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14 novembre 2012 3 14 /11 /novembre /2012 14:00

Anarchiste.jpeg"Le Petit Journal, là, sous vos yeux. 

 

 Une petit journal acheté le 20 novembre 1963. A Dallas...

 Ma Mamie est sur place.

Dans le Texas. Elle n'aurait manqué ce voyage pour rien au monde.

A l'aéroport, elle s'est donc retrouvée devant des formulaires qui comprenaient plus de vingt questions auxquelles on lui demandait de répondre en son âme et conscience.

 Elle m'a dit qu'il faut beaucoup de mémoire pour se rappeler tous les endroits où on a pu séjourner au cours des vingt dernières années, et toutes les maladies qu'on a pas eus.

 Beaucoup d'humour pour convenir qu'on a pas l'intention d'assassiner qui que ce soit pendant le séjour. Et pas beaucoup d'amour-propre pour accepter qu'on vous pose la question : "Vous êtes-vous déjà livrée à la prostitution ?"

  Et puis venait la question n°20 : "Etes-vous ou avez-vous été membre du parti communiste, ou membre d'une organisation qui elle-même aurait été associée à des activités communes à celles du parti communiste ?"

 Ma Mamie a été touchée, ben oui, elle avait participé à des manifs quand elle était gamine.

 La question n°21 était la suivante : "Avez-vous bien compris le sens de la question n°20 ?" Mamie avait parfaitement compris. Cet intéressant curriculum vitae fut remis au service des visas de l'ambassade des USA et elle pu ainsi assister à l'arrivée de Kennedy dans le Texas, extrait : 

 Le trajet est court. L'heure est venue d'affronter la ville redoutée. Le roman de dallas apparaît à la mesure de l'épopée américaine. Avant 1940, ce n'était qu'une petite cité. La découverte du pétrole a tout changé.

 On y cultive un mythe aussi commode que dangereux : celui du vieux Texas, "de ces hommes virils, hardis cavaliers, tireurs redoutables, appliquant eux-mêmes la loi".

 Ce pittoresque cache parfois mal certaines réalités : on tue plus à Dallas que dans l'Angleterre entière. Dallas, "ville de violence et d'hystérie", dit Schlesinger ; "un univers impitoyable", rajoute J.R Ewing.

 

 La veille de l'arrivée du président, un chroniqueur sportif a suggéré que JFK ne parlât que de navigation à voile. "S'il choisit ce sujet, il sera entouré de chaleureux admirateurs.

 S'il parle de Cuba, des droits civiques, des impôts ou du Vietnam, il y en aura sûrement un pour lâcher une bordée de mitraille dans le gréement présidentiel."  Seulement voilà, John F. Kennedy n'a nullement l'intention de parler de navigation à voile à Dallas :

- Un homme fait ce qu'il doit, en dépit des circonstances personnelles..."

 

Il a prévenu Jackie :

- Il y aura au déjeuner toutes les riches matrones avec visons et diamants. Tu seras la plus merveilleuse, mais dans la simplicité. Tu montreras à tous les Texans ce qu'est le bon goût.

Pour rejoindre le Trade Mart, on traversera toute la ville. Les services de sécurité ont estimé que cela prendrait 45 minutes.

La Lincoln roule vers le viaduc. Il fait chaud.

Très chaud.

 

Jackie se souviendra avoir pensé : "Comme la fraîcheur du tunnel va être agréable..."

Elle se tourne vers la gauche pour répondre aux applaudissements. Sur la droite, un petit garçon de cinq ans lève la main pour saluer le président. John F. Kennedy lui sourit et lève aussi la main pour lui répondre.

 Il est exactement 12 h 30.

 

C'est à ce moment-là que le président John Fitzgerald Kennedy va être assasiné. 

Ma Mamie m'a dit qu'elle était chez sa soeur lorsqu'elle a appris la nouvelle. Et qu'elle avait pleuré à chaudes larmes. Elle a ajouté : "Même ma soeur qui était pourtant une dure à cuire était ébranlée par la nouvelle". 

 Tout a été dit sur sa mort. Rien n'a été démontré.

 

 Seul Oswald aurait pu désigner ses complices. Ruby, qui a assassiné Oswald, a agi quand il le fallait et comme on le lui a sans doute ordonné. La dépouille de JFK a été portée, sur un affût de canon, dans la rotonde du Capitole.

 Devant le cortège, s'avançait un cheval sans cavalier. Sa présence évoquait une tradition remontant à Gengis Khan, aux temps où l'on croyait que le cheval devait franchir avant son maître la "Grande Porte du ciel".

 

 Plus de 250 000 personnes allaient défiler, dix-huit heures durant, devant le corps du président assassiné. Ce même dimanche, on vit Jacqueline Kennedy, tenant par la main Caroline et le petit John, gravir les trente-six marches de marbre qui conduisent à la rotonde.

Point de larmes sur le beau visage encadré d'une mantille de dentelle noire, mais une pâleur extrême.

 Et un regard qui apparentait cette jeune femme à un long cortège du passé, celui de la tragédie.

 

 Incarnant la piété d'une nation, des centaines de milliers d'hommes et de femmes se sont portés sur le passage du cortège jusqu'à Arlington, le cimetière national américain, où repose le soldat inconnu. C'est là, dans le périmètre réservé aux héros tombés au camp d'honneur, que John Fitzgerald Kennedy sera inhumé.

 

 Autour de cette tombe, s'élèvera la douleur du monde.

 

 

Collection "Mamie explore le temps"

Lee Harvey Oswald -  Stavisky ou la corruption - Sarajevo ou la fatalité - Jeanne d'Arc -  Seul pour tuer Hitler -  Leclerc - Sacco et Vanzetti - La nuit des longs couteaux - Jaurès - Landru - Adolf Eichmann - Nobile - Mr et Mme Blériot - Les Rosenberg - Mamie embarque sur le Potemkine -  L'horreur à Courrières - Lindbergh - Mamie au pays des Soviets - Jean Moulin face à son destin - Mamie est dos au mur - L'assassinat du chancelier Dolfuss - L'honneur de Mme Caillaux - Mamie au pays des pieds noirs - La Gestapo française 

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Published by Régis IGLESIAS - dans Mamie explore le temps
6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 13:41

Rommel.jpeg"Une illustration, là, sous vos yeux. 

 

 Rommel est le chef militaire le plus populaire de l'armée allemande - l'homme qui a su non seulement conquérir l'estime et l'admiration des Allemands, mais la même admiration et la même estime de ses adversaires.

 Le cas personnel du maréchal Rommel est l'un des plus singuliers de la Seconde Guerre mondiale. Alors que le haut personnel allemand, civil et militaire, demeure l'objet d'une réprobation quasi-générale, en revanche, lorsque nous pensons à Erwin Rommel, c'est avec un respect dénué d'hostilité - voire avec une véritable sympathie. Pourquoi ?

 L'extraordinaire, en ce qui concerne Rommel, c'est que sa popularité fut édifié avant tout par ses ennemis.

 Au départ les Britanniques qui, en Libye, avaient eu affaire aux seuls Italiens, vivaient dans une dangereuse quiétude. L'arrivée des renforts allemands ne les en fit pas sortir. Ils n'attachèrent aucune importance au nom du général allemand qui commandait ces nouvelles troupes.

 Soudain, ce fut l'irrésistible attaque, la guerre éclair, selon les méthodes apprises en Pologne et en France. En vérité, un cyclone, un mascaret, contre quoi rien ne résistait. Rapidité, surprise : Rommel manifestait là des dons éclatants.

 Les Anglais - c'est bien connu - savent reconnaître les qualités de leurs ennemis, même si celles-ci s'exercent à leurs dépens. D'abord, ils éprouvèrent envers Rommel une crainte bien compréhensible.

 Et l'admiration devint une sorte d'affection pour l'homme avec - d'après ma Mamie -, "cette élégance avec laquelle Rommel sut observer, même en Afrique, le code du soldat, son attitude chevaleresque à l'égard des nombreux prisonniers de guerre avec lesquel il eut un contact personnel."

 Ainsi Rommel devint-il, pour la VIII ème armée britannique, un héros incontesté.

 Quand un chef britannique voulait dire qu'il avait réussi quelque chose dont il pouvait s'enorgueillir, il déclarait qu'il avait "fait un Rommel".

 Donc, une situation peu banale, voire unique.

 Mais qui était ce Rommel ?

 

 Erwin Rommel est né à Heidenheim, près d'Ulm, le 15 novembre 1891.

 Un enfant "très gentil et très docile", dit sa soeur. Si blond que les siens l'appellent "l'ours blanc". Le caractère est facile et aimable. personne ne lui fait peur.

 Au lycée, un élève rêveur et paresseux. Aux approches de l'adolescence, il sort de son rêve, il s'intéresse à ses études. Le lycéen un peu mou devient énergique, têtu.

 Il se découvre une passion pour l'aviation. Pourtant, ce n'est pas dans cette arme qu'il s'engagera à Dantzig où il va rencontrer une jeune fille dont il tombera amoureux. Elle s'appelle Lucie. Il est trop tôt pour que les deux jeunes gens se marient. Ils attendront.

 En 1912, voici Rommel sous-Lieutenant. Et puis c'est la guerre. Il est blessé dès les premiers engagements. Soigné, il repart au combat. Il participe à une dizaine d'opérations. Lieutenant, il reçoit la croix de fer puis la décoration "Pour le Mérite".

 Nommé capitaine quelques semaines plus tard, il décide, accompagné seulement par six hommes, de s'emparer de toute une garnison.

Il réussit...

  Ce sera sa dernière action d'éclat avant longtemps. La guerre s'achève.

 

 Il s'est marié en 1916. Les traités n'autorisent  à l'Allemagne vaincue qu'une armée de cent mille hommes avec seulement quatre mille officiers. mais, pour Rommel, il n'existe pas d'autre avenir que d'être soldat. Encore faut-il triompher d'une sélection rigoureuse.

On juge sur titres.

 Or les titres de Rommel sont éclatants. Il pourra rester dans l'armée. Il devient inspecteur puis écrit un livre l'infanterie attaque, excellente théorie de tactique d'infanterie. Le livre aura nombre de lecteurs, dont un certain Adolf Hitler.

 En 1928, un fils lui est né, Manfred. Il ne s'occupe pas de politique. Il ne se montre pas très enthousiaste pour les nazis qu'il voit volontiers comme une "bande de voyous". Il estime fâcheux que Hitler ait un si mauvais entourage. Malgré tout, Hitler est à ses yeux, "un idéaliste, un patriote aux idées assez saines qui pourrait unifier l'Allemagne et la sauver du communisme".

 Promu major en 1933, Rommel reçoit le commandement du 3 ème bataillon du 17 ème régiment d'infanterie, un bataillon alpin, établi à Goslar.

 C'est là, deux ans plus tard, qu'il va rencontrer Hitler pour la première fois.

 Il a été décidé que le bataillon de Rommel défilerait devant le Führer. C'est alors qu'on apprend que, devant les soldats, marcheront des S.S, responsables de la sécurité de Hitler. Catégorique, le refus de Rommel. Il fait savoir que si les S.S. défilent, les soldats s'abstiendront.

