"LE SOUVENIR EST UN POETE, N'EN FAITES PAS UN HISTORIEN."
- Recommandation de Mamie -
"Avec le temps...
D'aussi loin que ma Mamie se souvienne, le jeune homme est passée par une période de vaches maigres après avoir jeté aux orties son diplôme de sciences politiques pour "faire" poète...
Au point que sa femme, Odette, ne supportant plus leur misère finira par le quitter.
Les Frères Jacques, Yvette Giraud s'emparent pourtant des couplets de Ferré ; Edith Piaf, elle, chante Les amants de Paris qu'il a signé avec Eddy Marnay.
Ferré arpente les cabarets de la rive gauche ou se produit, en 1946, dans le 8ème arrondissement au Boeuf sur le toit. Là, il partage l'affiche avec les Frères Jacques, le duo Roche et Aznavour...
Trenet a eu beau lui conseiller d'écrire pour les autres plutôt que de chanter, le poète ne se décourage pas.
Ses convictions libertaires et anarchistes, ses cheveux trop longs, son visage grimaçant dans l'ombre du piano et un phrasé presque inquiétant ont pourtant de quoi dérouter.
C'est finalement à sa nouvelle compagne, Madeleine Rabereau, qu'il doit ses prochains choix de carrière.
Ferré apprend l'art de la scène, met en musique les poètes : Aragon, Beaudelaire, Apollinaire, en particulier La chanson du mal-aimé.
En 1955, à l'Olympia, il rencontre enfin le succès avec Pauvre Ruteboeuf et Monsieur mon passé. Il signe en 1969 le texte de C'est extra, une chanson imaginée en écoutant le tube Nights in white satin des Moody Blues. C'est dire si les influences du poète contestataire sont multiples.
Comme ma Mamie !
Ferré est un homme en colère ; il y a en lui tant de larmes étouffées, une amertume, de la nostalgie, une violence que les mots par miracle parviennent à sangler.
"Avec le temps va tout s'en va", s'écrie-t-il.
N'est-il pas incroyable de penser qu'Avec le temps voit le jour après que, dans un coup de folie, sa femme l'a quitté et à fait abattre Baba le cochon et Pépée, la guenon à qui il vouait tant d'affection... (un amour tel qu'il avait consacré au primate la chanson Pépée !).
Terrible souvenir que se rappelle à lui chaque fois qu'il chante Avec le temps, si bien qu'en scène, il gueule un immense "salope" juste avant le dernier vers "Avec le temps on n'aime plus".
Ferré à mauvais caractère, il refuse les appels du pied de la télévision qu'il surnomme "télévicon".
Engagé entre communisme et anarchisme, scandalisé mais jamais au point de descendre dans la rue, il n'est pas à une contradiction près... Il roule en Rolls, s'achète un château, une île, reconnaît sans pâlir le pouvoir de son argent.
Rien d'incohérent à ses yeux tant qu'il n'exploite personne d'autre que lui-même, se défend-il. Le poète, maudit parfois, s'éteint en 1993 à près de 77 ans, laissant dans son ombre un immense patrimoine, une quarantaine d'albums.
Rideau.
"Parlez-moi d'amour...
Pourrait-on aborder ce qui se chante dans l'entre-deux guerres sans évoquer Parlez-moi d'amour ?
"Pourvu que toujours
Vous répétiez ces mots suprêmes
Je vous aime.
Rien là de très inédit mais une vraie grande chanson d'amour dans la plus pure tradition que Lucienne Boyer chante non pas à pleine voix mais dans un chuchotement sensuel.
A la Jean Sablon !
Lucienne Boyer, née Emilienne-Henriette Boyer est la fille d'une modiste et d'un pompier que la grande guerre a arraché à la vie quand elle n'avait que trois ans. Elle prête d'abord sa beauté dévoilée à quelque peintre, avant de faire ses débuts dans la chanson au Concert Mayol.
L'Amérique lui tendra ensuite les bras.
Se sentant prisonnière du succès international de Parlez-moi d'amour, elle chantera Parlez-moi d'autre chose, en vain...
Parlez-moi d'amour restera son passeport.
Ainsi, ce jour où pendant la guerre, devant la maison des Landes qu'elle habitait avec son mari Jacques Pills, ont surgi les Allemands. Ils s'apprêtaient à arrêter Pills et son ami Coquatrix, qu'on ne présente plus, tous deux maquisards. Lucienne Boyer est soudain sortie de sa cuisine entonnant son Parlez-moi d'amour. Les soldats se sont confondus en excuses !
