Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 février 2010 6 20 /02 /février /2010 08:00

"Josephine Baker chante !

 

L'ascension de Fernandel continue. Il casse la baraque à l'Européen. Pendant ce temps, Henri Garat, ex boy de Mistinguett au Moulin-Rouge et au Casino de Paris, fait cavalier seul. Sa chanson Tout est permis quand on rêve est un succès. Et c'est un nouveau triomphe de Georgius au Casino-Montparnasse.

 

Les français et les françaises qui se respectent chantent : Paris je t'aime de Maurice Chevalier, Comme un moineau de Frehel, Dans ma péniche d'Alibert, Bonsoir madame la lune de Fred Gouin et le raccomodeur de faÏences de Berthe Sylva.

 

Josephine Baker ne se contente plus de chanter, elle chante maintenant. Dans sa nouvelle revue, elle interprète J'ai deux amours, une chanson qui fait référence à ses deux amours : Son pays et Paris. Au cours de ce spectacle, celle que l'on surnomme aujourd'hui "la perle noire" chante aussi le premier succès de Scotto, La petite Tonkinoise.

 

Pour la première fois, des grands prix du disque ont été remis aux interprètes des chansons les plus célèbres de l'année. La charmante Lucienne Boyer a été récompensée pour Parlez-moi d'amour. Lucienne a débuté en imitant Maurice Chevalier. Aujourd'hui, elle est en train de devenir aussi célèbre que lui.

 

Dans un autre registre, Damia qui s'est créé un public en chantant, avec le visage de la souffrance, toute la détresse du monde - on l'appelle la tragédienne de la chanson-, est en train d'élargir un public jusqu'ici assez limité grâce aux Goëlands. Un disque qui touche bien des coeurs. Selon nos informations, elle doit sa robe noire à Sacha Guitry qui est venu la féliciter dans sa loge en ajoutant : "Votre voix est merveilleuse, mais pourquoi vous habillez-vous en dompteuse de puces ? Cela nuit à votre talent."

 

Cette année-là, Barbara, Annie Cordy et Jean Ferrat ouvrent les yeux pour la première fois alors que c'est la fin du voyage pour Yvonne George qui disparaît tragiquement.

 

Elle avait 34 ans.

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Ces années-là
20 février 2010 6 20 /02 /février /2010 05:10

"La crise.

 

Si on écoute ma Mamie, en 29, il y a Quand refleuriront les lilas blancs de Gesky, Ce n'est que votre main madame d'André Baugé, Pouet-Pouet de Georges Milton, La vraie de vraie de Fréhel et Gosse de Paris de Mistinguett qui arrivent à ressortir leur épingle du jeu.

 

A part ça, rien à signaler, c'est la crise !

 

On peut peut-être ajouter, pour les amateurs, que le cinéma parlant et chantant remplace le music-hall.

 

Rideau.

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Ces années-là
19 février 2010 5 19 /02 /février /2010 17:58

"Georges Milton a enfin trouvé sa voix.

 

Hué à ses débuts par un public qui n'aimait pas ses imitations de Dranem ou son interprétation de chansons de charme, George Milton a enfin trouvé son style. Avec la fille du bédouin, il fait un véritable triomphe pour le grand succès de la saison. Il a tenu à rendre hommage à Maurice Chevalier qui l'a soutenu dans les moments difficiles et l'a affectueusement surnommé Bouboule, à cause de son physique rondelet.

 

De son côté, Fernandel devient le fils spirituel de Félix Mayol.  Ce jeune homme aux dents longues et au sourire qui semble dévorer la vie a fait un carton à Bobino. Ceux qui l'ont déjà applaudi lui prédisent une belle carrière. "Il est le nouveau Mayol", disent-ils.

 

A part ça, on peut surprendre dans la rue ou sous la douche ma Mamie fredonner Ma régulière de Maurice Chevalier, Il a une belle auto Toto de Fernand Gravey ou on m'suit  de Mistinguett mais grosso modo, il n'y a pas grand chose à ajouter. 

 

Une année noire, en somme.

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Ces années-là
19 février 2010 5 19 /02 /février /2010 10:48

imagesCAHXLVC1"Coupables ou innocents ?

 

Le 24 décembre 1919, un mercredi, à 7 h 40 du matin, un camion roule dans le jour qui se lève à peine sur Bridewater.

Le véhicule roule lentement. tout à coup, le chauffeur aperçoit devant lui une voiture aux vitres fermées par des rideaux. Cette voiture se met en travers, les roues sur le trottoir, bloquant tout passage. Trois hommes en sortent et s'élancent vers le camion. l'un d'eux arbore une moustache brune, il porte un long pardessus noir et il brandit une carabine. deux autres exhibent des pistolets. L'homme à la moustache brune s'agenouille et vise. Une fusillade s'engage de part et d'autre mais un tramway arrive, Graves, le chauffeur, perd le contrôle de son camion qui va s'écraser contre un poteau électrique. Alors les trois agresseurs sautent dans leur voiture et s'enfuient.

Le chef de police de Bridgewater s'appelle Michael Stewart. Il déclare volontiers qu'il n'a d'ennuis qu'avec les étrangers. En ce qui concerne l'attaque du camion, logique avec lui-même, il soupçonne des russes d'avoir fait le coup. Graves, le chauffeur, qui a vu les hommes de près déclare : ce sont des Italiens. 