 Tout va finalement rentré dans l'ordre après l'intervention de Himmler et de Goebbels qui mettront ça sur une erreur imputable à un subordonné. Le 3 ème bataillon défilera seul. Après la revue, Rommel est présenté à Hitler, qui lui serre la main et le félicite pour la bonne tenue des troupes.

 Pour la première fois viennent de se rencontrer deux hommes dont le destin, plus tard, sera mêlé. Inextricablement.

 

 Le 23 août 1939, il est nommé major général. Il faut bien le dire : il ne se montre nullement indigné par l'agression contre la Pologne. Depuis des années, il souhaite que Dantzig redevienne Allemand.

 Pendant la campagne de Pologne, il accompagne Hitler. Ce qui le frappe surtout, c'est la primauté des chars. Résultat : lors de la prochaine campagne, il voudrait commander une division blindée.

 C'est exactement ce qui se produit en mai 1940, Rommel franchit la Meuse avec la 7 ème panzerdivision. Il fonce sur Lille. Il participe à l'encerclement des forces franco-anglaises. Ensuite, c'est la percée de la Somme, la ruée sur la Seine, l'offensive à travers la Picardie et la Normandie.

 Il prend Cherbourg. Et c'est l'armistice.

 La suite ? La Libye. Quand Rommel arrive, Wavell a pris Benghazi. Il semble que rien ne puisse l'arrêter. Le moral italien est à zéro. Tout de suite, Rommel passe à l'offensive. Le corps expéditionnaire allemand fonce, bouscule les Anglais, reprend Benghazi, traverse le désert, s'élance vers Tobrouk.

 A partir de là, chacun reste sur ses positions avant de devoir évacuer la Cyrénaïque à la suite de la grande bataille orchestrée par Auchinleck.

 Mais en janvier 42, Rommel attaque de nouveau. Il écrase tout sur son passage. La défense britannique s'effondre. Rommel prend Benghazi, il reconquiert toute la Cyrénaïque. Il prend Tobrouk en juin 42, continue à foncer, franchit la frontière égyptienne, s'avance vers Alexandrie, prend Sidi-Barrani.

 Une telle campagne a fait justement la gloire de Rommel. Mais il est maintenant devant El-Alamein. C'est là qu'un certain Montgomery a décidé de l'arrêter. D'arrêter celui que Hitler a fait maréchal pour le remercier de ses victoires.

 Tous-ces mois-là, Rommel les a passé au milieu d'incroyables fatigues. Il ne s'est plus ce qu'est le repos. Ce qui cède, brusquement, c'est sa santé. Il tombe malade, gravement. Les médecins lui ordonnent d'aller se faire soigner en Europe.

 Il suit un traitement pour son foie et sa tension. Mais le 24 octobre, Hitler lui téléphone : on se bat à El-Alamein.

 Rommel repart.

Il ne pourra redresser la situation.

 Désormais, c'est la retraite. Rommel tente de s'accrocher à tripoli. En vain. Il sent qu'il a perdu la partie. Le mieux est d'accepter l'évacuation de l'Afrique. Il va expliquer à Hitler qui lui réserve une de ses plus célèbres algarades. Au moment où, très froid, Rommel a pris congé, le Führer lui court après, lui présente ses excuses, lui serre les mains :

- Tout ira bien !

 Pour la première fois, Rommel révise ses positions sur Hitler. A ses yeux, ce n'est plus un génie, un homme capable, mais un chef inhumain, aux décisions inexécutables. 

 La suite ? Rommel sera forcé au suicide pour avoir comploté contre Hitler.

 La fin ? Au domicile de Mme Rommel, les lettres et les télégrammes s'accumulent. Hitler a , l'un des premiers, envoyé un message. Et puis Goebbels. Et puis Ribbentrop. Tous rappellent les héroïques combats d'Afrique du Nord. Pour les obsèques, Hitler a prescrit un jour de deuil national.

Tous les journaux, tous les postes de radio l'ont annoncé : au défunt, on a réservé les honneurs militaires. Partout on reproduit l'ordre du jour de Hitler affirmant que le nom de Rommel "était devenu, dans le combat que livre actuellement le peuple allemand pour son existence, un symbole de magnifique bravoure et d'audacieuse intrépidité." Un chef d'oeuvre dans le mensonge...

 Et puis vient le jour des obsèques nationales, le 18 octobre 1944.

Ni Hitler, ni Goering, ni Himmler n'ont poussé l'audace jusqu'à vouloir y assister. Dans la salle, toutes les "autorités".

 Dehors, des milliers de curieux.

 L'épreuve publique de Mme Rommel est achevée. Songeons que, depuis la mort de son mari, elle a dû recevoir les condoléances de gens dont elle savait qu'ils étaient les complices de cet assassinat. Songeons qu'elle a assisté tout au long à la cérémonie. Elle est restée de glace.

 Pas une parole n'est sortie de ses lèvres. Desmond Young lui a demandé un jour si elle n'avait pas été tentée de faire un scandale et de dénoncer publiquement les meurtriers.

- J'eus peine à résister à cette tentation, lui a-t-elle répondu. Je mourais d'envie de crier qu'ils proféraient tous un mensonge. Mais cela aurait servi à quoi ? Ils se seraient arrangés pour tout étouffer ou alors auraient publiquement déshonoré mon mari. De toute façon, il était mort... Et je devais penser à Manfred. Il aurait été tué. Nobn, mon mari s'était décidé en toute connaissance de cause et je n'avais pas à y revenir après sa mort.

 L'un des plus beaux messages que l'on rendit à Rommel, on le doit à l'un de ses ennemis britanniques, le maréchal Auchinleck. Il a dit : "Rommel me fit connaître de bien anxieux moments. Impossible avec lui de relâcher nos efforts pour le vaincre. Maintenant qu'il n'est plus, je dis que je le salue comme soldat et comme homme et que je déplore les honteuses circonstances de sa mort."

 

Rideau.

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5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 19:48

SaccoVanzetti-copie-1.jpg"Une photo, là, sous vos yeux.

  

 Le 24 décembre 1919, un mercredi, à 7 h 40 du matin, un camion roule dans le jour qui se lève à peine sur Bridewater.

 Le véhicule roule lentement. Tout à coup, le chauffeur aperçoit devant lui une voiture aux vitres fermées par des rideaux. Cette voiture se met en travers, les roues sur le trottoir, bloquant tout passage. Trois hommes en sortent et s'élancent vers le camion.

 L'un d'eux arbore une moustache brune, il porte un long pardessus noir et il brandit une carabine. Deux autres exhibent des pistolets. L'homme à la moustache brune s'agenouille et vise.

 Une fusillade s'engage de part et d'autre mais un tramway arrive, Graves, le chauffeur, perd le contrôle de son camion qui va s'écraser contre un poteau électrique. Alors les trois agresseurs sautent dans leur voiture et s'enfuient.

 Le chef de police de Bridgewater s'appelle Michael Stewart. Il déclare volontiers qu'il n'a d'ennuis qu'avec les étrangers. En ce qui concerne l'attaque du camion, logique avec lui-même, il soupçonne des russes d'avoir fait le coup.

 Graves, le chauffeur, qui a vu les hommes de près déclare : ce sont des Italiens. 

  Malgré l'heure matinale, l'affaire a eu des témoins. On les interroge. Ils ne sont pas d'accord sur le modèle de la voiture. Certains parlent d'une Hudson, d'autres d'une Buick.

 Or une Buick a été volée dans la région un mois plus tôt à Needham. Stewart se demande s'il ne s'agirait pas de celle-là.

 Un indicateur affirme que les auteurs de l'attentat sont des Italiens et des anarchistes. Rien de plus mais l'idée vient de s'inscrire dans l'esprit de Stewart. Il ne l'abandonnera plus.

  Le 15 avril 1920, surviendra quelque chose d'infiniment plus grave que l'affaire de Bridgewater. Ce jour-là, à 3 heures et quelques minutes de l'après-midi, Parmenter, le chef caissier d'une fabrique de chaussures traverse une rue. Il n'est pas eul. Un garde du corps l'accompagne, un nommé Berardelli.

 Sa présence s'explique : les deux hommes transportent chacun plus de 15 000 dollars. La paye. Or dans cette rue, Parmenter aperçoit deux hommes bruns, de taille moyenne, les mains dans les poches.

 Quand Berardelli arrivent à la hauteur des deux inconnus, ceux-ci retirent leurs mains de leurs poches. L'un d'eux empoigne Berardelli par une épaule et brandit un revolver.

 Berardelli tente de se saisir de son agresseur mais celui-ci tire sur lui. Trois fois. Parmentier se retourne, il voit Berardelli glisser à terre. Il n'a pas le temps de réagir : l'homme à la casquette tire sur lui, en pleine poitrine. Parmenter fait quelques pas vacillants. Une nouvelle balle l'atteint dans le dos, il s'abat.

 Puis les bandits vont réussir à s'enfuir en voiture.

Telle fut l'attaque de South Braintree, elle allait être la pierre angulaire de l'affaire Sacco-Vanzetti. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que cet attentat a été perpétré en plein après-midi, devant une multitude de témoins. Là, des ouvriers italiens travaillaient. Là, plusieurs passants circulaient.

 Des employés ont pu observer la voiture à l'arrêt et fixer dans leur mémoire l'image de ses passagers. Ils ont vu toute la scène.

 Berardelli est mort presque sur le coup. Parmenter mourra le lendemain, à 5 heures du matin.

 

 L'enquête a commencé sur-le-champ.

 On interroge plus de 50 témoins. Certains dépeignent une voiture noire, d'autres une voiture verte, pour les uns elle est brillante, pour d'autres couverte de boue.

 Des témoins jurent qu'il y avait deux voitures. On dépeint des bandits tantôt bruns, tantôt pâles, vêtus de bleu, ou de marron ou de gris. On leur voit un chapeau ou une casquette ou rien du tout. Certains ont entendu huit coups de feu, d'autres trente.

 On procédera par élimination pour arriver à une description qui doit se rapprocher de la vérité : il s'agit d'une voiture de tourisme. Cinq hommes ont participé à l'attentat, dont le conducteur de la voiture, pâle et blond. Les deux agresseurs du début étaient petits et rasés.

 On a montré aux témoins des photographies de repris de justice.

 Trois d'entre eux dont une certaine Mary Splaine, affirment avoir reconnu l'un des agresseurs. Il s'agirait d'un nommé Palmisano. Mary Splaine est catégorique : c'est très exactement l'homme qu'elle a vu dans la voiture agiter un revolver.

 Voilà une piste intéressante.

Malheureusement, on s'aperçoit que Palmisano, pour le moment, se trouve confortablement hébergé à la prison de Buffalo.

 Il faut chercher ailleurs.

  Bref, de fil en aiguille, près avoir exploré quelques pistes, on va trouver deux hommes. On les arrête. On les fouille. On trouve un revolver dans la poche arrière de l'homme à la moustache et un colt dans la ceinture de l'homme rasé. Interrogé, l'homme rasé déclare s'appeler Nicola Sacco. Et l'homme à moustache Bartolemo Vanzetti.

