"LE SOUVENIR EST UN POETE, N'EN FAITES PAS UN HISTORIEN."
- Recommandation de Mamie -
"La petite Tonkinoise.
Les années folles ne le seraient pas sans la démesure de Josephine Baker, tout droit venue d’Amérique.
Au commencement, le public de Paris ne voit d’elle que sa croupe, "une croupe qui rit", selon le bon mot de Simenon.
Elle a 19 ans lorsqu’elle apparaît au public français à quatre pattes et nue comme un ver.
La revue nègre vient de débarquer en France.
Freda Josephine Mc Donald est née dans les bas-fonds du Missouri avant d’épouser à 13 ans Willie Wells, un ouvrier fondeur qu’elle quittera après lui avoir fracassé une bouteille sur la tête.
A 15 ans, elle se lie à un M. Baker dont elle gardera à jamais le patronyme mais fuira vite sa compagnie.
A Broadway, elle présente ses danses métissées, un charleston très vitaminé audacieusement teinté de gesticulations africaines.
La revue nègre invitée à Paris est un spectacle sage. Trop sage aux yeux du directeur du théâtre.
Finalement, la veille de la première est ajouté un tableau plus piquant, la danse sauvage, dans lequel la jeune Joséphine, nue et couverte de plumes, esquisse un charleston endiablé.
La nudité, les bondissements de la danseuse ont de quoi choquer le public ; pourtant le caractère inédit de sa performance fait d’elle la nouvelle attraction de Paris.
Les cubistes tombent en pamoison devant la plastique de la jeune femme et l’extravagance de son art.
Désormais, dans les bals, dans les salons, on s’exerce avec passion au charleston.
Ces mouvements acrobatiques empruntés aux danses noires africaines sont nés à Charleston, en Caroline du Sud, quelques années plus tôt. Elle présente ensuite La folie du jour aux Folies-Bergère : pour l’un des 45 tableaux du spectacle la voici juste parée de perles et d’une ceinture de 16 bananes.
Pour un autre, elle se retrouve dans une boule incrustée de fleurs. Du jamais vu ! Auréolée de ce triomphe, elle se voit conviée au Casino de Paris par Henri Varna. L’homme offre - comble de l’érotisme - un léopard à sa protégée.
Paris ne parle que de ça !
Le public joue à s’effrayer, redoutant de voir paraître l’animal sur scène et déplorant aussi de ne l’avoir point vu. Joséphine entretient sa légende dans ce Paris où l’Afrique et animaux sauvages signifient tant de fantasmes.
Ne dit-elle pas, à raison peut-être, qu’elle a appris à danser en observant les animaux du zoo ?
Passée meneuse de revue, elle se met à chanter. Avec J’ai deux amours, Joséphine signe son pacte d’amour avec Paris. Si la petite Tonkinoise est l’un de ses plus grands tubes, elle n’a de cesse de chanter Paris.
"Je me suis sentie libérée à Paris", dira-t-elle religieusement.
Par la suite, elle fera preuve d’humanité en devenant un agent de renseignement dès 1939, au commencement de la seconde guerre mondiale, ainsi que la marraine de la Croix-Rouge.
Sa popularité et sa respectabilité sont telles que le nazi Goering, ne se risquant pas à l’arrêter, la fait confier à un dîner où l’on tentera de l’empoisonner.
L’héroïne, digne d’un roman d’espionnage, doit quitter la France pour le Maroc où elle oeuvrera au sein des services de renseignements de la France libre puis de l’armée de l’air.
Elle a tant fait pour la France, la tolérance et la liberté, qu’elle sera la première femme d’origine américaine à recevoir lors de ses funérailles les honneurs militaires français.
Elle repose aujourd’hui au cimetière de Monaco, la princesse Grace ayant été l’une de ses plus chères amies.
Rideau.
"Comme dessert, je t'paye le caf’ concert"
Le caf conc' prend le relais du cabaret.
