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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 06:32

"Géographie française. Morceaux choisis :

 

"Réceptif et innocent, je vis de sensations éparpillées, tout m'est neuf et j'emmagasine ma propre collection de curiosités.

Le comble de mon plaisir, ce sont les chanteurs de rue aux carrefours où s'agglutinent des badauds qui ont soif de rêve, reprenant en coeur les chansons, aidés de partitions qu'ils achètent.

 

Ma mère en est avide et nous repartons en chantonnant Le plus beau tango du monde de Vincent Scotto, ou "Marylou, Marylou, souviens-toi du premier rendez-vous".

 

L'empereur corse, Tino Rossi, triomphe avec "Marinella ! Reste encore dans mes bras". Il s'incruste dans toutes les oreilles. mais la chanson souveraine et le thème de la mélancolie qui bouleversent le plus ma mère viennent des vocalises de Joséphine Baker.

 

Combien de fois l'ai-je entendue chanter et reprendre les paroles sans jamais s'en lasser : "J'ai deux amours, mon pays et Paris", qui pour elle avait tant de signification, la savane et le ghetto se mélangeant dans ses veines.

 

Les chansons précèdent l'écriture. deux tiers de siècle après, en l'écrivant, je fredonne encore Parlez-moi d'amour, me souvenant de sa lancinante : "Votre beau discours, je ne suis pas las de l'entendre..."

 

Ma première prérogative enfantine, ma fierté aura été de mettre précautionneusement des piécettes de monnaie à une chanteuse dans la cour intérieure. Pour me remercier, reprenant son accordéon, levant son visage, elle me gratifiait de la chanson la plus nostalgique du monde, Le chaland qui passe, de Lys Gauty.

Déjà j'aimais la mélancolie.

 

Mon Paris d'enfance est réduit à quelques trottoirs, derrière les vitrines, on propose le pain, le journal, la viande chevaline, des carpes vivantes, des dragées ou du dentifrice. J'aspire aux bilboquets et aux barbes à papa et j'assiste à une dispute de mes parents autour d'un billet égaré de la Loterie nationale qui vient de naître.

Ce petit territoire, si vaste à mes yeux, ses refrains, ses rires, ses chansons ont été mon école maternelle.

Je me souviens aussi de ses quatre soeurs aînées qui ont pris, une à une, le train de Varsovie et qui ont trouvé ici maris et compagnons.

Chapelier, magasinier, ébéniste, maroquinier : ces familles travaillaient de leurs mains, ivres de ce parfum parisien qui s'appelait plaisir de vivre. Après la guerre, il n'en restera que des veuves.

 

Le dimanche : pique-nique. L'herbe y est fraîche, un ballon et une corde à sauter suffisent à notre plaisir, un cerf-volant pour nous envoler.

 Les enfants trônent entre les herbes, une guêpe nous fait vite frémir, images à la Jean renoir d'une aprtie de campagne, et soudain il pleut, on remet les chaussures, c'est la course, les femmes jupes serrées, les bébés sous les vareuses.

 

La rue Levert où l'on joue à faire de la luge sur les fesses. Son école fut mon premier bonheur. On me remet comme à chacun une blouse noire, principe d'égalité, et je rapporte chaque soir le fruit de mes leçons à la table familiale.

Cahiers, porte-plume, encrier, crayons de couleurs, règle, compas, gomme, buvards avec une dévotion particulière pour mon plumier et la façon de le remplir. Mon cartable est la besace précieuse du savoir. j'ai une nette préférence pour les livres d'histoire et de géographie : les portraits et les territoires me fascinent alors que mes mains et même ma figure se parsèment d'encre.

L'insti-tuteur - bien lire ce mot -, debout dans son halo, nous transmettait le viatique du calcul élémentaire et du passé simple, nous apprenait qu'il y avait eu des vikings et que nous descendions des singes et pas seulement des arbres, qu'il fallait écrire "seau" et pas "sot", que Paris valait bien une messe et que nous respirions de l'oxigène.

Les molécules, les éléphants, Henri IV, les départements et l'Himalaya sont entrés dans ma vie.

Timide et distrait, j'étais le plus petit de la classe - à mon grand désespoir.

Et parfois on ricanait sur mon nom, ça me pinçait le coeur, mais l'école ça apprend à exister, à se défendre et la cour de récréation offrait un ring permanent.

J'adorais aussi le moment magique où toute la classe s'envolait comme une nuée d'oiseaux en envahissant la cour de récréation, hurlant ou imitant les avions.

 

Très vite, je ne veux plus que ma mère m'accompagne jusqu'à la porte de l'école des garçons. Mon père arbitre et me donne raison, il est vrai qu'il commence à collectionner les "témoignages de satisfaction", annexes à mon carnet de notes, qu'avec constance je rapporte chaque mois.

Un jour je reviens en pleurant. Que se passe-t-il ? Je me plains que j'ai été frappé par Victor, un garçon qui vit près de chez nous. Mes parents s'exclament - Victor est assez chétif et il boite -, m'exhortent à rendre coup pour coup, et je réponds : "Je peux pas, je suis plus fort que lui."

 

Les radios commencent à coloniser les foyers.

C'est un jour exceptionnel quand, installé face à la table, nous apportant le bourdonnement sonore du monde, un poste Marconi se met à grésiller.

Dès que j'entends le nouveau chancelier allemand hurler, je comprends que je peux avoir un public. Je l'imite avec succès avec une moustachette dessinée à l'aide d'un demi-bouchon noirci. Forçant ma voix dans l'aigu, je singe son hystérie vocale, ses vociférations, son "heil" sous les rires de ma famille et des voisins.

Je mets également Mussolini à mon programme. Son tic de menton relevé et du calot avec un pompon qui tombe devant les yeux font beaucoup rire. Mais cela ne dure qu'un moment, les personnages s'avérant plus inquiétants que drôles.

 

A lécole, on trouve de tout :

Ceux qui veulent à tout prix être au fond de la classe, ceux qui font le singe derrière le maître et en désignent un autre, souvent moi ! Et puis ceux qui usent de la force, ceux qui cherchent des poux aux autres, ceux qui  en réponsent font appel à leurs grands frères, ceux qui aprviennet à à négocier une aide pour des leçons de calcul ou font circuler de petits mots pour leurs soeurs qui sont dans l'école des filles d'à côté.

Des jeux et des affinités apparaissent et en dehors de ma famille, j'ai désormais une seconde vie.

 

Je ne sais plus si c'est le 14 juillet ou pas, je regarde un atlas pour savoir où se trouve la Rhénanie, récupérée et militarisée par le chancelier Hitler. J'entends soudain une rumeur qui monte, qui enfle, devient étourdissante, une voix étourdissante, une houle orchestrée de voix grondeuses.

 Je me hisse tant bien que mal sur un tabouret pour mieux découvrir dans la lucarne une foule immense avec des drapeaux et des fanions rouges, d'autres tricolores, quelques-uns noirs, je n'en ai jamais autant vu, j'en suis abasourdi.

Autant de gens ensemble, parfois avec des poings levés, ils chantent : 

 

"C'est la lutte finale

Nous ne ommes rien, soyons tout !"

 

Je manque de tomber du tabouret. Plus la manifestation s'écoule, plus elle donne la sensation d'augmenter :

 

"Debout ! Les damnés de la terre !" Et c'est la première fois que j'entends L'Internationale. Je suppose que cela à un rapport avec les grandes grèves.

Je perçois aussi que l'Allemagne tracasse mon père, des mots s'invitent à table, Front populaire, cagoules, croix de feu, pogrom et je pressens confusément que, dans cette histoire effervescente pour adultes, je n'échapperai pas à l'histoire de tous.

 

La suite ? Je me souviens d'une vieille librairie où j'achète Hourrah, Junior ou Robinson. Je me délecte chaque semaine du magicien Mandrake, de la bande dessinée Pim-Pam-Poum et des péripéties en forêt vierge de Jane et Tarzan.

 

J'ai un peu le trac. Cartable aux épaules, je prends le chemin de la nouvelle école. Les deux poings sous le menton, mains tachées d'encre, j'ingurgite avec fringale la panoplie scolaire.

 Intimidé dès que je suis à l'estrade, devant le tableau noir, distrait de nature, freiné parfois par les sequelles d'une mastoïdite, je rapporte à la maison une flopée de "tableaux d'honneur".

 

Selon les saisons, dans les cours de récreation, des modes ludiques se succèdent : tout le monde joue aux osselets, puis c'est la suprématie du Yo-yo, des fléchettes, des gobelets de dés. Viendront le lancer de canifs, les tirs de penalties, les duels à mains nues entre ciseau-feuille-pierre. Et, quelle que soit la saison, les billes  de toutes sortes, de toutes couleurs, et leur troc.

Puis sans attendre le printemps, la cour de récréation étand au square les jeux de colin-maillard, l'épervier, les gendarmes et les voleurs, qui d'ailleurs sont les mêmes.

Il y a aussi des batailles homériques pour des leaders de circonstance, des renversements de pouvoir, des coalitions. Moi, je fais bande à part.

Nous sommes en 1937, à croire en la paix, le printemps est splendide.

A l'unanimité française, tout le monde chante "Tout va très bien, madame la marquise...

La suite prochainement.

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Published by Régis IGLESIAS - dans Les souvenirs de ...
24 novembre 2015 2 24 /11 /novembre /2015 15:20
Les souvenirs d'Anthony Berrot

"Sur son vieux phono, mon grand-père me faisait entendre la bouleversante Fréhel. C'était sa grande passion. Il connaissait tout d'elle.

"Où est-il mon moulin d'la place Blanche ?

Mon tabac et mon bistrot du coin?

Tous les jours là-bas c'était dimanche.

Où sont-ils, les amis, les copains ?"

Et le vieux phono m'enivrait de cette rose noire de la chanson réaliste, de ses Sous la blafarde, Comme un moineau, Sans lendemain, Je n'attends plus rien ou de la Java bleue.

Puis, un jour, ma grand-mère a eu son mot à a dire :

"Je n'en peux plus de Fréhel. j'ai les tympans en capilotade. Sachez au moins qu'il existe une chanteuse supérieure à votre Liane Rousse."

Nous étions, mon grand-père et moi-même, incrédules.

A nos yeux personne ne pouvait égaler Fréhel.

"Ecoutez et vous verrez", fit non sans une légère ironie, ma grand-mère. Mamie emprunta sur le champ un disque de Piaf chez la voisine et nous fit écouter la Môme.

 

 Nous fîmes connaissance avec cette fort belle chanson intitulée C'est un gars qui est entré dans ma vie.

C'est ce jour-là qu'Edith Piaf est entrée dans ma vie."

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Published by Régis IGLESIAS - dans Les souvenirs de ...
28 septembre 2015 1 28 /09 /septembre /2015 10:28

"Quand j'étais petite". Un roman de Lola Sémonin. Morceaux choisis :

 

Je suis né au printemps. Les pieds devant. Ce qui a fait dire à l'Adèle, la sage-femme :

- Cette gamine, elle ira loin !

On m'a tirée par les pieds, comme un veau. Et secouée la tête en bas, comme un lapin qu'on va saigner. La sage-femme a dit : "C'est l'mal joli, quand il est fini, on en rit !"

Quand les femmes criaient trop, l'Adèle les réprimandait : "T'as pas souffert pour le commander, t'as qu'à souffrir pour le faire !"

Puis, elle a jeté le placenta au feu. Il y en a qui le donnaient aux poules, ou qui le mettaient au fumier. Mais pour l'Adèle, ça porte malheur.

 Elle a préparé une soupe de bourrache, qu'elle a fait boire à la moman, et un oeuf battu, mélangé à de la gnôle et du miel. Le papa a tiré du vin de la cave, il a sorti du garde-manger de la saucisse, et découpé une bonne tranche de pain, avec son couteau qu'il garde toujours dans sa poche.

Puis, ils ont débouché des fioles de gnôle, de la prune et de la gentiane, qu'ils se passaient, en s'essuyant les lèvres du revers de la manche.

 J'ai su plus tard que sur le chemin, derrière  les carreaux, les femmes en chemise de nuit, les cheveux défaits ou sous un bonnet de nuit, faisaient le signe de la croix. Elles se signaient comme pour le passage d'un mort, pourtant les hommes vont chercher la vie.

On organisait le baptême le plus vite possible, pour que le nourrisson, s'il mourait en bas âge, ne tombe pas dans les limbes, maisd aille bien au Paradis. Une fois baptisé, on avait l'air de croire qu'il ne pouvait plus rien lui arriver.

 

Dès que j'ai su marché, j'ai commencé d'aider la moman. Les parents se levaient au chant du coq. Ils déjeunaient. Une cuillère de chicorée au fond du bol, des morceaux de pain et du lait versé dessus. Une tartine avec un peu de confiture ou du miel si la récolte avait été bonne. Rarement du beurre.

Après la traite, les parents mangeaient une soupe à l'oignon ou une soupe de légumes, un bout de lard, et le papa buvait un canon.

