"A m'en déchirer le coeur.
C'est dans un trois pièces chic et cossu de la capitale que s'est déroulée une des scènes les plus sordides de ma vie.
Ce jour-là, Bob me ramène chez moi, Daniel lui a donné rendez-vous...
Connaissant le caractère explosif de mon mari, Bob me demande d'attendre dans la voiture et préfère monter s'expliquer seul avec lui. Une sacrée surprise l'attend dans l'apaprtement : Daniel assis calmement dans le canapé du salon avec une carabine avec la main et une bôite de cartouches posée sur la table.
Il renvoie Bob me chercher, car il souhaite que j'assiste à la scène. Je monte. Et, parce que je suis morte de trouille, je le provoque bêtement : "Vas-y Bob, rentre, n'aie pas peur. Tu ne crains rien, il n'osera jamais tirer..."
Daniel est tenu par une colère froide.
- Tu sais Bob, je préfèrerais aller en taule pour meurtre plutôt que de te voir aprtir avec ma femme".
Terrorisé, Bob tente de aprlementer, de le raisonner pour éviter le drame ! Finalement, c'est moi qui vait mettre le hola à cette mascarade. Une fois encore, Daniel me demande de choisir et cette-fois, je joue le tout pour le tout, lui avouant que tout est fini entre nous.
C'est Bob que j'ai choisi ! Pourtant, à cette minute, je suis encore très amoureuse de Daniel. mais si je peux vivre sans Daniel, je ne peux plus chanter sans Bob.
Quelques minutes plus tard, je me retrouve dans la voiture de Bob, je sanglote comme une madeleine. Cette fois, je sais que tout est fini avec Daniel. Il n'y aura pas de retour possible. C'est trop tard.
Daniel aura beaucoup de mal à s'en remettre. mais l'amour, ça fait toujours mal non ?
Quant à moi, mon choix est fait. j'ai définitement tourné le dos à mon enfance, à ma jeunesse, à mes années d'insouciance. En disant adieu à Daniel, j'accepte enfin de grandir et de pénétrer dans le monde mystérieux des adultes.
Bien mal m'en a pris.
C'était peut-être trop fort, trop grand, trop vrai pour durer. Aujourd'hui avec le recul et la sagesse de mes soixante-six ans, je sais que ça n'aurait jamais pu marcher sur le long terme.
Mais il n'y a pas un jour où je n'ai pas pensé à lui. Il n'y a pas un jour où il ne m'a pas manqué. Avec lui, je vivais mes rêves. Quand je l'ai quitté, je me suis contenté de rêver ma vie. Je ne l'ai jamais oublié et au plus profond de moi, je garde au chaud le souvenir de nos étreintes, la force de nos soupirs d'enfants, le murmure de nos souffles adolescents.
Avec Bob, c'est la grande vie qui commence.
Je vais mettre des mois à aimer Bob. Un amour qui va complètement m'aliéner et me rendre folle.
En attendant, c'est juste la folie des tournées et je l'impose sur toutes les dates quitte à le payer plus cher qu'un autre pianiste de peur qu'il me lâche. je le couvre de cadeaux : une guitare, une moto, une BMW, rien n'est trop beau pour le musicien de mon coeur.
Nous nous sommes mariés en février de cette même année. Un mariage qui a bien failli ne jamais avoir lieu.
En effet, alors que je suis en train d'essayer ma robe de mariée dans une boutique parisienne, deux flics me demandent de les suivre au poste de police : là on m'annonce que Bob vient d'être arrêté en compagnie d'hommes et de femmes, en plein bois de Boulogne.
Il est directement incarcéré à Fresnes et moi, je suis dans tous mes états.
C'est Eddy Marouani qui me sauve la mise avant de me coller deux claques et de me dire : "Mais Georgette, réveill-toi un peu, retourne avec Daniel tant qu'il est encore tant et laisse tomber ce Bob, ce n'est pas un homme pour toi."
Sauf que depuis notre divorce express, Daniel est sur les routes des tournées à fricoter avec tout ce qui bouge - y compris mon ancienne secrétaire Annick - et moi je suis déjà enceinte de Bob.
Et puis, on ne se refait, c'est moi la femme de tous les extrêmes etd e toutes les passions. Excessive en tout et surtout en amour.
Je paye une fortune pour le faire sortir. le jour de sa libération, je l'attends devant Fresnes avec, en guise de cadeau de sortie, une magnifique montre de plongée achetée sur les Champs-Elysées.