Ici on ne fait pas dans la dentelle, on sort la grosse artillerie pour satisfaire un plus large public : défilent le comique croupier, le chanteur de charme, les voix lyriques, les gigolettes ou pierreuses, ces jeunes filles délurées aux refrains coquins... sans oublier les diseuses et les gommeuses, un comique paysan, un chanteur régional, des danseuses peu vêtues et les goualeuses comme on nomme ces interprètes sombres faisant leur beurre des malheurs de quelque cousette ou fleur de macadam.
Ici, pas question de payer un billet, on est seulement prié de renouveler ses consommations entre les numéros. Le plus souvent, on prend le spectacle en cours tandis que les artistes se relaient dès la fin de l’après-midi et jusque tard dans la soirée.
On boit, rit et parle fort...
Le sam’di soir, après l’turbin
L’ouvrier parisien
Dit à sa femme :
"Comme dessert, je’te paie le café-concert..."...
... chante Mayol dans Viens Poupoule. Un titre qui bat tous les records de petits formats, ces partitions bon marché des rengaines à la mode.
Après des débuts difficiles à Marseille et Toulon, sa ville natale, le très cocasse Félix Mayol a enfin rendez-vous avec le succès. Ses refrains, A la cabane Bambou, La Matchiche où encore Elle voudrait des petits gâteaux se répandent dans toute la France et sa renommée est telle que même Charlie Chaplin se presse pour venir l’écouter.
Autre tête d'affiche du café-concert, le grand Polin.
On ne saurait trop le dire
Ce comique est très malin
On ne peut pas ne pas rire
Quand toi-même ris, Polin dit un célèbre quatrin.
Il deviendra vedette à ma Scala où il tiendra l’affiche pendant vingt ans.
Entre la boiteuse du régiment, La balance automatique et la caissière du grand café, naît la petite tonkinoise, une chanson qui rencontrera un succès encore plus immense portée par la gouaille de Josephine Baker.
Au départ, elle s’appelait pourtant El Navigatore... C’est un certain Vincent Scotto, compositeur débutant, qui la lui a proposée lors de l’un de ses passages à l’Alcazar de Marseille. Vincent Scotto aux quatre milles chansons dont Brassens dira : "Je leur laisse tout Wagner pour une chanson de Vincent Scotto."
Je ne suis pas un grand actore
Je suis navi, navi, navigatore
Je connais bien l’Amérique
Aussi bien que l’Afrique
J’en connais bien d’autres encore
Mais de ces pays joyeux
C’est la France que j’aime le mieux.
Si Polin apprécie immédiatement cette mélodie, il apprécie moins ses paroles. Il confie à Henri Christiné le soin de lui en concocter de nouvelles. Ce sera La petite Tonkinoise.
Tous ces rois du caf’conc’ sont les héritiers de la première star du genre, Paulus. Il sillonne la France pour finalement monter à Paris où il se taille d’bord une solide réputation dans l’art de la romance.
Sur scène, il gesticule, pirouette, gambade, claudique et bondit comme un lièvre, surprenant son auditoire en mêlant répertoire fantaisiste et bluettes.
Je me rapapillotte. Je me rapapi papillote toujours
Je me rapapiu paillotte
Toujours avec Charlotte
Je me rapapa pa pi pa pi pa pi pa pi
Je me rapapillotte
L’auditoire est littéralement étourdi ! Et ses tournées le mène aux quatre coins du monde. L’un de ses coups de sang entrera dans les annales de la chanson...
En effet, en plein spectacle, il affubla de quelques noms d’oiseaux un spectateur très désinvolte qui osait lire son journal tandis qu’il chantait.
Après une vie de fastes et de gloire, un ultime revers de fortune le condamne à une fin de vie misérable dans un bien sinistre meublé de Saint-Mandé où il meurt en 1908, à 61 ans.
Rideau.
"Caroline Chérie.
