Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 novembre 2011 4 03 /11 /novembre /2011 16:54

alcxd59b"Avertissement.

 

Cet article fait parti de la collection "Mamie raconte Hugo", il s'adresse à toutes les personnes qui aiment ma Mamie ou Victor Hugo. Ou les deux !

 

 L’un des tout premiers poèmes écrits par Victor sera dédié à sa mère, pour le jour de sa fête. Il doit dater de la fin septembre 1815 :

C’est en vain que le soir, le malheur qui m’oppresse

M’ôte la liberté

Je vais faire éclater la joie et la tendresse

De ce coeur enchanté.

 

 Car il écrit des vers, Victor. Nous voilà au coeur du problème : pourquoi écrit-il des vers ? 

Pour une femme peut-être...

 

 Une femme qui n’a pas seize ans. Elle est belle, Adèle Foucher. L’étrange de l’affaire, c’est que les parents n’y ont vu que du feu de toutes ces soirées organisées autour du feu.

 Ils n’ont rien vu de ce qui est flagrant : à chaque instant, Victor quittait son livre des yeux, à chaque instant, c’est Adèle qu’il regardait.

Où en est-il, Victor, avec les femmes ? Nulle part. Nous avons surpris depuis l’enfance, la continuité d’un intérêt qui ressemble à de l’avidité. Ces jeunes femmes qui mettent leurs bas, ces chevilles entrevues, ces jarretelles qui frémissent et le font frémir, ces dos nus, la peau mate de Pépita, les élans mal contrôlés que lui inspire Mme Lucotte, tout cela n’est pas seulement le signe que Victor est intéressé par la femme, mais celui qu’elle le fascine.

Mamie qui connait l’avenir et sait que l’octogénaire Hugo restera doté d’un tempérament flamboyant, elle peut facilement imaginer les élans d’un adolescent tourmenté par la puberté. Seulement voilà, les femmes, il se contente de les dévorer des yeux - de loin.

 De très loin.

 

 Alors rien ? Rien.

Il est vierge et il en est fier parce qu’il se garde pour celle qu’il aime. Un point, c’est tout.

Un garçon de 17 ans qui occupe des soirées entières à regarder une fille. Une fille de 16 ans croyant n’être pas devinée, qui regarde ce garçon : voilà qui promet des lendemains auxquels le destin peut associer soit des chagrins accablants, soit des joies sans limite.

 Tout dépend évidemment du destin.

Un soir, Victor et Adèle se font des déclarations d’amour. Ce soir-là, ils se séparent, ivres tous les deux - mais elle avec plus de retenue que lui - du bonheur le plus pur, celui de l’amour sincère, avoué, partagé. Le premier. "Après ta réponse, mon Adèle, j’ai eu un courage de lion."

 

 Ils vont alors s’écrire régulièrement. En secret.

Car il n’est pas question de confier cet amour-là à leurs parents. Cela ne se fait pas. Et puis, n’oublions pas que nous sommes en 1819 et que c’est les parents qui choisissent pour leurs enfants.

 

 D'emblée, ils se proclament mari et femme. Victor déteste le mot fiancé qu’il trouve conventionnel et douceâtre. Leur amour demeure pur, comme au premier jour. Les lettres ? Elles sont passionnées mais l’on y chercherait en vain cette légèreté, ces fantaisies, dont les amants aiment à semer leur correspondance.

 Ses lettres à elle ? Mamie ne partage pas l’opinion de ceux qui, les lisant, ont cru pouvoir l’accabler.

Certes, elle fait des fautes d’orthographes, et des grosses, elle use d’une langue souvent pauvre - ce n’est qu’après 40 ans de vie commune avec Hugo qu’elle deviendra écrivain, preuve que cela s’apprend. 

 Lui n’en peut plus, il craint de la perdre.

Une idée lui traverse l’esprit : pourquoi ne l’épouserait-il pas secrètement ? Il passerait une nuit avec elle et se tuerait le lendemain. "Ainsi tu serais ma veuve. Un jour de bonheur vaut bien une vie de malheurs..." Imparable !

 On en est là quand, le 26 avril 1820 - un an exactement après l’aveu -, la foudre s’abat sur eux.

Ce jour-là, Adèle laisse tomber une lettre de Victor devant sa mère qui aperçoit la feuille blanche, couverte d’une fine écriture. D’un air irrité que sa fille ne lui connaissait pas, elle s’écrie : Qu’est-ce que cela ? Dis-le moi. Je le veux. C'est la fin de leurs rencontres clandestines et de leur correspondance.

 Et entre elle et lui, l’ignorance de ce que fait l’autre, de ce qu’il pense. L’attente, la souffrance.

Le silence.

 

Collection "Mamie raconte Hugo" :  Victor et Adèle se marient ;  Victor et Adèle ;  L'éveil du petit Hugo ;  Les châtiments de Mamie

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Mamie explore le temps
1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 17:21

938062c8"Mardi 18 juin.

 

 Un peu avant 18 heures, de Gaulle entre dans l’immeuble de la BBC, à Oxford Circus. Il s’assied dans le studio, pose ses feuillets devant lui. On lui demande un essaie de la voix : "La France", dit-il seulement.


Puis d’une voix forte et sereine, de Gaulle commence à parler, ne regardant pas ses feuillets, tant ce qu’il dit est écrit en lui. "... Mais le dernier mot est-il dit, l’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non."

Il sait de tout son être qu’il rentre dans l’Histoire.


Il invite les officiers, les soldats, les ingénieurs, les ouvriers français, avec ou sans arme, qui se trouve sur le territoire britannique "ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi."

Il relève le défi !

Il veut être "l’homme du destin".


Tout ce qu’il a vécu et rêvé depuis l’enfance trouve ici, dans les mots qui vibrent, son accomplissement.

Il dit :

"Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas !"

 Cette voix, elle traverse les océans.


L’écrivain Georges Bernanos l’a entendue, à Belo Horizonte, retransmise par la radio brésilienne. Sa femme sanglote, lui serre les poings et pleure.

Quelques dizaines de milliers de Français - sur quarante millions - l’ont écoutée, par hasard, et tous ceux-là ont découvert le nom de ce général inconnu, de Gaulle... comme la Gaule, comme la France.


 Le lendemain, Hettier de Boislambert se présente à de Gaulle aux premières heures de la matinée.

Il est le premier à se rallier.

 


Collection "Mamie explore le temps"

Lee Harvey Oswald -  Stavisky - Sarajevo ou la fatalité - Jeanne d'Arc -  Seul pour tuer Hitler -  Leclerc - Sacco et Vanzetti - La nuit des longs couteaux - Jaurès - Landru - Adolf Eichmann - Nobile - Mr et Mme Blériot - Les Rosenberg - Mamie embarque sur le Potemkine -  L'horreur à Courrières - Lindbergh - Mamie au pays des Soviets - Jean Moulin face à son destin - Mamie est dos au mur - L'assassinat du chancelier Dolfuss - L'honneur de Mme Caillaux - Mamie au pays des pieds noirs - La Gestapo française - Auschwitz - Le discours d'un Général

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Mamie explore le temps
7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 18:10

c2hg6do9"Victor Hugo, naissance d'un géant...

 

 Mamie est formelle. C’est chez les Ernoul ou chez les Demangeat que Sophie Trébuchet a dû rencontrer Brutus Hugo.

Il n’est pas très grand le capitaine mais large d’épaules et de torse, trapu bien qu’athlétique, avec un cou de taureau, un visage rond, des yeux à fleur de tête, le front trop bas, un nez trop gros, des lèvres trop fortes, le teint trop rouge.

 Pourquoi Brutus, comblé alors par Eros, s’attarderait-il à considérer longuement cette Bretonne de taille petite, point particulièrement belle, qui, avec ses 24 ans, selon les concepts du temps, n’est plus de la première jeunesse ?

Lui n’en a pas encore 23. Au moins si elle avait quelque bien ! Brutus apprendra vite - tout se sait dans une petite ville - que Sophie n’apportera pas la moindre dot, ce qui même en République demeure un défaut majeur.

 Qu’est-ce donc qui l’attire ? C’est qu’elle est loin d’être sotte, la petite Sophie.

 

 De ce qu’ont pu se dire Brutus et Sophie, ma Mamie n’en sait rien.

Tout ce dont elle est sûre, c’est qu’est née entre eux une sorte d’intimité.

Un peu plus tard, à une de ses connaissances, Brutus parlera de "Sophie". On n’appelle pas - surtout en ce temps-là - une étrangère par son prénom. Restons lucide : Sophie aurait pu accueillir l’arrivée dans sa vie de Brutus comme d’un miracle si elle y avait cru, mais ce n’était pas le cas.

 Du moins, elle a du frémir d’espoir, un espoir mal contenu.

 Et Brutus ? Ce qu’il a pu apprécier chez Sophie, c’est sans doute une tradition de bourgeoise que lui, le "primitif", a dû lui envier.

 Mais franchement celui qui proclame avec tant de flamme et de gaieté le contentement que lui procurent si souvent les "jolies sphères" de Louise Bouin, celui qui célèbre à tout instant son "teint de lis" et ses "lèvres de rose", cet homme-là aurait pu se muer en cet amoureux de Sophie, fervent et transi ?

