"
Mignon, non ?