"Il fit assoir Mercadier d'un geste, se lissa les tempes d'un doigt bagué et vérifia sous le bureau la parfaite fermeture de son zip de pantalon.
Rassuré, il huma de la narine gauche l'oeillet blanc qui ornait sa boutonnière et sourit de ce sourire auquel aucun capitaine de gendarmerie ne pouvait plus résister depuis bien longtemps.
- Que me vaut l'honneur ?
Mercadier se trémoussa et, balayant les précautions d'usage, raconta en deux mots les raisons de sa visite.
Padovano croisa les jambes, soupira, murmura "Excusez-moi" avec une politesse exquise et donna deux coups de téléphone codés. Quelques minutes après, il reposait l'appareil, s'essuyait les mains et jetait son oeil de biche sur Mercadier.
- Très bien. Une explosion à la dynamite a soufflé la maison de Sophia Manatan. Le corps ? demanda-t-il.
Le journaliste eut un geste éloquent des deux mains.
- Des débris peut-être, dit-il, mais il n'y a rien de sûr.
Padovano balaya l'objection d'un coup de poignet mou.
- Aucune importance, dit-il, voici ce que vous allez faire.
Mercadier avala sa salive et se pencha en avant pour mieux entendre.
- Cinq lignes, dit Padovano, en dernière page et en milieu de colonne : Sophia Manatan est morte ce matin d'une explosion à la dynamite. L'enterrement aura lieu dans la plus stricte intimité ; la défunte sera inhumée dans le caveau familial à Cagnac-les-Mines, petit village du Tarn, berceau de la famille.
Fébrilement, Mercadier griffonna ces indications sur un vieux ticket de métro et demanda :
- Rien d'autre ?
Padovano tapota le marbre synthétique de sa table de travail.
- Vous ajouterez que la police continue son travail d'investigation pour trouver les causes de l'attentat. A bientôt Mercadier, passez donc un de ces soirs, nous donnons de petites réceptions sans prétention où le Ricard coule à flot.
Padovano ne fut pas surpris outre mesure par cette nouvelle. Il l'attendait.
L'horoscope avait annoncé une journée noire pour les Bélier.