J'entends encore la voix de moman :

- Debout Mad'leine ! Y a du boulot ! Faut pas être feignant.

J'ai demandé à mon frère : "C'est quoi un feignant ?

- C'est quelqu'un qui dort tout l'temps, pour pas savoir qu'il ne fait rien.

 

 Chez nous, on n'perd rien. La moman rallonge les robes avec un morceau de tissu d'une autre couleur. On garde le plus petit bout de fil - ça peut encore servir à recoudre un bouton -, et les petits morceayx de laine - ça peut servir pour tricoter les moufles et les cache-nez.

 La moman met des tacons aux coudes des vestes. Elle retourne les cols et les poignets de chemise s'ils sont usés. Elle taille, raccommode, rappond, tout ce qui peut être taillé, raccommodé ou rappondu...

 On garde tout.

 La peau du lait pour faire des gâteaux, la cendre des fourneaux pour la lessive. On mouille le pain rassis et on le passe au four pour en faire du pain perdu. On arrose le jardin avec l'eau qui a lavé la salade, on donne l'eau de vaisselle et les épluchures aux cochons, les trognons de chou, les fanes de carottes et l'herbe des talus aux lapins, les os au chien, les coquilles d'oeufs, les restes, s'il y en a, aux poules.

On n'avait rien pi on faisait avec !

 Le samedi, on se lave au poêle, en entier, dans une seille en bois, que le papa remplit d'eau. On y passe chacun à notre tour, dans la même eau, du plus petit au plus grand.

Quand c'était justement le tour des plus grands, ils guelaient de toujours se laver dans de l'eau sale. Alors je leur versais une bouilloire d'eau bouillante.

Je n'avais pas huit ans, je disais déjà à la moman :

- Quand je s'rai grande, j'habiterai là-haut !

Elle me rembarrait :

- Au lieu d'rêver, va plutôt chercher des patates à la cave. Les rêves, c'est pas fait pour nous ! C'est pour les riches !

 

En classe, un garçon du cours élémentaire, à la bouille toute ronde, les oreilles décollées et la coupe au bol, lisait une histoire sur les vacances.

- Nous irons déjeuner sur l'herbe, nous construirons une cabane pour jouer à Robinson, nous jouerons avec tous nos joujoux.

Moi, je n'avais pas de vacances. Je me disais que je ne construisais pas non plus de cabane. Nous on faisait le foin depi tôt le matin, et le soir on tombait, tous fourbus, dans notre lit. Je m'occupai de la marmaille et préparais une grosse soupe pour la tribu affamée.

 

- Pleure, tu pisseras moins !

 

Petite, je savais par coeur "La Marseillaise".

- Que cent un pur, abreuvent nos six lions !

Je connaissais aussi "La victoire en chantant", et ses "trom-pettes guerrières". Mais j'aimais aussi quand la chanson racontait une vraie histoire, comme :

 

"En passant par la Lorraine, avec mes sabots, rencontré trois capitaines..."

 

Les trois capitaines se moquaient bien d'elle, avec ses sabots, ils la trouvaient vilaine, mais ils ont bien été attrapés ! Elle a eu le dessus et les a bien eux :

Je ne suis pas si vilaine avec mes sabots,

Carle fils du roi m'aime, avec mes sabots !

 

On chantait aussi :

"Un kilomètre à pied, ça use, ça use,

un kilomètre à pied, ça use nos souliers.

Des gamelles melles melles, des bidons, dons, dons.

On en a plein l'dos, plein l'sac, plein l'fond des godillots !

 

Et "Etoile des neiges", à deux voix.

Faut dire que chez Charles et Bébette, ça chantait tout le temps. A longueur de journée. Les filles en lavant la vaisselle, en l'essuyant, en passant le balai, en pendant le linge, en secouant les édredons pour leur faire prendre l'air...

T'entrais à la scierie, l'oncle Charles et ses ouvriers chantaient une chanson. 

La tante Bébette et Jeanne Antide chantaient en remontant le long du bois.

J'aimais chanter. C'était une nouvelle voix qui sortait de moi et qui remplissait mon âme de gaieté.

 

Le premier Noël que je me rappelle, je devais avoir cinq ans. Mon frère Michel m'a dit :

- Tu vas voir, le p'tit Jésus va t'apporter un cadeau !

 Je n'avais jamais eu de cadeau. A part les caramels Klaus ou les escargots qu'on ramassait pour moi.

On a déposé chacun un sabot devant le fourneau et on est allé se coucher. Mes parents, ma grand-mère et mes frères sont partis, à pied, à la messe de minuit.

Le lendemain, c'est la voix de Michel qui m'a réveillée :

- Mad'leine, Mad'leine ! Viens voir, le p'tit Jésus a passé !

J'ai bondi hors du lit et couru pieds nus sur les dalles froides de la cuisine. Il y avait dans chaque sabot une balle orange, toute brillante, à la peau couverte de petits points. Et sur le dessus, une étoile verte, comme une fleur. Michel m'a dit :

- C'est une orange.

J'ai aussitôt aimé ce mot-là. Je le répétais sans arrêt : "Orange, orange !" Je l'a sentais et son odeur me remplissait de joie.

L'année suivante j'ai eu une pomme de Paris. Le p'tit Jésus était allé jusqu'à Paris pour me rapporter une pomme ! Je l'ai prise dans mes mains et c'était comme si j'avais tenu la tour Eiffel entre mes doigts. Elle brillait encore plus que l'orange. Elle sentait bon. Elle sentait Paris !

- Merci, petit Jésus de m'avoir tant gâtée !

 

 Depuis l'âge de cinq ans, ce que je désirais le plus, c'était d'aller à l'école.

Le matin, j'entendais les sommiers grincer, les pas de mes frères sur le vieux plancher qui craquait et les godillots dans l'escalier. Je les imaginais préparer leurs musettes. Le plumier, leurs crayons d'ardoise, leurs crayons de papier, leur gomme, et surtout le porte-plumes et leurs plumes Sergent-Major avec un petit bout de patte pour les essuyer.

Avant de couper le pain, la moman faisait le signe de croix en dessous, la miche contre sa poitrine. Ils enfourgaient dans la musette une rondelle de saucisse ou un bout de lard, deux carrés de chocolatou deux sucres, trois tranches de pain chacun - pour les deux récréations et le casse-croûte du midi -,, le tout emballé dans un linge. A l'école, on leur servait la soupe.

En rentrant le soir, ils me racontaient les parties de rire sur la route avec les cousins. Ils faisaient avec eux les deux kilomètres à pied matin et soir. 1980 mètres exactement, de la maison à l'école, comme l'avait dit l'oncle qui avait mesuré le parcours avec une chaine d'arpenteur.

1980 mètres de liberté, sans la moman sur le dos, sans avoir à m'occuper des p'tits, des veaux, des poules, de la lessive, du ménage, de la soupe à éplucher...

 Le soir, je regardais leurs livres de lecture. Et je rêvais.

Je ne disais rien de mes rêves, car la moman m'aurait dit que je voulais "péter plus haut que mon cul". C'est la seule fois où elle disait un gros mot. Elle se signait aussitôt.

- Tiens, tu m'fais dire des bêtises ! qu'elle me disait.

 

J'aimais aussi le livre d'histoire avec des gravures en noir et blanc. Et aussi la guerre, et ses terribles soldats en armure, armés de pics et de sabres. On y voit aussi la guerre de 14 avec les tranchées.

Je me souviens du jour ou mon papa m'a lu le Petit Larousse Illustré. Il a ouvert les pages du milieu, pleines de couleurs vives : du vert, du jaune, du rouge.

- Tu vois, c'est tous les drapeaux du monde !

Jamais je n'avais vu autant de couleurs, si belles, si brillantes. J'aurai voulu pouvoir les regarder des journées entières.

- Voilà, celui de la France, bleu, blanc, rouge. Le bleu, c'est le bleu roy, le symbole de la royauté. pi après le blanc. Pour Jeanne d'Arc, la Pucelle d'Orléans. Le blanc, la couleur de la virginité...

 

A part ceux de l'école, chez nous, on n'avait pas d'autres livres. sauf des fois, le catalogue Manufrance qui se baladait de ferme en ferme. A la fin de la tournée, il était encore plus épais, à force de tourner les pages avec les mains sales, parce qu'on rentrait de l'écurie et qu'on était pressé de découvrir le monde.

On y voyait des machines à coudre, des fusils de chasse, des lampadaires, des affaires de bureaux, des manteaux de femme, des bicyclettes, des trottinettes; Tout ce qu'on ne pouvait pas s'acheter.

 

 A l'école, avant la maîtresse, il y avait un maître, une vraie peau de vache ! Il les baillonnait d'une main, pi, de l'autre, il donnait des paires de claques à tout casser. Le Paul, il en pris de ces taugnées ! Pi, il ne fallait rien dire, en rentrant... T'aurais pris la même !

Paul était un cancre (il avait pris une torgnole parce qu'il avait dit "Le point de ponctuation, ça sert à finir une phrase quand on en a marre"), il a quitté l'école et a travaillé chez son père à la scierie. La moman disait de lui : "Ce Paul, il a d'la chance d'avoir eu un père qu'est né avant lui !"

 

 Moman avait levé les yeux au ciel.

- Dis-moi voir ta poésie, voir si tu la sais !

Monfrère ânnonait  Le Corbeau et le renard :

- Maître Corbeau... sur un arbre perché... Et moi je lui soufflais la suite : "Tenez dans son bec...

 

La rentrée.

Dans le livre de lecture de mon frère, la maïtresse a un sourire doux, on dirait qu'elle sent bon. Je me voyais déjà rentrer de ma première journée de classe avec un "Bon point".

Oui mais non.

Elle a tapé dans ses mains :

- Silence !

Elle a compté :

- Un deux, un deux... Silence ! Mettez-vous en rang.

Puis tous les élèves se sont mis à tendre leurs mains en avant. Une règle en fer au bout du bras, la maîtresse a longé les allées. Si les mains n'étaient pas propres, elle frappait un grand coup.

Le grand, à la la mèche sur le front, a reçu un coup. Il n'a pas bronché d'un cil.

- C'est la dernière fois, Antoine? La prochaine fois, c'est la porte !

J'avais peur pour mes frères mais la moman avait bien fait son inspection : les mains propres, bien coiffés, et les brodequins cirés...

La maîtresse est montée sur l'estrade. Elle s'est mise à chanter :

- Mes amis la vie est belle...

 

Elle a battu la mesure et tous les élèves ont repris :

"Mes amis la vie est belle

Malgré les peines

Qui nous enchaînent

Ame claire

Voix légère

Sans un sou au fond de l'escarcelle

Chantons au soleil qui ruisselle

La vie est belle, belle toujours !"

 

 A l'école, j'aimais surtout les récréations, où on jouait à la marchande, à la ronde où à la corde à sauter que j'aimais par dessus tout.

En deux mois, je savais déjà écrire mon prénom, papa, maman etc eux de mes frères et soeurs. Je répétais les lettres de l'alphabet en boucle, et je savais compter jusqu'à quarante.

Quand j'allais au cabinet, c'est la Simone qui me tenait la porte, et l'Antoine qui me faisait toujours des coups d'oeil avant de rentrer en classe.

Tous les matins, je répondais :

- Présente !

Puis, après l'inspection des mains, j'écoutais la leçon de morale, avec grande attention :

"Les papas comme les mamans s'efforcent de rendre la vie agréable à leurs enfants. Je leur montrerai mon affection en travaillant bien en classe." Et celle qui me faisait froid dans le dos : "Personne ne croit plus le menteur, même quand il dit la vérité." 

Ou celles que je ne comprenais pas toujours comme : "Bien mal acquis ne profite jamais !"

J'aimais les carte de France accrochées au tableau, avec les cours d'eau, les montagnes, les ports, les villes. Les cartes de l'Amérique aussi.

A onze heures, je choisissais un livre sur le rayon, je regardais les images, et j'essayais de retrouver les mots que j'avais appris. Je prenais souvent Les Malheurs de Sophie. Elle vivait dans un château, elle avait une bonne, et des amies aussi bien mises qu'elle. Sa maman souriait toujours, sauf quand elle lui donnait la fessée.

Je regardais aussi les images du Petit Poucet et de l'ogre aux yeux terribles, qui me réveillait la nuit trempée de sueur. J'en avais aussi peur que du loup qui dévorait le petit chaperon rouge, soufflait la maison des trois eptits cochons, ou trempait sa patte dans la farine pour tromper les chevreaux qui attendaient leur mère.

 A ma première récréation, je suis sortie dans la cour avec ma tranche de pain et un sucre. Je gardais le carré de chocolat pour la récré de trois heures.

Antoine faisait une partied 'osselets avec le Michel. J'entendais des mots magiques :

- trou ! Bosse ! Omelette ! Tour Eiffel ! Oeil-de-Boeuf !

Il ne pleuvait pas. La nature se préparait pour le printemps, et je me répétais le début d'une récitation :

Après tout ce blanc, vient le vert

Le printemps vient après l'hiver

Après le grand froid, le soleil,

Après la neige vient le nid

Après le noir vient le réveil...