  Ma Mamie est persuadée que c’est des conneries.

 

 Ce qu’elle sait en revanche, c’est que quelques mois plus tard, Louise Bouin va quitter Brutus.

Adieu aux "jolies Sphères" !

 La séparation ne semble pas avoir engendré de grands drames. Mais peut-être le célibat tout neuf de Brutus va-t-il être à l’origine, de sa part, de ce que Mamie appelle "le retour de Sophie". Elle le connaît assez ce bon vivant : il n’est pas fait pour la solitude.

 Les amants abandonnés sont les plus vulnérables.

Est-ce alors que lui est repassée par la tête l’image de la petite Sophie, point si désagréable après tout ?

 Ce souvenir a-t-il été avivé par une lettre de Sophie reçue à point nommé ? Mamie sait d’expérience que la Bretonne est tenace.

 Mamie sait aussi qu’elle a entre-temps envoyé un ami auprès de Brutus. Il n’a pas dû manquer de plaider sa cause. Soudain, Brutus décide de franchir le pas. Il épousera Sophie.

 Et au diable les varices.

 

Ni une ni deux, Sophie court retrouver Brutus à Paris pour les noces. C’est à ce moment très précis que Brutus écrit à un ami et lui dit : "Je t’ai annoncé mon mariage avec Sophie. Il n’en peut rien être. Sous quinze jours, je t’apprendrai du nouveau. Je suis infidèle. Je te dirai le reste."

 Que s’est-il donc passé pour que Brutus ne veuille plus se marier ? Il le dit, il avoue : il est tombé amoureux. Il est infidèle. Une jeune femme a succédé dans son coeur à Louise Bouin. Ceci dans le temps même où Sophie venant est arrivée à Paris pour l’épouser !

 N’ayons pas peur des mots, pour Brutus, c’est l’embarras extrême, l’impression de se débattre dans un cul de sac, le désir forcené de sortir du guêpier : il ne va tout de même pas épouser cette Bretonne qu’il n’aime pas alors qu’il s’est remis à en aimer une autre ! Résultat des courses : des cris,des larmes, des mots irrémédiables.  

 Voilà ce qu’ont été les fiançailles de Sophie Trémoulet et de Brutus Hugo.

Malgré tout, le 15 novembre - neuf jours après l’aveu de Brutus à son ami, il épouse Sophie. Comment a-t-il mis les pouces - et si vite ?

 Nous voilà réduits aux hypothèses.

Une ligne d’une lettre de Brutus apporte peut-être le début d’une solution. Elle est de septembre 1805, époque à laquelle les époux se verront séparés par la force des choses et surtout par un abîme d’incompréhension.

 Ici chaque mot adressé par Léopold à Sophie compte :

"Rappelez-vous, quand je dus vous épouser, vous me fîtes espérer qu’il vous revenait quelque chose de votre père."

Tournons et retournons cette phrase, nous ne pourrons tirer qu’un seul sens - évident : Brutus a été contraint d’épouser Sophie.

 Quant à la raison qui a forcé ce brave à trois poils à franchir le pas, là, ma Mamie n’en sait rien.

Des menaces du frère ? Brutus l’aurait étendu pour le compte.

Des supplications de Sophie ? Brutus - encore une fois - ne parle pas de prières mais de contrainte.

  Alors ? Alors, il faut deviner. Se demander si Sophie, se trouvant seule avec Hugo et, mêlant pour une fois larmes et coquetterie, n’a pas tout à coup troublé ce sanguin ? 

 

 Mamie le voit, le lendemain, Brutus Hugo.

Elle le découvre accablé, furieux contre lui-même mais conscient que son honneur l’oblige à "réparer".

 Sophie est une jeune fille de bonne famille. En tout cas, une jeune fille. Impossible de la comparer à une Louise Bouin. S’il ne l’épouse pas, il la laisse déshonorée, condamnée à jamais au célibat.

 Alors, il l’épouse. 

 

La suite ? Elle accouche le 15 novembre 1798, un an jour pour jour après le mariage : exactitude toute militaire. C’est un fils, aussitôt prénommé Abel.

 Et Brutus se révèle un père émerveillé.

 Important. Brutus recevra alors une promotion flatteuse : le poste de commandant d’armes à Clèves.

 Brutus et Sophie partent sur les routes, puis dans les montagnes.

Vers où ont-ils alors porté leurs pas ?

 Nous ne pouvons que les imaginer s’avançant sur un sentier que les schistes rendent glissant et dont la terre garde l’humidité des neiges fondues. Le temps est beau, quelques nuages courent le ciel.

 Un palier, une clairière? Ma Mamie ne le sait pas. Sophie reprend souffle.

 Brutus que rien ne fatigue - jamais - et que l’air vif au contraire fustige se sent tout à coup d’humeur folâtre.

 Plutôt qu’à la ligne bleue des Vosges, son regard a dû s’arrêter à celle, blanche et vaporeuse, que forme la bas du pantalon de lingerie de Sophie, bien dégagé comme le veut la mode du temps. Expéditif, le commandant Hugo.

 Et puis l’herbe est trop tendre. Il demande, il exige.

S’il est sanguin, avide en amour, doté de ce tempérament formidable dont ses lettres à sa femme portent l’aveu sans cesse renouvelé, est-ce sa faute ?

 Cette voracité pourrait faire leur bonheur à tous les deux.

Elle causera le drame de Brutus.

 Probablement n’a-t-elle pas même eu le temps de dire non. Il est quand même officier des armées de la République. Vingt ans plus tard - presque jour pour jour - le général Hugo écrira à son fils Victor :

"Créé, non sur le Pinde, mais sur un des pics les plus élevés des Vosges, tu sembles te ressentir de cette origine presque aérienne."

 Décidément, ces Hugo ne font rien comme tout le monde.

Mon père n’a pas cru devoir m’informer quand aux conditions dans lesquelles j’ai été engendré. Le vôtre non plus, je suppose. Le général Hugo, si. Tant mieux.

 Ainsi saurons-nous pour l’éternité que Victor Hugo a été conçu en plein air.


Collection "Mamie raconte Hugo"    

Naissance d'un géant ; L'éveil du petit Hugo ;  Victor et Adèle ; Victor et Adèle se marient  

 

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Mamie explore le temps
20 février 2011 7 20 /02 /février /2011 16:52

Marechal"Le don du Maréchal...

 

 Partout en France on attend ce discours, comme si le Maréchal doit réaliser un miracle, mettre fin à ce cauchemar qu’on vit depuis le 10 mai et, ce lundi 17 juin, alors que les Panzerdivisionen approchent de Bordeaux, occupent Colmar, Metz, Pontarlier, Roanne, Le Creusot, Dijon, Chalon-sur-Saône, annoncer que l’armée allemande est arrêtée, battue, qu’elle recule.

 Dans toutes les familles qui disposent d’une radio, on fait cercle autour du "poste de TSF". On attend, anxieux et recueillis. 

Papi est aux côtés de ses parents, tous trois debout devant le poste.

 

Il n’a jamais entendu le maréchal Pétain qui commence son discours :

"A l’appel de M. le président de la République, j’assume à partir d’aujourd’hui la direction du gouvernement de la France..."

"Dès le premier mot, dit Papi, je suis surpris par sa voix chevrotante." Il attendait une phrase de chef annonçant le combat, mais il entend :

"En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude."

Papi guette le mot "revanche", mais le maréchal Pétain, le vainqueur de Verdun, qui vient de dire "sûr de l’appui des anciens combattants que j’ai eu la fierté de commander, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur", prononce des mots qui paraissent à Papi "inouïs".

"C’est le coeur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités."

 

 Cela signifie qu’au lieu d’appeler à la revanche, on déclare "le désastre irréversible" ! Avant même d’examiner les conditions de l’armistice, on appelle à l’arrêt des combats. Comment continuer à se battre ? Comment dans cet esprit de reddition contester les clauses de l’armistice ?

 Pétain livre le pays à l’ennemi.

"Je sanglote en silence", confie mon Papi.

 Fini la devise Liberté, Egalité, Fraternité ! Place à Travail, Famille, Patrie.

 

Dans la zone occupée, même si on continue de côtoyer sans agressivité ces Allemands qui sont "corrects", qui "occupent" la terrasse du Café de la Paix et les fauteuils des music-halls, on sent peser la toute-puissante présence allemande.

 Les horloges sont réglées sur celles d’Europe centrale. C’est l’"heure allemande", deux heures de retard par rapport au soleil, "il semble que Paris ait été transporté sous le cercle polaire". Le black out, très strict, l’interdiction de circuler après 23 heures, créent un climat de peur, d’angoisse.

Chaque jour, les Allemands défilent le long des Champs-Elysées ou dans la rue de Rivoli. Dans de nombreuses rues flottent des drapeaux à croix gammée.

 Les Parisiens subissent, souvent fascinés par cet "ordre" allemand, la perfection de la parade avec cet officier qui, sabre au clair, caracole devant la garde du drapeau. Puis les Français se détournent, humiliés, avec un sentiment diffus de désespoir et de révolte.