C'est fait. Les deux hommes sont pris dans la nasse.

Ils n'en sortiront plus.

 Stewart le leur a dit : ils sont suspects. Rien de plus.

 La police ne détient aucune preuve qui les rattache directement à l'affaire de South Braintree ni à celle de Bridgewater. Pour remonter jusqu'à eux, Stewart n'a suivi que le fil le plus ténu que l'on puisse imaginer. Ils étaient au mauvais endroit, au mauvais moment. c'est tout.

  L'ennui, c'est qu'on les a trouvés armés tous les deux. On l'a affirmé souvent : s'ils n'avaient pas été porteurs d'armes ce soir-là, il n'aurait pas existé d'affaire Sacco-Vanzetti. Ils vont passer la nuit en prison. Une première nuit qui sera suivie par des centaines et des centaines d'autres.

 

 L'interrogatoire commence. Bowles, qui avait déclaré que l'agresseur portait une moustache courte et avait estimé qu'il s'agissait d'un Polonais, reconnaît du premier coup Vanzetti, Italien à l'épaisse moustache tombante.

  Il est hors de doute que la police à commis ce jour-là une très grosse faute. On s'est borné à montrer aux témoins Sacco et Vanzetti. Seuls. La règle, dans une telle situation, c'est de mêler les suspects à d'autres et de demander aux témoins de désigner ceux qu'ils reconnaissent. En n'exhibant que les suspects, on a couru le risque que les témoins impressionnables aillent d'eux-mêmes au-devant de la déposition souhaitée.

 Le 22 juin 1920, la machine est lancée et le procès peut démarrer. Le long défilé des témoins a commencé, chacun allant prendre place sur le siège réservé.

 Harding comparaît, toujours sûr de lui. il a décrit primitivement la voiture de l'attentat comme étant une Hudson. il déclare à présent que c'est une Buick. Dans sa première déclaration, il avait donné une description du bandit armé qui ne ressemblait en rien à Vanzetti. Maintenant, il le reconnaît parfaitement.

 Cox qui, dans le poste de police de Brockton, n'avait pas voulu reconnaître Vanzetti, déclare aujourd'hui être certain que c'est lui. Mme Brooks affirme qu'elle est sûre que Vanzetti conduisait la voiture, elle l'a vu de ses yeux. Or Vanzetti ne sait pas conduire.

 Un petit vendeur de journaux déclare que Vanzetti est l'homme à la carabine. Il a reconnu à sa manière de courir qu'il était étranger. L'avocat Vahey lui demande si les Italiens ou les Russes courent différemment des Suédois ou des Norvégiens. Le petit vendeur reste coi.

 La parole est à la défense. Le témoin principal est un enfant : Beltrando Brini. Il a aidé, toute la matinée du 24, Vanzetti à livrer ses anguilles. Il évoque en détail ses faits et gestes et décrit avec une grande précision le trajet à travers la ville.

 Le coiffeur de Vanzetti déclare ne lui avoir jamais rasé la moustache depuis cinq ans. Deux membre de la police de Plymonth confirme qu'il a toujours eu la même moustache. Il n'a donc aucun rapport avec l'homme à la moustache rasée primitivement décrit comme ayant été vu à Bridgewater.

 La simple équité devrait faire reconnaître que l'alibi de Vanzetti est total, absolu. Mais ce sont des Italiens.

 Le verdict que rapportera le juge Thayer conclura à la culpabilité de Vanzetti. Il est condamné à une peinde de douze à quinze ans de prison. Ce n'est qu'un début.

  Horrifiés, les amis anarchistes de Vanzetti. Ils se concertent. Il faut changer d'avocat avant le procès de South Braintree, autrement on court au désastre. On va donc engager Fred Moore.

 C'est une date essentielle parce que Fred Moore va sciemment donner à l'affaire sa dimension nationale, puis internationale. Il ameutera la conscience mondiale.

 Il va bouleverser des millions d'hommes et de femmes et rendre Sacco et Venzetti célèbres, éternellement.

 Moore est l'avocat des travailleurs révolutionnaires. Chaque fois que des syndicalistes ou des militants sont traduits devant des tribunaux américains, Moore est là.

 En sa présence, rien n'est plus indifférent.

 Il soulève les passions, il draine derrière lui les enthousiasmes, il manipule les jurys comme de la glaise et il gagne souvent ses procès.

 Il fallait le voir arrivant au palais de justice, entouré d'une cour de jeunes femmes admiratrices, ses longs cheveux jaillissant en couronne de son immense chapeau de cow-boy. Pour ce procès, il va se faire assister par les frères McAnarney, Thomas et Jeremiah, plus familièrement appelés Tom et Jerry.

 Le second procès commencera le 31 mai 1921. De nombreux articles ont paru dans la presse. On a tenu des meetings. On a dénoncé une erreur judiciaire à propos de la condamnation de Vanzetti dans l'affaire de Bridgewater. Des ligues de droit civique se sont émues. Des intellectuels ont pris partis, des associations de dames se sont enflammées. Le résultat ?

 Dès le premier jour de la première audience, c'est l'émeute. Sacco et Vanzetti ne se sont pas revus depuis huit mois. Amenés à l'audience, ils se sont embrassés.

  Tous les témoignages confirment les alibis de la défense. Ils devraient contrebalancer les témoignages de l'accusation, souvent plein de contradictions. Ce n'est pas le cas. Les jurés ne supportent ni les Italiens ni les anarchistes.

 On a publié le témoignage d'un membre du jury, un certain Dever. Il est révélateur :

- J'avais l'impression que tous ces macaroni se soutenaient entre eux.


Six semaines. Les audiences durent six semaines. Le juge Thayer conduit le procès comme celui de coupables. Entre les audiences, il lâche des confidences, s'adressant même à des journalistes :

- Vous avez vu ce que j'ai fait à ces bâtards d'anarchistes ?


 Pendant le procès, Sacco éclate. Il explique son enfance, sa pauvreté, son désir de justice. Au début, certains jurés sourient. Le vocabulaire de Sacco est très pauvre, il trouve mal ses mots. Bientôt plus personne ne s'amuse.

  Sacco dit qu'il voudrait que les hommes vivent comme des hommes, que leur nature leur donne à tous ce qu'elle a de meilleur, parce que tous les hommes sont senblables. Il condamne la guerre :

- On fait la guerre pour les affaires, pour qu'on gagne des millions de dollars. Quel droit avons-nous de nous tuer les uns les autres ? J'ai travaillé pour un Irlandais, j'ai travaillé pour un Allemand, pour des Français et avec des gens de beaucoup d'autres peuples.

 J'aime ces gens comme j'aime ma femme et ceux de ma famille. Pourquoi est-ce que j'irais tué ces hommes ? Qu'est-ce qu'ils m'ont fait ? Je voudrais qu'on détruise tous ces canons. J'aime les gens qui veulent de l'instruction, et qu'on vive ausi bien qu'on peut. C'est tout.

Sacco est retombé sur son siège, il a fini. Un grand silence s'étend sur la salle d'audience.

Quand le verdict est rendu, il est prévisible. Les deux accusés sont déclarés coupables. Sacco hurle alors :

- Sono inncenti !

Rosina, sa femme, s'est jeté dans ses bras en sanglotant. Vanzetti se tait. Sacco crie encore :

- N'oubliez-pas ! Ils tuent des hommes innocents !

  Il est hors de doute que cette décision soulève un profond malaise. Certes des témoins ont reconnus Sacco et Vanzetti. Mais comment oublier leurs contradictions et leurs erreurs ?

 Comme une immense vague, l'émotion se lève en Amérique. Elle déferle à travers le monde. partout, des comités se forment. C'est un formidable combat qui commence.

 Le 9 avril 1927, il n'y a plus de recours possibles, Sacco et Vanzetti sont condamnés. Définitivement. Le 9 août, le gouverneur Fuller refuse d'accorder la grâce.

 Les journaux paraissent avec d'énormes titres : "L'exécution aura lieu le 11", "Luigia Vanzetti, la soeur de Bartolomeo, quitte l'Italie pour Boston", "Sacco continue la grève de la faim".

 Partout, les foules descendent dans la rue. Des orateurs appellent à l'émeute. On se bat à Boston. On se bat à Londres.

 On se bat à Berlin.

 Les syndicats français annoncent "Grève de 24 heures le lundi 8 août" Dix milles hommes défilent dans Wall-Street devant les banques qui ont fermé leurs portes.

 Et l'on manifeste à Copenhague, à Oslo, Moscou, Johannesburg, Santa-Fé de Bogota, Montevideo, Mexico. Une bombe éclate à Broadway dans une station de métro 3 blessés graves, 38 personnes à l'hôpital.

 Une autre bombe à Buenos Aires, où l'on brûle des tramways.

 Des émeutes à Paris, Lyon, Bordeaux, Lille, Roubaix, Tourcoing, Brest, Saint-Nazaire... Des milliers de télégrammes, venus de tous les coins du monde, s'accumulent sur le bureau du gouverneur Fuller.

 Le 8 août, 10 000 manifestants tentent de prendre d'assaut la prison de Charlestown. Ils sont repoussés par les marines. Einstein et Hansen envoient des télégrammes pour demander la grâce.

 On lance d'autres bombes à Chicago, Londres, Buenos Aires. Le père de Sacco adresse un télégramme à Mussolini qui répond : "Je fais tout mon possible, en tenant compte des règles internationales, pour sauver de l'exécution Sacco et Vanzetti."

 Le 10 août, le pape Pie XI fait connaître son opinion : "Quelle que soit la situation juridique des deux condamnés, l'attente dans laquelle ils sont depuis sept années aurait suffi à leur mériter la grâce."

 A Charlestown, la prison est maintenant défendue par deux milles hommes. L'exécution est fixée à minuit.

 A 22 h 31, le gouverneur Fuller accorde un sursis aux deux condamnés. A la prison, Sacco et Vanzetti ont quitté l'antichambre de la mort. Ils regagnent leurs cellules. La défense fait appel devant la cour suprême du Massachusetts. L'appel sera rejeté. Le 20, Sacco et Vanzetti retrouvent l'antichambre de la mort.

 Partout dans le monde, des millions d'hommes et de femmes attendent.


A 0 h 9, c'est Sacco qui entre dans la chambre d'exécution. Il s'assied sur la chaise. En Italien, il dit :

- Vive l'anarchie !

Et en anglais :

- Adieu, ma femme... Bonsoir, messieurs.

Il murmure :

- Maman...

Le bourreau appuie sur la manette. L'effrayante décharge. Il est mort.

A 0 h 22, Bartolemeo Vanzetti apparaît à son tour. D'une voix forte il dit : 

- Je désire vous dire que je suis innocent. Je n'ai jamais commis de crimes ; quelques péchés, jamais de crimes.

La décharge durera vingt secondes. Il est mort.


 Le lendemain, L'Humanité publie une édition spéciale et appelle les prolétaires à descendre dans la rue.

 Presque toute la nuit, on se battra. Ceux qui frappent, ceux qui reçoivent des coups rendent hommage à ces deux Italiens obscurs mués tout à coup en martyrs.


