"On aura tout lu...
Je marchais dans la rue. Seul. Comme un con. Quand soudain j'ai reçu un appel anonyme qui m'informait que le tweet de ma Mamie risquait de faire du bruit. C'est ainsi que j'ai appris que ma Mamie était sur Tweeter.
Je l'ignorais.
Pourquoi pas, après tout. Si vous êtes surpris, c'est que vous ne connaissez pas ma Mamie.
Le fait est que son tweet a fait l’effet d’une bombe au marché de Carmaux. Rendez-vous compte, quand Mamie a déboulé ce matin sur la place Jean-Jaurès avec son caddie, personne n’a voulu la servir. Personne !
Le tweet ?
22 caractères, pas un de plus. Au moment où j’écris, je l’ai sous les yeux. On lit :
"Courage à André à qui j’apporte toute mon amitié et qui se bat aux côtés des Carmausins depuis tant d’années dans un engagement désintéressé."
Mais comment a-t-on pu en arriver là ? Analysons ce message, point par point :
- André, amitié ? Cet ordure d’André est le premier amour de Mamie. Tout le monde le sait. Tout le monde sait aussi que quand - sur Facebook - le statut de Mamie était passé de "En couple" à "C’est compliqué", cet enflure d’André avait commenté, je ne fais que citer : "Tout est compliqué avant d’être simple, tu n'as qu'à le quitter pour la simple et bonne raison qu'il ne te mérite pas. De toute façon, ce mec il ne vaut pas un cailloux"
Inutile de préciser que quand Papi était tombé sur ce post, il avait failli avaler son dentier. Pour lui, plus de doute, la guerre était déclarée.
- Engagement désintéressé ? A d’autres. A Carmaux tout le monde sait aussi qu’André est très intéressé. Souvenez-vous de son SMS à Noël qui avait mis le feu au poudres. Cinq mots sur un texto dont la violence laisse pantois. Jugez par vous-même : "Joyeux Noel Princesse, ton André".
En le lisant - en cachette planqué dans les toilettes -, Papi avait été proche de la syncope. Il avait même failli s'étrangler avant de ressortir une heure plus tard - encore sous le choc -, oubliant au passage de tirer la chasse d’eau.
- Les Carmausins ? Ils n'en pensent pas moins. Du coup, ce malotru d'André a été traité de tous les noms d'oiseaux, je cite sans ordre de préférence : gredin, jean-foutre, casse-couilles, tête de noeud, blanc-bec, merdeux, bouseux, olibrius, ostrogoth, polisson, scélérat, Marie tâte-Zinc, abougri, cocotte en sucre, avaleur de charrettes ferrées, savon à culotte, accapareur de merde d'abeille, fumier, tocard, careux, peyarot et j'en passe évidemment.
Mais laissons de côté les jurons et revenons à nos moutons et à cette prise de position de Mamie à peine croyable au point qu’à Carmaux, tous les chalands - et les marchands ! -, sont montés au créneau persuadés que le message était un faux.
Après plus d’une heure de mutisme, Mamie a confirmé l’authenticité de son message, d’un laconique "oui".
André s’est aussitôt "réjoui" de ce "beau message d’amitié" comme de bien entendu. Il en a même rajouté une couche : "Ça fait évidemment plaisir. Très plaisir même...."
Outré les marchands ont pris pris fait et cause en faveur de papi et ont refusé - délibérément - de remplir le caddie de ma Mamie.
Situation incroyable où on a vu le poissonnier - déçu - abandonner son étal quand ma Mamie s’est approchée pour attaquer une partie de 421 avec le boucher !
Dans la foulée, le boucher a refusé lui-aussi de la servir devant des passants applaudissant à tout rompre. Effet boule de neige ?
Un médiateur a du intervenir et après deux heures d'âpres négociations, il a obtenu que pour clore l’incident, il suffisait juste d‘échanger les rôles.
Situation inextricable ou on voit un boucher - avec son couteau de boucher - préparer une sole meunière tandis que le poissonnier se dépatouillait comme il pouvait avec une côte de boeuf.
C’est là, à ce moment très précis que les journalistes - avertis par les végétariens - ont mis de l’huile sur le feu. D’un coup d’un seul, la foule s’est soulevée. Immense la foule.
Et alors que la place Jean Jaurès a soutenu Mamie, la place Gambetta s’est ralliée aux détracteurs qui voyaient d’un mauvais oeil que Mamie vienne chez eux chercher ses aubergines et ses navets pour son pot-au-feu. Le médiateur a du de nouveau intervenir.
Situation inexplicable quand on a vu le quincailler donner un coup de main au dentiste pour servir les aubergines de Mamie tandis que le marchand de légumes coupait le fromage avec le vétérinaire.
Situation effroyable quand la place de la gare a apporté son soutien - le temps d’un marché - à la place Gambetta malgré leurs communs désaccords.
Récapitulons : Place Jean Jaurès - Place Gambetta - Place de la gare : la triangulaire !
Après tout ça, le repas de famille de dimanche risque d'être haut en couleurs. Mais bon, tout est rentré dans l'ordre parce que comme dit Mamie, démocratie oblige, tout le monde a dû mettre de l’eau dans son vin.
Le mot de la fin ? Ce salaud d'André s'est barré sans demander son reste. On raconte cependant qu'en partant, il aurait eu cette phrase lapidaire :
"Carmaux, c'est fini, et dire que c'était la ville de mon premier amour."
Collection "Comédie"
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