 Ils font la queue devant les boutiques. La nourriture est rare, souvent vendue sous le manteau, hors de prix, au marché noir" qui s’installe dès ce mois de juillet 1940. Les rations alimentaires sont maigres. Un système de "cartes d’alimentation" se met en place. La recherche de produits alimentaires devient une obsession. On écoute papi religieusement :

 "A la rentrée, on voit des drapeaux à croix gammée sur les édifices, des panneaux en lettres gothiques, partout. La population est sonnée mais la vie continue. Cependant, on en est qu’au début. On ne va pas tarder à s’apercevoir que l’occupant nous pille et que, très vite, on va manquer de tout : de carburant, de chauffage, de vêtements. Et surtout, surtout de bouffe.

 Le chocolat, les bananes, on ne les reverra que dans cinq ans. Des queues partout, pour un peu de lait écrémé, du pain gris ; on mange des trucs qu’avant on donnait aux cochons, comme les topinambours, les rutabagas.

 Il y a les cartes de rationnement, pour les  jeunes, ce sont les J1, J2, J3. Les J3 ce sont les ados, comme je le fus pendant l’occupation (ce sera le titre d’un film après la libération).


Partout où c’est possible on voit pousser des mini-potagers ; dans le coin des maisons, sur les talus des voies ferrées. Quand le vieux a commencé à montrer sa vilaine face cachée, ceux qui ne pouvait pas se résoudre à sa félonie ont inventé le mot de "maréchalisme" pour le différencier du "pétainisme".


Quant au général de Gaulle, pratiquement personne ne le connaissait en 40. On n’a su la tête qu’il avait qu’à la Libération.

 Et l'appel du 18 juin, autant dire que personne ne l’a entendu...

 

 

Collection "Mamie explore le temps"

Lee Harvey Oswald -  Stavisky - Sarajevo ou la fatalité - Jeanne d'Arc -  Seul pour tuer Hitler -  Leclerc - Sacco et Vanzetti - La nuit des longs couteaux - Jaurès - Landru - Adolf Eichmann - Nobile - Mr et Mme Blériot - Les Rosenberg - Mamie embarque sur le Potemkine -  L'horreur à Courrières - Lindbergh - Mamie au pays des Soviets - Jean Moulin face à son destin - Mamie est dos au mur - L'assassinat du chancelier Dolfuss - L'honneur de Mme Caillaux - Mamie au pays des pieds noirs - La Gestapo française - Auschwitz - Le discours d'un Général - Mamie à Cuba - Le discours d'un Maréchal  

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Mamie explore le temps
20 février 2011 7 20 /02 /février /2011 15:21

9dfyqpv7"Les premiers pas.

 

 A vrai dire, Victor a failli s'appeler Arnaud. Tel était le prénom de l'ami Muscar. Mais Muscar s'était dérobé : Ostende était trop loin, ses responsabilités trop absorbantes.

 Merci Muscar.

 Qu'aurions-nous été faire de cet Arnaud Hugo ?

 A notre Héros il aurait manqué quelque chose, non d'essentiel mais de nécessaire.

 Comme dit Mamie, elles eussent fait défaut, "ces quatre syllabes, Victor Hugo, parfaitement symétriques deux à deux comme pour mieux entrer, sur le rythme, dans la mémoire de la postérité."

 Petit tour de table familial. Son père ? Un père moderne, très proche de ses fils, tenant à s’occuper d’eux dans toutes les occasions de la vie et débordant d’amour pour eux. Sa mère ? Elle quitte Marseille pour Paris. Pourquoi ? Pour qui ?

 Pour Lahorie.

 Pour son amour, Sophie affrontera de grands périls. Elle se fera sa complice, le cachera par deux fois à la police. Elle bravera la morale admise en vivant avec lui sous le même toit. Le doute n’est plus permis : elle a aimé cet homme qu’elle avait connu étant jeune.

 Autant qu’une femme puisse aimer un homme, puisque pour lui, elle a risqué sa vie.


 Comment, après cela, ne pas découvrir ici une évidence ? Venue seule à Paris rencontrer ceux qui pouvaient aider son mari, elle a retrouvé Lahorie, naguère si bienveillant, si amical. Une tendresse esquissée, s’est changée peu à peu en un sentiment plus profond.

 Emerveillée, la froide Sophie Hugo s’est découverte amoureuse - bien mieux : aimée par l’homme qu’elle aimait.

 Dès lors, on s’explique que Sophie, partie pour quelques semaines, soit restée treize mois éloignée de son mari et de ses enfants.

 Treize mois ! Pour accomplir des démarches, vraiment, c’est beaucoup !

 A cet interminable séjour, il n’est qu’une explication et celle-ci se résume en un seul nom : Lahorie.


 Léopold ? L’absence a exalté la force des sentiments qu’il voue à sa femme. La tristesse le mine, il parle douloureusement de ses enfants. "Ton Victor prononcent tous les jours ton nom, sa "ma maman". Il entre, il m’embrasse, je l’embrasse pour toi et lui fait baiser cette place..."

 Si nous lisons un peu vite, nous ressentons l’impression d’un petit garçon qui entre en courant, se jette dans les bras de son père pour l’embrasser.

 Nous devons nous résigner à comprendre que Victor  - dix mois - ne peut que se trouver dans les bras de la servante Claudine. Et s’il embrasse la place blanche laissée sur la lettre, c’est que Léopold a dû  poser la feuille sur les lèvres du bébé. "Je vien de lui donner un macaron, dont j’ai soin d’avoir une provision dans mon tiroir et il s’en va courir en le suçant...".

 Décidément, l’adjudant-major raffole des images hardies.

 Si le petit Victor Hugo court, c’est bien sûr dans les bras du domestique Nicolas. La vérité, c’est qu’il ne comprend plus. Faut-il à sa femme tant de temps pour mener à bien des démarches ?

 

 Finalement, elle le rejoindra à l’île d’Elbe. Et là, que s’est-il passé entre Léopold et Sophie ? S’il faut en croire cette dernière elle aurait appris par la rumeur publique que son mari, profitant de son absence, l’avait trompée.

 Horreur ! Scandale !

 La mauvaise femme, une certaine Catherine Thomas, serait la fille de l’économe de l’hôpital dont il venait - jurera Sophie - "d’être chassé pour malversations.". Qui plus est, dira Sophie, dévoilant délibérément un trait en forme de stigmate, la fille Thomas, "ne possédait rien au monde !"

 Prenons garde. Cette dignité offensée, cette douleur d’honnête femme trompée avec une créature par le mari qu’elle aime, c’est son récit à elle. De fait, elle n’est restée sur l’île qu’un mois. Son départ ? Elle "se décida à repartir, ne se doutant guère que son mari désirait son absence afin de vivre plus en liberté avec sa maîtresse".  Des foutaises.

La véritable explication, c’est Léopold qui nous la livre dans une lettre : "Adieu Sophie. Rappelle-toi que rien ne peut me consoler de ton absence ; que j’ai un ver rongeur qui me mine, le désir de te posséder. Prégusse est bien heureux, il est aimé de sa femme et il la possède. Moi, je ne possède que le chagrin, la douleur et l’ennui. Adieu, je suis tout à toi."


 Nous y sommes. En arrivant sur l’île, Sophie s’est refusée à Léopold. Est-ce parce qu’elle ne voulait pas trahir Lahorie ? Ou bien parce qu’elle s’était à l’avance promis de ne plus s’abandonner à ce désir marital auquel elle ne s’était en vérité jamais résignée ? Peut-être les deux raisons se sont-elles ajoutées.

 A Léopold, elle s’est contentée de fournir l’explication dont tant de femmes se sont si longtemps fait une arme absolue : elle ne voulait pas d’un quatrième enfant.

Léopold en rajoute une couche : "Je n’ai vu dans ton départ qu’une volonté ferme de me fuir, d’éviter les caresses qui t’étaient importunes, de te soustraire à des scènes de ménage que ta tête bretonne rendait beaucoup trop longues."

Tout est dit : Sophie, au lit comme ailleurs, ne supportait plus Léopold.

 Usant avec habileté de tous les prétextes, elle a arraché à son mari l’accord espéré : elle reviendra à Paris. Elle ne repart pas seule. Son voyage lui aura au moins fait gagner de rentrer avec ses enfants. Au moment où Victor quitte l’île, il va avoir deux ans.


 Quel vide pour Léopold !

 Quel accablement, pour cet être si sensible, si "nature" ! Certes, Sophie lui donne des nouvelles. Elle lui parle des enfants, des progrès d’Abel, des tentatives du bon Eugène, des farces du petit Victor. J’aime assez que Victor, à deux ans, soit présenté comme un farceur.

Léopold souhaite encore qu’ils ne se quitteront plus jamais, lui, elle, les trois garçons. Qu’elle abdiquera ses préventions et renoncera à ses froideurs. Il espère.

 Encore.

 

 Pendant ce temps, l’histoire s’est remise à galoper.

