"Une photo, là, sous vos yeux.
Une photo de Balzac. Honoré de Balzac. Juste avant qu'il ne rencontre Evelyne... Bref rappel des faits :
Dans sa propriété ukrainienne, Evelyne Hanska s’ennuyait.
Elle avait trente ans et avait été mariée toute jeune au comte Hanski, un riche propriétaire de vingt-deux années plus âgé qu’elle. Elle avait eu cinq enfants, mais quatre étaient morts. Il ne lui restait plus qu’une fille, Anna, qu’elle adorait.
Pour s’occuper, elle se mit à dévorer la littérature française, particulièrement florissante en ces années 1830. Après avoir lu Lamartine, Hugo, Chateaubriand, George Sand, elle découvrit Balzac.
Et ce fut pour elle un éblouissement qui ne la rendit point aveugle. elle admira Les Chouans mais le réalisme de La peau de Chagrin, le manque de "délicatesse amoureuse", la choqua. Elle éprouva le besoin de l’écrire à l’auteur, de lui clamer son admiration mais aussi de lui faire part de ses réserves. La lettre était signé l’Etrangère et n’indiquait aucune adresse.
Tel fut le point de départ d’une des plus fameuses correspondances amoureuses de l’histoire littéraire et qui devait se prolonger durant quinze années.
Honoré de Balzac avait alors trente-trois ans et les lettres signées L’étrangère, postées à Odessa, piquent sa curiosité. L’écriture est jolie, le style exquis, le papier de qualité...
Son imagination s’enflamme. Assurément, c’est une princesse russe ou polonaise ! Et d’une sauvage beauté... Mais comment lui répondre ?
Fort heureusement, un jour, Mme Hanska ajoute ces lignes à l’un de ses billets : "Un mot de vous dans La Quotidienne me donnera l’assurance que vous avez reçu ma lettre et que je puis vous écrire sans crainte. Signez-le : A l’E.H.B."
Balzac ne se fait point prier et dans le numéro du 9 décembre 1832, on peut lire ces lignes : "M. de B a reçu l’envoi qui lui a été fait ; il n’a pu qu’aujourd’hui donner avis par la voie de ce journal et regrette de ne pas savoir à qui adresser sa réponse. A l’E.H.B."
Cette fois, l’Etrangère dévoile son identité et donne son adresse... et les lettres - des lettres vite enflammées - commencent leur ronde entre Wierszchownia et Paris.
La suite ? Elle sera sa "rose d’Orient", son "étoile du Nord" ou sa "Fée des tilleuls". Il sera son "Loup".
Le reste n’est que littérature.