"Avertissement.
Cet article fait parti de la collection "Mamie raconte Hugo". Il s'adresse aux personnes qui aiment ma Mamie, Victor Hugo ou tout simplement les jolies mariages !
Victor est ruiné. Il n'a plus un sou. Mais qu’importe pour lui la pauvreté ? Au diable l'avarice comme dit Mamie ! La seule chose qui compte c’est l’interdiction continuelle de rencontrer Adèle.
C’est qu’il meurt d’amour pour elle. Je dis bien : il meurt.
Pire, il est à bout. Oui, elle l'aime.
Mais comme toutes les femmes qui aimeront Victor Hugo, elle a du mal à le suivre.
Victor fait le forcing, il sort le grand jeu. Le lot du joueur est de sans cesse doubler sa mise. Il passe au plan B en se faisant remarquer dans la presse. Le geste est là. Il est beau.
Mais les parents d'Adèle ne bronchent pas et restent inflexibles.
Eperdument, il cherche une porte de sortie. Une solution, une seule : ne plus se contenter de suivre - de loin - les pas d’Adèle. L’approcher, lui parler.
Chercher l’occasion.
Il court sur les traces de celle en qui il a placé toute son espérance. Rue Bourbon-Villeneuve, Palais Royal... Chaque fois, Adèle la futée a aperçu son amoureux.
Elle l’aime toujours !
Ils se voient mais ils ne se parlent pas. Mamie l’affirme de source sûre, ils ne se sont pas parlé une seule fois entre le 26 avril et le 11 octobre 1820. Il a tenu six mois !
Ils vont se fâcher avant de se réconcilier. Cela dure guère. Victor souhaiterait qu’Adèle lui écrive plus souvent mais Adèle tremble toujours que leurs relations secrètes se découvrent. Du coup, ils se fâchent de nouveau.
Rassurons-nous, la correspondance reprendra et ils se reverront.
Et puis, ils se fâcheront de nouveau, se réconcilieront encore.
François Mauriac : "Quand un homme se souvient d’une époque où il aimait, il lui semble que rien ne s’est passé pendant ce temps-là."
Il s’est passé que Victor s’est mis à composer un roman.
Oui, un roman. Un roman qui n’a été entrepris que pour compenser l’absence d’Adèle.
Toujours elle !
On en est là quand le malheur frappe les Hugo. C’est Adèle qui raconte le drame en quelques phrases naïves - d’autant plus touchantes :
"La mère de Victor est morte. Nous voilà devant l’inflexible. Vous pleurez, vous criez, vous vous tordez, vous essayer de ranimer ce cadavre, il est de glace. Aucun souffle n’échauffera cette lèvre ; pas une larme ne mouillera cette paupière. Si vous remontez de l’homme à l’enfant, vous trouverez votre mère.
Penchée sur vous, âme et corps, elle dirigea vos pas incertains et votre pensée balbutiante. Jamais elle ne vous railla et gravement vous reprenait.
Vous sanglotez à vos souvenirs. La mère grandit avec vous, la flamme s’affermit sur votre front...
De la mère et du guide, rien, pas même le fantôme."
Jamais Victor n’a éprouvé l’impression d’une solitude aussi accablante. Revenant, l’âme glacé, du cimetière, il s’interroge : quelle raison lui reste-t-il d'exister ? Ce père qui vit à Blois ? Il ne sait rien de lui.
Le frère aimé ? Il est bien lointain. Eugène ? Mieux vaut ne pas en parler. Sa fiancée ? Il sait qu’elle continuera de lui être refusée par ses parents.
Pourtant, c’est vers Adèle qu’il ira.
Et Victor courut la voir. Il découvre les fenêtres toutes illuminées. Il entend de la musique, des rires aigus qui montent de l’ombre du jardin. De leur jardin ! Il se glisse entre les arbres et aperçoit Adèle en robe blanche qui danse et qui rit
Le coup est rude. Un choc affreux qu’il n’oubliera jamais.
Le lendemain, Adèle se promène dans le jardin. Elle voit soudain Victor devant elle. Il est si pâle qu’elle comprend aussitôt. Elle s’élance vers lui :
- Qu’y a-t-il donc ?
- Ma mère est morte. Je l’ai enterrée hier.
- Et moi, je dansais !
Ensemble, les sanglots montent de leurs gorges.
C'est la fin de sa période la plus dure.
Aucun nuage n’assombrira plus l’horizon.
Ni celui du poète, ni celui du fiancé.
Le mariage sera célébré le 12 octobre 1822. Sitôt le repas achevé, on danse. Il faut reconnaître qu’elle est bien jolie, dans ses voiles blancs, Adèle Hugo, son visage radieux cerné par les torsades noires.
Et mince, si mince !
Au fait, tant qu'on y est, n’est-il pas beau, lui aussi, le marié ? Les invités, à qui mieux mieux, répètent que ce bonheur fait plaisir à voir. La fête s‘achève. On les conduits à leur chambre. Ils sont seuls.
Enfin !
Mamie sait tout de Hugo.
Ce qu’il n’a pas dit sur lui-même, d’autres s’en sont chargés. Même ses nuits d’amour sont connues en détail. A commencer par la première.
Serrant pour la première fois contre son corps celui de la bien aimée, il lui a prouvé neuf fois son désir.
C’est beaucoup. C’est trop.
Il écrit : "L’homme a reçu de la nature une clef avec laquelle il remonte sa femme toutes les vingt-quatre heures."
Charmant.
Collection "Mamie raconte Hugo" : Victor et Adèle se marient ; Victor et Adèle ; Les châtiments de Mamie ; L'éveil du petit Hugo