"Une photo célèbre, là, sous vos yeux.
Il est 14 h 45. Des portières des voitures, brutalement poussées, jaillissent des hommes armés. Sur le pas de la porte, le docteur Dugoujon raccompagne une cliente. Les hommes l’entourent, le bousculent. L’un d’eux lui glisse à l’oreille :
- Police allemande !
Le désespoir se lit sur le visage du médecin. A l’instant, chez lui, vient d’arriver le délégué général du général de Gaulle en France.
Il s’appelle Jean Moulin.
Jean Moulin est né le 20 juin 1899.
Adulte, il proclame ouvertement son désir de "se pencher sur ceux qui peinent, à l’usine comme à la terre".
Il ne cache pas qu’il fera obstacle à ceux qui voudraient priver les travailleurs du "bénéfice d’améliorations sociales tant attendues et si justement méritées".
Depuis la prise de pouvoir d’Hitler, il est convaincu que les démocraties doivent s’armer pour faire face au péril nazi
Les idées de Hitler sont à l’opposé de tout ce qu’il croit, de tout ce qu’il aime.
Donc il faut barrer la route à Hitler. Quand la guerre éclate, il est préfet d’Eure-et-Loir. Il demande aussitôt à être mobilisé. Son ministre l’estime plus utile à Chartres. Il vient d’avoir 40 ans.
Le 17 juin 1940, des officiers allemands font irruption dans sa préfecture et le somment de les suivre. Dans une cour de ferme, ils lui montrent un amoncellement de cadavres. Les Allemands soutiennent qu’il s’agit de victimes de sévices infligés par des soldats sénégalais.
Ils tendent à Moulin un rapport rédigé dans ce sens. On saura plus tard qu’il s’agit de gens tués dans un bombardement.
- Signez !
Calmement, mais fermement, Moulin refuse d’entériner des accusations dont on ne lui fournit aucune preuve. On le menace. Il refuse toujours. Les soldats l’entourent, le bousculent, le frappent à coups de poing puis de crosse. Rien n’y fait. Cela dure sept heures. Moulin n’a toujours pas signé. Dans une pièce obscure, on le jette sur le cadavre déchiqueté d’une femme. Il est 2 heures du matin.
Pendant combien de temps est-il resté - désespéré - sur le sol de ce réduit ? Sa main rencontre des morceaux de verre, vestiges des fenêtres détruites par le bombardement.
La vie vaut-elle encore d’être vécue ?
Le prisonnier se saisit d’un de ces tessons et se tranche la gorge.
Une sentinelle allemande le découvrira baignant dans son sang. On le transporte à l’hôpital, on le soigne, il est sauvé. Il gardera la trace indélébile de son suicide manqué : une cicatrice que cachera désormais une écharpe.
Quand le 2 novembre 1940, le gouvernement de Vichy le démet de ses fonctions, Moulin prend sa décision : il rejoindra à Londres le général de Gaulle.
Courant décembre, il est reçu par le général de Gaulle.
Les voilà donc face à face, ces hommes antinomiques. Le général de Gaulle : immense, glacial malgré la fièvre qui le brûle. Moulin : petit, mince, l’air à la fois énergique et enjoué. Moulin se sait un inconnu pour de Gaulle. Durant tout son voyage, il a redouté que ce fût un obstacle insurmontable. Il a tort. D’emblée, l'accueil réservé au préfet Moulin sera favorable.
Devant de Gaulle, Moulin parle.
Il faut que la "France libre" organise avec les résistants des liaisons fréquentes, rapides et sûres. On doit leur faire passer de l’argent, des armes. Moulin affirme, avec une solennité qui frappe son interlocuteur, que ses véritables troupes se trouvent en France métropolitaine.
De Gaulle confirme : il faut renforcer et unifier la Résistance. Il désigne Jean Moulin comme son représentant personnel et le nomme délégué du Comité national français pour la zone non occupée. Moulin sera parachuté en Provence dans la nuit du 31 décembre 1941 au 1er janvier 1942.
Il n’a subit aucun entraînement. C’est à peine s’il sait ce qu’est un parachute.
Il plonge dans la nuit vers cette terre où l’attendent non seulement de grands périls mais une tâche quasiment impossible à réaliser.
Collection "Mamie explore le temps"
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