 

Malgré l'heure matinale, l'affaire a eu des témoins. On les interroge. Ils ne sont pas d'accord sur le modèle de la voiture. Certains parlent d'une Hudson, d'autres d'une Buick. Or une Buick a été volée dans la région un mois plus tôt à Needham. Stewart se demande s'il ne s'agirait pas de celle-là. Un indicateur affirme que les auteurs de l'attentat sont des Italiens et des anarchistes. Rien de plus mais l'idée vient de s'inscrire dans l'esprit de Stewart. Il ne l'abandonnera plus.

 

Le 15 avril 1920, surviendra quelque chose d'infiniment plus grave que l'affaire de Bridgewater. ce jour-là, à 3 heures et quelques minutes de l'après-midi, Parmenter, le chef caissier d'une fabrique de chaussures traverse une rue. Il n'est pas eul. Un garde du corps l'accompagne, un nommé Berardelli. Sa présence s'explique : les deux hommes transportent chacun plus de 15 000 dollars. La paye. Or dans cette rue, Parmenter aperçoit deux hommes bruns, de taille moyenne, les mains dans les poches. Quand Berardelli arrivent à la hauteur des deux inconnus, ceux-ci retirent leurs mains de leurs poches. L'un d'eux empoigne Berardelli par une épaule et brandit un revolver. Berardelli tente de se saisir de son agresseur mais celui-ci tire sur lui. Trois fois. Parmentier se retourne, il voit Berardelli glisser à terre. il n'a pas le temps de réagir : l'homme à la casquette tire sur lui, en pleine poitrine. Parmenter fait quelques pas vacillants. Une nouvelle balle l'atteint dans le dos, il s'abat. Puis les bandits vont réussir à s'enfuir en voiture.

Telle fut l'attaque de South Braintree, elle allait être la pierre angulaire de l'affaire Sacco-Vanzetti. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que cet attentat a été perpétré en plein après-midi, devant une multitude de témoins. Là, des ouvriers italiens travaillaient. Là, plusieurs passants circulaient. des employés ont pu observer la voiture à l'arrêt et fixer dans leur mémoire l'image de ses passagers. Ils ont vu toute la scène. Berardelli est mort presque sur le coup. Parmenter mourra le lendemain, à 5 heures du matin.

L'enquête a commencé sur-le-champ. On interroge plus de 50 témoins. Certains dépeignent une voiture noire, d'autres une voiture verte, pour les uns elle est brillante, pour d'autres couverte de boue. Des témoins jurent qu'il y avait deux voitures. On dépeint des bandits tantôt bruns, tantôt pâles, vêtus de bleu, ou de marron ou de gris. On leur voit un chapeau ou une casquette ou rien du tout. Certains ont entendu huit coups de feu, d'autres trente. On procédera par élimination pour arriver à une description qui doit se rapprocher de la vérité : il s'agit d'une voiture de tourisme. Cinq hommes ont participé à l'attentat, dont le conducteur de la voiture, pâle et blond. Les deux agresseurs du début étaient petits et rasés.

On a montré aux témoins des photographies de repris de justice. Trois d'entre eux dont une certaine Mary Splaine, affirment avoir reconnu l'un des agresseurs. Il s'agirait d'un nommé Palmisano. Mary Splaine est catégorique : c'est très exactement l'homme qu'elle a vu dans la voiture agiter un revolver. Voilà une piste intéressante. malheureusement, on s'aperçoit que Palmisano, pour le moment, se trouve confortablement hébergé à la prison de Buffalo. Il faut chercher ailleurs.

Bref, de fil en aiguille, près avoir exploré quelques pistes, on va trouver deux hommes. On les arrête. On les fouille. On trouve un revolver dans la poche arrière de l'homme à la moustache et un colt dans la ceinture de l'homme rasé. Interrogé, l'homme rasé déclare s'appeler Nicola Sacco. Et l'homme à moustache Bartolemo Vanzetti. C'est fait. Les deux hommes sont pris dans la nasse. Ils n'en sortiront plus.

Stewart le leur a dit : ils sont suspects. Riend e plus. La police ne détient aucune preuve qui les rattache directement à l'affaire de South Braintree ni à celle de Bridgewater. Pour remonter jusqu'à eux, Stewart n'a suivi que le fil le plus ténu que l'on puisse imaginer. Ils étaient au mauvais endroit, au mauvais moment. c'est tout. L'ennui, c'est qu'on les a trouvés armés tous les deux. On l'a affirmé souvent : s'ils n'avaient pas été porteurs d'armes ce soir-là, il n'aurait pas existé d'affaire Sacco-Vanzetti. ils vont passer la nuit en prison. Une première nuit qui sera suivie par des centaines et des centaines d'autres.

L'interrogatoire commence. Bowles, qui avait déclaré que l'agresseur portait une moustache courte et avait estimé qu'il s'agissait d'un Polonais, reconnaît du premier coup Vanzetti, Italien à l'épaisse moustache tombante. Il est hors de doute que la police à commis ce jour-là une très grosse faute. On s'est borné à montrer aux témoins Sacco et Vanzetti. Seuls. La règle, dans une telle situation, c'est de mêler les suspects à d'autres et de demander aux témoins de désigner ceux qu'ils reconnaissent. En n'exhibant que les suspects, on a couru le risque que les témoins impressionnables aillent d'eux-mêmes au-devant de la déposition souhaitée.

