"Un tableau célèbre, là, sous vos yeux.
26 avril 1937. Soudain, à 4 heures et demi de l'après-midi, toutes les cloches de Guernica se mettent à sonner.
Les entendre à une heure qui n'est celle ni de la messe, ni d'un salut, les habitants de cette petite ville basque savent ce que cela signifie : une alerte aérienne.
Ce jour-là, un marché se tient comme chaque lundi à Guernica. Aux paysans venus pour vendre et acheter, s'ajoutent de nombreux réfugiés : cela fait bien trois mille personnes supplémentaires accueillis dans la petite ville.
Trois mille qui, dès les premières volées de cloches, se sont avec les autochtones acheminées en bon ordre vers les caves et les abris. Un prêtre énergique canalise la foule vers les refuges.
De tels réflexes, en temps de guerre, les civils les acquièrent très vite. Les impudents, les négligents, les curieux vont bientôt regretter de ne pas avoir suivi le mouvement.
Cinq minutes se sont à peine écoulées que, dans le ciel, on entend le grondement d'un avion. D'évidence, un avion lourd. Ceux qui sont restés dehors le voient, à basse altitude, s'approcher. Il est seul.
Apparemment sûr de l'impunité, le pilote ne prend aucune précaution. Il se met à décrire un cercle autour de la ville.
Tout à coup, l'enfer se déchaîne.
On voit distinctement la soute du bombardier s'ouvrir et un chapelet de bombes glisser vers le sol. Certains les comptent : six. "Elles étaient grosses", diront les survivants. Des grenades viennent "compléter" le travail.
On a cru d'abord que le bombardier viserait la gare. Or, les bombes s'écrasent sur le lycée, sur les maisons, sur les rues voisines. Les murs s'abattent, des cratères se creusent. Les flammes, en quelques secondes, se tordent. Le bombardier a rempli sa mission. Il s'éloigne.
Ceux qui n'ont pas été touchés s'élancent vers les rues et les maisons bombardées. Des gens se trouvent peut-être emmurés ! Ce geste secourable est brisé sur-le-champ. Dans le ciel, gronde déjà un autre moteur.
De nouveau, la soute s'ouvre. De nouveau, des bombes descendent vers le sol. Le même nombre : 6. Des grenades, une fois encore sèment la mort et l'épouvante. Le bombardier, comme son prédécesseur, s'éloigne.
Cinq minutes s'écoulent : on attend. Dix minutes : on espère. Un quart d'heure : on se rassure.
A la recherche des emmurés, on entame des fouilles hâtives. On tente d'éteindre les brasiers. Alors, trois nouveaux avions surgissent dans le ciel. Les premiers, on les avait aussitôt reconnus : c'étaient des bombardiers Heinkel 111, des allemands.
Ceux-ci, à n'en pas douter, sont des Junkers 52, d'autres allemands. Les hommes qui se sont battus en Espagne les connaissent bien. Les civils aussi.
Dès lors, Heinkel et Junkers vont alterner. Le bombardement ne s'interrompra plus, cependant que son intensité augmentera sans cesse. Il a commencé à 16 H 40. Il ne cessera qu'à 19 H 45.
Quand les derniers appareils allemands disparaissent, Guernica n'existe plus.
Un matin, ouvrant son journal, ma Mamie découvre le massacre impitoyable d'une petite ville de son pays, l'anéantissement délibéré d'une population dans le seul but de terroriser. Elle n'est pas la seule. Pablo Picasso fait la même découverte.
Quoique vivant depuis de nombreuses années en France - où il a trouvé la gloire -, Picasso demeure profondément espagnol.
A l'instant, il a saisi ses pinceaux.
En peignant, il s'est lui-même senti soulevé d'épouvante. Sa toile va en devenir l'admirable reflet.
Comme dit Mamie : Nul, depuis Goya, n'a si puissamment, si douloureusement évoqué les douleurs de la guerre.
Une question est alors sur toutes les lèvres : Qui est responsable des bombardements sanglants de Guernica ?
Nous avons un début de réponse quand, en septembre 1945, deux américains s'entretiennent avec Goering dans sa prison de Nuremberg. Ils se nomment Maier et Sander. Ils lui parlent de Guernica. Réponse : la ville a été utilisée comme "banc d'essai".
Il ajoute : "Lamentable évènement ! Mais nous ne pouvions pas faire autrement. A l'époque, de telles expériences ne pouvaient pas être menées ailleurs."
Serait-ce donc que la responsabilité de l'anéantissement de la ville doive être attribuée à la légion Condor exclusivement ? Non point.
Un document apporte la preuve d'une connivence totale entre Allemands et Franquistes. Il montre que ce raid a été engagé à la demande du commandement nationaliste.
Il fallait s'y attendre.
Collection "Mamie explore le temps"
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