 

 J'aimais jouer à la bague d'or, à la brouette, à la marelle, à la main chaude, à la courate.

 Mais je découvrais toutes sortes de jeux durant la récré, où on se mettait de bonnes roustes.

Comme "passe passe trois fois".

 

"Qu'est-ce qu'elle donc fait la p'tite hirondelle

Elle nous a volé trois p'tits sacs de blé...

Nous lui donnerons trois p'tits coups d'bâton

Passe passe passera, la dernière la dernière

Passe passe passera, la dernière restera..."

 

A "la dernière restera", deux filles en gardent une, prisonnière entre leurs bras. la pauvre a beau se mettre en boule, les mains sur la tête, elle reçoit une avalanche de claques. certaines s'en donnaient à coeur joie !

Pareil pour "Le fermier dans son pré", où il ne faut surtout pas être le fromage, car tout le monde nous tape sur le dos : Le fromage est battu, le fromage est battu...

 Et kif kif pour la ronde "Entre les deux mon coeur balance" !

 

J'aimais bien mieux : "A mon beau château, tire lire lire lo..." Une autre ronde encha^inait : "Le nôtre est plus beau ma tantine lire lire..." Et personne ne prenait de coups !

J'aimais sauter à la corde, un, deux, trois, vite ! La crode claquait sur le béton. Si on ratait notre entrée, les autres nous narguaient :

- Hou ! Les cornes !

Et on voyait des doigts pointés au niveau du front.

- Ceux du certificat vous allez chanter "La Marseillaise". Les autres, restez debout, les bras croisés.

Elle a donné le ton. Ils ont attaqué les premières paroles :

- Allons enfants de la patrie, le jour de gloire est arrivée...

L'Antoine chantait comme une casserole. Alors je me suis retournée et j'ai écarquillé mes yeux. Ca l'a fait rire. La maîtresse a tapé sur le bureau avec sa règle.

- On ne rit pas monsieur Antoine Pourchet quand on chante "La Marseillaise". C'est un hymne sacré ! Pensez à tous ceux qui sont morts pour que vous puissiez être libres. Continuez tout seul !

Et il a chanté toujours aussi faux :

"Mugir ces féroces soldats,

Ils viennent jusque dans vos bras,

Egorger vos fils, vos compagnes..."

- Si vous échouez au certificat, vous finirez à la porcherie, comme votre pauvre papa. C'estc e que vous souhaitez ?

Puis on a entendu le grincement des pupitres que les élèves ouvraient pour en sortir leurs livres et leurs cahiers, et les claquements des tablettes qu'ils refermaient. Charlotte s'est levée :

- Cu-veau, to-nneau, cor-beau, le ba-teau va sur l'eau.

 

Le Michel, il a grandi tout d'un coup.

- T'es encore en train d'mefaire de la croissance ! Si seulement on avait les moyens d'acheter de la Quintonine, comme chez l'Charles !

- La Simone, elle m'a dit que j'étais belle !

- Quand on a deux jambes et deux bras, on est toujours beau ! 

 

Chaque matin, je savais par coeur la phrase de morale - il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué -, et je marchais au pas.

J'ai appris toutes sortes de récitations : J'aime l'âne si doux, marchant le long des houx... De Francis James ; Le hareng saur, nu, nu, nu... de Charles Cros.

Et des nouvelles chansons : Ne pleure pas Jeannette, qui me rendait triste, il pleut, il pleut bergère où Fleur d'épine, fleur de rose...

 

Un souvenir : Le jour où Moman et la Joséphine se sont mis à chanter "La tyrolienne des Pyrénées", à plusieurs voix :

"Laisse là tes montagnes disait un étranger,

Suis-moi dans mes campagnes, viens ne soit plus berger

Jamais jamais quelle foli-i-e,

Je suis heureux dans cette vie.

 

Et quand elles entonnaient le refrain, j'en avais des frissons, le coeur gonflé de bonheur. La moman lançait la première phrase "J'ai ma ceinture" que le choeur répétait avec des voix très hautes et claires :

"J'ai ma ceinture !

Et mon béret ! ... Et mon béret !

Mes chants joyeux, mes chants joyeux

Mamie et mon chalet.

Les mains ne cessaient d'égrener les fleurs qui tombaient dans leurs tabliers. Comme si elles étaient étrangères aux femmes qui chantaient.

 

Aux beaux jours, on allait dans le champ en face de l'école faire des parties de "Cavaliers". Je montais toujours sur les épaules d'Antoine. On devait empoigner un cavalier, et le tirer en bas.

Je faisais mes devoirs après souper, quand je ne piquais pas du nez sur mon cahier. Je savais toujours mes récitations que je récitais en boucle sur le chemin de l'école.

 

A la récré, on a d'abord joué à "Moman que veux-tu ?" La Simone collait contre le mur. Un pas de fourmi. Pi Un pot d'colle ! Jamais de pas de géant pour moi alors que pour les autres, c'était des casseroles, ou Des sauts de chamois. Et à la Josette Trois pas de géant avec, avec élan. En une partie, elle touchait le mur !

On a joué ensuite à "collin-maillard" puis à "huile ou vinaigre".

- J'vais presser sur ton nez, y va en sortir du lait

- Moi quante je s'rai grande, avec mon mari, on aura douze vaches.

 

 Le cinéma, c'était une fête. Charlot qui tombe amoureux d'une fleuriste aveugle, où j'ai beaucoup ri et pleuré, il y a eu Laurel et Hardy, Les Misérables qui m'a tenue en haleine du début à la fin. Et un film sur Bernadette Soubirous, pour faire plaisir à Monsieur le curé... Au moins, dans ce film-là, il n'y avait pas de baiser ! 

Je me souvient aussi de Fanny ave l'accent de Marseille.

 

En rentrant, on agrimpé dans les bois. Il faisait bon frais. On s'est mis à chanter :

"Dans la forêt lointaine, one entend le coucou. Du haut de son grand chêne, il répond au hibou. Coucou hibou, coucou hibou, coucou hibou, coucou !"

Pi ça a été "Pigeon vole", à l'"Enigme du loup, de la chèvre et du chou". A Padipado".

Quelqu'un chantait alors "Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ?"

Tout en marchant à grand pas, on s'est mis à entonner à tue-tête :

"Qu'est-ce qu'on attend pour faire la fête ?

Y a des violettes

Tant qu'on en veut

Y a des raisins, des rouges, des blancs, des bleus..."

 

On est arrivé au Café des Bredots juste quand la chanson finissait. La salle de bal était pleine de gens et de fumée. Sur la piste, les couples attendaient la prochaine danse. Le chanteur a réajusté les bretelles de son accordéon et a envoyé une valse.

 Et on a commencé de tourner, tourner, tourner, et d'emporter avec nous les tables, les murs, les arbres qu'on voyait les fenêtre, la montagne, le ciel qui grandissait, et la terre toute entière.

 

Le soir de la communion de mes frères, on est allé à la veillée chez tonton. Sauf le Bernard qui avait sifflé en douce les fonds de verre de rouge, et qui a dégobillé sur le perron. La moman l'a puni :

- Se saouler à douze ans !... C'est bien la peine de g^acher un si bon repas !

On a amené nos chaises. On était une bonne quinzaine, assis autour du poste TSF où la voix grave d'un monsieur nous donnait les nouvelles de la politique, depuis Paris ! Cet homme-là, qui nous connaissait pas, nous parlait comme s'il nous connaissait.

- Il est où l'monsieur Il est où ? Où c'est qu'il est ?

Puis il y a eu des chansons. Mes cousines les savaient déjà toutes par coeur. Je les enviais.

Et quand Milton a chanté "J'ai ma combine", même la moman s'y est mise. Elle qui se plaignait toujours, ça faisait drôle de l'entendre chanter ces paroles-là, toute guillerette.

 

"Y'a beaucoup d'gens qui s'font du mauvais sang...

J'suis pas comme ça, car j'm'en fais pas...

J'ai ma combine,

Jamais dans la vie rien ne m'turlupine

J'ai ma combine..."

 

 Après la chanson de Milton, on a écouté la réclame :

"Pour 19 francs, pour 19 francs seulement, vous aurez chez TOUT FAIT, la robe qui vous pla^it !"

La tante Bébette récitait en même temps, en riant tout ce qu'elle pouvait. Toute la famille a entonné en choeur la réclame de la Quintonine :

"La Quintonine ! La Quintonine ! Le plus forts des fortifiants ! La Quintonine vous rend bonne mine !"

- C'qui est fou, a dit Charles, quand j'éteins, c'est qu'on entend parler l'gars dans l'poste !

- Faut l'temps que ça arrive à Paris ! a dit Ricet.

 

Dehors, les filles chantaient "Enfilons les aiguilles de bois". J'aurai aimé faire la farandole, passer sous le pont, et me retrouver dans l'escargot, puis les bras croisés, une main dans la main de mes voisines !

Scions, scions du bois pour la mère Nicolas ! Le bois cassé en mille morceaux !

 

 Je me souviens de Virgile qui m'a fait un salut militaire, la main sur le képi brodé, comme le revrs de sa veste. Il s'est éloigné de moi en chantant :

- C'est nous les gars de la marine !

Il était beau Virgile et toujours bien mis ! Pas comme les paysans ! Il n'était pas marié et d'ailleurs, il ne s'est jamais marié. Un jour j'ai entendu moman dire à ma tante Bébette :

- Il n'a pas de femme à lui, mais il a celle des autres !

 

Le mariage.

- Vous êtes unis par les liens du mariage, pour le meilleur et pour le pire.

Ils se sont lancé des regards doux ets e sont embrassés sur la bouche ! Juste un petit baiser. Mais sur la bouche ! Je n'avais encore jamais vu de chose pareille. Je me suis retenue de ne pas pouffer.

Des "Alléluyah !" ont empli l'église. Ils montaient et tourbillonnaient autour de nous.

 La place du village était entièrement à nous. On s'en donnait à coeur joie.

C'est fou le nombre de plats qu'on avait ! La moman répétait :

- Ben, mon vieux, ils ont mis les p'tits plats dans les grands ! Ca a dû coûter !

Elle n'avait presque rien mangé la veille pour être sûre de pouvoir tout finir, et nous avait même recommandé de faire comme elle.

Oh ce menu ! Un vrai menu de château !

L'oncle Marcel était debout, toute l'assemblée entonnait le refrain avec lui : "Du gris que l'on prend dans ses doigts et qu'on roule, c'est fort, c'est âcre comme du bois, ça vous saoule...

Pi le père du marié a commencé à chanter Les roses blanches. C'était si triste et tellement long, j'ai bondi de ma chaise, et suis sortie retrouver les autres gosses.

Je me souviensque tante Bébette avait déjà neuf gosses. Ils en voulaient douze, pour gagner le prix Cognacq-Jay

La tante Thérèse a levé son verre à la santé des mariés. Tout le monde l'a accompagnée, en criant :

- Santé et bonheur !

Elle a entonné :

- Coeur de lilas qui fait battre tous les coeurs...

Ils ont fait tourner la salade de fruits, chargée de pommes, de poires et de fraises énormes et juteuses.

Moi, j'aurai voulu que ce jour-là ne s'arrête jamais.

 

Plus le repas avançait, plus les esprits, bien arrosés, s'échauffaient.

Après le bouillon de pot-au-feu, les pâtés, le coq au vin, le paleron de boeuf et ses haricots verts, le jambon-salade, le fromage et la cancoillotte, qu'on mangeait encore de bon appétit, on faisait une pause. Un invité se levait et chantait "Les Blés d'Or". Toute l'assemblée l'accompagnait.

 

"Mignonne quand le soir descendra sur la terre

Et que le rossignol viendra chanter encore

Quand le vent soufflera sur la verte bruyère

Nous irons écouter la chanson des blés d'or"

 

Les chansons se suivaient, à deux ou trois voix. 

Puis, c'était les monologues où on racontait des histoires de jeunes mariées qui ont peur de la nuit de noces, ou d'hommes qui ont trop bu, se trompent de maison, et se retrouvent au lit avec la bonne femme d'un autre !

 Le soir, le musicien sortait avec son accordéon et faisait danser les mariés. Les couples se levaient. Les meilleurs danseurs valsaient sur la table. Après la saucisse, le jambon, et les restes pour ceux qui avaient encore un p'tit creux, on rechantait.

A nouveau les desserts, le café, la goutte, et au lit.

Les mariés s'étaient éclipsés. Les jeûnes se lançaient à leur poursuite, et cherchaient où ils couchaient pour leur nuit de noce. Il y avait toujours des fuites, quelqu'un qui vendait la mèche. On les réveillait en leur faisant boire dans le pot de chambre, rempli de mousseux et de chocolat en chantant des paillardes.

- Allez Abel, on chate ou bien ?

La Marguerite leur tendait la tarte aux mirabelles.

- Tenez, reprenez du gâteau.

- A la guerre, on n'avait pas de bonnes femmes pour nous emmerder. Finalement, c'était l'bon temps !

