"Le jour du "Oui".
Une photo : Mamie, tout de blanc vêtue, ses cheveux noirs enveloppés dans le tulle blanc de rigueur, se tient debout. Jolie, avec les joues rondes des jeunes filles en pleine santé, Mamie affiche une moue qui conviendrait plutôt à un jour d'enterrement. Elle regarde le photographe avec cette fixité inquiète qu'ont enregistrée tant d'objectifs depuis l'invention de Daguerre.
Papi est à côté d'elle. Il semble considérer l'objectif avec le même air d'anxiété que la mariée. C'était un samedi. Mon Papi avait touché la quinzaine la veille, ça tombait bien. Une heure avant le mariage, il cherchait encore une chemise. C'était en 43. Mamie, elle, ne s'était pas emmerdé, elle avait pris la robe de mariée de sa soeur ainée. Qui était un peu trop large d'ailleurs. Flash back :
Ma Mamie m’a raconté leur premier rendez-vous officiel. Elle portait de jolies chaussures. Une belle robe. Des gants blancs. Une broche dans les cheveux. Ils se sont retrouvé au cinéma un dimanche après-midi. Mamie aimait les films d’amour alors que Papi avait un faible pour les westerns. C’est finalement Mamie qui a eu le dernier mot et ils ont regardé Autant en emporte le vent. Une film d'amour à l'américaine.
Six mois plus tard et 24 films d'amour à l'américaine plus tard, les fiançailles secrètes de Grégoire et d’Hélène pouvaient affronter le grand jour. Réunis pour la première fois, les familles Iglesias et Suarez jurent que ces jeunes sont faits l’un pour l’autre. Seul mon arrière grand-père croit en son devoir - son mot clé - de chuchoter à l’oreille d’Hélène que son fils est doté d’un fichu caractère. Comme de raison, Hélène n’en croit rien. Elle n’a même pas écouter les conseils de sa mère qui disait et chantait de vive voix à longueur de journée Ne vous mariez pas les filles...
Car elle veut épouser le jeune garçon qu’elle aime et qui l’aime. Car ils s’aiment. Ils se sont toujours aimé. Surtout au début.
Grégoire a donc épousé Hélène. En 1943, en l’église de Carmaux, le mariage sera béni. Grégoire a 23 ans. Hélène 18. Mon père a été conçu dans la foulée. Papi m’a dit qu’il a guetté toute la nuit un appel provenant de la chambre interdite où haletait ma grand-mère. Le 20 décembre à deux heures du matin, mon père a poussé un cri libérateur. Papi a bondi, pleuré au chevet de sa femme et reconnu que le petit être à peine né était un fils. Ouf !
Leur dîner de mariage, c'était du jus de chaussette, cette espèce de vieux café avec deux tartines. Et puis, c'est tout. Ils vivaient encore chez les parents de Papi. C'était compliqué en ce temps-là de trouver une maison. Les gens étaient prêt à tout. Il y en a même un qui avait dit au porion : "Si tu me trouves une maison, je t'envoie ma femme sans culotte !" C'est pour dire.
"Non mademoiselle, non. Le mariage ne se décide pas comme un voyage ou une partie de plaisir", lit-on dans l’une des revues "France Mode" de 1904. Les chroniqueuses de ce début de siècle s’attachent à détailler les trois sortes de mariage : le mariage d’amour ou d’inclination, le mariage de raison ou de convenance, le mariage d’argent ou d’intérêt. Le premier n’est que le couronnement, le but final d’un sentiment né on ne sait ni comment ni pourquoi.
L’une des chroniqueuses, madame Jeanne de Bargny, conclut : "Combien ai-je connu de ménages dont l’entente était loin d’être parfaite au temps de la jeunesse, mais que la patience et la douceur de la femme avaient transformés en familles unies à l’heure où l’âge mûr ayant sonné, les maris, sans le dire, rendaient justice à ces compagnes fidèles et patientes et la tendresse reconnaissante, presque pieuse, les payait très amplement des souffrances passées. En dépit des larmes versées, elles avaient élevé leurs enfants dans l’amour et le respect du père..." Il faut donc être sur ses gardes. Mamie le sait. Sa mère l'a prévenue.
A l'époque, marier, bien marier ses enfants, ce n’est pas un travail, c’est un tour de force ! Les salons fourmillent de mères affairées qui veillent à la bonne tenue générale, qui évaluent les dots, qui s’évertuent à convertir les jeunes danseurs de bonne famille en maris pour leurs filles.
Mais quel enfantillage de croire que les maris se pêchent comme des truites et que l’on augmente les chances de marier ses filles en les montrant de ville d’eau en ville d’eau, de bal en vernissage, de dîner en concert... Les jeunes gens qui offrent ce qu’on appelle "un bon parti" sont poursuivis et traqués jusqu’au piège du mariage !