Divorcée de Jacques Pills, lui-même remarié à Edith Piaf, elle apparaît pour la dernière fois sur scène en compagnie de leur fille - Jacqueline - à l'Olympia en 76. Elle s'éteint en 83 à près de quatre-vingt ans.
Rideau.
"On ne discute pas d'une étoile, elle brille, c'est tout.
L'histoire commence devant un magasin de disques à Marseille, Tino voit une pancarte "Pour 100 sous, faites enregistrer votre voix." Il grave deux chansons, les confie à papa Rossi : "Tu les ramènera à mamma" dit Tino. Mais la légende est là, qui attend, sous la forme du représentant de la firme Parlophone. Celui-ci se tourne vers le jeune corse : "ça vous plairait d'enregistrer pour nous?" "Quelle question !"
Le destin est en marche...
Costume blanc ou bleu marine à boutons d'or, l'oeillet carmin à la boutonnière ou borsalino façon Carlos Gardel, Tino surfe sur la vague du Latin Lover dont le public est friand. C'est la gloire immédiate, via la TSF. L'argent se met à pleuvoir. Les femmes deviennent folles. On arrache les boutons de sa veste, des filles se couchent devant sa voiture, il trouve des beautés nues dans son lit. Difficile de résister, d'ailleurs Tino ne résiste pas. Il l'avoue avec candeur, depuis toujours il savait. Autrefois, à Ajaccio, devant ses copains, il se tapotait la gorge en disant : "il y a des millions qui dorment là..."
Le grand amour de sa vie transforme cette existence exemplaire en tourbillon : Tino rencontre Mireille Balin, elle est d'une beauté ravageuse et tourne toutes les têtes. Un milliardaire s'est suicidé pour elle, dit-on, et un ministre est devenu moine. Elle est la damnation de Tino : ils se battent, cassent les assiettes, font des scènes en public, se réconcilient. Elle est d'une jalousie insensée, inspecte ses valises, ses poches... avant de se séparer en 41. Mireille Balin sera violée à la libération par des résistants, puis mourra oubliée, alcoolique, déchue.
Après guerre, le miracle continue, les mélodies de Vincent Scotto plaisent, la simplicité de l'artiste fait taire tous les reproches. Marcel Achard vole à la rescousse : "On ne discute pas d'une étoile, elle brille, c'est tout."
Quelques mois avant sa mort, il confie à un journaliste le secret de son succès : "J'ai une voix très longue. A l'époque, elle couvrait trois octaves. Mais vous savez la puissance ne veut rien dire. Il y a le gros écu et le petit louis d'or qui vaut deux fois plus cher."
Reste une question lancinante : que signifie ce Tchi-tchi qui scie les nerfs ? C'est simple : "Je ne pouvais pas dire pouet-pouet..."
Revue de presse :
"Nous avons sans doute vécu hier soir, au Casino de Paris, un tournant de l’histoire de la chanson française. Quand il est entré en scène, vêtu d’une chemise et d’un pantalon bouffants, d’une veste portée négligemment sur l’épaule et la guitare en bandoulière. Tino Rossi était inconnu du grand public. Vingt minutes plus tard après avoir interprété O Corse Ile d’amour et Vieni, Vieni, des chansons spécialement écrites pour lui par son ami Vincent Scotto, il était célèbre. Les femmes étaient conquises. Certaines affirmaient même qu’elles avaient eu le privilège d’applaudir un nouveau Rudolf Valentino, dont la voix était aussi unique que le charme. Damia lui a fait un soir quelques remarques : "Ton répertoire de chansons folkloriques, ce n’est pas suffisant. Et puis, tu ne sais pas te tenir en scène.Trouve ton personnage et ça marchera." De toute évidence, il a suivi ses conseils au pied de la lettre".
Deux ans plus tard : il revient habillé en berger et chante Plaisir d'amour de Paul Delmet, la Romance de maître Pathelin, mais surtout Marinella, son dernier succès, dont le disque se vend chaque mois à 80 000 exemplaires, soit six fois plus que les autres 78 tours présents sur le marché. Conscient de sa popularité, en particulier auprès des femmes, il demeure résolument modeste. Sachant que le plus dur de son parcours reste à faire, il répète, à qui veut l'entendre, le conseil que lui a donné Scotto : "Si tu veux durer, chante toujours l'amour. A défaut de le vivre, les femmes auront toujours besoin qu'on leur chante."