Ma Mamie m'a dit qu'elle avait cinq ans quand cette affaire s'est terminée et qu'elle s'en souvenait comme si c'était hier.


 

Collection "Mamie explore le temps"

 

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5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 18:28

lee-harvey-oswald.jpg"Une "Une", là, sous vos yeux.

 

Elle est consacrée à Lee Harvey Oswald, le type même de l'homme qui, jamais, n'a été à l'aise dans sa peau.


 De son passé tout est médiocre. Son enfance est parfaitement dénuée de chaleur humaine. Ballotté dans les écoles du Nord où l'on se moque de son accent du Sud et dans les écoles du Sud où l'on se moque de son accent du Nord, il s'est replié sur lui-même.


 Son comportement a inquiété même ses professeurs ; sur leurs conseils, sa mère, une femme geignarde qui passe son temps à se demander ce qu'elle a fait au ciel pour donner naissance à un tel fils, le fait entrer dans un institut spécialisé, bourré de caractériels et de délinquants mineurs. Elle va finir par le reprendre à la maison. Mais chez elle, le jeune Lee, en grandissant étouffe de plus en plus. Dès qu'il peut, il s'engage dans les Marines. il en attend tout. Il n'y découvrira que la certitude de n'être pas doué pour les rapports humains. Pas plus qu'à l'école, il ne parvient à se lier avec ses camarades. On le surnomme le "lapin".


 Son temps achevé, il découvre le marxisme et part pour l'URSS. Ce qui était très rare à l'époque pour un Américain. Ayant sollicité la nationalité soviétique et celle-ci lui ayant été refusée, il tente de se suicider. Apparemment émues, les autorités russes lui accordent l'autorisation de rester en Union soviétique. Il s'installe alors à Minsk où il obtient un poste d'ouvrier dans une usine fabricant du matériel de radio. Le paradis entrevu se révèle un purgatoire. Est-il capable de s'adapter quelque part ?


Dans un bal, il rencontre Marina Nikolaevna Prosakova. C'est le coup de foudre réciproque. Ils se marient le 30 avril 1961. Une petite fille naît en février 62. Le but de Lee désormais : être aimé de sa femme et surtout admiré d'elle. Son retour aux Etats-Unis avec elle n'a pas d'autre explication. Il a voulu montrer l'Amérique à cette petite Soviétique jamais sortie de sa province. Marina s'émerveille, en effet, mais surtout face au spectacle de l'American way of life, guère devant son mari américain. A Minsk, du fait de sa nationalité, Oswald tranchait avec les autres. Aux États-Unis, il se perd dans la masse. Aime-t-on ? Admire-t-on une ombre ?


 Dans un pays où l'argent est roi, le ménage en manque. Ouvrier métallurgiste, il sera ensuite renvoyé pour "faiblesse de rendement" d'un poste de stagiaire dans une firme de photographie avant d'être magasinier : voilà les seuls emplois qu'aura pu trouver Oswald qui rêve de changer le monde. Il se veut toujours marxiste et voudrait qu'on le prenne au sérieux. Personne n'y songe. Surtout pas sa femme d'ailleurs qui lui confie ses rancoeurs, ses déceptions. Même sur le plan sexuel. Marina est une épouse désabusée et ne craint pas de le dire. Oswald comprend qu'il est sur le point de perdre définitivement la femme qu'il aime et ne s'y résigne pas. Pire : il ne sait plus ce qu'il veut.


 Le soir du 10 avril 1963, il va chercher sa carabine et la dissimule sous son pardessus. Cette fois, il sait très bien ce qu'il veut. Il se dirige tout droit vers le domicile du général Walker, chef des extrémistes de droite du Texas. Si on écoutait ce boute-feux, c'est tout juste si les Noirs du Sud ne seraient pas de nouveaux réduits en esclavage et si l'Union soviétique n'aurait pas été depuis longtemps arrosée de quelques bombes atomiques bien ajustées. Oswald hait Walker.

 Le voici devant la clôture du jardin qui borde sa maison. Le général travaille alors à son bureau ; il se découpe dans l'encadrement lumineux d'une fenêtre du rez-de-chaussée. Une cible idéale. Dans l'allée qui mène à sa demeure, personne. Oswald ouvre son pardessus, sort la carabine. Il l'épaule. Aussitôt que, dans le viseur, apparaît la tête du général, Oswald tire.  


 Le général s'en est tiré par miracle : visé de si près, présentant une cible immobile, n'importe qui aurait dû l'abattre. Mais le général Walker est en vie. Oswald n'a pas trouvé la gloire, ni à ses propres yeux, ni face à l'humanité. Il va devoir trouver autre chose...

 Il trouvera autre chose.

 

Ma Mamie m'a dit qu'elle était au marché quand elle a entendu la nouvelle et que d'un coup plus personne n'a parlé. Comme si le temps s'était arrêté.


Même son de cloche du côté de mon papi qui m'a dit : "C'est un complot, c'est sûr. Comment veux-tu que ce tocard qui n'arrive même pas à abattre un éléphant dans un couloir puisse du 5ème étage d'un immeuble loger trois balles dans la peau d'un homme dans une voiture qui roule à vive allure ?"

En tout cas, il n'y a jamais cru.

 

Mamie - elle - se souvient juste qu'après l'assassinat de Kennedy, son portrait était partout où les gens appelaient à voter Johnson. Ou plutôt à voter contre Goldwater. Que les gens qui voyageaient avec elle ne mangeaient jamais dans un restaurant qui n'arborait pas un portrait de Kennedy.

 Et que tout le monde était triste...

 

 

Collection "Mamie explore le temps"

Lee Harvey Oswald -  Stavisky ou la corruption - Sarajevo ou la fatalité - Jeanne d'Arc -  Seul pour tuer Hitler -  Leclerc - Sacco et Vanzetti - La nuit des longs couteaux - Jaurès - Landru - Adolf Eichmann - Nobile - Mr et Mme Blériot - Les Rosenberg - Mamie embarque sur le Potemkine -  L'horreur à Courrières - Lindbergh - Mamie au pays des Soviets - Jean Moulin face à son destin - Mamie est dos au mur - L'assassinat du chancelier Dolfuss - L'honneur de Mme Caillaux - Mamie au pays des pieds noirs - La Gestapo française 

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5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 16:28

258.jpg"Le Petit Journal, là, sous vos yeux.

 

 De Munich, ma Mamie conserve le souvenir d'une métropole baroque aux savantes ordonnances, d'admirables musées et surtout de brasseries. Elles sont célèbres dans le monde entier, les brasseries de Munich.

 Aux Bavarois, elles tiennent lieu de ce que représentait, pour les Romains, le forum.

 On s'y retrouve, on y boit de la bière. Sous les voûtes, les cuivres répandent leurs flonflons. On reprend les refrains en coeur. Aussi, on parle. Les servantes passent, en costume traditionnel, portant à bout de bras d'énormes chopes. L'atmosphère reste paisible, bon enfants.

 Pas toujours.

 

 Au soir du 8 novembre 1939, si trois milles personnes sont là, ce n'est pas uniquement pour boire de la bière. Ces trois milles hommes et femmes sont tous des nazis. ils sont réunis là pour commémorer le putsch tenté par Adolf Hitler.

  Cette tentative de coup d'Etat s'était révélée un cruel échec. Hitler avait été arrêté, jugé, condamné à une peine de forteresse. Pendant cette captivité, il avait écrit Mein Kampf, livre qui devait devenir la bible de ses partisans.

 Ensuite, année après année, la commémoration du Bürgerbraükeller s'est voulue semblable à elle-même. Sauf à l'automne de 1939. Depuis deux mois, l'Allemagne est en guerre. Au printemps, Hitler est entré dans Prague. En août, il a signé le pacte germano-soviétique. En septembre, il a écrasé la Pologne. 

 Les trois milles nazis qui l'attendent savent que, après son succès polonais, Hitler a proposé la paix à la France et à l'Angleterre. En vain.

 Certains n'ignorent pas qu'il vient d'ordonner à ses généraux de se préparer à une attaque imminente à l'ouest. Que va-t-il dire, ce soir-là, le 8 novembre 1939 ?

 Un peu avant 20 heures, des acclamations s'élèvent à l'extérieur. Dans la grande salle de la brasserie, un frémissement court l'assistance. Tous se tournent vers le porte largement ouverte. L'ovation qui salue son entrée ressemble à de la frénésie.

 Jamais peut-être le Führer n'a recueilli autant d'enthousiasme. Quand pourtant il monte à la tribune, il paraît sombre, préoccupé. Un profond silence s'établit.

 A 20 h 08, il prend la parole. Il évoque naturellement le putsch, stigmatise le traité de Versailles puis s'en prend aux Anglais : "Car quel peuple a été plus bassement dupé et trompé que le peuple allemand par les hommes d'Etat anglais ?" Il enchaîne : "Nous seuls pouvons vaincre ! Si M. Churchill ne croit pas cela, je le mets sur le compte de son grand âge. D'autres aussi ne l'ont pas cru, les Polonais par exemple !"

 Sa voix rauque s'enfle pour rappeler que les nationaux-socialistes ont toujours été des combattants. Il termine par : "Pour notre peuple allemand et par dessus tout maintenant pour notre victorieuse Wehrmacht, Sieg Heil !

 L'assistance aussitôt debout, dans un état proche du délire, reprend le même cri. La fanfare joue alors le Horst Wessel Lied, chant nazi par excellence. Des acclamations sans fin se mêlent aux paroles et à la musique.

 Il est 20 h 58. Le führer a parlé pendant cinquante minutes. Un discours nettement plus court que ceux qu'il a prononcés les années précédentes : il parlait en moyenne une heure et demi.

 Hitler serre quelques mains. Il semble pressé. Naguère, il s'attardait à causer avec ses vieux amis, avec les familles des nazis morts au combat. Ce soir, rien de pareil. Il part aussitôt pour la gare monumentale de Munich qu'il rejoint à 21 h 24.

 A 21 h 31, le train part.

 Au Bürgerbräukeller, la salle - désemparée, déçue - s'est vidée en quelques minutes. Il ne reste là que quelques membres du parti, des employés, des serveurs, des serveuses et quelques SS.

 Tout à coup, à 21 h 20, une formidable déflagration secoue la bâtiment tout entier. Une bombe vient d'éclater à quelques mètres où se tenait Hitler pendant son discours. De ce lieu quasi historique, il ne reste qu'un effroyable enchevêtrement de débris informes. Des décombres, on relèvera sept morts et soixante-trois blessés.

 Si le discours d'Hitler s'était prolongé comme à l'accoutumée, on n'aurait rien retrouvé de lui. Cinquante hauts dignitaires du régime aurait disparu en même temps.

 

 Le train d'Adolf Hitler roule dans la nuit. Il apprendra la nouvelle à Nuremberg où son visage se figea. dans son regard dansait la flamme mystique qu'on lui connaissait au moment des grandes décisions. D'une voix tranchante et que l'émotion altérait, il s'exclama : "Maintenant, je suis en paix avec moi-même. Si je suis parti plus tôt que d'habitude, c'est que la providence veut que mon destin s'accomplisse." il ajoutera : 

- Subitement, j'ai senti en moi un besoin impétueux d'écourter cette réunion. Au fond, aucune raison péremptoire ne m'y incitait. Rien d'important ne m'attendait dans la capitale. Mais j'ai écouté cette voix intérieure qui devait me sauver.