Une "saison" est courte ! L’usage veut qu’une jeune fille se marie dans le courant de l’année qui suit son entrée dans le monde. A la "troisième saison", elle fait figure de "laissée pour compte" : sa vertu ou sa dot peut être jugée insuffisante !
Souvenirs : "On avait pas de voiture. Le convoi nuptial se déplaçait gaiement à pied et en ordre, directement de la mairie à l'église. Il rejoindra ensuite le domicile ou la salle paroissiale où auront lieu les festivités. Devant l'église, les familles et les invités posent alors pour le photographe. Comme on en prend pas très souvent des photos personnelles, ces images-là sont importantes. Elles iront enrichir l'album du mariage avec son ensemble de photos posées pas toujours naturelles. Que la robe soit longue ou qu'elle arrive sous le genou, les poses ne varient guère.
Les jeunes mariées ont les mains gantées et les jeunes époux serrent leurs propres gants à la main. Tous posent devant de lourds rideaux. De magnifiques bouquets ont été joliment déposés pour les besoins de la photo. Des images qui, elles aussi, portent la marque de leur époque.
Un vieil usage veut qu’à l’issue du contrat de mariage, le notaire embrasse la fiancée. Puis, lors de la soirée avec dîner et bal que la fiancée ouvrira avec son fiancé, avant d’accorder la deuxième danse au notaire ; les suivantes à son futur beau-père et aux garçons d’honneur. A table, le vin est toujours servi en aiguières de cristal montées sur argent, l’eau dans des carafons à anses. La marié porte un oeillet rose à la boutonnière.
En 1926, à Paris, le mariage civil est gratuit le mardi, le jeudi et le samedi matin mais payant les après-midis. dans tous les cas, une quête est effectuée après la cérémonie en faveur des pauvres de la commune.
Le mariage était alors d'un classique à toute épreuve. Tous les regards allaient, durant quelques heures, se diriger vers la mariée. Elle pouvait adopter ruban d’argent, diadème de perles, bandeau de lamé, peigne d’argent, guirlande de fleurs... "la vision de la mariée doit soulever sur son passage des murmures flatteurs : pas de mode incorrecte, pas de décolleté audacieux, ni bouquet, ni mouchoir : le missel uniquement..."
La classique couronne de fleurs oranger et le bouquet de corsage étaient reliés aux oubliettes. Bien d’autres fleurs blanches apparaissaient : jasmins, camélias, roses, lis, lilas. La mode met de plus en plus à l’honneur la splendeur des diadèmes de perles, en strass, en verroteries. La fleur touchante et fragile a une rivale insolente dans le bijou. Le marié peut opté pour l’habit, la jaquette, la redingote et parfois même le veston. Pour les invités, l’usage veut qu’ils soient gantés, qu’ils évitent les chemises de couleur, les couleurs lacés et la "frisure au petit fer qui sent trop la préparation." Pour les dames, velours, brocarts, satins, damas, mousselines, lampas, voiles, failles, ottomans, lamés, fourrures, aigrettes... selon la mode du jour.
En 1942, encore une fois, la donne avait changé...
Mais le départ de la maison familiale renvoie pour certains au départ en pension à l’âge de douze ans, au moment de l’engagement dans l’armée pour les hommes et au mariage pour les femmes.
La noce était synonyme de fête et de plaisir. Toute la famille, les amis et parfois les voisins étaient conviés à la cérémonie. On comptait de dix à trente invités. Il arrivait qu’on célèbre plusieurs mariages à la fois, ainsi il était courant que deux soeurs se marient le même jour. La robe blanche pour la mariée était achetée ou prêtée par une personne de la famille, par des voisins ou remplacée par un tailleur qui pourrait servir pour plusieurs circonstances festives. Les hommes portaient un costume bleu marine uni ou rayé, associé à des chaussures noires ou grises. Un cortège à pied annonçait le début du mariage. Tous marchaient en l’honneur des mariés du domicile de la jeune mariée à la mairie et de la mairie à l’église. Pour immortaliser ce moment, le couple se rendait après la cérémonie chez le photographe. La fête pouvait se poursuivre par la suite au domicile ou dans la salle prêtée. Les volailles farcies accompagnées parfois de foie gras régalaient toute l’assemblée. La musique et la danse étaient également de la partie.
Un trousseau était offert à cette occasion aux jeunes mariés. Il était composé de draps, de serviettes, de mouchoirs, de torchons et de vêtements. Les destinations pour les voyages de noce étaient choisies en fonction des budgets et se portaient essentiellement sur des villes françaises : Toulouse, Lyon, Paris.
Collection "Mamie est sortie"
Au cimetière - Mamie à Plougastel - Mamie part en vacances - Mamie à la foire aux bestiaux - Mamie à la fête de la Rosière - Le bal du 14 juillet - Au camping - Mamie au camping - Au Tour de France - Mamie au Salon de l'auto - Mamie part en colo - Mamie à la poste - Mamie va à l'école - Mamie pique-nique !