Marcel levait son verre : La Madelon vient nous servir à boire...

 Le lendemain midi, on recommençait. C'était le revivot.On racontait que le mariage d'une fille Mamet avait même duré trois jours. Trois jours à faire la riaule.

 Trois jours sans souffler.

 

Un mercredi soir, nous sommes allés écouter la TSF chez l'oncle Charles. Je me souviens d'une chanson :

"Je t'ai donné mon coeur

Tu tiens en toi tout mon bonheur

sans ton baiser il meurt

Car sans soleil meurent les fleurs...

Et pour toi, il fleurira toujours.

 

 Je me souviens qu'on chantait aussi les réclames, en rigolant :

"La-brillantine, la meilleure la plus fine

Mais oui, c'est la

Brillantine Roja

 

Ou celle de monsieur Levitan

"Bonjour Monsieur Levitan,

Vous avez des meubles, vous avez des meubles

Qui durent longtemps !

 

- Tu l'diras pas à personne, hein ?

- J'te jure !

- Crache !

- Juré ! Craché !

 

La messe de minuit

Enfin, les douze coups de minuit ont retenti et on a chanté "Il est né le divin enfant", qu'on avait appris au café.

"Il est né le divin enfant

Jouez hautbois, Résonnez musettes

Il est né le divin enfant

Chantons tous son avènement

 

Charlotte m'a poussée du coude. Un enfant de coeur approchait de la crèche. Il tenait dans ses bras un poupard, nu, juste v^etu d'un lange en coton blanc. Il l'a déposé sur la paille.

"Ô ! Jésus ! Ô Roi tout-puissant

Tout petit enfant que vous êtes

O Jésus ! Régnez sur nous éternellement !"

 

Puis le chant final, "Minuit Chrétiens" a empli l'église et m'a donné des frissons :

"Minuit chrétien, c'est l'heure solennelle

Où l'homme Dieu descendit jusqu'à nous

Pour effacer la tache originelle..."

 

Dehors, une bise glaciale soufflait. Personne ne s'est attardé. J'ai souhaité "Joyeux Noël !" puis on est tous rentré.

 Mon père a alors haussé les épaules, et il est monté dans sa chambre en sifflotant "L'Internationale". Le poing levé.

La Bébette s'est levée pour chanter "Quand on s'promene au bord de l'eau" Au refrain, tout le monde s'empoignait par le bras et on se balançait de gauche à droite.

"Quand on s'promène au bord de l'eau

Comme tout est beau !

Quel renouveau !"

 

L'oncle Marcel a enchaîné avec le "Ranz des vaches". C'était le premier chant patriotique suisse que chantaient les mercenaires romans sur les chaps de bataille. On y entendait des plaintes, des pleurs, et la tristesse d'être loin des montagnes. Surtout dans le refrain, entonné à trois voix, qui nous donnait la chair de poule.

"Les Aramillis des colombettes de bon matin se sont levés...

Lyôba, Lyôba, Lyôba pour traire.

Venez toutes les blanches, les noires, les rouges, les étoilés

Sur la tête les jeunes, les autres,

Sous ce chêne où je vous traie,

Sous ce tremble où je fabrique le fromage,

Lyôba, Lyôba pour la traite. 

 

Charles, à son tour, a entonné sa chanson préférée : "Auprès de ma blonde".

"Dans le jardin d'mon père

Les Lilas sont fleuris

Tous les oiseaux du monde

Viennent y faire leurs nids"

Il regardait la tante Bébette avec beaucoup de tendresse. Bernard a attaqué "L'Internationale". Mais la moman l'a fusillé du regard.

 

Un soir d'avril 1936, Ricet a apporté son poste TSF chez nous.

- Taisez-vous les gamines ! C'est l'heure des communiqués. Y a Thorez qui va parler.

Il y a d'abord eu des réclames, qu'on a écouté avec une grande attention.

"Mes enfants ! Un mot ! Un seul ! A tous ceux qui aiment bien manger économiquement. Avec une boîte aux oeufs frais du père Lustucru, les pâtes qui ne collent jamais, vous préparerez madame, six plats au lieud e quatre, car les pâtes Lustucru ont cette qualité unique de tripler à la cuisson. Quelle économie !"

Coup de gong.

- On en mangera des pâtes Lustucru ? Je demandais, l'eau à la bouche.

- Chut !

 

"Si vous les aimez bien roulées. Papier à cigarette OCB !"

Coup de gong.

"Du bon, du beau, Dubonnet nous apporte la joie et la santé !"

On a tous répété en coeur, même la moman :

"Du bon, du beau, Dubonnet !"

Coup de gong.

 

 Maurice Chevalier a chanté "Y a d'la joie !". La Moman a fredonnait avec moi. Et Maurice Thorez a été annoncé :

"Le Front Populaire, c'est le gouvernement des travailleurs. De tous les travailleurs. Des usines, des paysans, des bureaux, des mines, de l'enseignement. Nous sommes convaincus que la classe ouvrière réalisera sa mission historique : La transformation de la société capitaliste en une société où l'on ne connaîtra plus l'exploitation de l'homme par l'homme. 

Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, paysan, employé, parce que tu es notre frère et que tu es accablé par les mêmes soucis que nous."

 

On n'a pas dit un mot pendant le discours.

Et à nouveau il y a eu une chanson "Quand on s'promène au bord de l'eau".

- Ca, c'est aussi une belle chanson !

"Nous terminerons cette émission comme chaque jour par une citation de Goethe : "Un coeur égoïste ne eput échapper au tourment de l'ennui".

La phrase nous laissait pantois. Ricet a éteint le poste. Bernard s'est levé, et à fait craquer ses articulations. Il a remis sa casquette sur la tête :

- Vous savez comment les patrons appellent les occupants d'usine ? Des salopards en casquette !

La suite ? Le 4 juin, le Bernard est arrivé avec une bouteille de mousseux pour fêter l'élection de Léon Blum.

- Le premier gouvernement socialiste au pouvoir ! Ca s'arrose !

 

Tous les jours, le Bernard nous annonçait des nouveaux cadeaux de sa part. Après la semaine des quarante heures, que Bernard appelait la semaine des deux dimanches, c'était quinze jours de congés payés.

 

Quand j'étais p'tite, je rêvais d'un prince. Et il était là, tout contre moi. Il m'emportait contre moi. Il m'emportait dans la lumière de l'été, "jusqu'à la fin du monde, jusqu'à la fin du monde"... On ne penait pas à la guerre. On se sentait tellement vivants !

J'aimais Constant. J'avais quatorze ans.

Et toute la vie devant moi.

Les souvenirs de Madeleine Proust
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9 juillet 2015 4 09 /07 /juillet /2015 18:45
La France qui disparaît

Un inventaire nostalgique de nos particularités perdus. Un livre de Claude Maggiori et de Sandrine Dyckmans. Morceaux choisis :

 

Le Franc n'est plus... Les billets de la Banque de France permettaient de célébrer l'histoire de France avec des images de personnages célèbres, comme Eugène Delacroix, Maurice Quentin de La Tour, Blaise Pascal. La pièce de 10 francs avait été dessinée par le peintre Mathieu en 1974.

 

 Le petit ballon de rouge n'a plus la cote.

La "piquette", le "sang de boeuf", le "gros rouge" ou encore le "bouillon de grappe" sont autant d'expression qui disparraissent peu à peu du langage quotidien. Quant à "faire chabrot"...

Le crépuscule du béret basque.

On l'a vu sur la tête de Michelle Morgan, dans Quai des brumes, ou de Brigitte Bardot en Bonnie Parker aux côtés de Gainsbourg. Aujourd'hui, on le porte moins qu'avant.

La SEITA sen est allée.

Quid de la Gauloise, des cigarettes Disque Bleu ?

Les libertés en question : on est loin du 2 eptembre où on enlevait le haut.

Le martinet est rangé au grenier.

Il faisait peur, le martinet ! Ce fouet domestique, terreur des enfants pas sages.

Selon certaines sources, le nom du "martinet" proviendrait du général français Jean Martinet, qui exigeait un respect absolu du réglement et infligeait des exercices épuisants aux soldats indisciplinés de Louis XIV... et qui estimait que l'utilisation d'un fouet à multiples lanières était préférable à la flagellation à lanière unique, qui avait tendance à tuer les hommes durant le châtiment...

 

Le Teppaz s'est éteint.

On écoutait les 45-tours de johnny (Retiens la nuit), Sylvie vartan, Franck Alamo, Françoise hardy, Les Chats Sauvages de Dick Rivers, Les Chaussettes Noires d'Eddy Mitchell (Dactylo Rock), Richand Anthony (Et j'entedns siffler le train), Jacques Dutronc, Petula Clark et...

Et pour les plus dégourdis Eddy Cochran, Gene Vincent, Chuck Berry, Jerry Lee Lewis, Buddy Holly, James Brown, Elvis Presley, Les Beatles, Les Rolling Stones, A Whiter Shade of pale des Procol Harum...

Ce sont les teppaz qui endiablaient les surprises-parties, où les "âges tendres et têtes de bois" dansaient le twist, le jerk, le madison, le mashed potato...

 

La suite prochainement.

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3 mars 2015 2 03 /03 /mars /2015 18:49

a2cccb04"Un jour, un destin.

 

Avertissement : Ma Mamie a toujours eu une curiosité sur la vie des autres. Des autres qu'elle rencontrait, à qui elle posait des questions par centaine - comme les magnolias de Clo-clo ! - avant de me les relater.

Vous retrouverez ici-bas tous les souvenirs recueillis par ma Mamie. Morceaux choisis :

 

 Les premiers souvenirs - comment oublier ? - étaitent sur l'histoire d'amour incroyable  vécu par Vadim et Marie-Christine Barrault ("Ce long chemin pour érriver jusqu'à toi...") ; suivi des grandes vacances qui vivent toujours dans le souvenir de Gaston Bonheur ; être ou avoir, les souvenirs de Georges Lopez et les Noëls d'une enfance Vendéenne 

 

 Sans oublier Jean-Pierre Védrine ("De la féérrie de l'enfance, il me reste ces mille et une images soudées, qui me collent à la peau et qu'un homme emporte toujours avec lui.") ; Charles Sénégas ("Tu l'as vu ? Quoi ? Mon cul !" Ca marchait à tous les coups !") ; Howard Hugues

 

 D'André Besson, ma Mamie se souvient d'une de ses phrases fétiches : "Il faut se lever le matin pour ouvrir sa porte au pain" ; Richard Marillier ("Pleure don, t'pisseras moins") ;  Jean Diwo ("Maman n'étais pas là quand je suis rentré et je n'avais pas la clé. Mais je savais où la trouver : sous le paillasson !"; sans oublier les souvenirs de vacances de mon enfance ("Comme chante la réclame que l'on entend sur Radio-Luxembourg : "Midi - sept heures, l'heure du Berger..." ; les souvenirs de la mémé de Philippe Torreton ("Un café s'il y en a de fait !").

 

 Les confidences de Marcel Scipion ("Sans eux, je n'aurai peut-être pas de ces souvenirs qui comptent dans la vie) ; les désillusions de Catherine Allégret ("Quand il est mort, il ne me restait plus qu'à entrer dans mes souvenirs..." ; les réminiscences de Joseph Joffo et de Mireille

 

 Jeanne-Marie Kernaonet ("A Noël, nous étions vite debout pour découvrir les merveilles tombées du ciel... ; Jules Vendange ("Je me souviens d'une recommandation de ma mère avant d'entrer à l'école : "Surtout ne te fais pas remarquer..." ; les souvenirs de Michel Ragon ("Sur les Allemands, ma grand-mère disait : "Ils nous prennent tout. Elle qui n'avait rien.").

 

 Le témoignage accablant de Charles Alavoine (Laurette ne ratait jamais une occasion de coucher avec un homme. Elle m'a avoué que certains jours qu'elle prévoyait une de ces occasions, elle ne mettait pas de culotte pour gagner du temps.) ; Henri Michel ; La soupe au pistou et Georges Coulonges

 

Bourvil ("Dès que la sonne cloche, il range vite ses cahiers, claque son pupitre, se rue dans la cour." ; "Les chansonniers commencent alors à se moquer gentiment du malheur ! des tickets, du tabac sans tabac, du sucre qui ne sucre pas, des jours sans viande.") 

 

 Les mémoires de José José Reymond ("Ah le brave Lénine, le brave Lénine, qui nous a sauvés de la famine..." ; Au café de l'auberge, on l'entendait souvent s'exclamer : "Vive Blum !", "Les soviets partout !", "Esquinter Taittinger, raccourcir Casimir !", ou encore : "Douze balles pour Laval !" ; "Au retour à l'école, l'instituteur m'interrogea et je lui récitai, à sa demande, Le Corbeau et le Renard ainsi que La cigale et la fourmi.") et de Maurice Chevalier (le chéri de ces dames).

