"L'invitation.
C'était à deux pas de Montirat - en pleine cambrousse -, où avec Mamie, on était invité dans un manoir pour une fête familiale d'un ami de Mamie. Le maître des lieux ? Alain de la Renaudié (nom changé par la rédaction).
Un personnage dont l'austérité des traits et du maintien laissait présager une soirée à ranger du côté des instants funèbres de la vie. C'était un peu une obligation et il était évident qu'on allait pas se marrer des tonnes.
Ça débute de façon frisquette. Je me dis que si, les entrées non terminées, on en est déjà à chercher des sujets de conversation, ça risque d'être longuet.
Et à un moment, je vois mon personnage esquisser un sourire, je lui demande pourquoi, il me montre un disque que ma Mamie avait posé sur le coin de la table : des chansons de Jacqueline François, vedette des années 50. Je lui demande en quoi ça l'amuse, et il m'avoue connaître toutes ses chansons par coeur. Pourquoi pas, après tout.
Je m'étonne pour briser le silence et on a pas fini les rillettes que, sans se faire prier et, même avec un plaisir évident, il entame un récital.
Tout le monde est scié : vous avez à votre table un condensé de notaire de province mitigé de haut fonctionnaire d'administration pénitentiaire, avec quelque chose d'un podologue dans la démarche, et le voici qui se lance dans la chansonnette, une jolie voix d'ailleurs avec trémolos et glissandos. Comme quoi.
Du coup, on repousse les assiettes et on pose les fourchettes ; après quatre chansons enchaînées, légèrement rougissant il nous informe que, s'il est fou de Jacqueline François, il peut, si nous le désirons, taper dans le répertoire de Lys Gauty - qu'on ne présente plus - qu'il connaît sur le bout des ongles : acceptation unanime et enthousiaste autour de la table. A la nuit tombée, il entame Yvette Giraud qui a quitté son vieux rancho pour être "à San Francisco en voilette avec dentelles, son ombrelle et son petit manchon, sa guêpière et ses longs jupons...".
Un festival !
Mamie et moi sommes jaloux et prenons la relève avec Lili Fayol et notre grand succès, un tube que nous avons baladé vingt ans à tous les karaokés du camping de la Tama au village naturiste du Cap d'Agde : "La guitare à Chiquita".
Alain intervint à son tour avec un air qui l'a rendu célèbre dans le haut Saumurois, et dont nous ignorons toujours le titre, mais dont les paroles sont inoubliables : "Jim, c'est moi Jim, la terreur des pampas du Mexique..."
Imparable !
La nuit est déjà là, elle se continuera avec d'anciennes goualantes : une douceur, sous les étoiles.
Collection "Mamie en ballade"
La routurière - Mamie à Lagrave - L'Hôpital - La maison de retraite - Mamie chez les Bretons - Mamie voulait revoir sa Normandie ! - La fouace Normande - La campagne, ça vous gagne...