Quelques semaines plus tard, c'est donc moi qui conduit la BMW jusqu'à l'église de Nogent (Bob n'a plus de permis car il a renversé accidentement un piéton). Signe flagrant d'un désastre annoncé, le jeune marié a oublié les alliances. Dans ma robe bleu ciel, je me dis que tout est encore possible alors que je suis déjà passée d'un doux rêve à la dure réalité.
Très vite, notre couple va devenir un duo infernal. Une sorte de Liz taylor et Richard Burton dans La mégère apprivoisée. On passe notre temps à se disputer comme des chiffoniers.
Et il va trouver un moyend e chantage imparable pour me destabiliser et me faire céder : dès que quelque chose ne lui convient pas, il refuse de m'accompagner sur scène.
C'est bien simple, je crois que Bob est l'homme qui m'aura le plus fait pleurer. Celui qui m'aura le plus torturé. Je suis harcelé moralement. Et la plupart du temps pour des broutilles.
Et puis, je l'avoue, je suis jalouse terriblement. Je suis même très exclusive. Oui, je suis jalouse, mais croyez bien que j'ai des raisons de l'être. Car mon cher et tendre prône l'amour libre. Libre d'aimer qui l'on veut, quand on veut, où l'on veut. Mais moi, je suis de la vieille école : difficile d'aimer sur le mode pluriel. Difficile de faire l'amour sans amour.
Pire : je réalise vite que les nounous de mes enfants passent plus de temps dans le lit de mon mari que dans la nurserie. Eh oui, monsieur a le culot de faire vivre ses maîtresses sous mon toit.
La totale !
Là-dessus, pour sauver notre couple, Bob ne trouve rien de mieux pour pimenter notre couple que d'avoir désormais une sexualité libre !
Quand on rentre de gala, il veut systématiquement par le bois de Boulogne. Là, il arrête la voiture et me demande de dégraffer mon soutien-gorge. Ca l'excite de voir des inconnus mater les seins de sa femme.
Un soir, Bob m'offre la surprise du chef : à défaut de m'emmener dîner au restaurant, il me propose une soirée coquine dans un club !
Pourquoi pas ?
Quand j'arrive, on me demande de me déshabiller. Je suis interloquée, sidérée. Bob m'explique dans un grand sourire que nous allons tester l'échangisme ! Une méthode formidable, paraît-il, pour éviter les pièges de la routine et l'usure du temps.
C'est ce soir-là que j'ai perdu toute confiance en Bob.
Suite à une ènième dispute, Bob quitte la maison sans ne plus donner signe de vie. Au bout d'un mois, son pote m'apprend qu'il vit dans le sud. Je décide d'aller le retrouver, bien déterminé à le récupérer. Sauf qu'en arrivant, je découvre que Bob s'est remis en ménage avec son ex, qu'il avait justement quittée pour moi, et qu'il n'est pas question pour lui de reprendre la vie commune à mes côtés.
Je rentre à Paris, dévastée par le chagrin.
Deux ou trois jours plus tard, le téléphonne sonne : c'est à nouveau Bob ! Bob qui regrette, qui veut rentrer au bercail. Il me supplie de lui donner une seconde chance. et me promet de repartir à zéro, me jurant ses grands dieux que cette fois, tout sera différent.
A votre avis, qu'ais-je fait ?
Fin 71, je joue dans une comédie musicale de Francis Lopez, intitulée Restons françaises où je donne la réplique à Gérard Barray. Je suis à la fois actrice et chanteuse.
Mais l'expérience s'avère difficile pour moi. Entre mon texte d'actrice et mes chansons, ma mémoire me fait défaut. Sans compter la fois où je reste dans ma loge, oubliant mon entrée sur scène.
Je finirai la pièce en partageant mon rôle avec une autre actrice.
Direction la Corse. Bob jure m'avoir décroché un contrat dans une grande salle. Seulement, en arrivant sur place, la salle est vide et surtout, il n'y a personne pour nous payer. Pour amortir les billets d'avion, Bob me fait chanter dans un bar perdu en plein maquis. A défaut d'une loge d'artiste, je me change en catastrophe dans une caravane et en guise de scène, je dois me contenter de monter sur un billard.
Au retour, je refuse de prendre l'avion et je supplie Bob de louer une voiture pour rentrer. Bob éclate de rire en me disant : "Georgette, on est sur une île".
Je vais faire ma première croisière. Je suis malade pendant toute la traversée.
C'est en 1975, année noire, que Bon et moi avons finalement divorcé.
A l'église de Nogent, on s'était promis de s'aimer pour le meilleur et pour le pire. Bob m'aura aimé sans le meilleur et sans lui désormais, j'allais vivre le pire.
Pour les amateurs :
Les souvenirs de Georgette Lemaire