"Il était une fois un architecte chinois dont le talent était si grand qu'il se disait de lui qu'il pouvait imaginer, dessiner et faire réaliser toute une ville.
Ayant entendu parler de lui ainsi, l'Empereur le fit convoquer et lui demanda s'il pouvait imaginer et créer pour lui une ville idéale, dans une vallée deserte qu'il affectionnait particulièrement.
L'architecte qui avait atteint un age avancé et songeait à se retirer un jour, pensa que ce serait pour lui l'occasion de conclure son parcours par une belle réalisation, de plaire a l'Empereur et d'achever la formation de ses disciples afin d'assurer sa succession. De plus, c'était un défi nouveau et captivant. Il accepta donc.
L'Empereur était tres impatient de profiter de sa nouvelle cité et craignait que les travaux ne durent au-dela de sa propre vie. Il assura donc a l'architecte l'accès a toutes les ressources financières et humaine de l'Empire. En echange de quoi il n'accorda que dix ans pour realiser la ville.
Dix ans et pas un jour de plus.
S'il réussissait il pourrait finir ses jours en jouissance de la fortune et de la renommée. S'il échouait, l'Empereur lui promit qu'il lui ferait trancher les deux mains et arracher la langue pour n'avoir pas tenu parole.
Or au matin du jour, 10 ans plus tard donc, l'Empereur se mit en marche avec toute sa cour pour découvrir la ville imaginée et créée par l'architecte chinois. Et bien figurez-vous qu'elle était exceptionnelle, tous les membres de la cour étaient en extase. Tous sauf l'Empereur...
"Misérable ! Finit-il par crier a l'adresse de l'architecte. Tu n'as pas tenu parole ! Le chantier n'est pas terminé. Ou sont les rues et les chemins pavés ? Tout ce que je vois ce sont des batiments éparpilles dans l'herbe !"
La foule retint son souffle. "Que Votre Majesté me pardonne, lui repondit l'architecte avec un sourire bienveillant. Ceci est la citée que vous m'avez commandée, mais je comprends votre juste colère. Que votre cour s'installe et s'accomode de ses quartiers ici. Plutot que de me trancher aujourd'hui les mains et la langue, revenez dans trois mois et si vous n'êtes pas satisfait de mon travail... Tranchez moi la tête."
L'Empereur hésita un instant, mais voyant l'admirable travail accompli sur les batiments il décida de donner une dernière chance a l'architecte.
Lorsqu'il revint trois mois plus tard, l'architecte attendait son arrivée a l'entrée de la ville comme ils en étaient convenus. "Tu oses te présenter devant moi ! lui dit l'Empereur, alors que les rues et les chemins pavés ne sont toujours pas realisés !" L'architecte tendit alors le bras et lui montra la cité vivante et deja prospère, les familles se promenant et les marchands affaires courant la tête plongée dans leurs dossiers.
"Voyez Majesté, lui dit l'architecte, voyez ces sillons ou l'herbe manque a présent entre les batiments, ce sont les parcours les plus naturels pour vos sujets et dont la terre a garde la trace. Voici ou il faudra créer les rues et paver les chemins.
Car nul ne guide les hommes s'ils n'ont pas été écoutés...