Hiver 53-54. Son lourd cartable sur le dos, Papi rentre chez lui. Sur le chemin, il s'arrête rituellement devant le cinéma Le Lido qui expose quelques photos du film de la semaine. Cette fois, une des images le fascine. Dans un décor renaissance, une femme est allongée, nue, entourée d'hommes dont l'un verse le contenu d'une carafe de vin sur sa poitrine sans voiles. Une scène d'orgie devant laquelle Papi, un peu gêné, va se planter chaque jour, jusqu'au remplacement - hélas ! - de ces photos par celles du film suivant. On ne lui aurait sans doute pas permis d'aller voir Lucrèce Borgia, et la si troublante Martine Carol, dont le seul nom fait danser de drôles de lueurs dans le regard des hommes.
Et c'est peut-être mieux ainsi : "Le lecteur érotique, écrira Papi des années plus tard à un ami, c'est l'adolescent qui lit un livre sous la couverture. Les mêmes lignes perdent leur pouvoir érotique le jour où les grandes personnes disent : "Tiens, tu es assez grand, tu peux lire ça." Il n'empêche, Papi aurait bien aimé être assez grand pour voir ça ! Comme son père avait été "assez grand" pour découvrir Edwige Feuillère effeuillée dans la version d'avant-guerre.
Martine Carol ! Pour les mères de famille, elle est une diablesse, une pin-up dévoreuse de maris. Surtout depuis son rôle non moins leste dans Caroline Chérie, adaptée du best-seller de Jacques Laurent. "Vous êtes mon interprète idéale", lui avait dit l'écrivain, aussi bon connaisseur en femmes qu'en littérature. Au cours d'un cocktail, les producteurs du projet demandèrent alors leur avis à quelques journalistes spécialisées. On vota. Martine fut désignée à l'unanimité. C'est ainsi qu'elle fut Caroline, une Caroline offrant au public une plastique sans faille. Bref retour en arrière sur son parcours :
Au début de la guerre, elle est inscrite au cours Simon à Paris et commence à courir les auditions. Des figurations. Un pseudonyme suggéré par François Perier qu'on ne présente plus. Des petits rôles dont un dans Miroir avec Jean Gabin qui, quelques nuits durant, essaie d'oublier dans ses bras sa liaison avec Marlene Dietrich. Elle est jolie, de la tête aux pieds, en joue et en rajoute. En 1947, du pont de l'Alma, elle se jette dans la Seine... sous les yeux du chauffeur de taxi qui l'a (professionnellement) prise, et qui l'a sauve de la noyade. Elle aurait voulu mourir parce que l'acteur Georges Marchal lui préférait une autre actrice, Dany Robin. Il n'y a pas de mauvaises raisons pour se jeter à l'eau, après tout.
Seulement voilà, tous ne semblent pas convaincus par cette version et penchent pour le coup publicitaire : "Dites-nous, Martine, demande un journaliste, avez-vous eu les pieds mouillés ?" Le fait est qu'elle s'est en tout cas fait mousser, et le théâtre où elle joue La route du tabac doit chaque soir refuser des spectateurs venus voir "la suicidée du pont de l'Alma". Tout ce tapage fait de belles couvertures de magazine. D'autant que ses décolletés sont - d'après papi -, des plus photogéniques et qu'elle a appris à les mettre en valeur.
Comme lors de son mariage à Monaco avec le Texan Steve Crane, ex-époux de la splendide Lana Turner. Ce jour de septembre 1949, les fonctions officielles et la nature humaine du maire de Monaco ont dû s'entrechoquer. Notamment au moment de la signature, lorsque dans l'axe du porte-plume tenu par une Martine Carol légèrement penchée, s'imposaient à ses yeux deux formes parfaites et bronzées, dans leur "présentoir" d'organdi blanc.
Elle a connu Steve aux Etats-Unis, où elle a accepté la proposition (professionnelle et lucrative) d'un autre Américain, propriétaire d'un grand cirque : "Vous êtes la plus belle femme, vous serez la reine de ma parade." Le magazine Life la place en tête de son classement du "charme français" des glamourous girls où elle devance d'une courte tête Danielle delorme, Simone Signoret, Geneviève Page et Françoise Arnoul.