 Lahorie définitivement déçu par Bonaparte, est passé de la bouderie à l’opposition déclarée, et de l’opposition à la conspiration. La police de Fouché est la meilleure du monde. Ce qui intéresse Fouché, c’est la recherche de complices. Il en est un qui lui a été désigné comme fort dangereux : Lahorie. Alors, la police le cherche partout. Six agents - pas un de moins - sont lancés sur sa piste. On investit son domicile. On saisit ses papiers. On court à son château. Lahorie reste introuvable.

Pour Sophie, c’est l’angoisse, un chagrin jusque-là jamais éprouvé. Son amant est devenu un homme traqué. Elle rêve de l’aider. Mais comment ? Un soir, on sonne à sa porte.

Elle va ouvrir. Dans la pénombre du palier, elle aperçoit deux hommes qui portent un brancard. Sur ce brancard, Lahorie !

Malade comme un chien, elle va le garder auprès d’elle.

 Ainsi Victor a-t-il découvert pour la première fois l’existence et la personne de son parrain, conduit sur une civière, aussitôt couché dans le meilleur lit de la maison, tendrement soigné par sa mère. Victor est trop petit pour savoir s’il est jaloux. Il est trop petit pour comprendre. A cet âge, on se contente de ressentir. Et il ressent.

  On conduit alors le petit Victor à l’école. L’école, c’est beaucoup dire. En fait, il s’agit d’une manière de garderie.

 Comme il est le plus petit des élèves et qu’on ne sait guère comment l’élever, on le mène, chaque matin, dans la chambre de la fille du maître d'école, Mlle Rose. Or Mlle Rose aime à faire la grasse matinée. Volontiers, elle prend le petit bonhomme dans son lit. Quand elle se lève, elle met ses bas. Il regarde - il aime regarder.

  Victor commence à s’éveiller au monde...


 

Collection "Mamie raconte Hugo"

Naissance d'un géant ; L'éveil du petit Hugo ; Victor et Adèle ; Victor et Adèle se marient

 

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Mamie explore le temps
17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 21:09

b66f315b"Staline.


 Le samedi 1er décembre 1934, vers 16 heures, un homme d'une trentaine d'années court plutôt qu'il ne marche dans les rues de Leningrad. Les passants sont rares. La neige vole. Il fait froid, très froid : moins vingt degrés.

 Par souci d'économie, les réverbères allumés sont rares : on manque de tout à Leningrad, à commencer par le pain. L'homme pressé franchit la porte principale de l'institut Smolny. Au planton de service qui l'arrête, il tend son laisser-passer.

 Le planton constate que que le porteur est en règle, qu'il se nomme Leonid Nikolaïev et qu'il est âgé de trente-deux ans.

 

 L'homme s'est engouffré dans les couloirs lugubres. Il passe devant les postes de garde curieusement inoccupés. Personne non plus dans l'escalier dans lequel il s'engage. Le voici au troisième étage.

 Derrière une colonne, il se fige.

Il attend.

 

Assis à son bureau, Kirov écrit. Il a quarante-huit ans et ne les paraît pas. Un bel homme, dit-on de lui.

 Il achève de rédiger un rapport. Il se lève, range ses papiers, sort de son cabinet de travail et s'engouffre dans un grand couloir. Il n'a parcouru que quelques mètres quand tout à coup un homme surgit de l'ombre et tire sur lui.

 

Kirov gît sur le ventre. Sur les carreaux blancs et noirs, s'élargit une mare de sang. L'assassin est resté debout, il a laissé choir son arme. Il regarde le cadavre. Car il s'agit déjà d'un cadavre : la balle en traversant le dos de Kirov, a transpercé le coeur. Il est mort dans l'instant.

 Le "crime du siècle", comme on l'a appelé, vient d'être perpétré. 

 

Pourquoi Kirov ?

Le sort de Kirov se serait décidé dans le courant de l'été 1934. C'est à Zaporojets, chef adjoint du NKVD, qu'il a confié cette charge. Dès sa première rencontre avec Nikolaïev, Zaporojets est sûr d'avoir découvert l'oiseau rare.

 Il s'agit d'un psychopate prêt à s'attribuer le rôle d'un justicier. Une aubaine ! Vous connaissez la suite.

 

Venger Kirov : tel est le leitmotiv qui, sur l'ordre de Staline, sera désormais répandu partout en URSS.

 Pour se débarasser de ceux qu'il redoute ou plus simplement qu'il hait, la voie est libre devant lui. Largement.

 La grande terreur stalinienne va commencer.

 

Au cours des quatre années qui vont suivre, les chefs politiques les plus prestigieux de la Révolution bolchévique seront accusés les uns après les autres d'avoir été les investigateurs du meurtre de Kirov. Ils seront exécutés.

 On cherchera partout les complices de ces prétendus criminels et on les trouvera : par milliers d'abord, centaines de milliers ensuite, millions enfin.

 

 L'esprit humain a peine à imaginer que tant d'innocents aient pu payer de leur vie un crime auquel aucun lien ne les rattachait.

 Pour s'en faire une idée claire, ma Mamie aimerait que le lecteur se transporte à Moscou en janvier 1934 pour le XVII ème congrès du parti où les nouveaux élus se réunissent pour la première fois.

 La plupart de ceux qui viennent y prendre place se connaissent : embrassades, congratulations. Voilà pourtant un "nouveau" que la plupart découvrent : le jeune Nikita Khrouchtchev qui fait ses débuts dans la grande politique.

 

Comment Nikita ne dévisagerait-il pas avidement ses voisins dont un grand nombre sont à ses yeux des vedettes qu'il admire et sans doute envie ?

 Qui voit-il ? Sergueïev Kirov, si puissant et si populaire : il sera assassiné avant la fin de l'année. Autour de la table, voivi Ordjonikizé : il se suicidera en 1935. Voici Roukzoutak : exécuté en 1938. Kissior : exécuté en 1938. Tchoubar : fusillé en 1938. Eikhé : fusillé en 1940. De 1928 à 1936, plus de quatre millions de Soviétiques mourront dans les camps et les prisons.

 Un million seront exécutés par fusillade ou balle dans la nuque. Ce sera encore pire ensuite.

 

Bien plus tard, n'ayant plus que peu de temps à vivre, Staline se laissera aller à une de ses rares confidences :

- Voyez-vous, nous vivons à une époque de démence...

 

Comme Mamie a dit : Il n'aurait su mieux dire.

 

 

Collection "Mamie explore le temps"

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Mamie explore le temps
13 avril 2010 2 13 /04 /avril /2010 12:59

c3rgjqys"Alexandre 1er meurt  à Marseille.

 

 A Aix-en-Provence, Kerim et Krajli se sont levés tôt. Ils ont pris un petit déjeuner : café noir et cognac. Après quoi ils ont commandé des pastis. Kerim, qui ne fait jamais les choses à moitié, en a bu cinq.

 Un peu avant 13 heures, les deux hommes sont allés chercher dans leur chambre les armes et les grenades.

 

A la patronne, Krajli a annoncé :

- Nous viendrons ce soir pour dîner. Nous aurons très faim.

 

 Depuis quelque temps, Krajli se sent mal à l'aise. Dans quelle galère s'est-il embarqué ? Pourquoi le sort est-il tombé sur lui ? Dans le car qui les emporte à Marseille, son angoisse grandit encore. Il se cache derrière un journal. Vlada - comme toujours - est impassible.

 

Nous sommes le 9 octobre 1934, le Dubrovnik est alors en vue de Marseille. Alexandre achève de revêtir sa tenue d'amiral. Son valet de chambre insiste pour qu'il porte ce qu'il appelle sa "cotte de mailles", un gilet d'acier très fin propre à résister à toutes les balles. Alexandre refuse :

- Non. Nous sommes en France. Nous n'avons que des amis. Et puis, ça me gêne.

 

 Lentement, le bateau glisse vers le port. Une vedette vient se ranger près de l'échelle de coupée, celle du consul général de Yougoslavie à Marseille. En montant à bord, il semble hors de lui. On le conduit au roi. Il s'exclame :

- Sire, ne descendez pas à terre ! Je sais de source certaine qu'un attentat est préparé contre vous !

Alexandre secoue la tête :

- La population m'attend. Un Karageorgevitch ne doit pas reculer.

 

Vlada et Krajli marchent alors sur la Canebière. Sur les trottoirs, une foule heureuse grossit de minute en minute. Elle est plus dense encore place de la Bourse. D'un geste, Vlada désigne à Krajli la place qu'il devra occuper, à l'angle de la rue Saint-Férréol :

- Si j'échoue, fais ton devoir. Si je suis en difficulté, viens vers moi et lance les grenades pour me dégager. Adieu !

Sur ce, Vlada va se placer, lui, à l'angle de la Canebière et de la place de la Bourse. Dans ses poches, il tâte les deux révolvers qui s'y trouvent.

 

 Alexandre monte alors dans la voiture. Le cortège s'avance avec une telle lenteur que Georges Méjat, sa vieille caméra portable à la main, peut courir et le dépasser. Il aperçoit des collègues et un grand nombre de photographes. Tous s'étonnent de n'apercevoir que si peu d'agents de police.

