"Naissance d'un prénom,
Avant la naissance de l’enfant, il est d’usage de choisir les prénoms : tout est question de mode.
Au début du XXe siècle, on sait que les Alfred ont presque tous dépassé la soixantaine ; les Edward et les Edmond sont un peu plus jeunes ; les Alphonse et les Adolphe sont les aînés des des Alfred et les Charles sont octogénaires ! Les Ernest ont presque 50 ans ; les Lucien ont la quarantaine ; les Albert, moins répandus, sont cependant nombreux, tandis que les Arthur, Octave, Amédée, Mathilde et Anaïs ont complètement disparus de la circulation...
En revanche, d’autres prénoms n’ont pas d’âge : il y a toujours eu en France des Jules... depuis Jules César !
Ensuite, la mode s’est décidée à ne plus s’exposer au risque d’oublier ce qu’elle avait adoré et d’adorer ce qu’elle avait oublié.
Elle choisit des prénoms parmi les bons vieux-Saints et Saintes de l’almanach, en s’arrêtant de préférence aux prénoms rustiques : ceux des valets de ferme deviennent les prénoms les plus distingués. Jean devient à la mode, tandis que la noblesse abandonne à la bourgeoisie les Aymery, Gontran, Raymond, Adhémar ou autre Gaston.
A part les Jean qui pullulent, les Pierre sont innombrables, les Jacques très nombreux mais plus âgés que les Pierre et les Jean. On fouille volontiers le moyen-âge pour lui emprunter les Bernard, les Robert, les Roger, les Mathieu, les Richard, les Antoine.
Catherine a le vent en poupe ; distingués aussi les Christine, Jacqueline, Suzanne et Thérèse.
Denise est le plus à la mode ; Jeanne a tellement été donné qu’on l’évite.
Aline, Marguerite, Geneviève sont des prénoms qui qui ne datent pas et qui se donnent couramment.
A la mode encore en ce début du XXe siècle, les prénoms composés : beaucoup de petites filles s’appellent Marie-Rose, Marie-Madeleine, Marie-Louise, Marie-Thérèse ou Marie-Antoinette...
Après la guerre, les prénoms composés sont encore à la mode avec, sans ordre de préférence : Louise-Victoire, Marie-Victoire, Françoise-Victoire (heureusement qu’on l’a gagné cette guerre, sinon il faut bien reconnaître que Marie-Défaite c’est quand même pas terrible), France-Elisabeth (Allemagne-Elisabeth ?), Marie-Emilie, Marie-Jeanne...
Le langage des noms est sans équivoque : Il semble dorénavant acquis qu’Henriette est une fille modeste, que Simone est gaie, que Lucienne (Lulu) est très charmante, que Louise est bonne (au sens propre du terme), qu’Hélène est sincère et que Marcelle est aimable. Jeanne est "pleine de grâce". Suzanne est représentée par un lis, Marguerite par une perle. Les Eulalie sont de charmantes causeuses.
Pour les garçons, la quintessence des qualités est apportée par nos vieux noms gaulois : l’intrépidité, la bravoure se résument dans les Gontran, Dagobert et Théobald ; le bonheur, la richesse dans les Eudes ; la force, la vigeur appartiennent aux Karl, alors que les Robert sont des orateurs remarquables ; les Hugues représentent la fine fleur de l’esprit et de l’intelligence.
Quant aux Ernest, ils sont sérieux, un peu trop d’ailleurs tandis que les Emile sont doux, les Edouard sont la droiture même, tandis que les Louis, Victor et Gérard ont une nature guerrière.
Louis incarne la douceur, Léon la fidélité, Emile le bonheur, Henri la modestie et qu’avec Charles ce sera l’amour profond tandis qu’avec Paul ce sera plutôt l’amour passionné.
En 1926, en choisissant le prénom on officialise aussi le surnom. En effet, la liste des prénoms à la mode stipule le sympathique surnom dont on affublera le bébé tout au long de sa vie, jugez plutôt : Yvonne devient Votnette ; pour Simone, c'est Monette ; Micheline est détourné en Linette, pour Marguerite, la nuit et le jour, c'est Maggy, Louise est rebaptisé affectueusement Loulo, Gilberte devient la Guite, d'Antoinette à Toinette il n'y a qu'un pas ; plus surprenant, Elisabeth devient Betsy et Edouard... Ned ! Pour Eric, c'est Ric ; Etienne devient Tino ou Thiénot ; Louis... Ludo, Robert... Bob et Joseph... José.
Pas de diminutif pour Hélène. Avec le temps et les années passant, tout le monde l'appelait Madka.