"Une photo, là, sous vos yeux...
Lady Hamilton en chair et en os. A la gauche - votre droite - de l'amiral Nelson. Récit d'une vie racontée par ma Mamie :
"Elle possédait un corps digne d’une statue grecque, une petite bouche charnue et sensuelle à souhait, un sourire de petite fille se rendant au catéchisme et des yeux d’un bleu à vouloir s’y baigner...
Lorsque les hommes la contemplaient , ils avaient bien sûr des envies infiniment moins platoniques que la ravissante et peu farouche Emma Lyon - telle était le nom de cette merveille - se hâtait de satisfaire... surtout si le postulant était fortuné.
Nous sommes alors à Londres au début du XVIIIème siècle, un siècle fait pour l’amour, c’est à dire que les adorateurs ne lui manquait point.
Toute petite, la beauté grecque d’Emma lui avait procuré une étrange situation chez le "docteur" Graham, un guérisseur qui plaçait ses malades sur un "lit d’apollon" où - il l’affirmait - passaient des courants magiques.
Au chevet se tenait Emma dont la beauté était plus ou moins voilée - plutôt moins que plus... Et cette vision digne de l’Olympe aidait beaucoup, parait-il, au rétablissement des malades.
On dit même - les mauvaises langues sans doute - qu’Emma savait prouver aux patients qu’ils possédaient toutes leurs facultés...
Et puis, un jour, l’amour fit battre le coeur de la déesse. elle rencontra sir Charles Greville et tomba amoureuse de lui.
Lui ne l’aimait point, mais il avait pour elle tant de désirs que cela lui tenait lieu de sentiment... Il décida de faire l’instruction de sa maîtresse en engageant des professeurs qui apprirent à Emma la musique, le chant, l’orthographe et les belles-lettres.
Sur ces entrefaites, l’oncle de Charles - sir William Hamilton - un oncle à héritage, vient passer quelques jours à Londres et trouve sa "nièce" belle à lui couper le souffle.
Durant quelques mois, il va s’occuper d’elle...
Ni une, ni deux, ils se retrouvent à Naples. Et au cours de l’été 1791, Emma devint lady Hamilton, ce nom sous lequel elle demeurera dans l’histoire.
Là-dessus, elle tombe amoureuse de l’Amiral Nelson ! Pourquoi ? Parce que ce dernier a anéantit la flotte française à Aboukir. La nouvelle est accueillie à Naples avec délire. Emma qui, à chaque visite de Nelson, sent son coeur battre, exulte de joie :
"Grand Dieu ! Quelle victoire ! Quand j’ai appris la nouvelle, je me suis évanouie et me suis blessée, mais maintenant je suis guérie. Je considérais comme glorieux de mourir en pareille circonstance. mais non, je ne voudrais pas mourir avant d’avoir vu et embrassé le vainqueur du Nil..."
Nelson qui, à la suite d’un précédent combat, a dû être amputé du bras droit, a perdu un oeil pendant la bataille. Forcément - véritablement "envouté" par Emma, il a peur des retrouvailles.
Oui mais non. Comme l’a dit ma Mamie, les "débris" de Nelson satisferont entièrement l’ambassadrice. Quand il arrive à Naples, l’enthousiasme est à son comble ; lady Hamilton ne peut cacher son émotion. La scène a été contée par Nelson lui-même dans une lettre à sa femme :
"Lady Hamilton tomba dans mon bras plus morte que vive. Les armes néanmoins arrangèrent les choses..."
Et le candide marin croit bon de préciser à sa digne épouse : "J’espère avoir un jour le plaisir de vous présenter à lady Hamilton ; c’est vraiment une des meilleures femmes qui soient au monde : elle est l’honneur de son sexe."
N’ayons pas peut des mots - il faut appeler un chat un chat : Nelson et lady Hamilton s’aiment à la folie.
Mais les Français marchent vers Gênes. Il faut fuir. Nelson recueille lady Hamilton et son mari à son bord et partent vers l’Angleterre.
A Londres, la présence de Fanny Nelson complique un peu les choses. Elle somme son mari de rompre.
- Je suis résolue, lui dit-elle, à vous voir choisir entre elle ou moi.
C’est la rupture et Nelson peut n’être plus qu’à Emma. Pour le remercier, lady Hamilton lui annonce une grande nouvelle : elle est enceinte.
Bien sûr son mari n’est pour rien dans l’affaire et Nelson nage en plein bonheur. Malheureusement, il est en mer lorsque naît une petite fille, baptisée Horatia, afin qu’il n’y ait aucune équivoque possible. N’oublions pas que l’Amiral Nelson s’appelle Horatio...
De son côté le mari est parfait, il fait semblant de ne pas remarquer la présence de la sage-femme sous son toit. Aveugle, il joue également à l’homme sourd lorsque le nouveau-né pousse des hurlements...
A son retour, il apprend que la chère Emma a acheté pour lui une charmante maison de campagne où ils s’installent tous les trois. On y mène joyeuse vie aux frais du mari qui témoigne maintenant de quelque mauvaises humeurs.
Il envisage même de prendre une fâcheuse décision - le divorce - avant de mourir le 6 avril 1803, après avoir béni l’amiral "le plus loyal ami qui ait jamais existé". On ne peut être cocu avec plus d’allure !
Cependant son testament réserve une mauvaise surprise : c’est le neveu qui hérite...
Nelson, pour consoler sa maîtresse, lui offre la maison de campagne mais ne lui donne pas d’argent. Et puis, peut-être Fanny acceptera-t-elle le divorce et pourra-t-il vivre heureux avec sa chère Emma ?
A la fin de 1805, Horatio Nelson est devant le cap Trafalgar où il guette la flotte franco-espagnole. Au moment où va commencer la bataille, il descend dans sa cabine, fait son testament et trace ces lignes :
"A tout évènement, je veux faire en sorte que mon nom vous devienne encore plus cher, à vous et à Horatia, les deux êtres que j’aime plus que ma vie, et comme ma dernière lettre avant la bataille sera pour vous, j’ai espoir en Dieu que je vivrai assez pour la finir après la bataille."
L’amiral remonte sur le pont, ordonne la manoeuvre qui doit, en scindant la flotte ennemie en deux tronçons, lui donner la victoire... mais au même instant une balle lui traverse les reins. Il s’écroule. On le transporte au poste des blessés.
Horatio sait qu’il est mortellement frappé... mais il ne pense qu’à Emma et à leur petite fille.
Au moment où on vient lui annoncer la victoire - la victoire de Trafalgar - on l’entend encore murmurer :
- Dieu merci, j’ai fait mon devoir.
La douleur d’Emma fut immense. Effondrée, elle ne put même pas assister aux obsèques d’Horatio.
Maintenant, tout le monde tourne le dos à «la concubine» de Nelson. Lady Hamilton n’est plus reçue nulle part. Elle va sombrer dans la misère.
En 1814, la paix lui permet de fuir ses créanciers et de partir avec Horatia pour le continent. Elles s’installèrent dans une pauvre ferme de Calais. C’est là qu’Emma - la plus belle femme de son temps - rendit son dernier soupir. Au dessus de son lit se trouvait le portrait - en grande tenue - de l’amiral Horatio Nelson.