 

 Georges Simenon ("Allez vous promenez sur le trottoir... quand ça y sera, j'agiterai la lampe à la fenêtre...") ; Claudie Mothe-Gauteron ("Je t'ai aimé d'emblée, je t'aimerai toujours !" ; Alain Pujol ("Aujourd'hui encore quand j'entends Noël ! Noël ! Ding-Dong ! Noël ! Noël ! C'est couillon, mais j'ai les yeux qui se mouillent.") 

 

 Jean-Paul Ponçon quand il a voulu restituer un instant de sa vie d'enfant ; François Serre ("Une année bonne et l'autre non") ; Les souvenirs d'enfance ; Le temps de la passion ; Une enfance Nivernaise

 

 Monique Jouvancy ("Tu songes à ton grand-père qui à chaque naissance s'en allait déclarer sous le même prénom les filles qui lui venaient, car toutes ces femelles au fond ne comptaient pas et alors il oubliait avec l'alcool celui que sa femme avait choisi.") ; Souviens-toi de Georges Perec Agnès Anna Gavalda

 

 Philippe Delerm ("A douze ans, c'est l'effrayant et délicieux vertige des auto-temponeuses. Ah ! ces courses sur le sol caoutchouteux entre deux tours, en quête d 'une voiture libre, ce stress au moment d'insérer le jeton de plastique dans la fente ouverte sur le capot - il ne veut jamais entrer.") ; Pierre Bonte ("Je vous écoutais en trayant mes vaches.").

 

 Béatrice Bourrier ("C'est la vie, c'est pas triste mais les heures deviennent éternité. Danse, ris, aime autant que tu le pourras puisque après on n'aime plus que des souvenirs...") ; Jean Carles ("Qu'il était bon le verre d'anis à l'eau de source, le melon rafraîchi au ruisseau ; le tout arrosé d'une bouteille de vin dont l'étiquette disait "Bois-en et tu chanteras..."

 

 Jean-Paul Bourre et ses bagages ("J'emporte dans une malle de voyage tout le matériel et les accessoires des années cinquante : moulin à café Moulinex, vieux postes de radio à lampes, bouteilles d'encre Waterman, boîtes de cacao où s'inscrivent en belles lettres Y a bon Banania, les encyclopédies Tout connaître, à couverture jaune, l'autocuiseur avec sa poignée de Bakélite noire, les boîtes rondes, métalliques, de Nescafé, un  vieux fer à repasser Calor, ma collection complète de Bob Morane, une cafetière Melior, en verre Pyrex, une gabardine de détective américain...) ; Christian Signol et Marie-Thérèse Winock

 

Les grands moments d'Arthur Conte ("Les Frères Jacques, ils auront chanté trente-trois ans. Au grenier des souvenirs, leurs fausses moustaches, leurs chapeaux claques et leurs gants blancs."); Albertine ("Vive le front populaire !") ; Lucette Desvignes ("Mettez bien vos cache-nez, les enfants, et même les passe-montagnes, c’est autorisé s’il y e a parmi vous qui souffrent d’otites.") ; Pierre Brasseur ("Fous moi la main au derrière, imbécile !" ; "Se souvenir, c'est inventer ces petits miracles que l'on aurait voulu vivre.").

 

Bruno Crémer et ses premiers émois (La masturbation, c'était le plaisir à la carte. Toutes y passaient : les amis de ma mère, les copines de ma soeur, des femmes croisées dans la rue, toutes, un jour ou l'autre, à leur insu, allaient offrir leurs images à mes caresses.) ; les années yéyé de Jean-Jacques Debout ; les arabesques de Jacques Mesrine et les soleils de Sacha Distel

 

 Les madeleines de Niels Arestrup ("La rue de la gaitée ressemblait encore aux chansons de Jean Nohain. Le bistrot servait de repère aux élèves. Le juke box exhalait des "javanaises" et des "Yellow Submarine" jusqu'à 11 heures.") ; Pascal Sevran ("Ce n'est pas le canotier qui a fait Maurice Chevalier, mais Maurice Chevalier qui a fait le canotier.") ; sans oublier Marcel Jullian ("Ma grand-mère savait faire du bon café") et son éducation sentimentale.

 

 L'école sous l'occupation ; Une enfance Piémontaise ; La radio ; Marcel Amont ; Pierre Dac ; Mylène Demongeot ; Darry Cowl ("J'ai eu longtemps un problème de pucelage...") Michel Galabru ; Philippe Clay ("Je me demande comment on va finir le mois...") ; Sim ("Et en plus, nous aurons nos chiottes à nous !") ; Barbara ("On oublie pas ces choses-là") ; Pierre Perret ("Tu les vois ces couillons, après nous ils ne trouveront rien...") ; David Foenkinos ("Mon enfance est une boîte pleine de souvenirs") 

 

Michel Sardou ("Pourquoi ma grand-mère vient-elle en premier dans mes souvenirs ? Sa mort sans doute.")Danièle Delorme ; Le fou chantant ; Le petit Perret ; Brigitte Bardot ; Balthazar Balsan ("A chaque récitation, l’âme candide et chaleureuse d’Odette le bouleversait, versant ses derniers mots tel un baume.") ; Mme Andrée "C’est là que j’ai vieilli d’un coup, a-t-elle dit à ma grand-mère, lui parti, je n’avais plus de rêves..." 

 

 La Saint-Valentin ("Vous êtes l’idéal de mes rêves d’amour") ; L'aîné des Ferchaux ("Encore un sale souvenir") ; Le mari de la coiffeuse ("Les slips ne séchaient jamais. Comme nous étions tout le temps fourrés dans l'eau, la laine restait gorgée d'humidité du matin au soir et le sable nous collait aux fesses.") ; Mastroianni ("Les souvenirs sont une espèce de point d'arrivée ; et peut-être sont-ils aussi la seule chose qui nous appartient vraiment.")  et Jacques Letellier quand il a dit cette phrase lapidaire que je ne fais que citer  : "Je ne sais pas si vous vous souvenez...

- Oui, je me souviens", a-t-elle répondu...

 

 Les enfants du Marais ("Oui il y a des moments dans la vie ou on voudrait que rien ne change jamais plus.") ; La dame dans l'auto ("Je me dis arrête, arrête donc espèce d’imbécile, mais en définitive, qu’est-ce qu’on oublie ?") ; Markus ("Ce jour-là, j'avais rendez-vous avec ses lèvres.") ; Japrisot ("Des souvenirs, des espoirs, des regrets, parce qu’on invente rien sans mettre beaucoup de soi.") ; Tonton ; Bernard Blier ; La libération de Marcel Amont ; L'enfance de Mamie ; L'occupation  

 

 La petite maison close dans la prairie ("Il faut faire votre toilette..." Pour moi - comme pour tous les enfants de l'époque - la propreté, ce sont les pieds. J'obtempère, j'enlève mes chaussettes. L'oeil de la dame s'allume d'émotion : elle vient de toucher un authentique débutant.") ; Papi ; Marcel Amont ; Yvette et Victor ; Fanny ; Pierre Dac ; Georgette Lemaire ; Paul-Robert Thomas ; Charlotte Salomon ; Annie Arnaux ; Jaboune


 Un mot de Mamie encore.

"J’ai peur que petit à petit, les souvenirs me quittent. C'est pour cela qu'il faut que je fasse attention. Penser à tout, ne rien perdre, ne pas laisser mes souvenirs partir à la dérive.

 Je sais déjà que, bientôt, je ne pourrais plus raconter les souvenirs qui vont mourir avant moi, un par un, dans ma tête.

  Mais je repense encore à tous ces jours merveilleux. Tout ce soleil. Les jours étaient plus longs autrefois et l’été plus chaud. Le voyage à Paris et la Tour Eiffel. Ton papi me disait : "Tu verras, on s’en souviendra longtemps." 


Comment elle disait Mamie ? Ah oui : Quel beau temps c'était... 

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2 février 2015 1 02 /02 /février /2015 11:25

63645c78"Les meubles Levitan.

 

 "A la radio, on entend de plus en plus, de plus en plus fort, le Duce et le Führer, surtout ce dernier, avec ses cris hystériques qui ont jalonné toute mon enfance et la plus grande partie de mon adolescence, comme celles de tous les gens de ma génération.

 Nous les petits, on ne réalise que vaguement ; quand les fascistes envahissent l’Ethiopie, on chante avec l’accent toulousain évidemment :

 

 As-tu vu l’Négusse

Sur la route de Djibouti

Qui secouait les puces de Mussolini.

 

Plus tard, pendant la guerre d‘Espagne, ce sera, sur l’air d’Avec les pompom, avec les pompiers :

 

On n’a jamais vu ça Hitler en Pyjama

Mussolini, Mussolini, en chemise de nuit...

Je me souviens aussi de ...

"En parlant un peu de vélo

Tonin Magne et René Vietto... 

 

 Ah René Vietto ! Un héros, un preux !

Car le tour c’était la légende quotidienne et là au moins, on ne comptait pas les morts après l’attaque ! Lors d’un tour de France mémorable entre tous, Vietto roulait tout seul vers une victoire certaine dans les Pyrénées, et il a remonté un col à l’envers - à l’envers vous vous rendez compte ! - pour porter sa roue à son leader Antonin Magne accidenté. Un héros, vous dis-je...  

On chantait, on sifflait dans la rue, à la maison, au boulot ; sans aller chercher bien loin en ce qui concerne les paroles.

 Le doux Caboulot de Francis Carco qu’Yves Montand mettra à son répertoire dans les années 60, et les textes à l’eau de rose ou les farces à l’artillerie lourde, comme le Lycée Papillon d’Un Georgius à la verve débridée :

 

"Vercingétorix, née sous Louis-Philip-pe

Battit les chinois un soir à Ronc’vaux

C’est lui qui lança la mode des sli-p(e)s

Et pour cette raison mourut sur l’échafaud

On est pas des imbéciles

On a mêm’ de l’instruction

Au lycée Papa au lycée papa

Au lycée Papillon

 

 Papa n’avait pas eu le loisir de décrocher le si convoité, si mérité certificat d’études, mais, dans les très nombreuses lettres que j’ai gardées, rares sont les fautes d’orthographe, en tout cas pas un seul accord de participe défaillant ! 

 Les quartiers des grandes villes et leurs proches banlieues vivent de la même façon et au même rythme.

 Moyennant un petit supplément, le boulanger, le laitier, envoient leurs commis livrer porte à porte, surtout pour les femmes qui restent coincées à surveiller leur marmaille ; la carriole à cheval du marchand de pains de glace passe pour les "nantis qui ont une glacière ; pour le réfrigérateur, ce sera pour plus tard, dans 30 ans.

 Il faut avoir l’oeil pour ne pas laisser se gâter la nourriture achetée pratiquement au jour le jour, en marchandant ferme avec la marchande des quatre saisons.

 

 J’ai gardé en mémoire les cris distincts des petits artisans ambulants : Les  "Gué-é-eill'!" (chiffons, ferraille), "Vitriiiier !!!", "Rémou-ou-leur", et la vieille du passage qui faisait son petit loto personnel où l’on pouvait gagner jusqu’à une bourriche d’huîtres de Marennes ou une oie. 

 C’était le temps de la promiscuité avec les "murs" qui laissaient passer tous les bruits et les odeurs aussi. Une salle de bains ? personne, je dis bien personne n’en possède l’ombre d’une à deux kilomètres à la ronde.

 

 Cependant, si l’on excepte la période de l’Occupation où tout le monde s’est gelé et à dansé devant le buffet, je n’ai eu ni faim, ni froid, veillé, surveillé, cajolé par des parents désireux d’éviter à leur enfant la cruelle jeunesse qui fut la leur. 

 Ce n’était pas un quartier pour chienchien ou matou à sa mémère, mais tout le voisinage avait ses chats qui vivaient leur vie dans les jardinets et sur les toits. Ça nous envahissait de puces, mais c’était efficace contre les souris et même les gros bras qui pullulaient dans ce coin, si peu salubre qu’on a fini par le raser.

 

Ces Bibi, Pépin et autres Moustic ont été les grands amis de toute mon enfance.

On parlait d’eux  comme s’ils étaient des membres de nos familles - ce qu’ils étaient !

 

Aujourd’hui, c’est Zizou qui tient la vedette. En bon chat qui se respecte quand il n’est pas d’humeur à être caressé ; à d’autres moments, quand je lis, il vient un peu pétrir ma poitrine et ronronner à son aise.

 Alors j’ai dix ans...

 

 Les enfants avaient la rue pour seul terrain de jeux, hiver comme été.

Ils ne s’en plaignaient pas, au contraire ; et ce n’était pas deux voitures à gazogène par jour qui pouvaient perturber la pleine possession de leur territoire.

C’est là que se déroulaient toute sorte de luttes, que se formaient et se défaisaient tous les clans à coup de bataille rangées, de duels singuliers, de bouderies, de complots, de rivalités, d’alliances éternelles qui pouvaient durer jusqu’à deux semaines.

 C'est là qu'on devenait tour à tour gendarme, cow-boy, espion, indien, corsaire, grenadier de la garde, champion de tout un tas de trucs.