 Un photographe, Geoffroy, remarque que le roi "scrute les fenêtres". Il a peur.

Et il a raison d'avoir peur.

 

 Il est 16 h 15. Le cortège arrive devant la Bourse. C'est alors que brusquement un individu, tête nue et chauve, sortit de la foule, se précipita vers la voiture royale, sauta sur le marchepied en criant : "Vive le Roi !" Armé d'un pistolet automatique, il fit feu à plusieurs reprises en se penchant dans la direction du roi.

 

C'est Vlada qui a bondi. Vlada qui s'étant hissé sur le marchepied, tire à bout portant sur Alexandre.

 

Les policiers accourent de toutes parts. Ils se mettent à tirer, dans tous les sens, de la façon la plus désordonnée qui soit. A quoi bon puisque l'assassin gît à terre ! Il est criblé de balles. Ce tir sans objet va atteindre dans la foule plusieurs personnes.

 Il y a des blessés, des morts. Ma Mamie qui était au milieu de la foule n'y a vu que du feu.

 

 La voiture a continué à rouler. Elle va passer devant la rue Saint-Ferréol où Krajli attend, ses grenades à la main. Il ne les lance pas. A quoi bon ? Il a entendu les balles, il voit Alexandre évanouit dans la voiture. Alors, à travers la foule, il s'enfuit.

 

 Un jeune journaliste, René Barotte, représentant un quotidien fort peu lu, Paris-Soir, a obtenu du locataire d'un appartement situé sur la Canebière l'autorisation de s'installer à son balcon pour mieux voir passer le cortège. C

 e locataire dispose du téléphone, chose alors peu fréquente. Or c'est exactement sous le balcon où se trouve Barotte que Vlada vient de tirer sur Alexandre.

 La réaction du journaliste est immédiate : il court au téléphone, demande Paris, l'obtient en un temps record et, sur-le-champ - en direct - dicte le reportage de l'évènement.

 

 Une heure plus tard, sous l'impulsion d'un génial patron de presse - Jean Prouvost -, le quotidien sortira un numéro spécial tiré à un million d'exemplaires, contenant le récit exclusif de l'assassinat d'Alexandre.

 Paris-Soir est lancé et va connaître l'un des plus gros tirages de la presse mondiale. Le malheur des uns...

 

C'est à partir de ce jour-là que ma Mamie s'est mise à le lire. C'est devenu avec le temps son journal préféré.

 

Avec L'Equipe...

 

 

Collection "Mamie explore le temps"

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Mamie explore le temps
12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 00:08

972f99b7"Roehm.

 

 Roehm est un officier de 14-18. Il s'est bien battu. Défiguré dans un combat, la chirurgie esthétique lui a refait le visage et remodelé un nez. Il lui en reste des traces évidentes.

 Roehm est repoussant. Et aigris.

 Comme tant d'autres Allemands, il est sorti amer, désespéré de la défaite. Officier dans l'armée de l'armistice, il organise la garde civile bavaroise pour écraser les rouges.

 C'est le temps où se crée le parti ouvrier national-socialiste. Quelques dizaines de membres, pas plus. Il voit alors apparaître un certain Adolf Hitler, lui aussi envoyé par l'armée

 Intéressant, ce hitler qui parle bien.

Roehm conseille aux membres du minuscule parti de faire de lui leur propagandiste. Roehm est donc le premier qui ait cru en Hitler.

 C'est à lui que le futur Führer doit sa carrière. Roehm se veut le plus fidèle, le plus ardent de ses disciples. Son ami le plus intime et peut-être le seul. Hitler tutoie Roehm alors qu'il ne tutoie personne, en tout cas aucun de ses lieutenants.

  Lors du putsch de 1923, Roehm sera à Munich avec Hitler et Goering. Après l'échec, il reconstituera les Sections d'assaut. Il y croit, à ses S.A.

 

 Le jour vient où le vieux maréchal Hindenburg désigne Adolf Hitler comme chancelier d'Allemagne. En 1934, un an plus tard, on dénombre trois millions de S.A.

Leur chef est toujours Roehm. Décidément, il faut compter sur Roehm. 

 Cette conquête d'Hitler, les SA y ont beaucoup contribué. Le traité de Versailles n'a laissé en Allemagne qu'une minuscule armée, la Reichswehr, 100 000 hommes en 1921.

 En a découlé, pour les Allemands, une impression aiguë de frustration. Les groupes paramilitaires SA formés partout en Allemagne correspondent à une aspiration profonde. Les anciens combattants revêtent avec joie l'uniforme.

 Le dimanche, au lieu d'aller pêcher à la ligne ou de boire de la bière, ils défilent et font l'exercice. Un plaisir comme un autre.

 N'oublions pas les électeurs allemands. Les SA incarnent à leurs yeux la puissance.

 Quand les SA entreprennent la chasse aux communistes, des millions de petits-bourgeois allemands se sentent satisfaits. Quand les SA inaugurent la chasse aux juifs, des millions d'antisémites allemands applaudissent.

 Une fois le parti nazi au pouvoir, les SA en récoltent les fruits. Beaucoup d'argent glisse vers leurs caisses. Et puis avec eux, le nouveau chancelier a conscience de posséder une armée supplétive à ses ordres, capable de juguler toute opposition, prête à écraser ses propres ennemis. Les SA, aux yeux de tous, incarnent l'hitlérisme.

 

 Les mois passent. L'horizon s'assombrit. Pourquoi ? Parce que, peu à peu, les trois millions de SA incarnent un Etat dans l'Etat. Qu'adviendrait-il si elle s'écartait de la discipline jusque-là consentie et si elle voulait mener sa propre politique ?

 Pour le tout jeune État nazi, la menace serait grande. Trop grande.

 Et puis Roehm parle trop. Il parle d'une nouvelle révolution. Selon lui, la première a eu pour effet de mettre Hitler au pouvoir. Maintenant que le pouvoir est conquis, il faut réussir la seconde, c'est à dire socialiser l'Allemagne.

 On répète, chez les SA qu'il faut aiguiser les longs couteaux. Origine d'une expression appelée à rester dans l'histoire.

 Le 29 juin, Hitler est à Essen. La nuit est tombée. A 21 h 30, une voiture : celle de Goebbels. Hitler l'accueille sur la terrasse, le fait asseoir. Goebbels est grave, tendu. Il parle du danger SA, évoque les paroles de Roehm, la nécessité d'agir sans retard pour éviter le pire. Hitler écoute.

 Vient ensuite un message de Himmler : dans toute l'Allemagne, on constate parmi les SA une extrême nervosité et des préparatifs guerriers. Tout cela est faux. Chez tous les SA règne un calme absolu. On ne pense qu'au prochain départ en vacances.

 Le lendemain, à 10 heures, Hitler s'installe au siège Munichois du parti.

 Goebbels téléphone à Goering. Il prononce un seul mot : Colibri. C'est le signal. Celui de l'un des massacres de l'Histoire.

 La chasse à l'homme a commencé dans Berlin. Ils sont dix-huit, les hommes de la Gestapo qui sillonnent la capitale, porteurs de petites fiches blanches. Parvenue à l'adresse indiquée, ils sonnent, demandent à rencontrer celui qu'ils sont chargés d'éliminer. Quelquefois, ils l'abattent sans autre forme de procès.

 D'autres fois, ils l'arrêtent, le conduisent à l'École des cadets. Là, on fusille. Il ne faudra que quelques heures pour que l'état-major SA de Berlin soit tout entier abattu. Hitler va gracier Rohem en raison des services rendus. Avant de changer d'avis...

 A 19 h 30, Hitler quitte Munich en avion. A travers toute l'Allemagne, le massacre continue.

On tue, on tue.

Ernst qui partait en vacances a été arraché au bateau qu'il allait prendre. On l'a ramené à Berlin - et fusillé. Goering assisté à son mariage, Hitler avait été son témoin.

 

Quand l'avion de Hitler atterrit à Tempelhof, une foule dense l'attend dans le crépuscule.

 

La radio a annoncé la "purification". Alors, la foule  acclame le purificateur.

 Le 2 juillet Hitler reçoit les félicitations de Hindenburg. Le 13 juillet, le Reichstag, debout, l'acclame. 

 Le 2 août 1934, le maréchal meurt. Hitler lui succède. Les Allemands approuvent par plébiscite : 88 % des suffrages.

 Ma Mamie m'a dit que le sang des SA avait cimenté un pouvoir désormais sans limites...

 

 

Collection "Mamie explore le temps"

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Mamie explore le temps
9 avril 2010 5 09 /04 /avril /2010 13:57

6e6c17f2"L'agonie programmée du chancelier Dollfuss.

 

 Face à la porte à double battant qui donne accès aux salons de la République, deux hommes hors d'haleine s'évertuent. Ils pèsent sur la poignée, tâchent en vain d'ébranler l'un des lourds panneaux de bois.

 Peine perdue : la porte, fermée à clé, résiste à tous les assauts.