Dix ans plus tard, dans Destins, un film de Richard Pottier dont il est la vedette, Tino Rossi joue deux frères et interprète Petit papa Noêl, une chanson qui n’était pas prévue dans le scénario original. Au départ, le visage maquillé en noir, il devait chanter negro spiritual, accompagné par un quartet spécialement venu de Harlem pour le tournage. Ce groupe s’est désisté et, se remémorant des débuts à Aix-en-Provence où, encore inconnu, il avait chanté la Pastorale, Tino a eu l’idée d’inclure, dans l’histoire, un chant célébrant cette fête traditionnelle. "Il n’y a rien eu de vraiment nouveau dans ce domaine depuis très longtemps", a-t-il expliqué aux producteurs du long métrage pour obtenir leur feu vert. Il a alors interrogé la plupart des auteurs et compositeurs. Raymond Vinci et Henri Martinet lui ont ainsi présenté des couplets créés, à l’origine, pour une revue à Marseille. Ils n’avaient eu aucun succès et l’auteur et le compositeur les avaient rangés dans un tiroir dont, à coup sûr, ils ne sortiraient jamais. Après les avoir attentivement écoutés, Tino n’a pas hésité et à décidé de les inscrire à son répertoire. "Tu verras, ce sera un succès", a-t-il déclaré à Vinci, septique. Le 78 tours va dépasser de loin ses espoirs les plus optimistes.
Le 14 juillet 47, Tino se marie à Cassis. Il épouse Lilia Vetti, qu’il a rencontrée voici cinq ans à Aix-les-Bains en zone libre. Elle était alors danseuse et travaillait dans la troupe de Mistinguett. Fou d’amour, le roi des chanteurs de charme va lui faire porter chaque matin, pendant quinze jours, une gerbe de roses accompagnée d’une carte ainsi rédigée : "De la part d’un admirateur dévoué." Confiante en l’avenir, elle déclare aujourd’hui : "Je monterai une garde vigilante autour de mon mari et l’aiderai à résister aux assauts de ses admiratrices."
Néanmoins, Tintin, ainsi que le surnomment les Corses, serait-il passé à la postérité s'il n'avait pas créé Petit papa Noël ? Imaginé en 1946 pour le film Destins de Richard Pottier, le titre se serait depuis écoulé à près de trente millions d'exemplaires, un record absolu pour une chanson en français ! Un heureux concours de circonstance en réalité... Dans ce film, Tino devait au départ chanter un négro spiritual entouré d'enfants noirs mais au dernier moment, le choeur gospel prévu a dû rejoindre l'Amérique sans crier gare, laissant le film en plan. On conseille à la vedette d'opter pour Minuit chrétien mais peu convaincu, Tino fait le tour des compositeurs en quête d'un inédit. Rien ne trouve grâce à ses oreilles. Finalement, le dernier, Henri Martinet, lui fait écouter un titre écrit pour une revue marseillaise reléguée au fond d'un tiroir : Petit Papa Noël !
Désuet mais néanmoins suivi tout au long de sa vie par l'immense public de sa génération, Tino Rossi s'éteint à 73 ans en 1983 des suites d'un cancer, emportant avec lui toute une époque... Ma Mamie m'a dit que Tino a été un des plus grands mais qu'il était suffisant et qu'il aurait pu faire mieux. Tout Mamie est dans cette réplique. Elle était un peu rabat-joie, parfois.
Rideau.
"Le fou chantant"
Ma Mamie est formelle. Trenet, c'est la grande révolution de la chanson française.
Avec lui, le swing souffle à plein poumons dans les voiles. Les mots fous, délirants, incongrus, s'envolent haut.
C'est une pulsation inédite, une légèreté de vivre et en même temps l'abîme des souvenirs et une profonde mélancolie.
Mamie découvre avec lui une nouvelle façon de chanter la langue française.
"Les interprètes des chansons n'ont même pas eu le temps de se rhabiller. Ils étaient tout nus sur la route, avec Trenet devant, seul, magnifique" dira Léo Ferré.
Charles naît à Narbonne le 18 mai 1913, d'un père notaire et violoniste qui, à ses heures perdues, compose quelque sardane, et d'une mère que la harpe passionne. Quand ses parents divorcent, il est placé avec son frère dans un collège religieux à Béziers.
"L'école était libre mais pas moi !" se souviendra-t-il.
La solitude, l'attente, la douleur d'être éloigné de sa mère qu'il aime tant le marquent au fer rouge.
