"Couchés dans le foin.
Dans les années 30, la chanson de France ignore encore tout du swing avant que Mireille Hartuch ne s'en mêle...
Depuis son enfance, le piano est comme le bout de son bras. Artiste tout terrain, elle fait dès l'adolescence, un détour par le théâtre, l'opérette et la revue.
Elle a vingt-deux ans en 1928, lorsqu'elle croise Jean Nohain, avocat de son état. ils s'exercent ensemble à l'écriture de chansons. Il prête ses mots simples et pittoresques, elle fait swinguer son piano mais personne ne veut de leurs petites chansons qui balancent.
Qu'à cela ne tienne, la jeune fille s'exile en Amérique, le pays où jaillissent les sons qui claquent, énergiques et sautillants. Ce satané swing, cette musique qui se joue avec le corps où on aime claquer des doigts et taper de la pointe des pieds sur ces rythmes jazz.
La voici à Broadway dans une opérette puis à Hollywood... A vingt-cinq ans, dans un film avec Buster Keaton. Elle partage même le clavier avec George Gershwin ! C'est pour dire que Mireille n'a pas fait le voyage pour rien. Finalement un télégramme de son père la fait se précipiter dans le premier avion pour Paris...
Couchés dans le foin qu'ele a écrit avec Nohain, interprétée par les duettistes Pills et Tabet, connaît soudain un franc succès.
Nohain reprend la plume et Mireille ne lâche plus son instrument : ce sont plus de six cents titres qui voient le jour. Yves Montand, Maurice Chevalier les interprètent, pour ne citer qu'eux.
Avant que Mireille ne se prenne au jeu et chante à son tour avec sa voix si pointue : Le petit chemin, Pourquoi t'es-tu teinte ?, Une demoiselle sur une balançoire, Quand un Vicomte, C'est un jardinier qui boîte et plus tard, en 1961, les chansons de Colargol, le petit nounours télévisuel dont les enfants raffolent.
C'est moi qui suis Colargol
L'ours qui chante en fa, en sol.
La suite ? Son conservatoire où pendant quatorze ans, elle fera découvrir, superbe et timide, Françoise Hardy, joliment enchignonnée, Alice Dona, mais aussi Serge Lama, Hugues Auffray, Alain Souchon, Yves Duteil... Ses bons mots, cinglants parfois, et ses petits airs affûtés entreront dans les annales.
Après s'être longtemps absentée des planches, elle se produit en 1975 à Bobino en première partie de Brassens et enfin au théâtre de Chaillot à 89 ans, en 1995, un an avant sa mort.
"Ma longévité artistique tient à ce que je n'ai jamais eu de voix. Je ne peux donc pas la perdre !" s'amusait-elle lors de cet ultime tour de chant.
Rideau.