"Les Italiens.
Papi n'a jamais aimé les Italiens. Parce qu'"ils draguaient nos femmes !" Du coup, il était remonté contre eux. Il ne faut pas oublier que Papi a toujours été très jaloux. Et puis, d'après ce qu'il m'a dit, au football ils étaient toujours en train de truquer, ce qui énervait Papi au plus haut point. De toute façon, c'est pas compliqué, quand il perdait au foot, c'était toujours de la faute des Italiens. Papi était mauvais perdant aussi, il faut le reconnaître....
Pourtant, le meilleur ami de Papi était Italien. Il s'appelait Salvatore Ranieri. Il était venu travailler à la mine sans avoir aucune idée de ce que c'était. Il venait de Calabre, son père était apiculteur et il avait des vignes mais les vignes, ça ne nourrissait pas son homme. Et puis, il n'y avait pas de travail là-bas. Un jour, un de ses amis l'a appelé pour lui dire qu'ils cherchaient des ouvriers en France. Du coup, il est parti trois jours à Milan pour faire des visites médicales puis il est venu en France.
Salvatore m'a dit qu'"à partir de là, les mines payaient tout pour nous. On a tous pris le même train. On nous avait même fait des colis de nourriture pour le train. Pendant le trajet, j'ai rencontré des camarades qui venaient de Sicile, moi j'étais seul à venir de Calabre. On s'est bien occupé de nous, on a été placé cinq célibataires par baraquement de quatre pièces. C'était bien.
On a été formé pendant une semaine avant d'aller au fond. Il y avait des interprètes, des mineurs italiens qui étaient arrivés avant nous. Quitter le pays, ça a été dur au début, mais après je me suis fait des copains, et puis j'ai rencontré ma femme, une Italienne aussi qui venait d'un village juste à côté du mien !
On gagnait bien, bien mieux que chez nous. Ma première quinzaine, c'était 17 000 anciens francs. Les plus courageux, c'étaient les Italiens, les Polonais, les Portugais, les Algériens et les Marocains. Les Français ne voulaient pas être à l'avancement. On était mal vu, on nous disait : "Vous mangez notre pain." Au final, on était des étrangers en France et des étrangers en Italie."
Contrairement à Papi, Mamie aimait bien les Italiens et puis elle avait de la famille en Toscane. Elle y allait de temps en temps. Un jour, elle avait même gagné un concours de cuisine. Elle nous en parlait souvent pour pas qu'on oublie et parce qu'elle en était fière aussi... A la fin, elle disait toujours :
"Mamie, Veni, vidi, vici !"
Voilà non seulement qui sonne juste - mais ne manque pas de beauté.