Bref, on se l'arrache. Après Caroline Chérie, Lucrèce Borgia, Madame du Barry et Nana, elle est au sommet. "Quiconque n'a jamais assisté à son arrivée quelque part ne saura jamais ce que le mot "popularité" veut dire" s'enthousiasme Papi, conquis.
Je crois qu'on peut dire - sans peur de se tromper -, que Martine Carol est le premier amour de Papi.
Rideau.
"Destiné...
Amoureux de Sylvie Vartan et ami de Johnny, Jean-Jacques Debout était aux premières loges. Il raconte :
"Johnny s'est assis à côté d'elle. Le dîner a commencé. Ils ont apporté une soupe de légumes avec des petites pizzas. Johnny montrait la carte à Sylvie. Il s'occupait d'elle, il demandait "Un peu d'eau, Sylvie?" Je ne l'avais jamais vu si attentif.
Dès qu'elle le regardait, il devenait tout rouge.
Je voyais qu'il se passait quelque chose. Et je sentais arriver un évènement très douloureux pour moi. J'assistais, sans pouvoir l'empêcher, à ma propre défaite.
Ensuite, Johnny a proposé de finir la soirée au Whisky à gogo où on nous a apporté du champagne. Tout de suite après, Johnny a demandé à Sylvie : "Vous ne voulez pas danser avec moi ?"
On entendait un slow des Shadows.
J'ai ressenti une douleur indescriptible comme si quelque chose s'était brisé en moi. Quand le slow a pris fin, ils sont allé tous les deux au bar du fond et se sont assis sur des tabourets. Johnny a passé son bras autour du cou de Sylvie et ils ont repris du Champagne. A ce moment-là, j'ai cru devenir fou. Je suis parti par la sortie de secours car je ne voulais pas les croiser, je ne voulais pas les voir.
C'était la fin de mon histoire d'amitié avec lui et le début de son histoire d'amour avec elle...
Ma Mamie m'a dit qu'il connaissait l'histoire de leur rencontre, qu'elle n'était pas au Whisky à gogo mais qu'elle l'avait apprise dans les journaux...
Rideau.
"La bohème.
Nous sommes en 1946. En compagnie de Charles Trenet, Piaf se rend à l'enregistrement public d'une émission de radio. Un duo s'avance.
Le plus petit des deux, un Arménien, à l'appendice nasal des plus imposants, entonne Le feutre taupé. "Du premier rang jaillit un rire. Un rire particulier, énorme, riche, venant du ventre. Je regarde. C'est Piaf qui se marre. Elle est assise les cuisses écartées, le corps balancé en avant, la tête rejetée en arrière. La bouche ouverte, elle ressemble à une figure précolombienne", écrira Charles Aznavour. La prestation du tandem achevée, Piaf fend la foule et apostrophe Charles :
"Ça te casserait la mâchoire de venir me dire bonjour ?"
L'intéressé peine à rétorquer que la chanteuse renchérit déjà : "Quoi, t'es con ou j'te fais peur ? Peut-être un peu les deux".
Le ton est donné.
D'entrée, elle lui conseille de lâcher son complice. Elle lui paiera aussi sa rhinoplastie !
Le jeune chanteur a beau poliment expliquer qu'il doit se retirer que sa femme l'attend, Edith Piaf ne l'entend pas de cette oreille, elle alpague manu militari sa trouvaille du jour pour le ramener en son sérail rue de Berry pour un véritable examen de passage en bonne et due forme.
Quand elle lui demande pourquoi il s'habille en noir et qu'il répond que la crasse est moins visible, elle jubile.
Quand il relate l'intrépide ronde de ses galères d'apprenti chanteur, ses bals musettes et ses minables engagements, elle exulte.
Au matin pâle, Aznavour quitte Piaf.