Le 22 juin 1920, la machine est lancée et le procès peut démarrer. Le long défilé des témoins a commencé, chacun allant prendre place sur le siège réservé. Harding comparaît, toujours sûr de lui. il a décrit primitivement la voiture de l'attentat comme étant une Hudson. il déclare à présent que c'est une Buick. dans sa première déclaration, il avait donné une description du bandit armé qui ne ressemblait en rien à Vanzetti. Maintenant, il le reconnaît parfaitement. Cox qui, dans le poste de police de Brockton, n'avait pas voulu reconnaître Vanzetti, déclare aujourd'hui être certain que c'est lui. Mme Brooks affirme qu'elle est sûre que vanzetti conduisait la voiture, elle l'a vu de ses yeux. Or Vanzetti ne sait pas conduire. Un petit vendeur de journaux déclare que Vanzetti est l'homme à la carabine. Il a reconnu à sa manière de courir qu'il était étranger. L'avocat Vahey lui demande si les Italiens ou les Russes courent différemment des Suédois ou des Norvégiens. Le petit vendeur reste coi.

La parole est à la défense. Le témoin principal est un enfant : Beltrando Brini. Il a aidé, toute la matinée du 24, Vanzetti à livrer ses anguilles. Il évoque en détail ses faits et gestes et décrit avec une grande précision le trajet à travers la ville. Le coiffeur de Vanzetti déclare ne lui avoir jamais rasé la moustache depuis cinq ans. Deux membre de la police de Plymonth confirme qu'il a toujours eu la même moustache. Il n'a donc aucun rapport avec l'homme à la moustache rasée primitivement décrit comme ayant été vu à Bridgewater. La simple équité devrait faire reconnaître que l'alibi de Vanzetti est total, absolu. Mais ce sont des Italiens. Le verdict que rapportera le juge Thayer conclura à la culpabilité de Vanzetti. Il est condamné à une peinde de douze à quinze ans de prison. Ce n'est qu'un début.

Horrifiés, les amis anarchistes de Vanzetti. Ils se concertent. Il faut changer d'avocat avant le procès de South Braintree, autrement on court au désastre. On va donc engager Fred Moore. C'est une date essentielle parce que Fred Moore va sciemment donner à l'affaire sa dimension nationale, puis internationale. Il ameutera la conscience mondiale. Il va bouleverser des millions d'hommes et de femmes et rendre Sacco et Venzetti célèbres, éternellement.

Moore est l'avocat des travailleurs révolutionnaires. Chaque fois que des syndicalistes ou des militants sont traduits devant des tribunaux américains, Moore est là. En sa présence, rien n'est plus indifférent. Il soulève les passions, il draine derrière lui les enthousiasmes, il manipule les jurys comme de la glaise et il gagne souvent ses procès. Il fallait le voir arrivant au palais de justice, entouré d'une cour de jeunes femmes admiratrices, ses longs cheveux jaillissant en couronne de son immense chapeau de cow-boy. Pour ce procès, il va se faire assister par les frères McAnarney, Thomas et Jeremiah, plus familièrement appelés Tom et Jerry.

Le second procès commencera le 31 mai 1921. De nombreux articles ont paru dans la presse. On a tenu des meetings. On a dénoncé une erreur judiciaire à propos de la condamnation de Vanzetti dans l'affaire de Bridgewater. Des ligues de droit civique se sont émues. Des intellectuels ont pris partis, des associations de dames se sont enflammées. Le résultat ? Dès le premier jour de la première audience, c'est l'émeute. Sacco et Vanzetti ne se sont pas revus depuis huit mois. Amenés à l'audience, ils se sont embrassés.

Tous les témoignages confirment les alibis de la défense. Ils devraient contrebalancer les témoignages de l'accusation, souvent plein de contradictions. Ce n'est pas le cas. Les jurés ne supportent ni les Italiens ni les anarchistes. On a publié le témoignage d'un memebre du jury, un certain Dever. Il est révélateur :

- J'avais l'impression que tous ces macaroni se soutenaient entre eux.

Six semaines. Les audiences durent six semaines. Le juge Thayer conduit le procès comme celui de coupables. Entre les audiences, il lâche des confidences, s'adressant même à des journalistes :

- Vous avez vu ce que j'ai fait à ces bâtards d'anarchistes ?

Pendant le procès, Sacco éclate. Il explique son enfance, sa pauvreté, son désir de justice. Au début, certains jurés sourient. Le vocabulaire de Sacco est très pauvre, il trouve mal ses mots. Bientôt plus personne ne s'amuse. Sacco dit qu'il voudrait que les hommes vivent comme des hommes, que leur nature leur donne à tous ce qu'elle a de meilleur, parce que tous les hommes sont senblables. Il condamne la guerre :

- On fait la guerre pour les affaires, pour qu'on gagne des millions de dollars. Quel droit avons-nous de nous tuer les uns les autres ? J'ai travaillé pour un Irlandais, j'ai travaillé pour un Allemand, pour des Français et avec des gens de beaucoup d'autres peuples. j'aime ces gens comme j'aime ma femme e ceux de ma famille. pourquoi est-ce que j'irais tué ces hommes ? Qu'est-ce qu'ils m'ont fait ? Je voudrais qu'on détruise tous ces canons. J'aime les gens qui veulent de l'instruction, et qu'on vive ausi bien qu'on peut. C'est tout.

Sacco est retombé sur son siège, il a fini. Un grand silence s'étend sur la salle d'audience.

