"Une photo, là sous vos yeux...
"Petite sotte, est-ce que le coeur compte dans le mariage ? On ne te demande pas de l’aimer avant, mais de l’épouser. L’amour viendra plus tard.
Puisque sa mère lui ordonnait, elle l’avait épousé... et l’amour n’était jamais venu.
La "petite sotte" était mieux que jolie : elle avait du charme, elle était distinguée, élégante, langoureuse. Sa voix était vibrante, douce, claire, insinuante, son âme tendre et poétique. Elle se nommait Hortense de Beauharnais, et était la fille de la future impératrice Joséphine.
Quant au mari, il était roi de Hollande mais au vrai, il n’était qu’un triste sire, atteint de perpétuelles suspicions à propos de tout et de rien.
Il était en outre, à la suite d’une maladie galante mal soignée, un éternel malade allant déjà de médecin en médecin et de ville d’eau en ville d’eau.
La tendre Hortense a pleuré le soir de son mariage devant le peu d’enthousiasme témoigné par son morne mari.
La naissance d’un fils neuf mois et cinq jours après le mariage, n’arrangea nullement les rapports entre les époux. Louis s’est mis en tête que sa femme conspire contre lui, la fait espionner par ses domestiques et erre dans la maison avec des allures de policier...
Hortense se console en s’amusant le plus possible. Paris est alors atteint de dansomanie. La ville ressemble à une vaste guinguette. Un soir, alors qu’elle dansait à ravir on ne sait quelle valse ou boléro, elle tombe sous le charme du comte Charles de Flahaut, du nom du premier mari de Mme de Souza dont il n’était d’ailleurs point le fils.
Charles le séducteur, voyant qu’il plaisait à Hortense, vint lui faire la cour - sans être d’ailleurs nullement amoureux d’elle... Mais lorsque l’on est chasseur - et il l’était - il n’est pas désagréable d’ajouter une pièce à un tableau. Et celui de Charles commençait à être bien fourni.
Cependant ces roucoulades platoniques furent mal interprétées par Louis qui ferma la porte de son hôtel à Charles de Flahaut. Ce dernier n’en fut pas affecté. Il aimait alors une jeune Polonaise qui devait d’ailleurs regagner son pays.
Il se fit consoler par la belle-soeur d’Hortense, Caroline Murat. Charles trouva la belle-soeur de l’Empereur bien en chair et appétissante et ne se fit nullement prier pour consommer, tout en continuant de conter fleurette à Hortense quand il la rencontrait dans le monde.
En somme, il avait le goût pour la famille...
Mais ces querelles on commencé à faire du bruit. Est-elle voir ailleurs ? On l'ignore. Mais on sait en revanche que Louis méritait d'être trompé - et il le fut peut-être dès 1807 puisque l'enfant qui sera un jour Napoléon III vint au monde le 20 avril 1808. Or, deux cent soixante-dix jours auparavant - le 14 juillet 1807 - Hortense se trouvait à Cauterets ayant près d'elle, non son triste mari, mais deux soupirants : Decazes et l'amiral hollandais Verhuel.
Lequel fut le père du futur empereur ?
Peut-être ni l'un ni l'autre puisque la reine retrouva son mari à Toulouse le 12 août. En ce cas, Napoléon III serait né dix-neuf jours avant terme... La jeune femme semblait avoir quelques doutes puisque le cardinal Fesch disait en souriant :
- Quand il s'agit des pères de ses enfants, la reine Hortense s'embrouille toujours dans ses calculs.
La suite ? La séparation de Louis et d’Hortense. Il n’en fallait pas plus à Hortense pour être heureuse. Elle allait retrouver Flahaut et un Flahaut bien à elle, sans Caroline ou Polonaise dans les parages.
Charles et Hortense vont enfin s’aimer.
"Le temps le plus heureux de ma vie", dira-t-elle. Hortense regardait avec adoration son Charles. Quand il n’était pas là, elle caressait le caché qu’il lui avait donné autrefois. On y voyait un aloès - dont la fleur ne s’épanouit qu’une fois par siècle - autour duquel s’enroulait une devise : "Un jour de bonheur est le prix d’un siècle d’attente".
C’est plutôt elle qui avait attendu son bonheur.
Hortense semblait de cet avis car elle avait fait graver sur l’autre face ces mots : "Soleil, je t’implore..." et le soleil se laissait aimer.
- Si vous pouviez aimer une autre femme, soupirait-elle, je sens que j’en mourrais.
C’est beau, non ?
Seulement voilà, beaucoup de dames semblaient s’occuper de M. de Flahaut. Elle s’en apercevait. Elle s’aperçut aussi qu’elle était enceinte. Ni une, ni d’eux, elle mis un plan en place pour pouvoir accoucher - vers l’Italie - sans qu’on s’en aperçoive. Mais elle "s’embrouilla dans ses calculs" et c’est en chemin à Saint-Maurice-en-Valais qu’elle donna le jour à un garçon.
L’enfant sera déclaré le mois suivant à la maison du IIIème arrondissement comme étant né la veille d’une certaine Emilie-Coralie Fleury et d’un "sieur Hyacinthe Demorny", vague personnage dont on ne sait pas grand-chose.
Bref, la liaison continua comme une douce habitude pour lahaut, avec passion pour Hortense, jusqu’au moment où s’écroula l’empire.
Charles lui offrit alors de devenir la comtesse de Flahaut. Mais Hortense - et le fait surprend - refusa. Elle préférait être ex-reine de Hollande plutôt que la femme de l’homme qu’elle aimait. Charles fut si étonné qu’il ne se gêna point pour enchaîner à son char Mlle Mars.
Là-dessus, Hortense tomba - par mégarde - sur une lettre de sa rivale adressée à Charles, lecture qui ne lui laissa aucun doute sur la "trahison" dont elle était victime.
La liaison allait s’achever.
Hortense mourut le 5 octobre 1837. Réaction du côté de Flahaut. Des pleurs mais pas un mot.
Rideau.