Il se retrouve dans l'après-midi et voici qu'elle lui propose d'ouvrir ses spectacles avec les Compagnons de la chanson, le débutant commet une bourde magistrale lorsqu'il lui demande le montant du cachet. Elle lui adresse un flot d'injures :
"Bougre de con, minable gagne-petit ! T'as la chance de passer dans le spectacle de Piaf, et tu oses demander combien tu vas gagner. Tout Paris, tu m'entends, se traînerait à mes pieds pour passer avec moi dans mon programme !"
Ils partiront ensemble en tournée mais comme dit ma Mamie, il faut appeler un chat un chat et là, Aznavour a eut chaud.
Enfin, quand elle a besoin d'un secrétaire, c'est lui qu'elle embauche, "le petit génie" comme elle l'appelle, ou "le petit con", ou encore "le petit génie con" selon l'humeur du jour...
Les chansons qu'il lui présente, elle les refuse, y compris Je hais les dimanches dont Gréco fera un succès, à sa grande colère. Sa mauvaise foi est telle qu'elle lui reprochera même de ne pas lui avoir proposés ! Elle adoptera toutefois Jézébel qu'il a adaptée en 1951 d'une chanson de Wayne Shanklin.
Charles Aznavour n'a toujours pas atteint son étoile, pourtant il a le métier dans le sang...
Fils d'un cuisinier du tsar Nicolas II, son père, Misha Aznavourian, est chanteur baryton, sa mère, Knar, une actrice issue d'une famille de commerçants arméniens de Turquie.
Leur séjour en France ne devait être qu'un tremplin vers l'Amérique. L'attente se poursuit et le couple renonce aux feux de la rampe pour ouvrir un restaurant rue de la Huchette.
On y chante et danse jusqu'au bout de la nuit.
Il rencontre son complice Pierre Roche avec qui il compose J'aime Paris au mois de mai, un titre qui mettra plus de trente ans à trouver son public.
Et ce n'est qu'à Montréal que le duo rencontrera un beau succès.
Roche restera dans la Belle Province et s'y mariera. Quand Aznavour, lui, se présente au public parisien, c'est une volée de bois vert : on lui reproche son physique, sa petite taille, sa voix trop voilée...
"On m'a hué, envoyé des sous, des canettes de bière mais j'ai tenu...", se souviendra-t-il.
Néanmoins, les artistes se disputent ses textes : Eddie Constantine, Mistinguett, Gilbert Bécaud, Patachou, Philippe Clay... Au point que la presse écrit que "la France est totalement aznavourienne".
Il a trente six ans et est au bord de raccrocher quand enfin, le 12 décembre a lieu sa vraie grande rencontre avec le public, à l'Alhambra. C'est une chanson qui soudain inverse la vapeur, la septième de son tour de chant...
A dix-huit ans j'ai quitté ma province
Bien décidé à empoigner la vie
Le coeur léger et le bagage mince
J'étais certain de conquérir Paris...
Un frisson parcourt la salle, comme une compassion à l'égard de l'anti-héros.
La chanson pourtant n'est pas autobiographique, plutôt inspiré par la rencontre d'un jeune apprenti artiste dans une boîte de Bruxelles sur le coup des deux heures du matin. Il en faisait des tonnes dans son costume bleu électrique, il avait cru la gloire arrivée quand Aznavour avait poussé la porte. Tard dans la nuit, de retour à l'hôtel, Charles avait écrit la chanson d'une traite.
Après quinze années de chemin de traverse, c'est soudain la pleine lumière et les tubes qui s'enchaînent nombreux : Tu t'laisses aller, Les comédiens, La Mamma (plus d'un million de disques vendus), Et pourtant, For me Formidable et Que c'est triste Venise puis La bohème, une chanson issue d'une opérette, Monsieur Carnaval, dont il a composé la musique.
Georges Guétary, vedette du spectacle, ne pardonnera jamais à Charles Aznavour d'avoir aussitôt enregistré la chanson et fait le succès que l'on sait. C'était toute une époque, comme dit Mamie, un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître...