 C’est là qu’on devenait tour à tour gendarme, cow-boy, espion, indien, corsaire, grenadier de la garde, champion de tout un tas de trucs ; c’est là qu’on oubliait de ne pas abîmer nos chaussures en shootant dans n’importe quoi et qu’on déchirait nos vêtements, avec pour tarif quelques baffes des parents en plus des gnons récoltés au combat. 

 

 Les filles jouaient à la marelle, à l’institutrice, à la poupée, aux osselets, et aussi à un jeu de devinettes, "les métiers", dont je suppose qu’il avait cours partout : on dit la première et la dernière lettre et on mime les activités du métier à trouver. Celui sortait le plus souvent, c’était O - E, oto-rhino-laryngologiste ; ça faisait beaucoup d’effet...

  Les premières fois. Les garçons jouaient aux billes (les berles). Et à un autre jeu qui consistait à faire parcourir le long des trottoirs, par pichenettes, une boîte de cachous vide.

 

 Les parents de Jacky Laprade ou de René Rodriguez acceptaient de fermer leurs volets un bon moment pour qu’on joue à la pelote contre le mur de leur maison à un étage, à condition que ce soit avec une balle propre pour ne pas salir le mur.

 Les tournois étaient très suivis et c’était une bonne occasion d’épater les filles, sans faire nos intéressants à dire des grossièretés pour montrer qu’on était de la vraie graine d’hommes. 

 Ce n’est pas la fortune chez les Iglesias, il s’en faut de beaucoup, mais les fins de mois deviennent un peu moins difficiles ; sans faire de folies, on peut - enfin ! - se payer cet objet tant convoité, ce petit meuble magique qui prendra de plus en plus de place, dont on ne pourra plus se passer et qui se met à trôner jusque dans les foyers les plus modestes : le poste de TSF

 Par la radio un nouveau style va se dessiner. Le ton change.

On peut sussurer, roucouler, comme Lucienne Boyer, "Parlez-moi d'amour, redites-moi des choses tendres" ; ou comme Jean Lumière avec son articulation et sa voix travaillée. 

 

 Passsent aussi à la radio : Saint-Granier, Johnny Hess, Lys Gauty, Suzy Solidor, Marie Dubas, Damia, Reda Caire, Guy Berry, Fred Adison et son orchestre.

Et Fernandel.

 Avec la radio, la chanson entre dans les appartements.

Les habitudes sont bouleversées. On se met à reconnaître la voix des gens célèbres jusqu’au fin fond du pays... Les commerçants l’utilisent pour faire de la "réclame" comme la Brillantine Roja :

 

La brillantine

La meilleur‘ la plus fine

Mais oui c’est la

Brillantine Roja ! (sur l’air de Quand un vicomte) 

 

Ou bien Levitan :

 

Bien l’bonjour m’sieur Levitan

Vous avez des meubles garantis longtemps.

 

Pour les amateurs : Les souvenirs de Marcel Amont ; Les tendres années de Marcel Amont ;  La libération de Marcel Amont

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Published by Régis IGLESIAS - dans Les souvenirs de ...
1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 20:13
Les souvenirs de Wolinski

"Lettre ouverte à ma femme. Morceaux choisis :

 

Le soir, à peine entrés dans la chambre, tu mets tes bras autour de mon cou et ta langue dans ma bouche. Nous restons ainsi quelques secondes pendant lesquelles je remonte ta jupe par-derrière et te caresse les fesses.

Alors la jeune femme au regard sans mystère, à la coiffure sage, aux vêtements sans ostentation, la parente d'élève irréprochable, la fille affectueuse, la tante aimée, la mère attentive, la charmante voisine, la première levée, la dernière couchée, la reine des confitures de myrtilles, celle qui lave plus blanc, la championne du bigoudi, la buveuse d'infusions, la traqueuse de poussière, la parfaite maîtresse de maison...

 Mais aussi celle que j'ai connue vierge sortant du couvent, l'ange du foyer devient une créature du diable, brûlante, palpitante, ardente, succulente, exigeante, déchaînée, experte, cochonne, insatiable, impudique, obscène, geisha, salope, qui murmure des mots trop gros pour sa bouche, qui me supplie de lui dire ce que je fais et de lui faire ce que je n'ose pas lui dire et de lui décrire ce que je n'ose pas lui faire.

Dans un miroir placé à la tête du lit comme par inadvertance, elle cherche le meilleur exemple pour contempler nos deux corps soudés et luisants.

Et elle me supplie encore de la prendre comme Emmanuelle dans l'avion, comme O à Roissy, comme la femme-biche par l'homme éléphant dans le Kama Soutra, comme Eugénie par Dolmancé dans La Philosophie dans le boudoir, comme Fanny Hill par Charles, comme Pierre Louys par Ricette, Lili Teresa et Charlotte, comme Léda par le Cygne.

En général, je me réveille avant la fin de ce rêve d'un phallocratisme dégoulinant.

On a les fantasmes qu'on mérite. Les miens sont relativement simples. Je ne suis pas très compliqué. Rêver que sa femme est mère et putain, c'est banal pour un homme. Vous avez sans doute raison d'appeler cela une oppression, une servitude et un avilissement.

Mais moi je me dis : quand on mange du poulet, se pose-t-on la question de savoir si le poulet aime être mangé ?

Dans le fond, et tu le sais bien, je m'ennuierais avec la femme que je viens de décrire, mais tant d'hommes préfèrent s'ennuyer plutôt que d'avoir des ennuis !

Je ne faisais jamais l'amour lorsque j'avais vingt ans. J'étais timide. Inexpérimenté, assez fauché.

On s'embrassait dans les surprises-parties lorsque les parents, qui n'étaient jamais bien loin, tournaient le dos. On se serrait en dansant. Je me demande ce que les filles pensaient de cette bosse dure que nous trimballions entre nos jambes.

Rarement, car c'était cher pour moi, je me payais une prostituée. J'allais dans une rue chaude et je passais et repassais. Sans conclure, parfois, si je ne trouvais pas la fille qui me convenait. j'étais plut^ot attiré par celles qui n'avaient pas troop l'air putain.

Les lèvres très fardées, le style Viviane Romance, les robes fendues en satin noir ultra-courtes me rebutaient. le coeur battant à tout rompre, j'accostais la pauvre créature et d'une voix entrecoupée lui demandais son prix.

C'était dix francs environ, ou quinze.

Dans la chambre, d'un sordide rassurant, je sortai mon billet préparé à l'avance. "Si tu me donnes un petit peu plus, je me déshabille", disaient-elles toujours.

Je m'y attendais. J'avais un autre petit billet dans la poche. "C'est tout ce que tu as ? Tu ne veux pas qu'on reste un quart d'heure ? Je te sucerai bien."

Voyant mon embarras, elles n'insistaient pas et commençaient à me laver soigneusement un sexe pas très vaillant au savon de Marseille.

Ensuite, elles me désigbnaient l'inévitable dessus de lit à fleurs sur lequel je m'étendais, gardant mes chaussettes lorsqu'elles n'étaient pas trouées.

Elles se fourraient mon sexe dans la bouche et m'infligeaient une fellation aussi énergique que distraite. Lorsque j'étais rigide, elles se couchaient, écartaient les jambes et me disaient d'une voix impatiente. "Alors, tu viens ?"

Je venais. Et en trois coup de reins c'était terminé. Ensuite, j'étais pressé de partir. Je me retrouvais dehors, une petite fatigue dans les jambes. Assez cafardeux, sans un sou sur moi. Il ne me restait plus qu'à rentrer chez moi.

Là, las, dans mon lit, je déversais mon sperme dans un mouchoir que j'avais sournoisement préparé à cet effet et glissé sous le matelas.

 

La suite ? j'ai eu pas mal d'aventures. mais si je parle autant de ma sexualité, c'est certainement que j'y prends du plaisir. peu importe si ce plaisir est sain ou malsain, le plaisir, c'est le plaisir. Et je déplore que nous n'ayons pas le temps ni le loisir de nous aimer mieux et plus souvent.

Pris que nous sommes dans le "tourbillon de la vie quotidienne". Si j'ai le courage et l'impudeur d'avouer tout cela, c'est que je reste persuadé que c'est le lot de la plupart de mes concitoyens.

faire l'amour au moment où on en a vraiment envie et dans de bonnes conditions, c'est une aventure exceptionnelle.

 Un souvenir inoubliable.

 

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Published by Régis IGLESIAS - dans Les souvenirs de ...
30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 23:00

a2cccb04"Un récit - éblouissant ! - d'Annette Muller. Morceaux choisis :

 

"Le dimanche, c'était jour de fête.

Il y avait dans la maison une odeur chaude de gâteau au chocolat et à la canelle qu'on prenait avec le café au lait ou le Banania.

 Ma mère installait devant le poêle une grande baignoire de zinc où nous plongions deux par deux. Elle nous savonnait vigoureusement avec du savon de Bébé Cadum en nous chantant Ramona tandis que mon père nous enveloppait dans des serviettes tièdes.

 Après le bain mon père s'asseyait sur le canapé pour le cérémonial habituel de la famille.

Nous l'entourions tous quatre, accroché à son dos, son cou ou assis sur ses genoux.

 

 Plus tard, maman nous emmena aux douches municipales. Nous traversions la place où parfois tournoyaient les manèges, countournions la fontaine où coulait un mince filet d'eau.

Nous entrions à cinq dans la cabine fumante. Ma mère, en maillot de bain, nous frictionnait en fredonnant, sans tenir compte de nos protestations.

 De partout fusaient les chants joyeux et sifflements repris de cabine en cabine.

C'est dans les douches municipales qu'on apprenait la dernière rengaine en vogue.

Les cheveux mouillés, frais, rouges et propres, on rentrait à la maison revêtir nos habits du dimanche.

Je me souviens aussi des batailles de pelochons avec mes frères. Je me souviens aussi qu'on jouait au nain jaune.


Le dimanche après-midi, mes parents faisaient la sieste.

Nous restions à jouer dehors, rue de l'Avenir. tous les gosses du quartier venait s'y retrouver. Nous passions de longs moments assis sur le trottoir, à enfiler des perles minuscules pour en faire des colliers. On faisait aussi des avions et des cerfs-volants en papier.

 La rue de l'avenir était bruyante et animée. Nous y dessinnions des marelles, et les boites rondes et plates de pastilles vides qu'on poussait du pied résonnaient sur les gros pavés.


 On entendait souvent le cri du vitrier "Vitrier ! Vitrier !" qui portait des carreaux sur son dos, ou du "Marchand d'habits... chiffons !" traînant sa carriole autour de laquelle se pressaient les ménagères, ou encore du remouleur actionnant rapidement sa roue sous les couteaux et les gros ciseaux du tailleur que nous lui apportions.

 Mais ce que nous préférions, c'était les chanteurs des rues, hommes à l'aspect triste, femmes au corps flasque, aux vêtements usés et sales, qui chantaient des complaintes lugubres devant les fenêtres fermées.

 Peu à peu, les fenêtres s'ouvraient et les piécettes pleuvaient sur le trottoir, aussitôt ramassées et enfouies au fond des larges poches.

"Merci, msieur-dames", disaient les chanteurs des rues quand la récolte était bonne, et ils s'en allaient tandis que les enfants reprenaient la complainte d'une voix claironnante.

 

 Mon premier souvenir est très lointain. Nous habitions à Paris. Le jour du déménagement, j'avais enfermé mon frère Michel dans le tiroir du bas de l'armoire. On avait mis longtemps à le retrouver. J'espérais qu'ainsi caché, on l'oublierait. Je désirais surtout son biberon.

 Outre le bibeon de Michel, je jalousais aussi son landau. Le soir, je m'endormais m'imaginant couchée dans la poussette d'enfant et ma mère me berçant.

 

 J'aimais tendrement mon père. Etre sur ses genoux, dans ses bras. M'asseoir sur ses épaules quand nous nous promenions. Je ne voulais jamais le quitter. Même quand il allait aux cabinets, je le suppliais de me laisser entrer avec lui, avec mon petit pot.

 

 Le soir, ma mère se couchait un moment avec nous dans le lit de mes frères aînés. deux à la tête, trois au pied du lit. Elle nous racontait des histoires.

 Je l'admirais.

 Je revenais du marché avec elle, trottinant pour aller à son pas. J'aimais parcourir la ville avec elle, en serrant fortement sa main dans la mienne.

 Nous passions par la rue de Ménilmontant toujours pleine de monde. Sur le bord du trottoir, assises, on voyait des femmes, leurs gros seins nus sortis du corsage, donner à têter à des bébés goulus.

 Ma mère était belle, les cheveux noirs bouclés, le corps épanoui, la poitrine généreuse. Coquette, elle appréciait les robes élégantes, les bijoux. Mes camarades d'école avaient remarqué : "Comment se fait-il qu'avec une mère si belle, toi tu sois si moche !"

 J'étais, en effet, chétive et pâle.


Je ne mangeais pas assez. Et ma mère qui essayait de glisser la cuillère entre les dents serrées. "Tu verras, plus tard, tu auras faim, et tu regretteras. 

 Elle disait souvent "plus tard tu regretteras".

