Vannes est une bourgade très charmante située à sept heures de Carmaux (à la louche).
C'est ici - à cet endroit très précis - qu'on s'est retrouvé pour un voyage dans le temps en compagnie de M. Varta et de ses amis.
Qui est M. Varta ?
M. Varta est une Mamie très charmante qui nous a dit cette phrase somme toute banale :
- Si vous avez deux minutes, je vais vous raconter ma vie.
On avait deux minutes alors on s'est assis dans un coin de la salle.
A peine s'était-il installé que, déjà, ses photos de jeunesse sortirent de son portefeuille.
- Regardez, là, c'est moi avec maman.
On aurait dit sa soeur. Une fillette, à s'y mépendre.
Il devait avoir 5 ou 6 ans, en maillot de bain sur une plage, appuyé contre un gros ballon rouge. Des boucles blondes tombaient sur ses épaules et une femme à genoux derrière lui le prenait par la taille en le regardant avec admiration.
- c'était à Saint-Brevin, en 39, l'été juste avant la guerre. maman venait de divorcer. Je ne me souviens plus de mon père que je n'ai jamais revu depuis.
Une autre photo.
- Ici, c'est pendant la guerre d'Algérie. je venais d'avoir vingt ans.
On le voyait en costume militaire, sur un fond de palmiers, au milieud 'un groupe de soldats souriants et tenant leurs fusils comme des drapeaux victorieux.
- C'était juste avant la bataille d'Alger. Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie.
Soudain, il devint plsu grave. Son regard dirigé au lointain de ses souvenirs se tourna lentement vers moi.
- J'ai tué un homme, me dit-il, la voix blanche.
Que répondre à ça ? J'esquissai un sourire forcé qu'il supprima en continuant son aveu.
- C'était un Arabe, un fellaga, qui ne devait pas avoir 20 ans. Nous nous sommes trouvés face à face au coin d'un immeuble, près de la poste. Nous avions aussi peur l'un de l'autre mais j'ai tiré le premier avec cette saloperie de mitraillette que les marchands d'armes et les hommes politiques mettent dans les mains des pauvres cons en les chargeant de régler leurs problèmes personnels pendant qu'ils jouent à la guerre par téléphone.
Je lui demandai alors la raison de telles confidences :
- Pourquoi me racontez-vous tout ça ?
Il parut un peu désorienté par ma question, comme surpris de ne pas y trouver de réponse.
Puis - après un lon silence -, il ajouta cette phrase lapidaire que je ne peux que citer :
- Un homme sans souvenirs est un homme perdu.