Il apprend à supporter le quotidien et rêve en poésie. il rejoint Paris à Dix-sept ans avec en tête le projet de faire les Arts déco.
Mais, curieux, pétillant, il se mêle bientôt à l'intelligentsia parisienne : Antonin Artaud, Jean Cocteau, Max Jacob...
Charles est un garçon qui aime les garçons, une préférence qui lui ouvre bien des portes.
Sa rencontre avec le pianiste suisse Johnny Hess le détourne vite des studios de Joinville dont il est un temps l'un des accessoiristes de plateau. Les deux hommes unissent leurs talents, se concoctent un répertoire à la fois swing, naïf et fantaisiste et partent à l'assaut des cabarets. Le succès est fulgurant, les interprètes se bousculent pour adopter leurs oeuvres, sans compter Mistinguett qui les impose dans le Tout-Paris.
Appelé sous les drapeaux, Charles doit se séparer de Johnny Hess. Il participe alors à quelques galas, dont l"un à Marseille au cours duquel on le surnomme pour la première fois "le fou chantant". Une fois encore, pour échapper au quotidien pénible de sa caserne, le poète reprend la plume et se réfugie dans sa poésie. C'est dans un coup de blues que naît Y'a d'la joie qui deviendra la chanson préférée de ma Mamie.
Y'a d'la joie
La tour Eiffel part en balade
Comme une folle, elle saute la Seine à pieds joints...
L'éditeur de Trenet, Raoul Breton, convainc, non sans peine, Maurice Chevalier de s'emparer de cette drôle de chanson. Un succès du disque !
Charles fera ensuite un triomphe avec cette chanson sur Radio Cité.
Il enregistre ensuite Je chante. Qui finalement se soucie du fait que cette chanson vitaminée se clôt sur un suicide ? Il présente dans la foulée Boom où le bon Dieu siège dans un fauteuil de nuages. La folie douce de Trenet est un raz de marée qui emporte la jeunesse qui ne résiste pas à sa folie, au roulement de ses yeux bleus et à la façon si étrange qu'il a de porter de biais son feutre mou.
On ne chantera plus jamais comme avant en France...
La suite ? Douce France, Que reste-t-il de nos amours ? La folle complainte ? Débit de l'eau débit de lait, Le soleil et la lune.
Au sortir de la guerre, tandis qu'on lui reproche de s'être montré un rien maréchaliste, notamment avec une chanson telle que La marche des jeunes, il part en Amérique où il chantera sur scène La mer. Il l'avait écrite en 1946, comme on se distrait dans un train, en moins de vingt minutes dans un train entre Narbonne et Perpignan.
En 51, il se bat comme un lion pour résister aux nouveaux venus. Il crée L'âme des poètes et sort de nouveaux titres forts Route national 7, Le jardin extraordinaire...
En avril 1955, à l'Olympia, en première partie de son spectacle, se produit un couple de danseurs acrobatiques qui se fait appeler les Hallyday. Un beau petit garçon blond d'une douzaine d'années, Jean-Philippe Smet, les accompagne. Dans cinq ans, il s'appellera Johnny...
Trenet fêtera alors ses vingts ans de carrière et dix millions de disques vendus mais ce sera le début des emmerdes.
Les yéyés emportent tout sur leur passage.
Le 13 juillet 1963, il est inculpé pour outrage à la pudeur et attentat aux moeurs. Le début d'une période terrible et injuste. Il ne sortira pas indemne de cette affaire de ballets roses. Il annonce ces adieux à l'Olympia en 75 avant de reprendre du service.
"Ma jeunesse est une maladie mentale !" s'amuse-t-il.
Il s'éteint le 19 février 2001, à 87 ans, laissant derrière lui une farandole d'un millier de chansons et de nombreux fils spirituels dont Aznavour, Higelin et Brel qui aura, au nom de tous les auteurs-compositeurs-interprètes de France, cette phrase inspirée : "Sans lui nous aurions tous été des experts-comptables..."
Ma Mamie a toujours aimé Charles Trenet. Si vous êtes surpris, c'est que vous ne connaissez pas ma Mamie.
Rideau.
Revue de presse :
"Le temps pour Charles Trenet et Johnny Hess de se lancer. Ils viennent de créer un duo. Leur goût commun pour le jazz les ont incité à travailler ensemble. Ils ont été engagé au Palace à la surprise générale, le directeur Henri Varna n'étant pas convaincu de leur talent et trouvait leurs couplets avant-gardistes mais l'insistance de Mistinguett et de Josephine Baker et qui n'ont pas pu dissimulé leur enthousiasme a fait pencher la balance. Ils chanteront Sur le Yang Tsé Kiang et Quand les beaux jours seront-là."