Elle arrivait même à me convaincre d'avaler une cuillerée quotidienne d'huile de foie de morue au goût et à l'odeur infects.

Avant de m'endormir, mes frères, s'amusant de ma crédulité, évoquaient des histoires horribles de fantômes qui allaient hanter mon sommeil.

 J'avais terriblement peur de l'orage. Mais un jour, ma mère m'enveloppa dans ses bras et m'obligea à regarder par la fenêtre, me montrant des éclairs étincelants qui traversaient le ciel. "Regarde commec 'est beau", disait-elle, da sa voix tendre et rassurante.

 

 Chaque semaine, portant un grand sa de linge, elle allait au lavoir. J'aimais l'accompagner. Les femmes s'interpellaient en étalant les chemises et les serviettes sur les planches à laver, brossant et tapant à grands coups, faisant sortir du linge une mousse crasseuse et savonneuse qui s'égouttait dans le bac où je trempais mes mains.

 Deux étages au dessous de nous habitait Berthe. Elle m'invitait parfois dans le logement aux meubles luisants, à l'odeur de cire. 

 

 Un dimanche de printemps, en famille, nous avons été déjeuner à la campagne.

Nous étions attablés à la terrasse du restaurant, couverte de feuillages et de glycines.

 Les rires jaillissaient de toute part. Quelqu'un s'exclama désignant ma mère : "Eh ! elle n'a pas peur de vider son verre !"

 Dans le brouhaha, je voyais mon frère dont la tête arrivait à peine au niveau de la table, attraper les verres à liqueur vides pour en explorer le fond d'une langue pointue et farfouilleuse.

 Puis nous partîmes jouer avec une grande fille à lunettes. Elle nous emmena jusqu'à un bouquet d'arbres où subitement, d'un ton autoritaire, elle exigea que, devant elle, nous baissions nos culottes. rouges et honteux mais n'osant désobéir, nous montrâmes à la fille impérieuse, moi mon pipké enfantin et Simon sa petite quéquette.


 Chaque soir de Noël, maman déposait un martinet aux fines lanières de cuir devant la cheminée et, au matin, il s'était envolé, subtilisé pendant la nuit par les mains habilent de mes frères.

 Ils étaient fameux les matins de Noël. Les chaussures regorgeaient de bonbons et de jouets. Nos friandises en main, nous nous mettions tous dans le grand lit de mes frères où les parents venaient nous rejoindre. Nous étalions nos trésors devant nous et procédions au tradittionnel échange de crottes de chocolat et des bonbons.

 Je me souviens que j'avais eu une poupée haute comme moi fermant les yeux et coiffée d'anglaises brunes. Je l'avais déjà appelée Marie-Claire. ma belle-poupée, que j'ai voulu plus tard emmener au Vel d'Hiv' et que les inspecteurs m'ont arrachée des bras.

 

 Quelquefois, j'accompagnais mes parents chez eux pour écouter la T.S.F. Je restais fascinée devant le gros poste que je croyais habité par des personnages minuscules.

 Le samedi soir, mes parents allaient au cinéma. Avant de sortir, ils nous faisaient toutes sortes de recommandations : "Soyez sages, ne faites pas de bruit."

 A peine la porte de la maison était-elle refermée qu'on ouvrait la fenêtre pour ameuter de nos cris les locataires. Certains se montraient, agitant de leur fenêtre un doigt menaçant. Enchanté nous redoublions de rires, encourageant Michel l'intrépide à soulever sa chemise de nuit pour exposer aux yeux du monde son derrière nu, rond et blanc. 

 "Qui veut voir mon cul !" criait-il joyeusement. 

 Les lendemains de cinéma, mes parents nous racontait le film vu la veille. Nous revivions avec elle chaque image. Maman imitait la voix des acteurs, ses yeux se mouillaient aux passages tristes. Elle nous fredonnait les mélodies qui lui avaient particulièrement plu.

 Elle chantait tout le temps.

J'entendais tôt le matin sa voix claire, roulant les r. J'aimais surtout quand elle chantait Yiddiche Mame.

 Quand elle ne travaillait pas, ma mère apprenait à monter à bicyclette. Elle déambulait sur la place du village, tombant, remontant sur son vélo, encouragée par les cris et les rires des villageois.

 J'étais gênée, je pensais qu'ils se moquaient d'elle. Mais ma mère, très à l'aise, regrimpait sur sa bicyclette, répondant aux rires et quolibets par des plaisanteries avec son fort accent où roulaient les r. ma mère ne parraissait jamais gênée. Quand elle avait décidé de faire quelque chose, elle le faisait toujours, à sa façon joyeuse et exubérante.

 Cette année-là, après une punition injuste de ma mère, j'ai voulu me tuer. J'avais entendu dire que lorsque la circulation du sang s'arrêtait, on mourait, aussi j'ai enroulé autour de mon poignet un élastique qui me fit enfler démesurément la main.

 Satisfaite, j'ai laissé traîner ostensiblement ma main sous les yeux de ma mère qui, s'apercevant de l'enflure, coupa l'élastique avant de me flanquer une paire de gifles qui me laissa les joues aussi cuisantes que le poignet.


 

 En 1939, à la déclaration de guerre, j'avais si ans. La place gambetta était remplie de monde. Une longue queue s'était formée devant la porte du bâtiment communal. Un à un, ls gens lisaient une affichette apposée sur la façade, soupiraient, s'exclamaient : "C'est la guerre ! C'est la guerre !" 

 Tout parraissait grave et solennel.

 On nous fit essayer des masques à gaz avec des gros tuyau qui donnaient aux gens un aspect effrayant. Je ne voulais pas y enfouir mon visage. J'étouffais là-dedans.

 

 Mon frère Jean m'a ensuite appris à écrire mon nom. Je ne me lassais pas de l'inscrire à la craie sur les murs des maisons. Après l'avoir été de mon père, j'étais maintenant amoureuse de mon frère. J'avais décidé que nous marierons plus tard, que nous nous quitterions jamais. "Mais non" m'a dit maman, à qui je confiais mes projets, "il est interdit de se marier entre frère et soeur".

 Ce fut mon premier chagrin d'amour.

 

 Dans la nuit de Noël 1939, Michel m'apprit que le père Noël n'existait pas. Il avait épié les parents pendant la nuit et les avait vu préparer les cadeaux et m'a réveillée doucement pour observer la scène.

 Michel, c'était la satisfaction de la famille. "Ce petit", soupiraient les gens à ma mère épanouie, "il ira loin !"

 Quand les boches sont arrivés, ils marchaient en cadence, chantant d'une voix vibrante. Ils allaient vers les enfants, nous caressaient les cheveux, offrant du chocolat, des biscuits, des bonbons. Nous leur courions après, heureux de leur venu au village. Ils avaient organisé des distributions de soupe et de victuailles, et on voyait la population du village, casserole à la main, faire la queue devant la caserne allemande.

 Un souvenir : Henri avait parié avec les gosses du village qu'il chiperait un missel et pisserait dans la travée, pendant la messe. Il l'avait fait, agenouillé gravement sur le prie-Dieu. Après cet exploit, il devint, parmi les enfants de saint-Bié, un héros admiré.


 A la sortie de l'école, les enfants venaient s'agglutiner contre la vitrine de la mercerie-confiserie où trônaient les bocaux remplis de réglisses, boules de gomme et bonbons multicolores. Nous guettions le veinard, muni de quelques sous, qui allait quitter la boutique et qu'on assaillait aussitôt.

 La rue Olivier-Métra était en pente. L'hiver, nous allions à l'école en faisant des glissades sur le trottoir gelé.

L'été nous dévissions les plaques d'eau des caniveaux, aspergeant à grands cris les gens qui passaient. Nous avions un un point de ralliement dans un immeuble en démolition où nous nous cachions parmi les pierres.

 Henri avait formé une bande dont il était le chef incontesté. On l'admirait pour sa force. j'étais la seule fille, mais Henri avait imposé ma présence. Nous courrions après les camions d'ordures, nous accrochant en grappe à la benne, lançant à la ronde "Au cul, les camions !" poursuivis par les flots de gosses du quartier.

Ou bien nous parcourions les rues, appuyant sur les sonnettes des concierges.

 Quand un garçon de la bande me bousculait, j'allais me plaindre à mon frère : "Henri, il m'a embêtée." Henri regardait l'autre de ses petits yeux vifs et noirs, collait son épaule contre celle du garçon, sifflant entre ses dents : "Tu vas laisser ma soeur tranquille, premier et derneir avertissement !" Le garçon, vaincu, abandonnait la lutte.


 Je me souviens que le jour de la fête des mères, nous avions préparé fièvreusement en classe des dessins et des poèmes. Je me souviens aussi que j'allais pour la première fois au cinéma voir Les trois Mousquetaires. terrée au fond de mon fauteuil, je voyais un personnage immense remplir tout l'écran. j'étais persuadée qu'il allait en sortir pour avancer sur moi. je poussais des cris perçants.

 On m'évacua.

 

 Peu à peu, l'atmosphère de la maison changeait. j'entendais "ticket, restrictions, manger". Dans la rue, il y avait des queues interminables devant l'épicerie, le boulanger, le boucher.

 On ne trouvait plus rien, ni viandeni oeuf, ou bien à des prix inabordables qui faisaient s'exclamer les ménagères.

Rue de Ménilmontant, chaque jour, une longue file de gens affamés venaient chercher la soupe distribuée par les Allemands qui avaient organisé dans une ancienne salle de réunions une cantine militaire.

 parfois, maman rapportait une pomme. Assise sur une chaise, elle nous réunnissait tous les quatre autour d'elle, râpait la pomme avec un couteau qu'elle nous donnait à lécher à tour de rôle. C'était frais et juteux. Il lui arrivait d'apporter une orange sanguine qu'elle partageait équitablement. "Si je n'aimais pas le goût acidulé, elle m'obligeait à l'avaler. "C'est bon pour la santé !" grondait-elle

A ce moment-là, Michel eut les oreillons. Ma mère lui offrait des prunes au sirop. Le léchais la cuiller de Michel espérant que j'attraperais sa maladie et qu'on me servirait, à moi aussi les prunes délicieuses.

Je me souviens aussi de voisins pauvres chez qui j'aimais aller. Ils mangeaient toujours des betteraves. Je trouvais magnifique cette couleur rouge-grenat brillante. Chez moi, on n'en servait jamais. Dans le logement étriqué régnait une grande dignité.

 Je me souviens surtout qu'à ce moment-là, nous sentions peser une menace.

On parlait des premiers camps, des rafles de juifs dans le XIème arrondissement, organisés apr les Allemands. Nous les enfants, nous ne comprenions pas la signification du mot camp.

 Je me souviens enfin d'Elie. c'était un beau et joyeux garçon. le coq du village. Avant de partir, il a sifflé une fille qui passait, lui donnant rendez-vous pour le soir. Ce fameux soir, il était fusillé.

 Quand mon père était à la maison, ma mère reprenait sa bonne humeur. elle chantait en faisant le ménage "Ah quel émoi, lorsque je vois mon parradis perrdi !", chanson extraite du film Paradis Perdu, dont elle nous avait raconté longuement les détails émouvants.

 Dans la rue, les enfants inscrivaient sur les murs à la craie M.B.B.S.T.B.A., mille bons baisers sur ta bouche adorée. On fredonnait sur l'air de Lily Marlene "devant la caserne, un soldat allemand pleurait à chaudes alrmes, comme un petit enfant, je lui demande, eh bien qu'as-tu, il me répond nous sommes foutus, on a les Russes au cul !".

 On chantait aussi : "On n'a jamais vu ça, Hitler en pyjama, Mussolini en chemise de nuit et Daladier dans le saladier."

Il y eut alors les premiers bombardements et les alertes.

 

 Pendant l'été 1941, mes parents nous ont envoyés en vacances, à Bonnières, dans un hôtel-restaurant au bord de la rivière. Nous aidions la patronne à servir à boire aux mariniers qui venaient nombreux au comptoir. Elle nous fit goûter des escargots à l'odeur aillée. Avec l'aiguille, nous enfoncions profondément le mollusque dans la coquille, nous contentant d'éponger le jus brûlant avec la mie de pain.

 Nous jouions à l'intérieur, imaginant des aventures fantastiques de corsaires et de pirates. Mon père vint nous voir et nous emmena faire une promenade en barque sur la rivière large et paisible.

 C'était des moments heureux.

 

 Quand nous revînmes à Paris, l'étau s'était resserré autour des juifs. la bibliothèque du quartier nous était interdite. Puis au début de juin 1942, l'ordre a été donné aux juifs de porter des étoiles jaunes à six branches, cousues à leurs vêtements à l'endroit du coeur. Des étoiles qui avait été distribuées aux familles juives en échange de tickets textile. Des étoiles d'un jaune cru, avec le mot juif en lettres noires et tordues commed es flammes.

 J'étais inquiète, je craignais les réactions de mes copines de classe, j'avais vu à la récréation des filles en quarantaine parce qu'elles avaient des poux. les autres, formés en ronde, dansaient autour d'elles en se moquant cruellement : "Hou ! hou ! la pouilleuse !"

