"L'histoire d'amour de Nelly et Hocine.
"Cette histoire que je vais vous raconter là, je vous la livrerai en une seule traite parce qu'au fond c'est elle qui occupe le centre de ma vie. Ma Mémé, les vignes et mon mari, tout cela comptait mais on a parfois la chance de vivre l'exceptionnel, un raz-de-marée, et moi je l'ai vécu et cela m'a emporté.
C'est une rencontre, bien sûr, un homme qui allait changer le cours de mon existence.
A cette époque-là, ma vie m'ennuyait un peu. Un mari si tranquille, la famille, la terre... j'eus envie de m'aérer quelques jours et décidai de "monter" à Paris pour voir une amie.
Cet homme, je l'ai croisé à la gare. Il était en face de moi, immobile. Je suis resté pétrifiée. Comme une connaissance dans l'instantanéité. Hypnotisé par les yeux de cet homme, ses lèvres, ses vibrations qui émanaient de lui, je m'étonnais de l'extrême connaissance de cet étranger.
Je savais...
Je me laissais éclabousser par son soleil. C'était un homme du désert.
Et j'ai subitement eu envie de ses mains sur moi. Pareille à un vent plombé de chaleur caressant ma peau.
A l'instant où nous nous sommes croisés, nos peaux ont frémi, nos muscles ont frissonné. Ce fut un instant magique, suspendu dans le temps que nous nous sommes permis l'un et l'autre.
Il faut une incroyable liberté pour s'accorder un moment pareil et une chance inouïe pour croiser quelqu'un qui ressente la même émotion. Puis, brusquement, un vertige s'empare de moi. Ce sirocco fou qui mugit dans ma tête se brise à ma lucidité, à la dureté du réel qui subitement m'interdit.
J'ai baissé les yeux. Tout un carcan de bonne éducation, de comportements dictés, surtout à nous filles de province, fit virer la peau de mes joues au cramoisi et m'imposa l'arrêt de cet abandon intense. Et pourtant j'inspirai profondément et avançai dans sa direction tandis que lui fit de même vers moi.
A sa hauteur, je tournai mon visage vers lui. Mes bras tremblaient et dans mes mains des ruisseaux de sueur dévalaient à présent sur la poignée de ma valise.
J'ai senti son odeur, brute, d'épices et de miel. Elle m'envoûtait. Ma tête me tournait, emportée par l'envie et le danger mêlés.
Oh ! la jouissance de la transgression, cette folle sensation de liberté que je n'ai jamais ressentie chez moi !
On monte dans le taxi de cet étranger qui m'attire incroyablement et je trouve cela romanesque, extraordinaire.
Mine de rien, je cherche son regard dans le rétroviseur. Il en profite pour planter ses yeux dans les miens. Moi, je prends une large inspiration, tente de me ressaisir.
C'est une attirance prodigieuse et totalement inconnue qui me submerge. Je suis aspirée par l'incroyable appel de son épiderme, mais en même temps, j'ai hâte que cela se termine.
Quel envoûtant paradoxe, à la fois avoir envie de se laisser tout à fait emporter par ce souffle de liberté et en même temps mesurer l'abysse qu'il peut représenter.
N'être personne et tout pouvoir !!
Dans cette capitale, j'étais perdue, anonyme et libre, libre !
Quand on arrive chez mon amie, je lui demande : "Combien je vous dois ?
Avec un sourire malicieux, qui lui soulève de manière extrêmement charmante le coin de sa bouche :
- Beaucoup...
Puis baissant les yeux, amusé, et se redressant : "40 francs.
Je les lui donne et il fait semblant de repartir vers son volant. Je me sens littéralement idiote, pétrifiée sur ce trottoir. Quand soudain, il se retourne vers moi, tend sa carte et me fixant alors intensément :
- Vous pouvez m'appeler.
Et je me surprends à lui dire :
- Quand ?
Un sourire dévoile la blancheur de ses dents, carnassières.
- Demain.
- Vers 15 heures ?
- A demain.
Et il démarre. Et moi, je me gratte la nuque comme sonnée. Plus que perplexe, est-ce que je mesure vraiment dans quoi je suis en train de m'embarquer ?
Dès que j'ai vu mon amie, j'ai eu une envie furieuse le lui parler de cet homme, mais je craignais un peu sa réaction. Puis n'y tenant plus, je lui racontai cette rencontre.
- Alors là, mon petit sucre, ça s'appelle un coup de foudre. je connais ça. Si tu t'y abandonnes, tu connaîtras des instants délicieux au-delà de tout ce que tu peux imaginer mais la fin est rarement douce et toujours fin il y a.
Et elle continua :
- Es-tu assez forte, ma colombe, pour affronter un ouragan de sentiments dont tu n'imagines pas l'intensité ? Ta vie jusqu'à présent a été protégée, tranquillement heureuse, et je crains que tu ne sois pas armée pour ce type de guerre. Parce que la passion, Nelly, c'est une guerre en soi. Tu vas y aller demain ?
- Je vais réfléchir, répondis-je. Mais dès que je l'avais quitté, cet après-midi, je savais au fond de moi que j'allais retrouver cet homme.
Même si la tension avait été trop forte au point de vouloir m'en dégager, je crois que j'étais déjà en apprentissage du manque.
Le lendemain, Hocine était là. J'avais découvert son nom sur la carte qu'il m'avait laissée. Je l'avais appelée comme il l'avait proposé. J'avais juste dit :
- C'est Nelly, rue du Cardinal-Lemoine, je...
- J'arrive.
Tout simplement. J'étais intriguée en découvrant une pareille audace mais attirée aussi.
Le temps de la passion : Première partie ; Deuxième partie