  C'est à cet instant précis - le 25 juillet 1934 à 13 h 30 - que se joue le destin du chancelier Dollfuss, chef du gouvernement autrichien et de fait dictateur de l'Autriche.

 Devant la porte implacablement close, il est là, le plus petit des chefs de gouvernement d'Europe : 1,50 mètre. Ceux qui l'aiment bien, se référant à l'adversaire numéro de Napoléon, l'appellent Millimetternich. Et ceux qui ne l'aiment pas Millimettermendch, autrement dit minus.

- Il faudrait enfoncer la porte, dit Dollfus.

 Comment ce petit homme pourrait-il venir à bout de ce monument de bois sculpté ?

 Déjà, derrière lui, résonne sur les parquets cirés le bruit des bottes des poursuivants. Il s'accroît, se rapproche. Pas de doute : les rebelles sont dans la pièce voisine.

 Dollfuss - geste dérisoire - secoue toujours la poignée.

 Sur le pas de la porte, les autres se sont arrêtés, considérant d'un air de triomphe leur proie enfin rejointe. A leur tête, un ancien sous-officier : Otto Planetta. Dolfuss ne se retourne pas.

 Il ne voit pas Planetta lever son revolver et, presque à bout portant, tirer deux fois. La première balle a frappé à l'aisselle droite, la seconde dans le cou. Aussitôt, Dollfuss bascule en arrière, s'abat de tout son long. Du propre témoignage d'Hedvicek, "sa tête a frappé le plancher".

 L'agonie du chanceliier Dolfuss commence. Une agonie délibérée, qui va durer trois heures. On pourrait le sauver, mais le chancelier Dolfuss est devenu un enjeu, un pion sur l'échiquier patiemment dessiné par les hommes de Hitler.

 Ma Mamie m'a dit qu'Hitler avait décidé que Dolfuss était un obstacle à l'intégration de l'Autriche dans le Reich allemand. Donc, Dollfuss devait être éliminé.

 

 Un petit paysan né, en 1892, d'une certaine Josefa Dollfuss, célibataire. Quoique celle-ci eût épousé plus tard un brave homme du nom de Leopold Schmutz, elle avait toujours refusé que son époux, qui devait lui donner quatre autres enfants, reconnût le petit bâtard, prénommé Engelberg.

 Fidélité à ses premiers amours ? Peut-être.

 A l'âge de dix ans, le petit Engelberg a annoncé à ses parents qu'il se sentait appelé par Dieu. Il voulait être prêtre. Une foi ardente.

 Des études assidus mais sans éclat. Au fil des années, un esprit qui s'ouvrait au monde.

A dix-huit ans, une question essentielle : ai-je vraiment la vocation ? La réponse s'est révélée négative.

 Il décide alors de poursuivre ses études à Vienne, à l'université. Il a rassuré ses parents : cela ne leur coûterait rien. Il se débrouillerait.

 Vienne est pour lui une découverte en forme d'émerveillement. Il ne se lassait point de parcourir les avenues, d'admirer les monuments, de visiter les églises.

 Pouvait-il se douter qu'à la même époque, un autre jeune Autrichien, découvrant Vienne à son tour, ne ressentait que de la haine et définirait la capitale comme "un véritable conglomérat de peuples parmi lesquels on retrouvait, comme l'éternel champignon vénéneux de l'humanité, des juifs, et toujours des juifs" ?

 Ce jeune Autrichien s'appelait Adolf Hitler. Il venait d'échouer à l'école des Beaux-Arts et, sans ressources, était devenu le client assidu des soupes populaires.

 Au conseil de révision, Engelberg a été réformé. Trop petit. En 1914, quand la guerre a éclaté, il s'est présenté de nouveau devant la commission militaire.

 Il n'a pas grandi mais, sous la toise, il s'est, sans qu'on le voie, soulevé sur la pointe des pieds. On a constaté qu'il mesurait 1,52 mètre et on l'a accepté au milieu des rires.

 Il s'est battu courageusement, est devenu aspirant puis lieutenant.

Puis, quand l'Autriche a du reconnaître sa défaite, il s'est retrouvé sans un sou. Desamparé.

 Mais Dolfuss a toujours cru en la Providence. A plusieurs reprises, il s'est persuadé qu'une intervention divine avait modifié son propre destin. On va alors le voir à Anvers, à Leipzig, à Prague. Il va devenir l'un des experts de la Commission d'agriculture de la SDN.

 A pas de géant, son ascension va se poursuivre.

 En 1930 - à trente-huit ans - , il est président du conseil d'administration de fer autrichiens. En 1931 enfin, il se voit confier le portefeuille de ministre de l'Agriculture et des Forêts. Tournant de sa carrière : l'expert universellement estimé se mue en homme d 'Etat.

 Les gouvernements se succèdent à une allure inquiétante. Le 6 mai 1932, le président Miklas, ne sachant plus guère à qui confier le pouvoir, se rend au sanatorium dans lequel Mgr Seipel soigne sa tuberculose. La question qu'il lui adresse est une adjuration : qui ?

 Mgr Seipel n'hésite pas :

- Prenez Dollfus.

Le président propose la chancellerie à Dollfus.

 Pour la première fois, celui à qui on présente une telle offre ne l'accepte pas sur-le-champ. Il demande une nuit de réflexion. Miklas obtempère.

 Cette nuit-là, le petit homme la passe en partie dans l'église de Schotten. En prière. Le lendemain, 8 mai, Engelberg Dollfuss répond qu'il consent à devenir chancelier d'Autriche.

 L'histoire a donc voulu qu'au même moment deux dictatures s'imposent en Europe dans les deux grandes capitales germaniques : à Berlin, celle d'Hitler. A Vienne, celle de Dollfuss.

 Les deux hommes sont issus de la même patrie : l'Autriche.

 Que va-t-il advenir d'un tel face-à-face ?

 

Le 3 octobre 1933, un jeune homme court à la rencontre de Dolfuss, braque un revolver sur lui et tire par deux fois. La première balle est heureusement amortie par l'épais pardessus et s'arrête sans entamer la chair. La seconde balle atteint un biceps, ne provoquant qu'une blessure sans gravité.

 L'assassin, aussitôt ceinturé, déclare se nommer Robert Dertil. On le presse de questions. Pouquoi a-t-il agi ? Une réponse immédiate, comme une évidence :

- Je suis membre du parti national-socialiste.

Cela veut tout dire en effet.

 Un atout pour Dolfuss : l'appui et la sympathie de Mussoloni. En ce temps, le Duce n'éprouve que mépris pour Hitler dont il estime que tout les sépare. Au chancelier d'Autriche, il déclare qu'il ne doit rien craindre du "caporal". Au moindre appel, il mettra ses forces armées à sa disposition.

 Pour paré aux périls qui s'accumulent, Dollfuss va jouer gros.

 Il décide d'éliminer. La classe ouvrière se sent atteinte dans ses oeuvres vives. La colère monte. Pour les ouvriers, une seule question :

- Devons-nous rester les bras croisés devant cette menace et nous laisser mener à l'abattoir comme des moutons ?

 C'est à Linz que tout va commencer. Le 12 février 1934, la police exige que le groupé armé socialiste lui remette toutes ses armes. Refus. Affrontement. Coups de feu. Gisant dans des flaques écarlates, les premières victimes.

- Le sang coule à Linz !

Les barricades s'élèvent. Les ouvriers combattent à un contre dix. Avec la même fureur, on se bat pendant toute la journée du 13, puis le 14. Ce jour-là, Dolfuss fait savoir que ceux qui se sont rendus avant le 15 à midi seront pardonnés.

 Les insurgés n'ont plus de munitions. Ils sont à bout, brisés. Le matin du 15, la Heimwehr enlève les ultimes îlots de résistance. Les morts et les blessés se comptents par centaines.

 Implacable, la répression.

Un grand nombre de militants socialistes sont internés dans les camps de concentration. Leur régime n'a rien à envier à ceux qu'instaure à la même époque Himmler en Allemagne. Quatorze chefs sont condamnés à mort. Trois sont pendus dans la cour de la prison de Vienne.

 Comment l'Histoire pourrait-elle oublier ?

 Dolfuss sent qu'on l'a forcé à aller trop loin. Il voudrait revenir en arrière. Il propose un compromis. A qui ? Il ne trouve plus d'interlocuteur. Ce qui lui répond, c'est le silence. "Entre la classe ouvrière et lui, il y a un fossé de sang, un fossé trop large pour être comblé par des phrases."

 Dollfuss n'est plus qu'un homme seul.

 Les journaux français commentent avec horreur les coups de canon tirés sur les ouvriers.

Aux yeux des Etats démocratiques, Dolfuss n'est plus que l'émule de Hitler. Un bourreau fasciste. 

 La suite, nous la connaissons.

 Dans un instant, le chancelier Dolfuss agonisera, frappé de deux balles par le sous-officier nazi Planetta. Bien sûr, Otto Planetta interrogé plus tard, affirmera qu'il s'agit d'une erreur.

 Que, voyant devant lui des hommes inconnus, il leur a ordonné de lever les mains. Qu'un petit homme en civil ne l'a pas fait et s'est avancé vers lui. Se croyant menacé - dans de tels cas, on se croit toujours menacé - Planetta a tiré.