 J'avais constaté la cruauté des enfants pour celui qui était différent et qui devenait aussitôt le souffle douleur.

A l'école, plus personne ne m'adressait la parole et denis, ma meilleure maie, avec qui j'allais au patronage, ne vint plus chez moi et je ne retournai plus chez elle.

 

 Un jour que je marchais dans la rue, j'ai entendu une femme dire : "Vous vous rendez compte, un homme qui avait l'air si bien, si correct. Il a fait un mouvement, et sous sa veste, devinez ? J'ai aperçu l'étoile. Un juif ! qui l'aurait cru, il avait l'air si correct !" Et l'autre femme hochait la tête, marquant son approbation.

 En écoutant les deux femmes, j'ai eu conscience de ce qu'être juif comportait de sale, de dégradant, de honteux. Cette honte, je la ressentais dans la rue, quand les gens détournaient leur regard devant l'étoile qui nous marquait d'une tâche ignoble et puante. C'était donc ça, être juif ?

Bientôt, ce furent les vacances. le dernier jour de l'école, ma mère vint me chercher. J'étais contente, j'avais un prix que je lui montrais de loin. "A la rentrée, je saute une classe", annonçai-je en me précipitant dans ses bras. L'avenir m'apparaissait plein d'espoir. C'était les vacances, le soleil.

 Tout allait être merveilleux, et, dans quelques mois, j'aurais enfin dix ans. Tant de projets qui allaient se réaliser.

 

 Ils étaient 4 000 enfants juifs, en juillet 42, qui, comme moi, faisaient des rêves. 4 000 enfants juifs, mes compagnons de route, qui se réjouissaient de l'été, la tête emplie de projets et de promesses.

 Mes 4 000 compagnons du Vel d'Hiv', de Beaune, de Pithiviers, de Drancy. Partis en train pour un très long voyage. mes amis qui comme moi faisaient des rêves.

 Ils sont tous morts, tous morts, tous morts.


Pour les amateurs : Les souvenirs de la petite fille du Vel d'Hiv'  ;  La rafle du 16 juillet 1942

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23 janvier 2015 5 23 /01 /janvier /2015 18:34
Les souvenirs de Zappy Max

"Mes quitte ou double, morceaux choisis :

 

D'abord un mot de Louis Merlin : "Zappy révolutionnait les villes et le public criait spontanément des expressions comme La bise à Zappy et Vas-y Zappy ! qui devinrent des slogans ou des titres de feuilletons."

 

La suite ? "J'y va t-y ? J'y va t-y pas ? C'est parti... Mon Zappy !"

 

 C'était une jeune veuve que mon père avait rencontrée lorsque démobilisé, il était rentré en France après deux années d'occupation rhénane.

 "C'était un beau dimanche de printemps, comme l'a chanté Maurice Chevalier, le dancing du Grand Arbre, à Robinson, bruissait les flon-flons, des rires et de musique.

 Soudain, ils se sont trouvés face à face.

 Et si l'histoire ne dit rien quant à la robe blanche de la chanson, on peut parier sans crainte d'erreur sur le knickerbocker à carreaux de Maxime. Ne figurait-il pas parmi les fanatiques de la petite reine ? (la bicyclette bien sûr) Ne manquant jamais une randonnée dominicale."

 "Anne-Julia venait très rarement dans cette guinguette dont les tonnelles accueillantes, installées dans les branches du chêne centenaire, constituaient autant de nids discrets pour les amoureux.

 Sa peine encore présente, il avait fallu l'obstination de sa meilleure amie Henriette pour l'arracher ce jour-là à la tristesse.

"Je laisse à imaginer comment de valses en polkas, sur trois temps et en trois mouvements, notre sportif comptable sut trouver les mots qui touchèrent le coeur de la belle jardinière.

 Toujours est-il que le soir venu, le vélo relégué au fourgon à bagages dans le train bondé Robinson-Paris, il ne voyait qu'elle, elle ne voyait que lui. J'ouvre ici une parenthèse afin de souligner dans ma jeunesse cette rue de la Gaieté justifiant encore bien son nom.

 Bals et salles de spectacles y disputaient la place aux restaurants. Du boulevard Edgard-Quinet à l'avenue du Maine ce n'étaient que musique, rires et chansons.

Attention ! Roulez tambours ! Sonnez trompettes ! Ici, le "héros" entre en scène !

Le décor un petit logement de deux pièces avec cuisine et toilettes au troisième étage.

 

1925

Encore aujourd'hui, ce millésime est resté gravé dans tous les esprits. L'influence de l'exposition Arts Décos, la libération des corps féminins par le couturier Poiret et surtout l'éclatement de la musique de jazz ont fait de cette année-là le véritable An I du XXème siècle.

 Mes souvenirs personnels sont encore très vifs.

 

En cet été 25, la famille Doucet passait ses vacances à Pornic, ravissante station balnéaire du littoral atlantique. Et là...

Une de nos voisines de cabines s'est révélé rapidement une cible idéale. Je me souviens aussi de l'apparition d'une sucette illustrée par un Pierrot aussi hilare que gourmand.

1925 où une jeune beauté noire scandalisera les spectateurs par ses seins nus et son pagne de bananes impudique.

 Josephine Baker.

 

 La suite prochainement.

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22 décembre 2014 1 22 /12 /décembre /2014 20:16

a2cccb04"Un petit homme tiré à un exemplaire.

 

 D'abord un mot de Vincent : "Sur les 4000 chansons, il y en a au moins 450 qui ont bien réussi, et même qui ont été chantées au coin des rues avec deux guitares et un accordéon.

 Finalement, il en reste une cinquantaine qui ont fait le tour du monde et qui sont traduites dans toutes les langues.

 Et sur ces cinquante, il y en a six - et peut-être sept - que tout le monde connaît : les peintres les chantent au bout de l'échelle, les maçons sur l'échafaudage, et les amoureux le dimanche au bord de la Marne. Mais si je n'en avais pas fait quatre milles, je n'aurais pas fait celles-là."

La suite prochainement.

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Livre d'or

Première affiche

 

  "MA MAMIE M'A DIT"  

Spectacle nostalgique 

 

"On nous avait promis la magie, promesse tenue : un spectacle plein de féérie de souvenirs où chacun se retrouvait. Une belle énergie. Les résidents ont adoré. Merci." Marie ("La Clairière de Luci" - Bordeaux)
 
"Formidable ! Nous sommes tous remontés dans le temps, nous avons vingt ans, on a ri, on a presque pleuré et surtout on a chanté. Merci." Cathy (Arles)
 
"Un véritable petit chef d'oeuvre" ; "La légion d'honneur pour la créativité" "Un véritable artiste" ; "Après-midi formidable" ; "Absolument parfait" ; "Une rétrospective originale" ; "Un très bon moment d'évasion". Propos recueillis à la résidence Emera d'Angoulême  
 
"Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux... C'était magnifique. Nous avons revu toute notre jeunesse et notre enfance. Et c'est beau de redevenir jeune dans l'ambiance d'autrefois." Aimée et Janine
 
"Les chansons, les réclames et les anecdotes ont transporté les résidents dans leur enfance. Une après-midi de nostalgie mais aussi de chansons et de rires. Merci encore pour ce magnifique spectacle." Sandrine
 
"Spectacle complet, tellement agréable et thérapeutique pour nos personnes âgées, encore félicitations !" Docteur Souque
 
"Un choix extraordinaire de chansons, des moments magiques, des photos magnifiques, vous nous avez mis de la joie dans le coeur. Et retrouver sa jeunesse avec tous ces souvenirs, ça fait plaisir et j'espère que vous reviendrez nous voir." Mme Lorenzi (Juan-Les-Pins)
 
"Pour ma fête, par un pur hasard je me suis retrouvé dans un club de personnes âgées où j'ai pu assister à votre spectacle sur le passé. Cela m'a rappelé mes grands-parents et mes parents et c'était vraiment un moment magique." Josette, La Roque d'Antheron
 
"Bravo bravo bravo Regis, c'est le meilleur spectacle que j'ai vu depuis que je fais le métier d'animatrice." Bénédicte La Salette-Montval (Marseille)
 
"Je n'imaginais pas lorsque je vous ai accordé un rendez-vous que vous enchanteriez pendant 1 h 1/4 les personnes âgées d'une telle façon. Merci pour votre prestation qui a fait revivre les moments publicitaires, évènementiels et musicaux de leurs vies." Michelle, CCAS de Toulouse
 
"Un super voyage dans le temps pour le plus grand plaisir des résidents. Merci à Régis pour cette magie et à bientôt." Brigitte (Lunel)
 
"Enfin un retour à notre "époque". Quel bonheur, que de souvenirs, quelle belle époque ou l'amitié était de mise. Merci pour cette très belle après-midi, on s'est régalé avec ce très très beau spectacle". Danielle (Mirandol)
 
"Super - divinement bien -  tout le monde était enchanté même que M. Benaben a dit : "Vous nous avez donné l'envie de revivre notre vie"." Sylvie (Sainte Barthe)
 
"Un grand merci pour ce bon moment et je crois, je suis sûre, qu'il a été partagé par mon mari." Mme Delbreil
 
"Une féérie de l'instant." Christian
 
"Beaucoup d'émotion dans ce spectacle plein de chaleur et d'humanité." Sylvie
 
"Une soirée inoubliable. Continuez à nous émerveiller et faites un long chemin." Claude
 
"Le meilleur spectacle que j'ai jamais vu. De loin." Tonton Kiko
 
"C'est bien simple, je n'ai plus de Rimmel !" Claudine (seconde femme de Tonton Kiko)
 
"A ma grande surprise, j'ai versé ma larme. Tu as atteint mon coeur. Bravo pour ces sentiments, ces émotions fortes, j'ai eu des frissons par moment." Ta couse Céline
 
"Redge, encore un bon moment passé en ta présence. On était venu plus pour toi que pour le spectacle, mais quelle agréable surprise ! On est fier de toi, continues d'oser, de vivre !" Pascale
 
"J'avais froid, un peu hagard, l'humeur moribonde et puis voilà, il y a toi avec toute ta générosité, l'intérêt, l'affection que tu as toujours su apporter aux autres, à moi aussi et Dieu sait si tu m'as rendu la vie belle depuis qu'on se connaît comme tu as su le faire une fois de plus." Jérôme
 
"Ce spectacle est nul à chier et je pèse mes mots." Gérard
 
memoria.viva@live.fr

Ma Mamie m'a dit...

Madka Regis 3-copie-1

 

COLLECTION "COMEDIE"

Mamie est sur Tweeter

Mamie n'a jamais été Zlatanée !

Mamie doit travailler plus pour gagner plus

Mamie, tu l'aimes ou tu la quittes

"Casse-toi pauvre Régis !"

Papi a été pris pour un Rom

Mamie est sur Facebook

Papi est sur Meetic

Il y a quelqu'un dans le ventre de Mamie

Mamie n'a pas la grippe A

La petite maison close dans la prairie

 

COLLECTION "THRILLER"

Landru a invité Mamie à la campagne...

Sacco et Vanzetti

Mamie a rendez-vous chez le docteur Petiot

La Gestapo française

Hiroshima

 

COLLECTION "SAGA"

Les Windsor

Mamie et les cigares du pharaon

Champollion, l'homme qui fit parler l'Egypte

Mamie à Tombouctou

 

COLLECTION "LES CHOSES DE MAMIE"

Mamie boit dans un verre Duralex

Le cadeau Bonux

Le bol de chocolat chaud

Super Cocotte

Mamie ne mange que des cachous Lajaunie

 

COLLECTION "COUP DE COEUR"

Mamie la gauloise

Mamie roule en DS

Mamie ne rate jamais un apéro

Mamie et le trésor de Rackham le Rouge

 

COLLECTION "DECOUVERTE"

Mamie va au bal

La fête de la Rosière

Mamie au music-hall

Mamie au Salon de l'auto

 

COLLECTION "SUR LA ROUTE DE MAMIE"

Quand Papi rencontre Mamie

Un Papi et une Mamie

Mamie fait de la résistance

Mamie au cimetière

24 heures dans la vie de Mamie

 

COLLECTION "MAMIE EXPLORE LE TEMPS"

Jaurès

Mamie embarque sur le Potemkine

Mamie et les poilus

Auschwitz

 

COLLECTION "FRISSONS"

Le regard de Guynemer

Mr et Mme Blériot

Lindbergh décroche la timbale

Nobile prend des risques

 

COLLECTION "MAMIE EN BALLADE"

Mamie chez les Bretons

Mamie voulait revoir sa Normandie !

La fouace Normande

La campagne, ça vous gagne...

Mamie à la salle des fêtes

Launaguet

La semaine bleue

Le monastère

 

COLLECTION "MAMIE AU TEMPS DES COURTISANES"

Lola Montès

Les lorettes

Mme M.

Napoléon III

Plonplon

La marquise de Païva

Mme de Pompadour

Générique de fin