 Les journaux vont réserver à une telle explication l'accueil que l'on devine. L'opinion allemande en restera frappée. Décidément, ne fallait-il pas interpréter comme un signe cette chance insolente qui semblait ne jamais abandonner Adolf Hitler ?

 

 C'est sur ordre personnel du Führer que l'enquête a été confié à Arthur Nebe. Alors qu'il est dans l'avion qui vole vers Munich, Nebe se sent mal à l'aise.

 Dans quel guêpier le Führer vient-il de le fourrer ?

 Soyons-en rassurés : Nebe n'est pas tombé de la dernière pluie.

 A peine arrivée à Munich, il va tenir à associer la Gestapo à son action. A la brasserie, les enquêteurs de Nebe sont au travail. Ils ne leur a fallu qu'une heure pour découvrir dans les ruines les éléments d'une machine infernale.

 Un engin qui n'est pas d'origine militaire et certainement de fabrication artisanale. Du bricolage ? Nullement. Il s'agit au contraire d'un travail remarquable. Les explosifs dont on s'est servi sont du type employé dans les mines.

 Quant au mécanisme, c'est celui d'une pendule. A partir de ces éléments, la police va - sans perdre une minute - engager son enquête... 

 Les résultats obtenus en cette seule journée sont confondants. On a identifié l'horloger qui a vendu la pendule du type dont on s'est servi pour l'attentat. Il a donné un signalement précis de l'acheteur : un jeune homme au visage triangulaire, avec des cheveux bruns ondulés, des sourcils épais et s'exprimant avec un fort accent souabe.

 La police découvre enfin qu'un serrurier du nom de Solleder a prêté son atelier à un jeune Souabe pour qu'il puisse effectuer un certain nombre de travaux : une invention à laquelle il travaillait depuis longtemps, avait-t-il affirmé. 

 Le serrurier a livré une description détaillée du jeune homme. Elle correspond à celle donnée par l'horloger. Mieux encore : un jeune homme parlant le dialecte souabe a été vu, pendant de longues semaines, au Burgerbräukeller. Il s'est même lié à une serveuse. Le propriétaire de la brasserie se souvient d'avoir surpris le jeune Souabe dans les toilettes après la fermeture. Sommé de s'expliquer, il a prétendu être entré là pour panser un furoncle et avoir été enfermé par mégarde.

 A ce point de l'enquête, Nebe communique ses informations aux hommes de Müller qui tiennent déjà un homme qui correspond au signalement. Ils l'ont capturé la veille au soir à 20 h 45, un certain Georg Elser, âgé de trente-six ans, menuisier ébéniste, né dans le Wurtemberg, donc au coeur du pays souabe.

 Il a été appréhendé au poste frontière alors qu'il allait passer clandestinement en Suisse. On l'a fouillé et on a trouvé sur lui : 1° un insigne du Front rouge ; 2° un fragment de détonateur ; 3° une carte postale représentant la salle avec l'une des colonnes marquée d'une croix au crayon rouge.

 Nebe en reste pantois. Il est difficile de douter que cet Elser soit mêlé à l'attentat.

 Que l'on ait trouvé sur lui de telles pièces à conviction, voilà pourtant qui est trop beau, vraiment ! Avouons que nous partageons la stupeur de Nebe et, irrésistiblement, concevons les mêmes doutes.

 Du coup, les soupçons préalables de Nebe reprennent force et vigueur : et si ce Georg Elser n'était qu'un pion entre les mains de gens qu'il vaudrait mieux peut-être ne pas trop chercher à retrouver ?

 Le vendredi 10 novembre, à la fin de la journée, Elser arrive à Munich sous bonne escorte. Nebe décide de l'interroger lui-même. Il découvre un garçon calme, intelligent, à l'esprit vif.

 Un homme qui a un alibi. Le jour de l'attentat, il était à Constance. Il voulait aller en Suisse pour ne pas faire la guerre. S'agit-il seulement d'un déserteur ? De toute façon, s'il en est ainsi, en temps de guerre son compte est bon.

 Jusque-là, Elser a nié. Il se tait, un instant. Puis il demande ce que peut attendre quelqu'un qui aurait fait une chose de ce genre. On lui répond que cela dépend de la raison pour laquelle il l'a entreprise.

 De nouveau, un silence. Et voici que Elser, lentement, se met à parler : il avoue que c'est lui qui a commis l'attentat. Lui seul. On lui demande pourquoi il a décidé de tuer le Führer. il répond qu'il n'aime pas les dictateurs, en particulier celui-ci.

 Qu'en plus, il ne pouvait accepter l'idée qu'Hitler entraîne l'Allemagne dans la guerre. Alors il s'est décidé à agir. Avec persévérance. Le 8 novembre 38, il n'a pu entrer au Burgerbräukeller parce que Hitler pérorait dans la brasserie. En partant, il savait - sans la moindre hésitation - que c'était là, dans cette brasserie, qu'il faudrait agir.  

 Il avait un an devant lui.

Un an pour tuer Hitler.

 

 Donc, pendant un an, il s'est préparé. D'abord il a dérobé des explosifs dans une grosse valise. Il a peu à peu mis au point le mécanisme de l'explosion avec des réveils et des pendules.

 A chacun il expliquait qu'il travaillait à la mise au point d'une invention.

Tous, ils l'ont cru.

 Il va expliquer avec minutie comment il a préparé la bombe.

Mais quand l'a-t-il installée, sa machine infernale ? Là aussi, Elser va répondre sans se faire prier.

 Un soir vers 20 heures, un peu plus d'un mois avant la date fixée pour le discours de Hitler, il est entré dans la brasserie. Il portait une valise noire. Il s'est installé à une table. Il a commandé une choucroute et une petite bière brune. Il s'est appliqué à manger lentement, très lentement. Il y avait de la musique.

 Il est ainsi parvenu jusqu'à l'heure de la fermeture. Il a réglé sa note et s'est alors rendu aux toilettes. Il a attendu que la lumière soit éteinte puis il est sorti de sa cachette et s'est approché du pilier. Son pilier. Depuis longtemps, il avait décidé de creuser dans cette colonne une cavité d'environ 80 cm3.

 Cette tâche, il l'a entreprise. Et menée à bien.

 Pas en une soirée, naturellement. En fait, il lui a fallu trente-cinq nuits. trente-cinq !

Chaque nuit il entasse les gravats dans sa valise. A l'aube, quand il quitte la brasserie, il les jette dans la rivière. 

 Le vendredi 3 novembre, il met en place le mécanisme. Le samedi 4, il bourre la machine d'explosifs, installe ses détonateurs et règle le mouvement pour que l'explosion se produise le 8, entre 21 h 15 et 21 h 30. Il n'y reviendra que dans la nuit du 7 au 8, pour vérifier si le mécanisme fonctionne bien. Or c'est le cas.

 Après quoi, il quitte Munich et gagne directement Constance par le train. Plus sûr moyen de regagner la Suisse. Seulement voilà, il n'avait que quelques mètres à franchir pour se retrouver en Suisse. C'est alors qu'il a entendu la radio. Les douaniers écoutaient le discours du Führer. Du coup, Elser est resté là, sur place, fasciné, comme paralysé.

 Il se disait que, d'un instant à l'autre, la radio allait retransmettre l'explosion. Son oeuvre ! Le monde saurait que Hitler était mort et que la paix serait sauvée. Sa raison lui criait de partir et de ne pas perdre une minute. Il ne le pouvait pas. Il voulait écouter jusqu'au bout.

 Tout à coup, un homme l'a ceinturé. Un douanier. De loin, il avait observé son comportement et l'avait trouvé suspect. Il s'était approché par derrière. Elser, tout à l'écoute du discours, ne l'avait pas entendu venir.

 Quand on a découvert sur lui la carte postale du Bürgerbräukeller, et le détonateur, et l'insigne, on l'a arrêté. C'est là précisément ce qui étonne les enquêteurs. Pourquoi avoir pris le risque insensé d'emporter sur soi les preuves palpables de sa participation à l'attentat ?

 Elser répond que son intention était de demander aux Suisses le droit d'asile politique. C'est pour qu'on ne remette pas en question sa paternité dans la mort de Hitler. Réponse qui ne manque pas de vraisemblance.

 Hitler exige alors un grand procès où l'Angleterre sera mis en cause comme étant le cerveau de l'opération et qui pourra servir la propagande du Troisième Reich. Or ce procès n'aura jamais lieu. Dans l'entourage d'Hitler, on trouve que cette affaire "sent le roussi".

Mieux vaut ne pas faire de vague.

 

 Elser resta jusqu'en 1941 aux mains de la Gestapo. On le transfera ensuite au camp d'Oranienburg. Là, il connaîtra un sort relativement enviable. Il a eu droit à un domestique. Mais oui...

 Dispensée de la tenue rayée que l'on réserve aux prisonniers, il sera traité comme un prisonnier de marque. On l'a même autorisé à monter un petit atelier de menuiserie. il y a fabriqué une cithare dont il jouera jusqu'à sa mort. Dans le camp, on l'appelle "l'homme à la cithare". Pourquoi ? Comment ne pas se poser une infinité de questions ? Pourquoi ne s'est-on pas débarassé de Elser ?

 Certains ont dit qu'il s'agissait d'une machination de la Gestapo qui avait monté de toutes pièces un attentat pour accréditer le mythe d'un Hitler protégé par la providence. Explication a priori séduisante, inadmissible dès que l'on en pèse tous les aspects.

 

 Pour ma Mamie, l'attentat préfabriqué ne tient pas.

 Elle privilégie une explication dont elle convient qu'elle apparaît incroyable mais dont tout ce que nous avons peu à peu appris sur Hitler et son entourage permet d'affirmer qu'elle est parfaitement plausible.

 Pouvons-nous oublier le mage de Hitler, consulté si souvent par celui-ci et dont l'entourage finit par inquiéter certains qu'il fut un jour trouvé assassiné ? 

 Que dire des voyants et astrologues qui entouraient Himmler ? L'aventure toute entière du national-socialisme baigne dans l'irrationnel.

 L'explication de l'affaire Elser tient peut-être dans une confidence de Gisevius. Selon lui, Hitler pensait que sa propre vie était liée à celle de son meurtrier. Il ne fallait donc pas qu'Elser mourût. 

 Pourquoi pas ? 

 Dans l'apocalypse de 1945, quand tout fut perdu, cette crainte n'eut plus de raison d'être et Elser fut assassiné d'une balle dans la nuque.

 

 Comment ne pas rêver ? L'attentat aurait pu réussir, Himmler et Goebbels disparaître en même temps que Hitler. Que se serait-il passé ? En vertu des lois du Troisième Reich, Goering aurait pris le pouvoir. En 1939, le chef de la Luftwaffe avait essayé de sauver la paix. Il aurait probablement cherché une conclusion à la guerre. S'il l'avait obtenue, quelques dizaines de millions d'hommes, de femmes, d'enfants auraient eu la vie sauve.