"Trenet est né à Narbonne et est à Paris depuis trois ans. Hess vient d'Engelberg, en Suisse. Ils se sont connus au Collège Inn. L'avenir leur appartient."
"Cinq ans plus tard, tandis que Maurice Chevalier et Josephine Baker se tendent sur la ligne Maginot, le caporal Trenet organise pour les troupes un gala auquel Fernandel et Tino Rossi ont prêté leur concours. Le "fou chantant" a inscrit Boum à son programme, dont l’enregistrement lui a valu un Grand Prix du disque. "Mes supérieurs m’ont donné l’ordre d’aider les soldats à tuer, mais unqiuement le temps", a-t-il dit."
"Le 1er août 1940, c’est avec surprise qu’il a découvert, en première page de Paris-Soir l’annonce de sa disparition dans un accident d’avion. Il a aussitôt pris sa plume pour faire savoir à la presse qu’il était vivant et toujours à Salon-de-Provence. "
"Il propose à Roland Gerbeau en 1943 une chanson encore inédite, Douce France. "Je l’ai proposée au départ à André Claveau, avoue le poète. Il l’a refusée en précisant qu’il estimait disposer d’un répertoire suffisant pour l’année à venir." Transmis par le bouche à oreille, ce refrain est devenu en quelques mois, dans le maquis, un hymne à la liberté."
"En 47, Trenet revient en France pour une soirée unique entre deux tournées aux Etats-Unis, il a donné un récital de plus de deux heures. Au final, Charles a bissé la Mer, son dernier succès. "Elle est née en quatre minutes, en 1942, dans un train reliant Sète à Montpellier, explique-t-il. Je l’ai proposée, en vain, à plusieurs artistes. Quatre ans après, Raoul Breton, mon éditeur, l’a découverte et m’a convaincu de l’enregistrer. Le succès à dépassé nos espérances. A New-York, voici quelques semaines, j’ai entendu, dans un bar, un pianiste jouer La Mer, traduite par Beyong the sea. Je me suis approché et lui ai demandé, sans me dévoiler, le nom du compositeur de cette mélodie. Il m’a répondu : c’est Georges Gershwin ! Etre confondu avec un tel génie, c’est une consécration !"
"Il était une fois... La chanson de la résistance.
"Un soir M. et Mme Breton offraient un verre de scotch à Joseph Kessel et à Saint-Exupery. De verres en verres, de moments en moments, c'est ainsi m'a dit la Marquise qu'est née l'une des plus célèbres chansons françaises. Alors qu'il bavardait ensemble un soir, en compagnie d'Anna Marly, une petite femme juive d'origine russe qui jouait de la guitare, Raoul Breton a eu une idée. Comme il devait prochainement retourner en France, il s'est tourné vers Joseph Kessel et lui a demandé : "Écrivez-moi une chanson que je porterai aux soldats. Ce sera une chanson destinée à leur donner du courage."
Anna Marly avait sa guitare, sur laquelle elle s'était mise à chercher des accords. Kessel a attrapé une feuille du papier à lettres de l'hôtel mais il n'avait pas de quoi écrire. Or il disait : "J'ai l'idée ! J'ai l'idée ! Ça ne peut pas attendre !" La Marquise lui a donc tendu son bâton de rouge à lèvres parce que, disait-elle, "une idée peut s'envoler aussi vite qu'un oiseau effrayé".
Et c'est ainsi que Joseph Kessel a écrit, au rouge à lèvres sur le papier à en-tête du Waldorf Astoria : "Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux dans la plaine..." qui allait devenir le célèbre Chant des partisans, sur une musique composée par Anna Marly."
Rideau
"Un couple inséparable.
J'ai rêvé de mon premier amour. On faisait l'amour. Les yeux encore mi-clos, je me suis entendu dire : "C'est toujours aussi bon." Une demi-seconde plus tard, je rectifiais : "Je suis toujours aussi con." Perturbé, je suis allé voir Mamie pour en parler. Le mieux que l'on puisse dire c'est qu'elle n'y est pas allé par le dos de la cuillère. Magnéto Mamie :
"Ne cherches pas à interpréter tes rêves. Penses à ceux qui ont fait de leur vie amoureuse, un rêve. Penses à Yvonne Printemps et à Pierre Fresnay. Pierre était un acteur remarquable. Cet homme travailleur, intelligent, presque froid à force d'être rigoureux se transformait en un autre être fou d'amour et d'attention pour Yvonne Printemps. Où qu'il soit, il l'appelait toutes les demi-heures. "Je vais appeler Mourée", disait-il. Il s'inquiétait d'elle, mais, chaque fois, elle l'envoyait promener, et il raccrochait avec un vrai grand sourire, heureux comme un petit garçon !
