"Vous êtes Minoudot ?
- C'est moi.
- Bienvenue chez nous, cher monsieur. Esther Douglas, responsable de cet établissement. Excusez-nous de toutes ces précautions, mais notre clientèle apprécie ces mesures qui permettent la discrétion la plus totale. Vous désirez boire quelque chose ? Josiane Berthelot va descendre dans quelques secondes.
- Qui vient ici ? demanda Minoudot.
Esther Douglas se servit un petit verre de ce qui semblait être une eau de vie de poire.
- Mais... nous avons toute la ville. J'entends par là, la meilleure société de la ville, celle tout au moins qui sait que le plaisir est souvent synonyme de complications, ceux qui ont certains problèmes amoureux... Venez dit-elle, je vais vous montrer la maison.
Il fut déçu par les premières chambres : c'était les mêmes décors et les mêmes gadgets que partout, salles de tortures, chevalet, chaînes, etc. Elle l'amena devant une porte et l'ouvrit.
- Je crois que vous allez être surpris dit-elle.
Entrez.
Il entra et fut surpris.
Sur le lit, entièrement nue, Josiane regardait le plafond, immobile.
- La ressemblance est troublante dit-il. Jolie travail. C'est en quelle matière ?
- Un mélange de soi naturelle et de plastique à moulage instantané ; la texture reproduit exactement l'impression de la peau. Touchez.
- Extraordinaire dit Minoudot, mais je voudrais connaître la raison de tout cela.
- Très simple : si vous avez envie de coucher avec la femme de votre meilleur ami, une défunte, une actrice célèbre, il suffit d'apporter une photo et votre rêve se réalise.
Il sourit.
- Bien imaginé. Et vous avez des clients ?
- Innombrables. Vous seriez étonné de connaître notre succès.
- Que vous demande-t-on de reproduire ?
- C'est très variable.
Les veufs inconsolables nous demandent parfois de reproduire leur chère défunte, des fils nous demandent leur mère, des frère leur soeur ; la plupart fixent leur choix sur des actrices, certains sur des femmes illustres. Nous avons dans nos réserves une Jeanne d'Arc, une Marie-Antoinette, une Carla Bruni.
Un comptable nous a demandé de lui procurer son chef de bureau. Il y a une infinité de possibilités. De plus, pour parfaire l'illusion, vous appuyer sur le bouton à la tête du lit, un magnétophone se met en marche, ilest fixé sur le diaphragme du mannequin.
Minoudot tira un paquet de cigarettes de sa poche.
- Tout cela est passionnant, mais il me reste une dernière question à vous poser : pourquoi avoir fabriqué un de ces mannequins à l'image de Mme Berthelot ?
Esther se mit à rire.
- Pour une première approche en douceur. Essayez, dit-elle, vous m'en direz des nouvelles. Vous avez remarquez que toutes ces dames sont complètes...
Minoudot ferma les yeux.
- Je ne suis pas intéressé. C'est vous que je veux. L'original.
- Mais, je ne vous connaît pas.
- Je m'appelle Marc Minoudot, j'aime la franchise, le naturel, les Celtics de Boston et le whisky.
Il rajouta en partant cette phrase lapidaire : Suivez-moi !