Quand le verdict est rendu, il est prévisible. Les deux accusés sont déclarés coupables. Sacco hurle alors :

- Sono inncenti !

Rosina, sa femme, s'est jeté dans ses bras en sanglotant. Vanzetti se tait. Sacco crie encore :

- N'oubliez-pas ! Ils tuent des hommes innocents !

Il est hors de doute que cette décision soulève un profond malaise. Certes des témoins ont reconnus Sacco et Vanzetti. Mais comment oublier leurs contradictions et leurs erreurs ? Comme une immense vague, l'émotion se lève en Amérique. Elle déferle à travers le monde. partout, des comités se forment. C'est un formidable combat qui commence.

Le 9 avril 1927, il n'y a plus de recours possibles, Sacco et Vanzetti sont condamnés. Définitivement. Le 9 août, le gouverneur Fuller refuse d'accorder la grâce. Les journaux paraissent avec d'énormes titres : "L'exécution aura lieu le 11", "Luigia Vanzetti, la soeur de Bartolomeo, quitte l'Italie pour Boston", "Sacco continue la grève de la faim". Partout, les foules descendent dans la rue. Des orateurs appellent à l'émeute. On se bat à Boston. On se bat à Londres. On se bat à Berlin. Les syndicats français annoncent "Grève de 24 heures le lundi 8 août" Dix milles hommes défilent dans Wall-Street devant les banques qui ont fermé leurs portes. Et l'on manifeste à Copenhague, à Oslo, Moscou, Johannesburg, Santa-Fé de Bogota, Montevideo, Mexico. Une bombe éclate à Broadway dans une station de métro 3 blessés graves, 38 personnes à l'hôpital. Une autre bombe à Buenos Aires, où l'on brûle des tramways.

Des émeutes à Paris, Lyon, Bordeaux, Lille, Roubaix, Tourcoing, Brest, Saint-Nazaire... Des milliers de télégrammes, venus de tous les coins du monde, s'accumulent sur le bureau du gouverneur Fuller. Le 8 août, 10 000 manifestants tentent de prendre d'assaut la prison de Charlestown. Ils sont repoussés par les marines. Einstein et Hansen envoient des télégrammes pour demander la grâce. On lance d'autres bombes à Chicago, Londres, Buenos Aires. Le père de Sacco adresse un télégramme à Mussolini qui répond : "Je fais tout mon possible, en tenant compte des règles internationales, pour sauver de l'exécution Sacco et Vanzetti."

Le 10 août, le pape Pie XI fait connaître son opinion : "Quelle que soit la situation juridique des deux condamnés, l'attente dans laquelle ils sont depuis sept années aurait suffi à leur mériter la grâce."

A Charlestown, la prison est maintenant défendue par deux milles hommes. L'exécution est fixée à minuit. A 22 h 31, le gouverneur Fuller accorde un sursis aux deux condamnés. A la prison, Sacco et Vanzetti ont quitté l'antichambre de la mort. Ils regagnent leurs cellules. La défense fait appel devant la cour suprême du Massachusetts. L'appel sera rejeté. Le 20, Sacco et Vanzetti retrouvent l'antichambre de la mort. Partout dans le monde, des millions d'hommes et de femmes attendent.

A 0 h 9, c'est Sacco qui entre dans la chambre d'exécution. Il s'assied sur la chaise. En Italien, il dit :

- Vive l'anarchie !

Et en anglais :

- Adieu, ma femme... Bonsoir, messieurs.

Il murmure :

- Maman...

Le bourreau appuie sur la manette. L'effrayante décharge. Il est mort.

A 0 h 22, Bartolemeo Vanzetti apparaît à son tour. D'une voix forte il dit : 

- Je désire vous dire que je suis innocent. Je n'ai jamais commis de crimes ; quelques péchés, jamais de crimes.

La décharge durera vingt secondes. Il est mort.

Le lendemain, L'Humanité publie une édition spéciale et appelle les prolétaires à descendre dans la rue. Presque toute la nuit, on se battra. Ceux qui frappent, ceux qui reçoivent des coups rendent hommage à ces deux Italiens obscurs mués tout à coup en martyrs.

Ma Mamie m'a dit qu'elle avait cinq ans quand cette affaire s'est terminée et qu'elle s'en souvenait comme si c'était hier.

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Ces années-là
19 février 2010 5 19 /02 /février /2010 03:03

imagesCA9ANGKG"Landru.

  

Avril 1919. La France ne parvient pas encore à admettre que, décidément, elle n’est plus en guerre. Les démobilisés de la veille ont du mal à se réhabituer à un lit. d’affreux cauchemars les réveillent, les rappelant à la boue des tranchées, à la mort quotidienne, au carnage de chaque instant. dans chaque ville et jusque dans les plus petits villages, des familles accablées pleurent un fils, un père, un époux. Le chiffre des morts français est maintenant connu et l’on en reste effaré : un million et demi de cadavres étendus à jamais dans la terre des champs de bataille.

 

C’est dans ce climat, lourd de trop de souvenirs,  que les lecteurs du Petit journal du 13 avril vont lire un modeste entrefilet sous ce titre : Importante arrestation à Mont martre. En voici le texte :

"La première brigade mobile a arrêté, hier, à Paris, en plein Montmartre grâce à des dénonciations anonymes, un individu très élégamment vêtu, presque complètement chauve, mais portant une abondante barbe noire. Cet homme était recherché par plus de dix parquets de tous les coins de France., sous les noms de Dupont, Desjardins, Prunier, Perrès, Durand, Dumont, Morise, etc. Une fois dans les locaux de la sûreté, il a fini par avouer se nommer en réalité Henri Nandru. Les charges les plus lourdes pèsent déjà sur lui."