Mais reprenons l'histoire au commencement du début : Avant de se faire voler la belle Yvonne, Sacha Guitry avait osé séduire Charlotte Lysès, la maîtresse de son père, Lucien. Ils tombèrent amoureux et se marièrent. Furieux, Lucien en voulut à son fils pendant treize ans et ne lui pardonna cette trahison que lorsque Sacha écrivit Mon père avait raison, pour lui exprimer toute son admiration, son affection et sa tendresse. Charlotte avait alors découvert aux Folies-Bergères une jeune fille blonde aux yeux bleus et au petit nez retroussé qui chantait, dansait et jouait la comédie. Sacha eut besoin d'une jeune comédienne pour sa nouvelle pièce et Charlotte lui rappela la demoiselle blonde qui triomphait alors dans une revue au Palais-Royal. Sacha alla l'applaudir, tomba instantanément amoureux d'elle et l'engagea sur-le-champ.
Jean Cocteau me raconta que Charlotte inquiète de l'intérêt que portait Sacha à la jeune fille s'était confiée à lui :
"Sacha a parfois des faiblesses, mais là je crois que c'est sérieux...
- Et comment le savez-vous ?
- Et bien lui qui ne raffole pas des animaux, je sais qu'il descend trois fois par jour, et depuis une semaine, le bâtard d'Yvonne pour lui faire faire pipi sur le trottoir ! Il est amoureux, il n'y a pas de doute...
- Et quel est le nom de cette Yvonne ? Demanda Cocteau, amusé.
- "Printemps", répliqua Charlotte.
Cocteau lui sourit gentiment.
"Rassurez-vous, c'est une saison qui ne dure pas..."
Yvonne Printemps partagea pendant dix ans la vie de Guitry. Et - ironie du sort ! - c'est lui qui engagea Pierre Fresnay pour jouer dans Franz Hals. Pierre tomba amoureux fou d'Yvonne et ils vécurent une liaison secrète et passionnée. Ils se retrouvaient chez Mme Karinska, la célèbre couturière et faisaient l'amour dans le salon d'essayage. C'est pour dire.
Sacha qui était jaloux, faisait suivre Yvonne en tout lieu. Mais cela décourageait nullement nos tourtereaux ! Pierre grimpait sur l'arbre qui faisait face à la chambre où Yvonne était prisonnière, dans l'hôtel particulier de Sacha. Et là, sur sa branche, avec la braise de sa cigarette, il lui disait "Je t'aime" en morse !
Le couple mythique était détruit. Tout Paris commenta l'évènement. La femme de Fresnay - la grande Berthe Bovy - fit dresser un constat d'adultère et obtint une énorme pension. Cependant, elle refusa de divorcer pour empêcher "l'autre" de se marier. En fait, elle ouvrit un compte bancaire et versa intégralement le montant des pensions pour qu'il ait de quoi vivre le jour ou Yvonne le plaquerait. Car, elle en était sûre, cette histoire ne durerait pas !
Mais là aussi, ce fut une belle et longue histoire d'amour. Lorsque Pierre fut victime d'une congestion cérébrale qui lui sera fatale, Yvonne Printemps le veilla jour et nuit et finit par se laisser mourir après trois ans de chagrin. Elle demanda à son régisseur qu'il veille bien à ce que, le jour de sa mort, elle soit revêtue du tailleur noir de chez Lanvin qu'elle portait aux obsèques de Pierre. "Pour qu'il me reconnaisse en arrivant au Paradis !"
Un jour j'ai croisé Yvonne chez la concierge du théâtre. Elle me serra sur son coeur, elle embaumait Heure bleue de Guerlain. Elle parla de Fresnay, avec passion et tendresse ; il était redevenu le capiston de La grande illusion. Soudain, elle m'attrapa le bras et, dans un souffle, elle murmura : "Hélène, j'ai tout eu dans ma vie, la beauté, la voix, la gloire, l'argent, Paris et les hommes les plus beaux à mes pieds. Mais je ne méritais pas ça ! Il y a des femmes qui peuvent pleurer, moi je ne peux pas. Je suis en colère !"