La suite ? Il va sillonner le monde.
La nostalgie, la jeunesse et l'insouciance égarées, les bonheurs contrariés sont le terreau de l'oeuvre d'Aznavour.
"Comment s'y prend-il, cet Aznavour, pour rendre l'amour malheureux sympathique aux hommes ? Avant lui, le désespoir était impopulaire. Après lui, il ne l'est plus", s'étonne Cocteau.
A 85 ans, Charles Aznavour, huit cents chansons derrière lui, poursuit une tournée d'adieux qui devrait le conduire aux quatre coins du monde dont à Toulouse en Novembre 2011. J'y serais. Avec ma Mamie.
Il aura été la seule erreur du Pygmalion Piaf qui jurait qu'il n'aurait aucune chance de devenir chanteur... Piaf ne poussait sur scène que ceux qui enflammaient son coeur, seul l'amour l'inspirait.
Le grand Charles n'aura pas été de ceux-là...
Rideau.
"Les belles années du music-hall.
Mamie est formelle. Pour elle, la chanson française a commencé avec Yvette, cette chanteuse qui a connu la gloire au Moulin-Rouge et a été immortalisé par Toulouse-Lautrec. "Le fiacre" ou "Madame Arthur" font parti de ses plus grands succès.
Il est amusant de noter qu'à cette époque les rôles sont plutôt clairement répartis entre les sexes : on laisse aux hommes le soin de distraire le public avec gouaille et légèreté, tandis que l'expression du malheur et de la souffrance est réservée aux femmes.
Berthe Sylva est une des premières grandes vedettes de cette tendance réaliste. Découverte par l'accordéoniste Léon Raiter, qui lui offre sa chanson la plus connue, "Les roses blanches", celle qu'on surnomme "la chanteuse larmoyante" devient une véritable star des années 30.
En 1929, elle enregistrera "Le raccommodeur de faïence" qui se vend en deux ans à plus de 200 000 exemplaires, un chiffre astronomique pour l'époque.
Sa carrière est émaillée d'anecdotes légendaires. Ainsi, en 1935, à l'Alcazar de Marseille, elle obtient un tel succès que le public arrache les banquettes de la salle et enfonce la porte de sa loge ! Mais la roue tourne : rattrapée par une vie de malheurs, qu'elle n'a cessée de chanter, Berthe Sylva meurt en 1941, seule, alcoolique et fauchée.
Et que dire de Marie-Louise Damien ? Après avoir connu la misère, puis des débuts difficiles, Damia se fait connaître du grand public en 1929 avec "Les goélands". Surnommée "la Tragédienne de la chanson", vêtue - sur les conseils de Sacha Guitry - d'une longue robe noire qui contraste avec se bras blancs dénudés. elle est à l'aise dans de nombreux styles, du musette comme "La guinguette a fermé ses volets", en passant par Verlaine ("Le ciel par dessus les toits") et ces fameuses chansons réalistes comme "J'ai l'cafard", "Je suis dans la dèche" et la superbe "Sombre dimanche" de 1936. Elle chante jusqu'en 1956, prenant sa retraite après un Olympia où elle accueille en première partie un débutant du nom de Jacques Brel. Elle meurt en 1978 des suites d'une chute dans le métro à 89 ans !
Fréhel, dont le nom est si souvent associé à celui de Damia, a connu une destinée réellement tragique.
Née Marguerite Boul'c en 1891, en Bretagne, elle débute dans les caf' conc' se faisant connaître dès 1910. Belle femme, elle séduit le Tout-Paris, mais sa vie privée est une catastrophe : après la mort de leur enfant, son premier mari la quitte pour... Damia. Elle tombe alors amoureuse de Maurice Chevalier. Mais elle boit, prend de la cocaïne et ce dernier, désapprouvant sa conduite, la quitte pour Mistinguett...