On a bien lu : Nandru avec un N. C’est vraiment par une très petite porte que Landru vient de se glisser dans les annales du crime.

 

A l’heure même où ils prennent connaissance de l’article du petit Journal, tous les rédacteurs en chef de Paris ont compris. Une énorme affaire commence. Du coup, les bureaux de la 1ère brigade mobile, rue Greffulhe, seront littéralement assiégés par une meute de journalistes à l’affût de nouvelles. Ils ne regretteront pas de s’être dérangés. c’est une bien curieuse histoire que va leur conter le commissaire Dautel.

L’individu est sous les verrous. La tâche qui va incomber à la police, puis à la justice n’est pas de tout repos. Il va leur falloir démontrer que Landru a bien commis onze meurtres. Onze meurtres sans cadavres.

Ce qui va perdre Landru, c’est son sens de l’ordre. Jamais criminel ne fut plus méticuleux. Jamais monstre ne s’est appliqué à mieux conserver toutes les traces de ses exploits. On va retrouver des carnets de compte, des agendas, des pièces d’identité, des récépissés, des certificats, des notes, des lettres par centaines. Peu à peu, ces archives uniques retrouvées à son domicile, vont permettre aux enquêteurs de lire comme à livre ouvert, l’histoire des forfaits de Landru.

 

Ce qui ajoute à l’affaire toute sa complexité psychologique, c’est que, durant les années où Landru accumulera les meurtres, il restera un bon mari et un excellent père. Sa fabuleuse comptabilité le prouve : chaque fois qu’une de ses compagnes provisoires disparaît, il apporte le lendemain de l’argent à sa petite famille. Autre sujet d’étonnement : c’est par des numéros que les siens se trouvent répertoriés dans ses carnets. Le n°1 n’est autre que mme Landru. Landru se désigne lui-même par le n°2. Les n°3, 4, 5 et 6 désignent respectivement ses enfants Marie, Maurice, Suzanne, Charles. la police cherchera longuement à qui pouvait correspondre le n°7. Elle finira par découvrir qu’il s’agissait de Fernande Segret. L’ami de coeur était en quelque sorte de la famille.

Tout commence avec la pauvre Madame Cuchet.  Elle a annoncé à sa soeur et à son beau-frère qu’elle allait épouser M. Diard, un homme charmant avec qui elle sera heureuse. Celle-ci s’émerveille de vivre une telle idylle. Pas pour longtemps. Lors de la déclaration de guerre, Landru vide le compte... et disparaît.

Ensuite Jeanne Cuchet atterrée apprend qu’elle n’est pas - et de loin - la seule maîtresse du si charmant M. Diard. Le beau-frère dit carrément ce qu’il en pense : mme Cuchet a eu affaire à un aigrefin et elle peut s’estimer heureuse que l’aventure n’ait pas été plus loin. Mme Cuchet jure ses grands dieux qu’elle ne pensera plus jamais à l’odieux personnage. Serment d’amoureuse. Elle l’aime toujours. A ce point qu’elle ne peut s’empêcher d’aller rôder auprès du domicile de Landru. Quand ce dernier sait qu’elle sait. Il met au point un nouveau plan. Rien ne prend Landru au dépourvu. Jamais.

 

Sourire aux lèvres, enjôleur et contrit, il se présente au domicile de sa maîtresse qui croit s’évanouir en le revoyant. Elle veut le chasser mais elle va faiblir. Elle arrivera quand même à repousser son amant. Jusqu’au jour où Landru déboule avec deux petites filles agées de dix et onze ans, ses enfants bien-aimées. A l’instant même toutes les résolutions de Jeanne cèdent. Or il ne s’agissait pas des filles de Landru, déjà adolescentes à l’époque. Où avait-il «emprunté» ces fillettes ? Mystère.

 

Peu importe, puisque le but est atteint. Jeanne Cuchet, bouleversée, tombe dans les bras de Landru. Elle est foutue. Nul ne reverra Jeanne Cuchet ni son fils. Le 1er mai - toujours bon mari, Landru offre la montre en or de Madame Cuchet à sa femme. Cadeau.

Le 16 mars 1915, Landru fait insérer dans un journal de Paris une nouvelle annonce matrimoniale. Il recrute. Chaque annonce déclenche un grand nombre de réponses. A toutes les femmes qui lui ont écrit, il adresse la même lettre : "Je voudrais un amour véritable, des sentiments qui puissent assurer un bonheur durable. Je suis assez indépendant pour vous déclarer tout de suite que, de mon côté, les conditions d’avoir financier n’entreront en rien dans le choix d’une épouse".

 

Deux éventualités : ou bien la suite de la correspondance démontrait que l’intéressée ne possédait aucun bien et Landru "laissait tomber". Ou bien la piste méritait d’être suivie et Landru rédigeait une deuxième missive : "Ce n’est pas sans une certaine confusion que je réponds à votre bonne lettre et à la délicate pensée que vous avez eue de m’envoyer votre photographie... Partout où j’aurais l’honneur de vous rencontrer, je reconnaîtrai entre mille votre silhouette élégante, votre grâce... Moi, depuis longtemps, je n’ai pas eu l’occasion de me présenter devant un objectif."