 Il suffisait que la bombe d'Elser éclatât douze minutes plus tôt.

Douze minutes.

 

 

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5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 13:59

hiroshima.jpg"Une illustration, là, sous vos yeux.


 Le 6 août 1945, Hiroshima n'est plus.

 Les premiers, ceux qui se trouvaient directement en dessous de la projection sur le sol de l'explosion, ont été désintégrés.

 Plus de traces de choses ni de gens.

Si l'on s'éloigne du "point zéro", ce sont des cadavres calcinés que l'on découvre.

Les hommes, les femmes, les enfants, se sont embrasés, d'un seul coup.


100 000 morts, 40 000 blessés. Officiellement.

Sans doute beaucoup plus.


 Quand le major Eatherly a su ce qui était arrivé à Hiroshima, il s'est tu.

Pendant plusieurs jours, il a refusé d'adresser la parole à quiconque.

Pourtant il n'a pas largué la bombe. Mais il a conseillé à l'Enola Gay de la larguer.

Cette idée-là, il ne peut la supporter.


 Or le responsable, c'était Truman.

Ma Mamie en est parfaitement consciente. Quand ont paru ses mémoires, elle a avant tout cherché le passage où l'auteur décrirait l'angoisse ressentie au moment où il il avait décidé d'utiliser la bombe.

 Ayant traversé une telle crise de conscience, il ne pouvait que l'évoquer en des pages nécessairement bouleversantes. Or elle n'a trouvé que quelques paragraphes très secs, totalement dénués d'émotion. Truman se devait d'ordonner que l'on utilisât la bombe. Il l'avait fait.

 Il le disait.

Rien de plus.

Plus tard, interrogé par des journalistes qui lui demandèrent à brûle-pourpoint quel était l'évènement de sa vie qu'il regrettait le plus, Truman répondit sans hésiter :

- Je regrette de ne pas m'être marié plus tôt.

Apparemment, il n'avait pas pensé à la bombe.


 Claude Eatherly, lui ne s'en ai jamais remis. Après plusieurs dépressions, un divorce et une tentative de suicide, il va se rendre en pèlerinage à Hiroshima. Les Japonais l'accueillent comme un frère retrouvé. Les militants du désarmement se reconnaissent en lui. En 1952, il participe à une manifestation monstre contre l'arme atomique. Jusqu'au bout, il clamera qu'il faut renoncer à l'atome en tant que moyen de destruction. Jusqu'en ce mois de juillet 1958 où, à 59 ans, il mourra d'un cancer.

 Au-delà de sa propre mort, Claude Eatherly a voulu militer encore. A sa demande, son corps fut brûlé. Comme tant d'autres corps l'avaient été, treize ans plus tôt.

A Hiroshima.

 

 

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 13:51

jean-moulin.jpg"Une photo célèbre, là, sous vos yeux. 

 

 Il est 14 h 45. Des portières des voitures, brutalement poussées, jaillissent des hommes armés. Sur le pas de la porte, le docteur Dugoujon raccompagne une cliente. Les hommes l’entourent, le bousculent. L’un d’eux lui glisse à l’oreille :

- Police allemande !

Le désespoir se lit sur le visage du médecin. A l’instant, chez lui, vient d’arriver le délégué général du général de Gaulle en France.

 Il s’appelle Jean Moulin.

 

 Jean Moulin est né le 20 juin 1899.

Adulte, il proclame ouvertement son désir de "se pencher sur ceux qui peinent, à l’usine comme à la terre".

 Il ne cache pas qu’il fera obstacle à ceux qui voudraient priver les travailleurs du "bénéfice d’améliorations sociales tant attendues et si justement méritées".

 Depuis la prise de pouvoir d’Hitler, il est convaincu que les démocraties doivent s’armer pour faire face au péril nazi

 Les idées de Hitler sont à l’opposé de tout ce qu’il croit, de tout ce qu’il aime.

 Donc il faut barrer la route à Hitler. Quand la guerre éclate, il est préfet d’Eure-et-Loir. Il demande aussitôt à être mobilisé. Son ministre l’estime plus utile à Chartres. Il vient d’avoir 40 ans.

 

 Le 17 juin 1940, des officiers allemands font irruption dans sa préfecture et le somment de les suivre. Dans une cour de ferme, ils lui montrent un amoncellement de cadavres. Les Allemands soutiennent qu’il s’agit de victimes de sévices infligés par des soldats sénégalais.

 Ils tendent à Moulin un rapport rédigé dans ce sens. On saura plus tard qu’il s’agit de gens tués dans un bombardement.

- Signez !

 Calmement, mais fermement, Moulin refuse d’entériner des accusations dont on ne lui fournit aucune preuve. On le menace. Il refuse toujours. Les soldats l’entourent, le bousculent, le frappent à coups de poing puis de crosse. Rien n’y fait. Cela dure sept heures. Moulin n’a toujours pas signé. Dans une pièce obscure, on le jette sur le cadavre déchiqueté d’une femme. Il est 2 heures du matin.

 Pendant combien de temps est-il resté - désespéré - sur le sol de ce réduit ? Sa main rencontre des morceaux de verre, vestiges des fenêtres détruites par le bombardement.

 La vie vaut-elle encore d’être vécue ?

Le prisonnier se saisit d’un de ces tessons et se tranche la gorge.

 Une sentinelle allemande le découvrira baignant dans son sang. On le transporte à l’hôpital, on le soigne, il est sauvé. Il gardera la trace indélébile de son suicide manqué : une cicatrice que cachera désormais une écharpe.

 

 Quand le 2 novembre 1940, le gouvernement de Vichy le démet de ses fonctions, Moulin prend sa décision : il rejoindra à Londres le général de Gaulle. 

 

Courant décembre, il est reçu par le général de Gaulle.

 

 Les voilà donc face à face, ces hommes antinomiques. Le général de Gaulle : immense, glacial malgré la fièvre qui le brûle. Moulin : petit, mince, l’air à la fois énergique et enjoué. Moulin se sait un inconnu pour de Gaulle. Durant tout son voyage, il a redouté que ce fût un obstacle insurmontable. Il a tort. D’emblée, l'accueil réservé au préfet Moulin sera favorable.

 Devant de Gaulle, Moulin parle.

Il faut que la "France libre" organise avec les résistants des liaisons fréquentes, rapides et sûres. On doit leur faire passer de l’argent, des armes. Moulin affirme, avec une solennité qui frappe son interlocuteur, que ses véritables troupes se trouvent en France métropolitaine.

 De Gaulle confirme : il faut renforcer et unifier la Résistance. Il désigne Jean Moulin comme son représentant personnel et le nomme délégué du Comité national français pour la zone non occupée. Moulin sera parachuté en Provence dans la nuit du 31 décembre 1941 au 1er janvier 1942.

 

 Il n’a subit aucun entraînement. C’est à peine s’il sait ce qu’est un parachute.

Il plonge dans la nuit vers cette terre où l’attendent non seulement de grands périls mais une tâche quasiment impossible à réaliser.

 

 

Collection "Mamie explore le temps"

Lee Harvey Oswald -  Stavisky - Sarajevo ou la fatalité - Jeanne d'Arc -  Seul pour tuer Hitler -  Leclerc - Sacco et Vanzetti - La nuit des longs couteaux - Jaurès - Landru - Adolf Eichmann - Nobile - Mr et Mme Blériot - Les Rosenberg - Mamie embarque sur le Potemkine -  L'horreur à Courrières - Lindbergh - Mamie au pays des Soviets - Jean Moulin face à son destin - Mamie est dos au mur - L'assassinat du chancelier Dolfuss - L'honneur de Mme Caillaux - Mamie au pays des pieds noirs - La Gestapo française - Auschwitz - Le discours d'un Général - Mamie à Cuba - Le discours d'un Maréchal  

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 13:26

abdication.jpg"Un journal, là, sous vos yeux. 

 

 Pour Loyd George, il n'est pas trop tard. Il monte au créneau pour défendre le roi  contre les attaques incessantes de Baldwin : "Une nation a le droit de choisir sa reine, mais le roi aussi a le droit de choisir sa femme. Si Baldwin est contre ces droits, je suis contre Baldwin."

 Mais c'est trop tard.

  Edward veut alors dire à son peuple ce qu’il a sur le coeur. Alors, envers et contre tous, il parlera à la radio. La suite se passe de commentaire :

  "J'ai estimé impossible de remplir les devoirs qui m'incombent en tant que roi, sans l'aide et le secours de la femme que j'aime. Je veux que vous sachiez que la décision que j’ai prise n’appartient qu’à moi et à moi seul. Une décision facilitée par la certitude que mon frère sera en mesure de prendre ma place, sans que la vie et le progrès de l’Empire soient interrompus ou négligés. Il jouit aussi de cette bénédiction sans pareille, que tant d’autres parmi vous ont reçue également et qui ne m’a pas été accordée, celle de vivre dans un foyer heureux avec sa femme et ses enfants."

 Un correspondant de la radio américaine, Lowell Thomas, va écrire :

 "Prenez tous les grands discours de l’histoire, du théâtre, des orateurs les plus ardents, des grands hommes d’Etat, vous n’en trouverez pas d’aussi poignant que celui de l'homme qui a parlé aujourd’hui à l’Empire pour la dernière fois."


 La radio française, elle aussi, retransmet le discours.

 Wallis se souviendra : "La voix de David s’éleva, calme, émouvante. J’étais assise sur le sofa. Le visage dans les mains, m’efforçant de retenir mes larmes."

 Les larmes de Wallis, personne ne les a vu couler. Celles de millions de citoyens britanniques ont eu de multiples témoins. 

 Il commence alors à l'appeler. Tout le temps. Mais à peine a-t-il raccroché qu'il éprouve de nouveau un manque insoutenable.

 Les amoureux sont ainsi : quand ils se quittent, ils sont sûrs - toujours - qu'ils ont omis de se confier l'essentiel.

 David et Wallis n'oublient jamais que des oreilles ennemies peuvent aussi être à l'écoute.

 Alors, ils s'écrivent.

 Des lettres d'amour, par centaine.

 En attendant que le divorce soit prononcé définitivement. Ce sera chose faite le 27 avril.

 Maintenant, curieusement, elle a peur.

 Et si, après ces six longues semaines, elle le décevait ?

 Et lui, "comment avait-il résisté au profond bouleversement de son existence" ? Quand Edward arrive, pour la rejoindre, il grimpe les escaliers quatre à quatre. Elle se jette dans ses bras. Elle le voit amaigri, les traits tirés mais "aussi gai qu'auparavant". Doucement, il lui dit :

- "Chérie, que cette attente a été longue ! Je puis à peine croire que nous sommes enfin réunis !

 Ils savent qu'ils ne se quitteront plus. Jamais.

 Aucun membre de la famille royale n'assistera au mariage. Même pas le frère préféré ?

Pas même.

 Même pas la soeur tendrement aimé ? Pas même. Même pas sa mère ?

Surtout pas sa mère.

 Dans la bouche d'Edward coule un goût de cendre.