Elle tente de se suicider, part pour l'étranger avant de faire son retour dans le années 20. Vieillie et abîmée par la vie, elle obtient néanmoins de nouveaux succès avec des chansons aujourd'hui légendaires comme "Où sont les amants ?" ou "La Java bleue". En 1951, dans la misère la plus complète, au terme d'une vie totalement rock'n'roll, elle meurt solitaire dans un hôtel de passe de Pigalle. Durant les dernières années de sa vie, seul Maurice Chevalier continuait à l'aider, lui envoyant de l'argent... qu'elle reversait à la SPA !
Mistinguett et Maurice Chevalier représentent quant à eux la grande tradition française du music-hall, Jeanne Bourgeois, dite Miss Tinguette, puis Mistinguett débute en 1895 au Trianon, puis à l'Eldorado. Chanteuse limitée, elle obtient le succès dans un registre fantaisiste en développant une gestuelle très expressive.
Paul Derval, patron des Folies Bergères - lieu de sa consécration à partir de 1911 aux côtés de Maurice Chevalier - lui rendra d'ailleurs à sa mort un vibrant hommage : "Mistinguett n'était ni parfaitement belle, ni très bonne chanteuse, ni très bonne danseuse, mais sa présence en scène, son charme, son abattage étaient prodigieux"...
Meneuse de revues, elle restera une vedette de premier plan jusqu'à la guerre, faisant débuter parmi ses "boy" quelques futurs grands noms comme Jean Gabin ou Georges Guétary.
La carrière de Maurice Chevalier sera encore plus longue et plus riche en succès. Elle commence effectivement en 1900, alors que le gamin de Ménilmontant n'a que 12 ans ! Il débute dans un style comique et grivois alors très en vogue avant de devenir l'archétype du dandy parigot.
Après une période de vaches maigres, il apprend beaucoup aux côtés de Mistinguett avec qui il entretiendra une liaison amoureuse pendant dix ans. Il sera d'ailleurs toujours plus un chanteur de scène que de disques, même s'il accroche la timbale en 1921 avec "Dans la vie faut pas s'en faire" puis avec "Valentine" en 1924.
Il crée alors son personnage définitif, portant canotier, smoking, canne et noeud papillon, et effectuant son célèbre pas de côté déhanché. il l'exporte à Hollywood où il tourne notamment La veuve Joyeuse d'Ernst Lubitsch.
A son retour à Paris en 1935, c'est une immense vedette qui enchaîne les succès populaires : Prosper, Ma pomme, sans oublier Ça fait d'excellents Français. A la libération, il connaît de sérieux ennuis pour avoir chanté pour les Allemands mais, sauvé par Aragon, il reprend vite son rythme de croisière.
Avant ses adieux à la scène, en 1968, il trouve même le moyen de se retrouver dans les hit-parades yéyés avec le fameux "Twist du canotier" où il est accompagné par les Chaussettes Noires, excusez du peu...
La troisième grande figure de ces "années music-hall" est naturellement Joséphine Baker, chanteuse, danseuse et meneuse de revue, grande rivale de Mistinguett. Née à Saint-Louis aux Etats-Unis, elle débarque à Paris en 1925 avec la revue Nègre qui fait scandale en raison du caractère franchement dénudé de ses tenues (un simple pagne de bananes)...
Adoptée par la France, elle se lance dans la chanson en 1927 et obtient son plus grand succès en 1931 avec "J'ai deux amours" composée par Vincent Scotto. Par la suite, elle s'illustre par son courage dans la résistance française, puis se voit progressivement ruinée dans les années 50, la vogue du music-hall étant passée. Sauvée financièrement par son amie la princesse Grace de Monaco, elle meurt à Paris en 1975, à l'issue d'une ultime revue montée à Bobino.
Rideau.
"Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ?
Comme Mireille et Jean Tranchant, Ray Ventura a bien compris que le temps était à la légèreté, à des mélodies sautillantes et amusantes.