 

Rien n’est laissé au hasard. Les archives de Landru révèleront tout un classement : "Répondre poste restante. - En réserve. - Archives. - A répondre tout de suite. - Sans réponse P.R. (sans doute petits revenus). - Soupçons de F. - Sans F. - R.A.F. (soupçons de fortune,  sans fortune, rien à faire). - Sans suite.  - Enregistrer simplement."

Chaque candidate a droit à une fiche : Mme A..., brune, boulotte, légale, rigide ; mme B..., a un fox en panier ; vulgaire, voix éraillée ; Mme Q..., rue Lebouteux. Appartement moderne. Un peu bouffie. Peu causante.

Reconnaissons-le, Landru se donne un mal fou. Comme il note le moindre détail, nous pouvons le découvrir sur le sentier de la guerre : "9 h 30, tabac gare de Lyon, Mlle Lydie ; 10 h 30, café place Saint-Georges, Mme B. ; 11 h 30, métro Lancry, Mlle L. ; 2 h 30 Concorde, Mme L., du 15ème ; 3 h 30, square tour Saint-Jacques, Mme D. ; 5 h 30, Mme V. ; 8 h, Saint-Lazare, Mme L." On remarquera qu’il a pris le temps de déjeuner.

Quand on lui fera observer que ses archives démontrent qu’il s’est «fiancé» à deux cent quatre-vingt trois femmes, il s’exclamera :

- Et je n’en aurais tué que dix ? Comme vous êtes indulgent ! 

 

Mais que peut vouloir dire le mot Brésil inscrit au carnet de Landru ? On a beau fouiller, aucune lumière ne surgit à l’orizon. Le brigadier principal Riboulet repérera un acte de mariage, celui de M. Maborde-Line avec une dame Turan, née dans une province de Buenos Aires. c’est sur ce dernier nom que le brigadier est tombé en arrêt. Landru a confondu l’Argentine et le Brésil. 

Séparée de son mari, aubergiste à Oloron-Sainte-Marie, dont ensuite elle est devenue veuve, Mme Laborde-Line a suivi son fils à Paris. C’est alors qu’elle a fait la connaissance de Landru. Elle a quarante-sept ans et n’est pas très laide. Les choses vont vite. Deux mois plus tard, elle annonce à son entourage qu’elle va épouser le monsieur barbu qui vient la voir et qu’elle est sûre d’être très heureuse avec lui. Une semaine plus tard, une voiture de déménagement vient chercher les meubles de Mme Laborde-Line que Landru attend en taxi. Avant d’y monter, la veuve crie à sa concierge :

- Je vous écrirai pour vous donner ma nouvelle adresse !

Cette lettre-là, la concierge l’attendra toujours.

 

A la date du 7 juillet 1915, Landru a enregistré dans sa comptabilité la vente de deux meubles ayant appartenu à Mme Laborde-Line. Landru les a vendus en même temps qu’une obligation ayant appartenu à Mme Cuchet...

Au même moment, une certaine Mme Guillin raconte à ses voisins qu’elle a rencontré un homme riche et qu’elle n’a jamais été aussi heureuse. Landru - on le remarquera a entrepris une nouvelle opération. Le 15 juillet, c’est à son bras que Mme Guillin quitte son domicile. Au début d’août, elle écrit à sa fille. A la lettre, Landru ajoute même quelques lignes de sa main ! Après, plus rien. La fille de mme Guillin n’entendra plus jamais parler de sa mère.

Pauvre Mme Guillin ! Dans la liste des "disparues", elle n’aura pas même droit de figurer sous son patronyme. Landru ne la citera que sous le nom de la rue qu’elle habitait : Crozatier.

Un problème : les enfants de Mme Guillin connaissent l’adresse de Vernouillet. Sans nouvelles, ils ne vont pas manquer de s’y rendre et de poser des questions gênantes. or Landru n’aime pas les questions. Il décide donc de déménager. Ils peuvent toujours venir, les enfants de Mme Guillin : Landru est parti sans laisser d’adresse. Il tombe sous le charme d’une maison à Gambais. Sa première acquisition : une cuisinière. Trois jours plus tard, sous le nom de Dupont, il signe l’acte de location. Le quincailler lui livre la cuisinière et aussi trois cents kilos de charbon qu’il a commandé. Landru sait ce qu’il veut.

 

Tout est prêt pour que le nouveau locataire pende la crémaillère : ce sera en compagnie de Berthe-Anna Héon. Une veuve encore qui avait eu le malheur de perdre son fils et ses deux filles. elle vend ses meubles pour 500 francs qu’elle remet à Landru. Elle réunit ses affaires personnelles et part pour son dernier voyage. destination : Cambrais. Landru n’a pas manqué de noter la dépense engagée : "Aller et retour, 3,85 F. Aller, 2,40 F." L’aller et retour est pour lui. Pour mme Héon, un aller suffit. Il n’y a pas de petites économies. Dans le carnet de Landru, Mme Héon ne sera pas nommée, elle non plus. Elle n’aura droit qu’à la seule mention de sa ville natale : Havre.

Landru a toujours, si l’on ose écrire, plusieurs fers au feu. Mme Collomb avait réagi à l’annonce du 1er mai ainsi conçue : M. 45 ans, seul, sans famille, situation 4 000, ayant intérieur, désire épouser dame ayant situation en rapport.