 Non seulement on lui refuse la chaleur de l'affection familiale, mais on le traite en banni de sa propre famille.

- Si quiconque aperçoit un juste motif qui puisse empêcher l'union légitime de cet homme et de cette femme, qu'il parle maintenant ou se taise à jamais !

Personne ne s'avance pour proclamer ce "juste motif". Le révérend prend la main droite de celui qui a été roi d'Angleterre et la dépose dans la main droite de celle qui devient sa femme. Après quoi, il prononce la formule sacramentelle que les deux époux répètent après lui.

- Moi, Edward, dit le pasteur.

- Moi, Edward.

- Moi, Wallis, dit le pasteur.

- Moi, Wallis.

 Quand le révérend leur demande s'ils veulent être mari et femme, ils répondent oui, elle sans hésiter, lui avec une sorte de précipitation. Il est trois heures de l'après-midi.

 Et ils ne se sont jamais quittés.


 En novembre 1971, on a annoncé à Edward qu'il était atteint d'un cancer à la gorge. On l'a traité au cobalt. Bientôt il s'est su condamné. Il mourut le 27 mai 1972.  Wallis lui survécut quinze années. Les dernières lui furent un long martyre.

 Toute vie semblait s'être éloignée d'un corps entièrement paralysé. Elle ne pouvait plus s'exprimer ni s'alimenter naturellement.

 Ma Mamie s'est rendue dans cette maison.  Elle s'est arrêtée sur le seuil, retenu par l'impression insurmontable qu'il serait mal de chercher à contempler de plus près cette femme dont l'histoire avait ému le monde.

Dehors, il faisait beau. Ma Mamie se souvient avoir demandé au maître d'hôtel si la duchesse avait quelque apprence de lucidité. Le visage de George se fit très grave :

- Ici, nous avons fini par nous habituer à ce mot "légume" que les médecins employaient volontiers, qu'elle ne percevait plus rien du monde extérieur. Pourtant, la semaine dernière, j'ai changé d'idée.

 Surprise ma Mamie l'a regardé.

- Oui, Madame. Je m'étais dit, je ne sais pas pourquoi, qu'il y avait bien longtemps que son lit était à la même place. J'ai demandé aux infirmières de m'aider à en changer l'orientation. Le lendemain matin, quand je suis entré dans sa chambre, je me suis approché du lit. Elle pleurait.

 Je lui ai demandé : "Votre Altesse préfère-t-telle que je remette le lit là où il se trouvait ?" Je n'ai, bien entendu, obtenu aucune réponse. Le lit a regagné sa place. Elle a cessé de pleurer.

 Wallis Warfield, duchesse de Windsor, est morte le 24 avril 1986. Elle avait quatre-vingt dix ans.

 Rideau.

 

 

 

L'histoire vraie de l'attachement passionné qui unit Edward VIII et Wallis Simpson :

Le Duc de Windsor

Wallis va voir un astrologue

La destinée

L'amour fou

Elle et lui

L'abdication

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 13:22

duchesse-de-windsor.jpg"Une photo, là, sous vos yeux. 

 

 Wallis serait-elle Wallis si elle ne songeait pas, au procès, à se montrer "présentable" ?

 Elle file donc chez son coiffeur à Londres. Dehors la foule ne cesse de grossir.

 A peine le dernier coup de peigne a-t-il été donné qu'elle fait appeler Storier : il faut qu'il la tire de là.

  Storier la fait passer par une porte de derrière mais la foule n'est pas dupe. Elle suit. Pleine d'espoir, Wallis se glisse par la petite porte quand, tout à coup, elle se trouve face à une meute. Elle s'engouffre dans la voiture qui démarre en trombe. Le soir même, elle est de retour chez elle.

 Désespérée.

Dans les épreuves, on compte ses amis. Ils ne sont pas légions.

 Jusqu'où ira-t-on ?

 L'Establishment se pose la question. Le roi ne peut épouser cette femme divorcée deux fois, Américaine de surcroît. 

 Le divorce prononcé, Wallis n'éprouve que du soulagement. De son propre aveu, "aucune joie".

 Il lui faudra attendre six mois pour être vraiment libre. On ne plaisante pas avec le décret "Nisi".


A peine a-t-elle repris ses esprits que le téléphone sonne : c'est Edward qui lui crie son bonheur et s'annonce pour diner. L'avenir s'éclaire.

 Le cauchemar serait-il achevé ? 

 

 Tout va basculer un vendredi. Un vendredi 13. Faut-il croire aux vendredis 13 ?

 De ce jour-là, notre action prend un tour cinématographique. Pendant quatre semaines, du 13 novembre jusqu'au 10 décembre, jour de l'abdication, elle va se donner l'allure d'un scénario à suspense.

 L'histoire s'écrira au galop.

 Le synopsis, d'abord, tel que, dans sa forme simplifiée, il va faire les délices d'un immense public.

 Le nouveau roi d'Angleterre est épris d'une Américaine sur le point de divorcer pour la deuxième fois. Il veut l'épouser.

 Tous deux ont la quarantaine, un âge où l'on ne se conte pas fleurette.

 Lui : très populaire en son royaume, se fait de son métier une idée assez peu conformiste ; s'intéresse aux classes déshéritées, aux chômeurs, aux anciens combattants.

 Elle : vive, spirituelle, laisse derrière elle deux expériences matrimoniales malheureuses; son second mari l'a trompée avec une amie d'enfance ; le roi l'aime et elle aime le roi.

 Des personnes louches vont vouloir que le roi abdique.

 Le lecteur écarquille les yeux. Mamie le comprend.

 Ensuite cela va très vite, Wallis par en France pour retrouver un peu de sérénité.

 Elle écrit alors au Roi. Elle a posé son stylo. A-t-elle compté les pages de cette lettre-fleuve ? Non, sans doute.

 Mamie, elle l'a fait : quinze pages !

S'est-elle relue ? Probablement non car elle se serait aperçue que son désir de mettre ses idées en ordre abouti à une telle confusion qu'elle-même aurait bien du mal à s'y retrouver.

 Le lecteur peut-il tenter de s'y affronter ? Avant tout, elle ne veut pas paraître, aux yeux du monde, comme l'artisan de la faillite. Elle ne veut pas non plus que l'homme qu'elle aime fasse mauvaise figure.

 Mamie a finit par comprendre que pour elle, tout n'est pas joué.

 Elle se pose des questions sur la tactique à suivre. Attendre ? Attaquer ? Abandonner ? Qui peut les aider ?

 Alors, Churchill se lève.

 Ses amis l'ont supplié de n'en rien faire mais celui qui aurait empêché Winston de parler n'est pas encore né.

 Il entreprend donc de développer de nouveau les arguments qui, quatre jours plus tôt, lui ont valu un succès. Mais des protestations se font entendre, puis des huées.

 Churchill s'époumone, tonitrue.

 En vain.

 Les clameurs couvrent sa voix. Il doit se taire, s'asseoir. Il a perdu. Un témoin déclarera avoir assisté au plus cuisant échec parlementaire que l'on ait jamais vu. Tassé sur lui-même, le mufle furieux, Churchill regarde droit devant lui.

 Il gît à terre.

 Plus tard, le duc de Windsor écrira ceci : "J'ai toujours déploré cet incident et je donnerais beaucoup pour pouvoir l'effacer des annales de cette ancienne assemblée qui doit tant à celui qu'elle traita de la sorte. Et, cependant, je suis fier aussi que, de tous les Anglais, ce soit Mr. Churchill qui ait élevé la voix jusqu'au bout pour défendre le roi, son ami."

 Wallis est retournée à sa solitude. La voilà donc au terme de sa belle aventure.

 Peut-être, à cet instant, a-t-elle revu en accélérer les images d'une histoire dont elle n'a même plus la certitude d'être l'héroïne : la petite Américaine de Baltimore.

 Le visage incertain, flou, de sa mère. L'oncle Sol et ses danseuses. La tante Bessie. Un bel aviateur, la Chine. Le retour en Amérique. Ernest Simpson, très strict dans son complet rayé. Une porte qui s'ouvre tandis qu'apparaît le jeune visage d'un prince charmant. Le soleil, la mer. Un roi.

 Et le film casse.

Le rêve est fini.

 Les rois n'épousent pas les bergères, même venues de Pensylvanie.

 Pour Edward VIII, rien - absolument rien - n'a changé.

 Tous les intermèdes du monde ne peuvent le faire dévier de la destination qu'il s'est fixée, de même que le navigateur perdu se guide sur une étoile.

 Il va abdiquer. 

 

L'histoire vraie de l'attachement passionné qui unit Edward VIII et Wallis Simpson :

Le Duc de Windsor

Wallis va voir un astrologue

David et Wallis

L'amour fou

Elle et lui

L'abdication

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 13:19

wallisedouard-copie-1.jpg"Une photo, là, sous vos yeux.

 

 Ma Mamie qui n'en rate décidément pas une a posé une question au dernier survivant du personnel : quel souvenir dominant a-t-il conservé de ce couple ?

 Réponse : l'image d'un homme et d'une femme ne cessant de se parler avec animation et se tenant la main en permanence. Ils ne s'appellent jamais par leur prénom et préfèrent le mot darling.

 Le soir, ils ne s'assoient jamais en face l'un de l'autre, mais l'un à côté de l'autre. Et, entre chaque plat, ils se prennent de nouveau la main.

 Ces moments sont rares. Pour le moment, Wallis vit toujours sous le même toit que son mari. De les imaginer, elle et lui, dans le même appartement - seuls - rend fou Edward.

 Voilà un mot clé.

 Si nous méconnaissons, au cours de tous ces mois, qu'Edward VIII traverse une passion qui n'est rien d'autre qu'un amour fou, il nous est impossible de rien comprendre à cette histoire.

 Les lettres retrouvées ne laissent aucun doute ; Edward veut épouser Wallis. Il n'envisage aucune autre issue.

 Elle ? De ce qui enivrerait tant de femmes, elle persiste à considérer surtout les périls, voire les drames prévisibles. Tant qu'Edward voudra d'elle, elle lui consacrera sa vie. Pour le reste...

 C'est une attitude exactement contraire qu'à adoptée le roi. Rien de plus frappant dans cet entêtement sans faille, cette tranquille et souriante certitude : Wallis - qu'elle le veuille ou non, que les autres le veuillent ou non - sera sa femme. Il l'a résolu et il en sera ainsi.

 Rien ne peut ébranler cet homme.

 

 Wallis est née le 19 juin sous le signe des Gémeaux ; Edward, le 23 juin, premier jour du signe du Cancer. Quatre jours seulement les sépare donc. Ils s'en amusent.

 Ma Mamie a mis la main sur un billet d'anniversaire en 36 où une phrase d'Edward mérite bien d'être soulignée : "Gardez-vous bien." Curieux.

 En fait, si le roi invite Wallis à se garder, ce ne peut-être que de l'homme dont elle partage l'appartement : Ernest !

 Que le lecteur l'apprenne sans plus tarder : c'est la dernière fois qu'Ernest accompagnera Wallis dans un week-end royal.