Raymond Ventura use encore ses fonds de culotte sur les bancs du Lycée lorsqu'il monte un orchestre de jazz avec ses camarades avec à la clé un répertoire léger, cocasse, très divertissant.
Jugez plutôt : Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux, Ça vaut mieux que d'attraper la scarlatine, J'aime les bananes parce qu'il n'y a pas d'os dedans ou le désopilant Tout va très bien Madame la Marquise relatant le coup de fil d'une vieille marquise à son valet anglais.
Le domestique annonce à sa patronne qu'apprenant sa faillite, son époux s'est suicidé provoquant du même coup l'incendie du château et la mort de sa jument grise...
Mais à part ça, Madame la marquise, tout va très bien, tout va très bien.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Ray Ventura doit s'exiler en Amérique Latine où il sera accompagné par un certain Henri Salvador.
Quand dans les années 50, le chef de la collégiale comprend que la mode n'est plus aux orchestres, il se reconvertit dans l'édition musicale. Il décède en mars 1979, laissant derrière lui un neveu en pleine gloire, Sacha Distel.
Rideau.
"Couchés dans le foin.
Dans les années 30, la chanson de France ignore encore tout du swing avant que Mireille Hartuch ne s'en mêle...
Depuis son enfance, le piano est comme le bout de son bras. Artiste tout terrain, elle fait dès l'adolescence, un détour par le théâtre, l'opérette et la revue.
Elle a vingt-deux ans en 1928, lorsqu'elle croise Jean Nohain, avocat de son état. ils s'exercent ensemble à l'écriture de chansons. Il prête ses mots simples et pittoresques, elle fait swinguer son piano mais personne ne veut de leurs petites chansons qui balancent.
Qu'à cela ne tienne, la jeune fille s'exile en Amérique, le pays où jaillissent les sons qui claquent, énergiques et sautillants. Ce satané swing, cette musique qui se joue avec le corps où on aime claquer des doigts et taper de la pointe des pieds sur ces rythmes jazz.
La voici à Broadway dans une opérette puis à Hollywood... A vingt-cinq ans, dans un film avec Buster Keaton. Elle partage même le clavier avec George Gershwin ! C'est pour dire que Mireille n'a pas fait le voyage pour rien. Finalement un télégramme de son père la fait se précipiter dans le premier avion pour Paris...
Couchés dans le foin qu'ele a écrit avec Nohain, interprétée par les duettistes Pills et Tabet, connaît soudain un franc succès.
Nohain reprend la plume et Mireille ne lâche plus son instrument : ce sont plus de six cents titres qui voient le jour. Yves Montand, Maurice Chevalier les interprètent, pour ne citer qu'eux.
Avant que Mireille ne se prenne au jeu et chante à son tour avec sa voix si pointue : Le petit chemin, Pourquoi t'es-tu teinte ?, Une demoiselle sur une balançoire, Quand un Vicomte, C'est un jardinier qui boîte et plus tard, en 1961, les chansons de Colargol, le petit nounours télévisuel dont les enfants raffolent.
C'est moi qui suis Colargol
L'ours qui chante en fa, en sol.
La suite ? Son conservatoire où pendant quatorze ans, elle fera découvrir, superbe et timide, Françoise Hardy, joliment enchignonnée, Alice Dona, mais aussi Serge Lama, Hugues Auffray, Alain Souchon, Yves Duteil... Ses bons mots, cinglants parfois, et ses petits airs affûtés entreront dans les annales.
Après s'être longtemps absentée des planches, elle se produit en 1975 à Bobino en première partie de Brassens et enfin au théâtre de Chaillot à 89 ans, en 1995, un an avant sa mort.
"Ma longévité artistique tient à ce que je n'ai jamais eu de voix. Je ne peux donc pas la perdre !" s'amusait-elle lors de cet ultime tour de chant.
Rideau.
"MA MAMIE M'A DIT"
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COLLECTION "MAMIE AU TEMPS DES COURTISANES"