Landru a soigneusement encadré au crayon bleu ce passage de sa lettre : "J’ai 39 ans, je suis veuve, sans enfant, et pour ainsi dire sans famille puisque sous peu elle quittera Paris. Je gagne 2100 F par an dans un bureau. Je suis parvenue à faire quelques économies qui, avec le petit peu que j’avais quand mon mari est mort, s’élèvent à 8000 F." Anne Collomb est veuve depuis quinze ans et dactylographe dans une compagnie d’assurances. Ce n’est pas trente-neuf ans mais quarante-quatre que lui donne l’état-civil. Elle ne les paraît pas. Brune et mince, elle ne manque pas de charme.

Cette fois, Landru va prendre son temps. C’est que la situation ne ressemble pas tout à fait aux précédentes. Mme Collomb a un amant. par ailleurs cette famille qu’elle prétendait toute théorique veille jalousement sur elle. Landru n’est pas pressé. Berthe Héon occupe la majeure partie de son temps. Il attend que cette dernière ait disparu pour passer aux choses sérieuses. Comme on ne résiste pas à Landru, Mme Collomb rompt avec son amant. Elle accepte de suivre le Dom Juan Barbu à Gambais. Sur le carnet de Landru, cette fois encore, on trouvera mention d’un aller et retour. Et d’un aller simple.

 

Quand il revient à Paris, ses fonds propres se montaient en tout et pour tout à 1,05 F. Il était temps. Grâce à Mme Collomb, il va rembourser 250 F à sa fille Suzanne, remettre 140 F. à sa femme, 10 F. à son fils Maurice et payer ses loyers de Paris et Gambais.

La suivante sera Andrée-Anne Babelay, une petite bonne de dix-neuf ans. Abordée dans la rue par Landru, elle l’a suivi et s’est mise à aimer follment cet homme dont elle ne sait rien. Le 1é mars, elle prend congé de sa patronne :

- Je vous quitte, madame... Je m’en vais avec mon fiancé ! Il a trente-cinq ans et c’est un vrai "monsieur". Dans le carnet de Landru : "Un aller et retour, 4,95 F. Un aller, 3,10 F."

A la petite annonce du 1er mai avait également répondu une certaine Célestine Buisson. La lettre était ainsi conçue : "Monsieur. excusez-moi, ayant vu votre annonce dans un journal. je suis veuve, j’ai 12 000 F, j’ai quarante-quatre ans, j’ai un fils au feu, donc je suis seule et voudrais me refaire une situation."

Douze mille francs, voilà qui intéresse Landru. Après la première entrevue, il note : "A épousé un hôtelier, était bonne à tout faire, sans fonds ; a emporté le magot et les meubles au décès du vieux ; vu le 14, écrira." La suite ? Nous la connaissons à l’avance. Un petit tour à Gambais. Un aller et retour. Et un aller simple.

Landru profite de cette nouvelle entrée d’argent pour conduire à l’opéra sa nouvelle conquête, Fernande Segret. une "fiancée" pieuse. Landru l’accompagne donc dans les églises. Son carnet en témoigne : Quête église avec Lyane : 0,10 F ; Lyane, tronc sacré-Coeur : 0,15 F ; arrêt au sacré-Coeur : 0,15 F.

Le même jour, Mme Jaume est partie pour Gambais. Avec un aller simple.

reste sur la liste funèbre deux noms : Pascal et Machadier.  quand Landru conduite Pascal Anne à Gambais, il estimera ainsi sa récupération : "Un parapluie 5 F ; un tapis 12 F ; dentier pascal : 15 F." Quant à Marie-Thérèse Marchadier, c’est une ancienne prostituée que ses ex-clients ont connus comme la belle Mythèse. elle disparaît à gambais le 13 janvier 1919, ainsi que les trois chiens qu’elle a emmenés et dont on découvrira les cadavres dans le jardin.

Aux Assises de Versailles, le commissaire Dautel devait avouer :

- Sans le petit carnet de l’inculpé, je ne sais pas si nous n’aurions pas été forcés de renoncer. C’est Landru qui nous a fourni toutes les preuves que nous avons aujourd’hui contre lui. Inexplicable Landru.

Presque chaque jour, la presse consacre à Landru de longs articles. Quand son avocat les lui apporte, il soupire :

- Et dire qu’il y a une crise du papier !

Ce que connaît Landru, c’est paradoxalement la véritable popularité. Il reçoit des centaines de lettres, parmi lesquelles un grand nombre de lettres d’amour. Une femme lui écrit : "Tout à toi, jusqu’au fourneau !" Sans doute une farce. Mais d’autres semblent sincères : "Je suis si seule, mon mari me bat, tous les amants que j’ai eu me dégoûtent. Je vous écris parce que je pense que vous aussi vous êtes si seul..."

 

Aux élections du 16 novembre 1919, on va trouver dans les urnes 4 000 bulletins portant le nom de Landru !

Autour de lui, le filet se resserre. Le sire de Gambais ne rit plus quand M. Bonin brandit devant lui les mentions relevées dans l’un de ses carnets : "16 juillet 1916, 4 lames scie à 0,50 F : 2 F ; Une douzaine de scies à métaux : 6,60 F ; scie à bûche : 4,25 F ; Scie circulaire : 3,15 ; scie à métaux : 25 F."

Pourquoi toutes ces scies ? Landru ne répond pas. Il est cuit !