 

 Le déferlement de la presse américaine atteint maintenant une telle ampleur que le prince est alors en danger. Le divorce de Mrs. Simpson est attendu. Wallis ne peut plus se passer du prince. Et vice-verça.

 Une phrase de Wallis résume admirablement ce qu'elle ressent en ce printemps 1935 : "La vague m'emportait toujours plus vite et toujours plus haut."

Elle espère qu'ils auront bientôt un peu de paix.

 Ils ne l'auront pas.

 

 Me sera-t-il permis, à ce moment du récit, d'adresser - au nom du lecteur - une pensée à la mémoire de l'excellente Mrs. Merryman ?

 Je l'évoque, enfoncée dans son fauteuil, considérant d'un air accablé les magazines et quotidiens épars autour d'elle et plus acharnés les uns que les autres à déchirer l'intimité d'une victime qui n'est autre que sa nièce.

 Je l'imagine déchirant l'enveloppe de la dernière lettre de Wallis et demandant, le coeur battant, ce que, cette fois, cette imprévisible femme va encore pouvoir lui annoncer.

 Vraiment, il n'était pas facile, pour une tante de Baltimore de vivre au jour le jour les amours de sa nièce avec un roi d'Angleterre. 

 Edward s'obstine. Il offre ensuite un diner qui s'inscrit dans un plan mûrement établi.

 Sur l'échiquier royal, le roi avance pièce par pièce. Il invite tout le gratin du Royaume. Une exception de taille : Mrs Simpson.

 Ce n'est pas la première fois qu'elle figure au Bulletin mais, jusque-là, son nom s'est trouvé associé à celui de son mari.

 Ici, point de mari.

 Les lecteurs du Bulletin auront beau écarquiller les yeux, relire et relire la liste, impossible d'y découvrir Ernest.

 Pour la première fois, Stanley Baldwin hoche la tête.

 La Society se le tient pour dit : le roi vient de gravir une marche nouvelle de l'escalade.

 Ernest lui est à Maidenham sur la Tamise. Avec une femme. Wallis l'apprend et demande le divorce sur le champ

 Qu'un certain Theodore Goddard ait fourni le brouillon de la lettre ne serait pas pour nous étonner. En tout cas, ma Mamie en est convaincue.

 

Wallis prend alors peur, tout est allé trop loin et elle écrit une lettre déchirante au roi, extrait :

"C'est une lettre difficile mais je dois absolument retourner auprès d'Ernest pour de nombreuses raisons. Je vous en prie, soyez patient et lisez. La première raison est que nous nous nous comprenons et nous entendons très bien ce qui est un art dans le mariage.

 J'ai confiance en lui pour prendre soin de moi et de lui. En d'autres termes, je me sens avec lui en sécurité et il me laisse jouer mon rôle.

 Je suis sûre que dans quelques mois votre vie continuera comme avant sans que je vous harcèle. Nous avons eu des moments merveilleux et j'en rends grâce au ciel mais je suis sûre que vous et moi, ensemble, nous ne pouvons qu'aller au désastre. Je vous veux heureux et je sais que je ne pourrai réussir à vous donner ce bonheur, et honnêtement, vous ne pourrez pas non plus me le donner. Adieu mon cher David, WE."

 

A peine Edward a-t-il achevé la lecture de cette lettre qu'il plonge dans un terrible accès de désespoir.

 C'est donc vrai ? Elle veut le quitter ? Qu'elle le sache bien, il va se donner la mort.

 Mourir, il veut mourir !

 

 Ma Mamie est-elle autorisé à hasarder une confidence ? Au cours d'un demi-siècle d'intimité avec l'histoire, elle n'a jamais rencontré de roi aussi amoureux.

 

 Deux jours plus tard, Wallis écrit à sa tante. Elle dit juste : "J'ai vu une photo de ma maison dans Time. Vous reconnaitrez Regent's Park Crescent dans sa totalité ! Fantastique."

 Pas un mot sur la tempête qui a ébranlé son histoire d'amour.

Le jour où elle poste cette lettre à sa tante, elle part rejoindre le roi.

 

L'histoire vraie de l'attachement passionné qui unit Edward VIII et Wallis Simpson :

Le Duc de Windsor

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David et Wallis

L'amour fou

Elle et lui

L'abdication

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Livre d'or

Première affiche

 

  "MA MAMIE M'A DIT"  

Spectacle nostalgique 

 

"On nous avait promis la magie, promesse tenue : un spectacle plein de féérie de souvenirs où chacun se retrouvait. Une belle énergie. Les résidents ont adoré. Merci." Marie ("La Clairière de Luci" - Bordeaux)
 
"Formidable ! Nous sommes tous remontés dans le temps, nous avons vingt ans, on a ri, on a presque pleuré et surtout on a chanté. Merci." Cathy (Arles)
 
"Un véritable petit chef d'oeuvre" ; "La légion d'honneur pour la créativité" "Un véritable artiste" ; "Après-midi formidable" ; "Absolument parfait" ; "Une rétrospective originale" ; "Un très bon moment d'évasion". Propos recueillis à la résidence Emera d'Angoulême  
 
"Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux... C'était magnifique. Nous avons revu toute notre jeunesse et notre enfance. Et c'est beau de redevenir jeune dans l'ambiance d'autrefois." Aimée et Janine
 
"Les chansons, les réclames et les anecdotes ont transporté les résidents dans leur enfance. Une après-midi de nostalgie mais aussi de chansons et de rires. Merci encore pour ce magnifique spectacle." Sandrine
 
"Spectacle complet, tellement agréable et thérapeutique pour nos personnes âgées, encore félicitations !" Docteur Souque
 
"Un choix extraordinaire de chansons, des moments magiques, des photos magnifiques, vous nous avez mis de la joie dans le coeur. Et retrouver sa jeunesse avec tous ces souvenirs, ça fait plaisir et j'espère que vous reviendrez nous voir." Mme Lorenzi (Juan-Les-Pins)
 
"Pour ma fête, par un pur hasard je me suis retrouvé dans un club de personnes âgées où j'ai pu assister à votre spectacle sur le passé. Cela m'a rappelé mes grands-parents et mes parents et c'était vraiment un moment magique." Josette, La Roque d'Antheron
 
"Bravo bravo bravo Regis, c'est le meilleur spectacle que j'ai vu depuis que je fais le métier d'animatrice." Bénédicte La Salette-Montval (Marseille)
 
"Je n'imaginais pas lorsque je vous ai accordé un rendez-vous que vous enchanteriez pendant 1 h 1/4 les personnes âgées d'une telle façon. Merci pour votre prestation qui a fait revivre les moments publicitaires, évènementiels et musicaux de leurs vies." Michelle, CCAS de Toulouse
 
"Un super voyage dans le temps pour le plus grand plaisir des résidents. Merci à Régis pour cette magie et à bientôt." Brigitte (Lunel)
 
"Enfin un retour à notre "époque". Quel bonheur, que de souvenirs, quelle belle époque ou l'amitié était de mise. Merci pour cette très belle après-midi, on s'est régalé avec ce très très beau spectacle". Danielle (Mirandol)
 
"Super - divinement bien -  tout le monde était enchanté même que M. Benaben a dit : "Vous nous avez donné l'envie de revivre notre vie"." Sylvie (Sainte Barthe)
 
"Un grand merci pour ce bon moment et je crois, je suis sûre, qu'il a été partagé par mon mari." Mme Delbreil
 
"Une féérie de l'instant." Christian
 
"Beaucoup d'émotion dans ce spectacle plein de chaleur et d'humanité." Sylvie
 
"Une soirée inoubliable. Continuez à nous émerveiller et faites un long chemin." Claude
 
"Le meilleur spectacle que j'ai jamais vu. De loin." Tonton Kiko
 
"C'est bien simple, je n'ai plus de Rimmel !" Claudine (seconde femme de Tonton Kiko)
 
"A ma grande surprise, j'ai versé ma larme. Tu as atteint mon coeur. Bravo pour ces sentiments, ces émotions fortes, j'ai eu des frissons par moment." Ta couse Céline
 
"Redge, encore un bon moment passé en ta présence. On était venu plus pour toi que pour le spectacle, mais quelle agréable surprise ! On est fier de toi, continues d'oser, de vivre !" Pascale
 
"J'avais froid, un peu hagard, l'humeur moribonde et puis voilà, il y a toi avec toute ta générosité, l'intérêt, l'affection que tu as toujours su apporter aux autres, à moi aussi et Dieu sait si tu m'as rendu la vie belle depuis qu'on se connaît comme tu as su le faire une fois de plus." Jérôme
 
"Ce spectacle est nul à chier et je pèse mes mots." Gérard
 
memoria.viva@live.fr

Ma Mamie m'a dit...

Madka Regis 3-copie-1

 

COLLECTION "COMEDIE"

Mamie est sur Tweeter

Mamie n'a jamais été Zlatanée !

Mamie doit travailler plus pour gagner plus

Mamie, tu l'aimes ou tu la quittes

"Casse-toi pauvre Régis !"

Papi a été pris pour un Rom

Mamie est sur Facebook

Papi est sur Meetic

Il y a quelqu'un dans le ventre de Mamie

Mamie n'a pas la grippe A

La petite maison close dans la prairie

 

COLLECTION "THRILLER"

Landru a invité Mamie à la campagne...

Sacco et Vanzetti

Mamie a rendez-vous chez le docteur Petiot

La Gestapo française

Hiroshima

 

COLLECTION "SAGA"

Les Windsor

Mamie et les cigares du pharaon

Champollion, l'homme qui fit parler l'Egypte

Mamie à Tombouctou

 

COLLECTION "LES CHOSES DE MAMIE"

Mamie boit dans un verre Duralex

Le cadeau Bonux

Le bol de chocolat chaud

Super Cocotte

Mamie ne mange que des cachous Lajaunie

 

COLLECTION "COUP DE COEUR"

Mamie la gauloise

Mamie roule en DS

Mamie ne rate jamais un apéro

Mamie et le trésor de Rackham le Rouge

 

COLLECTION "DECOUVERTE"

Mamie va au bal

La fête de la Rosière

Mamie au music-hall

Mamie au Salon de l'auto

 

COLLECTION "SUR LA ROUTE DE MAMIE"

Quand Papi rencontre Mamie

Un Papi et une Mamie

Mamie fait de la résistance

Mamie au cimetière

24 heures dans la vie de Mamie

 

COLLECTION "MAMIE EXPLORE LE TEMPS"

Jaurès

Mamie embarque sur le Potemkine

Mamie et les poilus

Auschwitz

 

COLLECTION "FRISSONS"

Le regard de Guynemer

Mr et Mme Blériot

Lindbergh décroche la timbale

Nobile prend des risques

 

COLLECTION "MAMIE EN BALLADE"

Mamie chez les Bretons

Mamie voulait revoir sa Normandie !

La fouace Normande

La campagne, ça vous gagne...

Mamie à la salle des fêtes

Launaguet

La semaine bleue

Le monastère

 

COLLECTION "MAMIE AU TEMPS DES COURTISANES"

Lola Montès

Les lorettes

Mme M.

Napoléon III

Plonplon

La marquise de Païva

Mme de Pompadour

Générique de fin