 Par chance, aucune loi ne nous oblige à croire les assassins. Allongé de tout son long sur le parquet, les bras en croix, Dolfuss vit. Faiblement, il appelle : 

- Au secours ! Au secours !

 Autour de lui, les nazis font cercle. Il regarde le sang coulé de ses blessures. Pas un ne songe à intervenir, ce qui contredit formellement l'explication de Planetta.

 Comme prévu, le second commando a envahi la Maison de la radio. Sous la menace, le speaker lance sur les ondes le communiqué préparé :

- Le chancelier Dolfuss a donné sa démission. Le docteur Rintelen a été chargé de former le nouveau gouvernement.

 Il ne va pas plus loin, la police fédérale cerne l'immeuble. On le prend d'assaut. Les rafales crépitent. On se bat. Bientôt, les studios seront en feu.

 A l'heure où Dolfuss agonise, partout dans Vienne le putsch est vaincu. La police est totalement maîtresse de la situation. Les troupes fédérales marchent sur la chancellerie.  Là, Fey s'avance sur le balcon, parle au chef des troupes fédérales :

- Les insurgés consentiront à se retirer si on leur accorde un sauf-conduit !

La réponse claque :

- Accordé, si tout le monde est sain et sauf !

Et Fey répond :

- Tout le monde est sain et sauf.

A-t-il donc oublié le chancelier ?

Toujours sur son canapé rouge, Dolfuss murmure :

- J'ai soif.

Il étouffe. La voix presque imperceptible :

- J'embrasse ma femme et mes enfants...

 Le sang lui jaillit de la bouche. Quelques instants avant 16 heures, ce râle s'arrête.

Engelberg Dolfuss, chancelier d'Autriche, laissé sans soins pendant trois heures, n'est plus. 

A la nouvelle de l'échec des nazis autrichiens, Hitler s'est effondré.

- C'est une catastrophe ! Un nouveau Sarajevo !

Le Duce esprime sa "profonde douleur" et "les regrets du peuple italien". Il stigmatise "les responsables directs et lointains". A Mme Dolfuss, il déclare :

- Les nazis - Hitler en tête - sont de véritables monstres !... On assassine pas impunément les amis de l'Italie ! L'indépendance de l'Autriche sera défendue par l'Italie avec encore plus d'acharnement ! Je le dois à la mémoire sacrée de mon ami Engelberg...

 Les actes vont suivre sans tarder. Quatre divisions italiennes font mouvement vers le col du Brenner. Pour Hitler, voilà qui dépasse tout ce qu'il a pu redouter.

Qui peut le tirer de là ? Soudain, il trouve : von Papen ! Ne paraissant pas se souvenir que celui-ci n'a échappé que par miracle à la nuit des longs couteaux - trois semaines plus tôt - il l'appelle en pleine nuit au téléphone :

- Il faut que vous partiez immédiatement vers Vienne. Je fais appel à votre patriotisme !

- Non, non, je refuse !

Il finira par céder et parviendra à faire baisser la tension en Europe.

 L'accord négocié par Fey - le sauf-conduit pour les conjurés - s'est trouvé caduc quand on a découvert la mort du chancelier. Les membres du commando ont été jugés, Planeta et le capitaine Holzweber pendus. On a procédé à onze autres éxécutions. Tous sont morts en criant :

- Vive le peuple allemand ! Heil Hitler ! 

Rintelen, lui, s'est tiré une balle dans la tête, s'est raté, a été condamné à vingt-cinq ans de travaux forcés. Lors de l'Anschluss, Hitler le libérera avec tous les autres.

 Tant que Mussolini protégera l'Autriche, l'indépendance du pays sera préservée. lors de l'aventure éthiopienne, les sanctions votées contre l'Italie par la SDN jetteront le Duce dans les bras d'un Hitler qui entre-temps aura rendu une armée à l'Allemagne.

 Le samedi 12 mars 1938, les forces allemandes franchiront la frontière autrichienne. Le 13 mars, l'Anschluss sera proclamée.

 Le 14 mars, au milieu d'un triomphe digne des empereurs romains, Adolf Hitler entrera dans Vienne.

 Sa première décision : ordonner que la place qui portait le nom du chancelier Dollfuss devienne la place Planetta.

 

 

Collection "Mamie explore le temps"

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Mamie explore le temps
8 avril 2010 4 08 /04 /avril /2010 13:15

c2hg6do9"En route !

 

 Caillé tente alors le tout pour le tout.

 Il ose demander audience au gouverneur, le baron Roger. C'est un homme éclairé et intuitif. Il ne décourage pas le jeune Caillé mais il lui donne un conseil : "Enrichissez-vous !"

 Caillé hausse les épaules : la richesse lui importe peu. C'est la gloire de Mungo-Park qu'il veut obtenir. Au nom de Tombouctou, le baron de Roger hausse les épaules : personne n'est allé à Tombouctou.

 Le baron, provocant, va jusqu'à demander si seulement Tombouctou existe.

Caillé se défend pied à pied : l'année précédente encore, un Anglais et un Italien sont partis vers Tombouctou !

 Certes, ils sont morts tous les deux, mais d'autres partiront... et arriveront !

 Ce jeune  passionné finit par intriguer le baron. Il l'interroge encore : comment pense-t-il réussir, lui qui est pauvre, alors que des expéditions nombreuses et dotées de moyens puissants ont échoué ?

 Caillé répond que c'est précisément parce qu'il est seul qu'il réussira.

 A Roger stupéfait, il explique son plan : il veut se faire passer pour un Maure. C'est pourquoi il apprendra leur langue et leurs coutumes.

 Le baron le met en garde : les Maures seront impitoyables s'ils découvrent qu'on les a trompés.

 Caillé a réponse à tout : il se présentera comme le fils d'un riche négociant français enthousiasmé par la lecture du Coran et qui tient à se convertir. Imparable !

 

 Le gouverneur tente de le détromper, attire son attention sur les risques immenses qu'il va courir. Peu importe à Caillé. Là est la solution. La solidarité musulmane jouera.

- J'arriverai à Tombouctou !

 Désormais, René Caillé s'appellera Abdallahi, autrement dit esclave de Dieu.

 Il apprend la langue et étudie l'alphabet arabe. Bientôt il peut lire le Coran dans le texte. Il en sait des versets entiers qu'il récite pieusement. Il se sent alors totalement prêt pour la réalisation de son grand projet.

 Il retourne chez le baron qui lui a promis quelques marchandises mais ce dernier est parti pour la France. Son remplaçant, le baron Hugon, ignore tout.

 Il éconduit Caillé.

 

 Aura-t-il subi pour rien ces épreuves ? Doit-il renoncer ? Ce serait mal le connaître.

 Il a endurci son corps, tendu ses muscles, dominé ses nerfs. 

Son teint bronzé, sa barbe noire peuvent faire illusion sur ses origines. Un chirurgien de marine nommé Bax a vu Caillé à cette époque : il était accroupi dans l'angle d'une cour, vêtu comme un Maure, dans la posture des mendiants. Le personnage était si vraisemblable que Bax, avant de le reconnaître, y avait cru.

 

 Caillé a réalisé 2 000 francs d'économie en Sierra Leone. Il s'en contentera. Son plan : se joindre à l'une des caravanes qui fait du commerce entre la côte atlantique et l'intérieur.

 Il emportera de la pacotille pour payer son hospitalité par de petits cadeaux. Il ne méconnaît nullement le terrible danger auquel il s'expose.

 Il lui faudra jouer un rôle pendant des mois, des années peut-être. Il n'a pas droit un seul instant à la défaillance. Si on découvre la supercherie, on le tuera.

 Il achète pour 1 700 francs de marchandises dont - idée mirifique ! - un parapluie rouge.

Il se munit d'une petite pharmacie et de deux boussoles.

Il a imaginé une nouvelle fable : il est né à Alexandrie de parents arabes. Il a été emmené en France par des Français de l'armée de Bonaparte. Son maître, un commerçant, l'a conduit au Sénégal et vient de l'affranchir. Redevenu libre, il a décidé de retourner en Egypte pour retrouver ses parents et pratiquer sa foi.

Le 19 avril 1827, il part.

 Il a vingt-six ans.

A Londres, l'anxiété monte : on n'a reçu aucune nouvelle du major Laing. D'autres voyageurs veulent aussi faire quelques tentatives : M. de Montesquieu vient de partir. M. Duranton a le projet de se rendre à Tombouctou ; un autre Français se joint à une caravane d'Arabes dont il a adopté tous les usages pour arriver jusqu'à cette ville par une route nouvelle." 

 L'autre Français, c'est René Caillé.

On ne cite même pas son nom...

 Le 13 juin, enfin, Caillé aperçoit  devant lui une longue masse d'eau qui étincelle au soleil : le Niger ! Un orage vient de tremper ses vêtements, il titube de fatigue. Il oublie tout, court jusqu'à l'eau, s'assied et bouleversé, contemple ce fleuve dont nul ne savait rien.