Ma Mamie m'a dit qu'elle n'avait jamais entendu plus belle formule pour dire non à la mort. Elle m'a dit aussi, qu'avant de partir, Yvonne avait ajouté : "La seule chose qui me console, c'est que parfois, dans la nuit, Pierre vient dans mes rêves me faire l'amour..."
"La môme.
Née en 1915, elle fait ses débuts discographiques en 1935 chez Polydor, grâce à Jacques Canetti. Le découvreur de talents par excellence, homme de l'ombre et personnage clé de la chanson française. Piaf enregistre pour cette compagnie jusqu'en 1945, période durant laquelle elle connaît des fortunes diverses.
Elle se situe alors encore clairement dans la double tradition de la chanson réaliste ("Les mômes de la cloche") et de sa contrepartie fantaisiste ("La java de cécigue"). Elle est alors en concurrence avec d'autres chanteuses comme Lucienne Boyer, son aînée qui a obtenu le premier grand Prix du Disque de l'histoire en 1930 avec "Parlez-moi d'amour" et qui, en 1939, épousera Jacques Pills... le futur mari de Piaf.
Dans les années 40 et 50, on lui opposera d'autres chanteuses, comme Lucienne Delyle qui triomphe en 1942 avec "Mon amant de Saint-Jean" et qui restera très populaire au cours de la décennie suivante. Ou Yvette Giraud qui connaîtra un immense succès avec "Mademoiselle Hortensia" et qui fera par la suite une grande carrière internationale, notamment au Japon, avec des titres comme "La danseuse est créole" ou "Avril au portugal".
Ou encore Jacqueline François qui connaîtra un destin assez similaire avec "Ce n'était pas original", "C'est le printemps", puis "Mademoiselle de Paris" qui dépasse le million d'exemplaires... Elle reçoit le Grand Prix du Disque en 1949 pour "Les levandières du Portugal".
Seulement voilà, comme dit ma Mamie, "la môme", comme on appelle encore Piaf ces années-là, possède déjà quelque chose que les autres n'ont pas, quelque chose d'indéfinissable qui fait qu'aujourd'hui, on peut encore l'écouter, non par nostalgie ou au second degré, un sourire amusé aux lèvres, mais parce qu'elle nous donne encore et toujours le frisson.
D'abord "Mon légionnaire", ensuite "Je n'en connais pas la fin", "L'accordéoniste", "De l'autre côté de la rue".
Tout s'accélère quand Piaf signe avec Pathé-Marconi puisque le premier titre qu'elle grave est l'incontournable "La vie en rose"... On connaît la suite, son triomphe aux Etats-Unis, les drames de sa vie et une incroyable succession de tubes avec, sans ordre de préférence : "Hymne à l'amour", "Je t'ai dans la peau", "Bravo pour le clown", "La goualante du pauvre Jean", "Les amants d'un jour", "L'homme à la moto", "La foule", "Mon manège à moi", Milors", "Non, je ne regrette rien" et "Mon Dieu"...
Non seulement, elle survole la chanson française mais elle est également responsable du lancement d'un certain nombre d'artistes.
Sans elle, ma Mamie n'aurait peut-être pas jamais eu la chance d'avoir connu Yves Montant, Charles Aznavour, Les compagnons de la chanson, Gilbert Bécaud, Georges Moustaky ou Charles Dumont.
Excusez du peu.
Ma Mamie était fan d'Edith Piaf, un point c'est tout.
Elle m'a raconté que quand elle a appris la mort de Cerdan, elle s'est enfermée dans sa chambre dans le noir complet pendant deux jours et refusait de sortir, de manger ou de boire quelque chose.
Elle finit par apparaître, marchant comme une somnambule : elle s'était elle-même coupé les cheveux court, très court, on aurait dit Jeanne au bûcher. Très pâle mais déterminé, elle se dirigea d'abord vers Robert Chauvigny son chez d'orchestre et lui demanda d'arranger une nouvelle chanson qu'elle tenait à interpréter le soir même.
La salle était pleine à craquer. La nouvelle de la mort de Marcel, le grand amour de Piaf avait fait la une des journaux. L'atmosphère était étrange, les gens dans la salle chuchotaient presque.
