Avertissement : Cet article fait parti de la collection C'est quand le bonheur ?, il s'adresse à toutes les personnes qui pensent que finalement, l'un dans l'autre, un peu de bonheur ça ne peut pas faire de mal.
A Ringkobing, la vie est paisible, on préfère visiblement l'harmonie à la jouissance, la quiétude à l'excitation. Pourtant il y a tout ce qu'il faut : la sécurité, le plein emploi, les services sociaux, la gentillesse. Quant à la météo pluvieuse, les habitants du coin ont l'habitude de dire qu"il n'y a pas de mauvais temps, seulement des mauvais vêtements".
C'est là, à cet endroit très précis que Daniel Kahneman a réussi a mettre en équation tous les paramètres du bien-être : âge, sexe, formation, métier, revenus, santé, situation de famille, engagement politique... il en a tiré des conséquences saisissantes :
L'une des composantes du bonheur ou du bien-être est l'humeur, laquelle change d'un jour sur l'autre. Vous pouvez être de bonne ou de mauvaise humeur, énergique ou léthargique. C'est ce que Daniel appelle : le "bonheur du quotidien".
L'autre aspect relève du jugement que l'on porte sur sa propre vie : est-elle satisfaisante ou pas ?
Il convient donc de distinguer d'un côté le sentiment, l'expérience vécue, et de l'autre le jugement, la réflexion. Un même individu peut se sentir heureux de vivre, mais être insatisfait quand il pense à la vie qu'il a menée jusque-là. C'est souvent le cas, par exemple, des femmes divorcées. Dans le quotidien, elles n'ont plu de mari qui leur tape sur les nerfs. Elles sont peut-être plutôt de bonne humeur. Mais quand vous leur demandez si elles sont satisfaites de de leur vie, elles répondront "non" car elles pensent que c'est une mauvaise chose d'être divorcée.
Les enfants ? Tout le monde croit que les enfants rendent heureux. En réalité, ça dépend de leur âge. Pendant la petite enfance, certains moments sont extraordinaires, mais dans l'ensemble le quotidien devient difficile à cause du manque de sommeil. Les parents préféreraient faire des choses plus agréables. Puis, avec le temps, seuls les moments heureux restent en mémoire.
La vie professionnelle ? Peu d'info là-dessus mais nous savons que les chômeurs sont vraiment malheureux, surtout pendant les jours de semaine. Le week end, ce sont des gens comme les autres puisque personne ne travaille.
Mais revenons à la question qui vous brûle les lèvres : Qu'est-ce que Daniel Kahneman a-t-il pu bien foutre à Ringkobing pour faire des recherches sur le bonheur ?
Et bien figurez-vous que Ringkobing, petite bourgade du Jutland, sur la côte ouest du Danemark est, d'après Ruut Veenhoven, fondateur du Journal of Happiness Studies et grâce à son énorme base de données, la ville la plus heureuse du monde dans le pays le plus heureux du monde.
Ni plus, ni moins.
C'est donc à Ringkobing que Ruut Veenhoven a identifier les déterminants du bonheur collectif et du bonheur individuel.
Sur le plan collectif, il y en a quatre : un régime démocratique, une confiance mutuelle des citoyens, un haut niveau de richesse et de liberté.
Nous sommes plus heureux dans les sociétés qui offrent à chacun une multitude de choix. Sur le plan individuel, les personnes en bonne santé et ayant un tempérament plutôt extraverti et indépendant sont souvent plus heureuses. Tout comme celles qui vivent en couple et développent des amitiés épanouies.
Est-ce que les enfants rendent malheureux leurs parents ? Ce n'est pas lié aux enfants, mais au fait que les choix se réduisent durant cette période de la vie. Quand on a une hypothèque sur la maison, ça devient plus difficile de changer d'emploi, même si on le déteste. Et encore plus compliqué de changer de femme. Beaucoup de gens se retrouvent dans cette situation et doivent, du coup, faire avec.
De ce fait, ils se sentent moins heureux.
En cas d'évènement exceptionnel comme gagner au loto, ou un héritage, on s'aperçoit qu'ils sont plus heureux pendant un an, mais que l'effet bénéfique a presque totalement disparu l'année d'après.
Le bonheur est le même pour tout le monde : il consiste à apprécier la vie que l'on mène. Les conditions du bonheur sont étonnamment identiques entre les cultures. En revanche, d'importantes différences subsistent entre cultures concernant les croyances sur les conditions d'accès au bonheur. Penser à ce qui nous rendrait heureux est différent du fait d'être heureux. De nombreux philosophes ont dénoncé les effets négatifs du bonheur : l'absence de créativité, la perte du sens critique... Bref, la paresse. Pour moi, ce raisonnement est faux. La souffrance n'entraîne pas un progrès social mais un repli sur soi, par peur du danger.
En étant heureux, les gens sont plus actifs et plus ouverts à leur entourage. Ils deviennent de meilleurs citoyens, ils lisent les journaux, etc... De même, on sait que le bonheur a des conséquences favorables sur la santé. Il prolonge l'espérance de vie, tout simplement parce que les gens heureux ont moins de chances que les autres de tomber malade.
On va donc dans le bon sens. Nous sommes de plus en plus riches, mais surtout de plus en plus libres. Quand la société reconnaît à chacun le droit de choisir son métier au lieu de reprendre celui de son père, de choisir son conjoint plutôt que d'épouser quelqu'un que nos parents nous imposent, alors on a plus de chance de vivre la vie qui nous convient.
Celle qui nous rend vraiment heureux.