"Je dois beaucoup à La belle histoire.
A Los Angeles, ou je suis allé présenter un de mes autres films dans le cadre d'une semaine du cinéma français, je m'adresse à une salle de deux milles personnes. Soudain, une femme se lève et m'interpelle :
- Monsieur Lelouch me dit-elle, je tenais à vous remercier d'avoir tourné la belle histoire. Sans ce film, je serais morte.
Je suis aussi stupéfait que le reste de l'assistance.
- Il y a un an, continue la jeune femme, j'étais au fond du trou et j'avais décidé de me suicider. J'ai loué une chambre d'hôtel, je me suis installé sur le lit avec des flacons de comprimés et une bouteille d'alcool. J'avais accroché l'écriteau "Ne pas déranger" sur la porte.
Au moment d'avaler les comprimés, j'ai allumé la télévision pour faire du bruit afin que rien ne semble anormal et je suis tombée sur le tout début de la belle histoire. J'ai d'abord regardé machinalement. Puis prise par le film, je l'ai regardé jusqu'au bout. Ce film m'a dit tout ce que j'avais besoin qu'on me dise a cet instant précis.
Il m'a insufflé tout l'espoir et toute l'envie de vivre que j'avais perdu. Quand il s'est terminé, j'ai jeté les comprimés et l'alcool. Elle se tait. Deux milles personnes ont envie de voir la belle histoire.
Je regarde ma montre. J'ai encore un peu de temps devant moi. Je distingue dans la cohue de l'aéroport une jeune femme brune aux cheveux courts. Elle a un port de danseuse, une démarche aérienne, une nuque longue et souple qui met en valeur un visage d'une beauté exceptionnelle. Elle se dirige vers moi un sourire énigmatique sur ses lèvres sensuelles. Instinctivement, je rectifie la position.
- Excusez-moi, vous êtes bien Monsieur Claude Lelouch ?
C'est avec une satisfaction a peine dissimulée que je lui reponds par l'affirmative. Son sourire s'accentue. Elle a des yeux sombres qui étincellent d'une féminité presque sauvage.
- Hier soir, dit-elle d'une voix claire et agréable, je suis allée au palais des congrès avec ma mère, voir La belle histoire... J'ai adoré votre film.
En sortant, j'ai dit a ma mère que mon plus grand rêve serait de tourner avec vous. Alors, vous rencontrer le lendemain, comme ça, dans cet aéroport... C'est quelque chose qui a l'air de sortir d'un de vos films. Il fallait absolument que je vienne vous le dire.
- Vous avez bien fait. Vous êtes comédienne ?
- Comédienne, danseuse... et italienne.
- Ça vous dirait de faire des essais ?
Elle ne demande pas mieux. Elle griffonne un numéro de téléphone sur un rond de bière et me le tend.
- Vous allez-ou dis-je ?
- A Rome.
- Tiens ! Moi aussi.
Ce n'est qu'au moment d'embarquer que je pense finalement a lui demander son prénom.
- Alessandra, dit-elle avec un nouveau sourire... Alessandra Martines."