 Mungo-Park et le major Laing l'avait admiré avant lui, mais nul n'avait revu Mungo-Park ni le major Laing.

 Désormais, Caillé s'avance en pays inexploré.

 

 Chaque fois qu'il traverse un village, la blancheur de sa peau suscite un étonnement sans bornes. Quant à la longueur de son nez, c'est une hilarité bruyante qu'elle provoque.

 On oublie tout dès lors qu'il ouvre son parapluie : qui aurait pu imaginer une telle merveille ? Cent fois on le supplie de l'ouvrir encore et de le refermer, on ne se lasse pas de ce spectacle inouï.

 

 Après d'atroces souffrances et un scorbut par dessus le marché, il arrive à Timé où il restera cinq mois. La maladie l'arrêtant net dans son élan. Il repartira le 9 janvier 1828 pour Djenné.

 Chaque matin grandit alors un espoir qui peu à peu devient démesuré.

 Sans cesse, autour de lui, il entend parler de Tombouctou. Ses compagnons de voyage y sont presque tous allés et en sont revenus.

 Ce qui n'était encore, quelques mois plus tôt, qu'un songe irréalisable se mue en quelque chose de si proche qu'il en oublie ses souffrances. C'est vers cet inconnu devenu palpable qu'il marche, ou plutôt qu'il se traîne. La toux lui déchire la poitrine, il crache le sang. La fièvre ne l'abandonne plus. 

Le 14 mars 1828, voilà enfin l'étape essentielle, la dernière avant Tombouctou : Djenné. 

 La bienveillance du chérif de Djenné ira jusqu'à procurer à Caillé un passage gratuit à bord d'une des barques qui descendent le Niger.

 Au moment de faire ses adieux, Caillé va faire don de son fameux parapluie rouge au chérif. Jamais cadeau n'a été accueilli avec autant d'enthousiasme.

 Tombouctou est au bout de la route.

 

La folle histoire du vainqueur de Tombouctou :

Mamie à Tombouctou

Le parapluie rouge de Caillé

Tombouctou la merveilleuse

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Mamie explore le temps

Livre d'or

Première affiche

 

  "MA MAMIE M'A DIT"  

Spectacle nostalgique 

 

"On nous avait promis la magie, promesse tenue : un spectacle plein de féérie de souvenirs où chacun se retrouvait. Une belle énergie. Les résidents ont adoré. Merci." Marie ("La Clairière de Luci" - Bordeaux)
 
"Formidable ! Nous sommes tous remontés dans le temps, nous avons vingt ans, on a ri, on a presque pleuré et surtout on a chanté. Merci." Cathy (Arles)
 
"Un véritable petit chef d'oeuvre" ; "La légion d'honneur pour la créativité" "Un véritable artiste" ; "Après-midi formidable" ; "Absolument parfait" ; "Une rétrospective originale" ; "Un très bon moment d'évasion". Propos recueillis à la résidence Emera d'Angoulême  
 
"Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux... C'était magnifique. Nous avons revu toute notre jeunesse et notre enfance. Et c'est beau de redevenir jeune dans l'ambiance d'autrefois." Aimée et Janine
 
"Les chansons, les réclames et les anecdotes ont transporté les résidents dans leur enfance. Une après-midi de nostalgie mais aussi de chansons et de rires. Merci encore pour ce magnifique spectacle." Sandrine
 
"Spectacle complet, tellement agréable et thérapeutique pour nos personnes âgées, encore félicitations !" Docteur Souque
 
"Un choix extraordinaire de chansons, des moments magiques, des photos magnifiques, vous nous avez mis de la joie dans le coeur. Et retrouver sa jeunesse avec tous ces souvenirs, ça fait plaisir et j'espère que vous reviendrez nous voir." Mme Lorenzi (Juan-Les-Pins)
 
"Pour ma fête, par un pur hasard je me suis retrouvé dans un club de personnes âgées où j'ai pu assister à votre spectacle sur le passé. Cela m'a rappelé mes grands-parents et mes parents et c'était vraiment un moment magique." Josette, La Roque d'Antheron
 
"Bravo bravo bravo Regis, c'est le meilleur spectacle que j'ai vu depuis que je fais le métier d'animatrice." Bénédicte La Salette-Montval (Marseille)
 
"Je n'imaginais pas lorsque je vous ai accordé un rendez-vous que vous enchanteriez pendant 1 h 1/4 les personnes âgées d'une telle façon. Merci pour votre prestation qui a fait revivre les moments publicitaires, évènementiels et musicaux de leurs vies." Michelle, CCAS de Toulouse
 
"Un super voyage dans le temps pour le plus grand plaisir des résidents. Merci à Régis pour cette magie et à bientôt." Brigitte (Lunel)
 
"Enfin un retour à notre "époque". Quel bonheur, que de souvenirs, quelle belle époque ou l'amitié était de mise. Merci pour cette très belle après-midi, on s'est régalé avec ce très très beau spectacle". Danielle (Mirandol)
 
"Super - divinement bien -  tout le monde était enchanté même que M. Benaben a dit : "Vous nous avez donné l'envie de revivre notre vie"." Sylvie (Sainte Barthe)
 
"Un grand merci pour ce bon moment et je crois, je suis sûre, qu'il a été partagé par mon mari." Mme Delbreil
 
"Une féérie de l'instant." Christian
 
"Beaucoup d'émotion dans ce spectacle plein de chaleur et d'humanité." Sylvie
 
"Une soirée inoubliable. Continuez à nous émerveiller et faites un long chemin." Claude
 
"Le meilleur spectacle que j'ai jamais vu. De loin." Tonton Kiko
 
"C'est bien simple, je n'ai plus de Rimmel !" Claudine (seconde femme de Tonton Kiko)
 
"A ma grande surprise, j'ai versé ma larme. Tu as atteint mon coeur. Bravo pour ces sentiments, ces émotions fortes, j'ai eu des frissons par moment." Ta couse Céline
 
"Redge, encore un bon moment passé en ta présence. On était venu plus pour toi que pour le spectacle, mais quelle agréable surprise ! On est fier de toi, continues d'oser, de vivre !" Pascale
 
"J'avais froid, un peu hagard, l'humeur moribonde et puis voilà, il y a toi avec toute ta générosité, l'intérêt, l'affection que tu as toujours su apporter aux autres, à moi aussi et Dieu sait si tu m'as rendu la vie belle depuis qu'on se connaît comme tu as su le faire une fois de plus." Jérôme
 
"Ce spectacle est nul à chier et je pèse mes mots." Gérard
 
memoria.viva@live.fr

Ma Mamie m'a dit...

Madka Regis 3-copie-1

 

COLLECTION "COMEDIE"

Mamie est sur Tweeter

Mamie n'a jamais été Zlatanée !

Mamie doit travailler plus pour gagner plus

Mamie, tu l'aimes ou tu la quittes

"Casse-toi pauvre Régis !"

Papi a été pris pour un Rom

Mamie est sur Facebook

Papi est sur Meetic

Il y a quelqu'un dans le ventre de Mamie

Mamie n'a pas la grippe A

La petite maison close dans la prairie

 

COLLECTION "THRILLER"

Landru a invité Mamie à la campagne...

Sacco et Vanzetti

Mamie a rendez-vous chez le docteur Petiot

La Gestapo française

Hiroshima

 

COLLECTION "SAGA"

Les Windsor

Mamie et les cigares du pharaon

Champollion, l'homme qui fit parler l'Egypte

Mamie à Tombouctou

 

COLLECTION "LES CHOSES DE MAMIE"

Mamie boit dans un verre Duralex

Le cadeau Bonux

Le bol de chocolat chaud

Super Cocotte

Mamie ne mange que des cachous Lajaunie

 

COLLECTION "COUP DE COEUR"

Mamie la gauloise

Mamie roule en DS

Mamie ne rate jamais un apéro

Mamie et le trésor de Rackham le Rouge

 

COLLECTION "DECOUVERTE"

Mamie va au bal

La fête de la Rosière

Mamie au music-hall

Mamie au Salon de l'auto

 

COLLECTION "SUR LA ROUTE DE MAMIE"

Quand Papi rencontre Mamie

Un Papi et une Mamie

Mamie fait de la résistance

Mamie au cimetière

24 heures dans la vie de Mamie

 

COLLECTION "MAMIE EXPLORE LE TEMPS"

Jaurès

Mamie embarque sur le Potemkine

Mamie et les poilus

Auschwitz

 

COLLECTION "FRISSONS"

Le regard de Guynemer

Mr et Mme Blériot

Lindbergh décroche la timbale

Nobile prend des risques

 

COLLECTION "MAMIE EN BALLADE"

Mamie chez les Bretons

Mamie voulait revoir sa Normandie !

La fouace Normande

La campagne, ça vous gagne...

Mamie à la salle des fêtes

Launaguet

La semaine bleue

Le monastère

 

COLLECTION "MAMIE AU TEMPS DES COURTISANES"

Lola Montès

Les lorettes

Mme M.

Napoléon III

Plonplon

La marquise de Païva

Mme de Pompadour

Générique de fin