On baissa la lumière, et un profond silence s'installa, dramatique et angoissant. Edith fit son entrée, pâle mais solide ; elle interpréta tout d'abord quelques chansons de son répertoire habituel, puis l'orchestre joua une très courte introduction, et la voix puissante, brûlante et émouvante d'Edith s'éleva sur ces mots :
"Le ciel bleu sur nous peut s'effondrer
Et la terre peut bien s'écrouler
Que m'importe si tu m'aimes
Je me fous du monde entier"
L'hymne à l'amour, l'hymne à son grand amour disparu mais toujours présent qu'elle dédiait implicitement à Marcel.
Sa voix venu des tripes et du coeur pétrifia l'assistance ; le personnel, les spectateurs, même ceux qui ne comprenaient pas un mot de français, tous étaient bouleversés, des femmes pleuraient, des hommes aussi. A la fin de la chanson, un silence s'installa, le temps semblait s'être figé, puis d'un seul élan, le salle entière se trouva debout pour une standing ovation si forte, si longue, qu'on devait l'entendre et la ressentir jusque sur Times Square.
Ovation pour Piaf et pourquoi le nier pour Cerdan, tandis que ma Mamie, les proches de Piaf, les amis, les inconditionnels du petit balcon du cabaret derrière les projecteurs où ils se trouvaient, tous sans exception, avaient le visage couvert de larmes.
Rideau.
"Le Français et la Prussienne...
Un jour, en pleine nuit, je parlais à ma Mamie des couples célèbres qui dansaient dans ma mémoire. Whitney et Yannick, Brigitte et Serge, Carla et Nicolas, Véronique et Stephen, Danielle et François, sans parler de Cécilia et Nicolas.
Ma Mamie m'a alors parlé de Marlene Dietrich, qui était avec Greta Garbo une de ses meilleures amies. Magnéto Mamie :
"Marlene était merveilleuse. Elle avait l'esprit "Berlin", le Berlin des années 20, de la fête, avec un humour vif, cruel, un esprit frondeur. Gabin l'appelait "la prussienne". Comme beaucoup de gens d'Europe centrale, elle avait la passion de la vie, l'amour des autres, une immense générosité, une grande fidélité, avec toujours ce côté glace et une retenue en toute circonstance. Je la voyais souvent, elle me faisait la cuisine chez elle. Elle me concoctait des écrevisses à la nage et, sa grande spécialité, des pots-au feu.
A l'époque, elle écrivait beaucoup, tapait à la machine, envoyait des télégrammes longs comme des jours sans pain. Il y avait aussi trois photos : une de Hemingway, une de Gabin et une de Fleming, l'homme qui inventa la pénicilline. A la photo dédicacée, "C'est à toi que je le dois", il avait accroché un petit tube en verre de laboratoire.
Trois photos, trois hommes qui comptèrent beaucoup dans sa vie. Mais quand Marlene évoquait Gabin, on comprenait tout de suite qu'il avait été et resterait le grand amour de sa vie. Elle en parlait avec autant de tendresse et de respect que de regrets et de nostalgie. Elle avait choisi l'Amérique plutôt que Gabin, qui, lui, ne pouvait pas vivre loin de la France. ils s'étaient donc séparés. Et, en 1949, Jean avait épousé Dominique, qui était alors le sosie de Marlene Dietrich. Dominique aimait rire, aimait la vie, aimait Gabin, à qui elle donna trois enfants magnifiques.
Quand on lui parlait de Marlene, il était mal à l'aise et se contentait de dire : "C'est le passé." Marlene, obstinée, attendait son retour. Elle me demandait si je voyais Jean, ce qu'il devenait, s'il était heureux. Elle était encore très attachée à lui, alors que lui avait tourné la page. j'étais avec Jean le jour où elle se cassa le fémur en Australie. Elle avait du mal à s'en remettre.
Je me souviens que j'avais dit à Jean :
"Vous savez Marlene a eu un accident. Je lui envoie un télégramme, est-ce que vous permettez que j'écrive qu'on a fait le marché ensemble et que vous lui dîtes bonjour ?
- Bien sûr..."
Alors je lui écrivis que Gabin lui faisait ses amitiés et lui souhaitait une bonne convalescence. Ces mots simples lui firent un plaisir incroyable. Jean était sa faiblesse. Gabin me raconta plus tard que, pendant la guerre, partout où il allait, elle était là, devant lui. Elle était parachutée grâce au général Eisenhower, qu'elle connaissait bien. il arrivait dans un camp perdu, personne ne savait où il se trouvait, et elle surgissait, tombant du ciel comme un ange habillée en soldat.
L'Ange bleu."
"MA MAMIE M'A DIT"
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