Il ne se départit de sa gouaille qu’avec une seule personne : Fernande Segret. Il semble l’avoir sincèrement aimée. s’il l’a conduite plusieurs fois à Gambais, jamais il n’a pensé l’y laisser. Pour elle, ce sont toujours des aller et retour qu’il achète. L’étonnant est que cet amour est réciproque, partagé. Elle dira :  "C’est un homme doué d’une force de caractère inouïe. Il sait obtenir tout ce qu’il désire. Sa puissance de persuasion n’avait d’égale que l’autorité de sa volonté."

 

Le juge la pousse dans ses retranchements. Sur le plan sexuel, Landru n’était-il pas anormal ? Elle se récrie : jamais ! Une précision : il était "très passionné et d’une vitalité exceptionnelle". Elle soupire : 

- Malgré son âge, sa force physique était celle d’un homme jeune.

L’avocat général requiert la mort. Moro-Giafferi se montre égal à lui-même, c’est-à-dire éblouissant. toute son argumentation repose sur l’absence de cadavres. Ce dont dispose l’accusation, c’est d’un certain nombre d’indices, de présomption peut-être. d’aucune preuve. Va-t-on condamner un homme sans preuve ?

Et tout à coup, la voix de Me de Moro-Giafferi s’enfle, tonne. Il s’adresse aux jurés, annonce qu’il va écraser la thèse de l’accusation. Parce que l’une des femmes que l’on croit morte, assassinée par Landru, est bien vivante. elle est là, derrière cette porte, elle va entrer :

- Regardez, messieurs les jurés ! Regardez-bien !

Dans l’instant, tous les jurés tendent le cou vers la porte. Celle-ci reste close. Moro-Giafferi avoue : personne ne se trouve derrière cette porte. Le seul fait que les jurés aient cru qu’une femme pouvait s’y trouver démontre qu’ils ne sont pas absolument sûrs que l’accusation ait raison !

 

Magnifique effet d’audience, en vérité. Le procureur va le réduire à néant, en faisant observé que Landru, lui, ne s’était pas tourné vers la porte. Il savait bien que c’était inutile !

Deux heures de délibération. La mort pour Landru.

Le vendredi 24 février 1922, le grand jour est arrivé. on lui offre d’entendre la messe. L'aumônier attend.

- Ce serait avec plaisir, monsieur l’Abbé. Mais je crois qu’il importe surtout d’aller vite. Je ne veux pas faire attendre ces messieurs.

Sur le chemin de la guillotine, il est très calme. 

Quand le couperet tombe, il est 6 H 5.

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Ces années-là
18 février 2010 4 18 /02 /février /2010 03:04

imagesCA45GT0L"La folle histoire de Georges Guynemer.

 

- Foutez-moi ce petit con-là à la porte !

Cette réplique mémorable a été prononcée, le jeudi 10 juin 1915, par le capitaine Brocard, chef de l’espadrille M.S.3 à l’intention d’un jeune pilote fort inconnu, arrivé la veille et qui se nommait Georges Guynemer.

Il n’est pas grand, Guynemer : pas plus de 1,70 mètre, mais comme il est maigre ! Une sorte de "fil de fer monté en graine". 

Si le capitaine Brocard, fou de colère, l’appelle "petit con", c’est parce qu’il a "cassé" deux avions en une seule journée. Par chance, un pilote qui traîne par là prend la défense du blanc-bec. Un pilote qui  s’appelle Védrines et qui dispose d’un pedigree propre à le faire prendre au sérieux. En effet, il a remporté deux courses réputées et il insiste : les deux avions sont parfaitement réparables et quand le « petit con » aura surmonté sa nervosité, on pourra en faire quelqu’un.

Difficile, même quand on est capitaine, de résister à un Védrines. Brocard grommelle dans sa moustache quelques onomatopées que personne n’entend mais que tout le monde comprend : on va garder Guynemer. Provisoirement.

Pour les pilotes de la M.S.3 - qui deviendra bientôt la fameuse escadrille des Cigognes - ce Guynemer-là l’a échappé belle. Or il revenait de bien plus loin encore.


Sept mois plus tôt, le capitaine Bernard-Thierry, commandant l'école des pilotes à l’aérodrome de Pont-Long, près de Pau, a vu entrer dans son bureau un monsieur de grande allure, arborant une moustache agressive et escorté d’un adolescent blafard, transparent à force de maigreur. Le monsieur s’est présenté comme étant Paul Guynemer, "ancien" officier. Bernard-Thierry a tout de suite senti que, derrière lui, il y avait "beaucoup d’argent et quelques châteaux". Déjà le père s’explique. Poli, correct mais sachant ce qu’il veut, il expose que son fils - le gringalet n’a pas ouvert la bouche - a fait de bonnes études, qu’il a préparé Polytechnique mais que sa santé délicate l’a empêché d’y entrer.

Le capitaine se demande où ce M. Guynemer veut en venir. il a d’autres chats à fouetter que d’écouter des confidences sur les études secondaires d’un fils souffreteux. Tout se résume en peu de mots : ce fils veut se battre. Au premier jour de la guerre il a déclaré à son père : je m’engage. Le père a répondu : je t’envie. ils étaient comme ça, les grands bourgeois de 14. Mais le fait est que personne n’en veux du petit. Georges a été pesé : un peu plus de 40 kg pour 1,70 m. On a tâté ses muscles : inexistants. Comment marcherait-il quarante km par jour ? Comment porterait-il son sac et le fusil ? Ajourné pour faiblesse de constitution. M. Guynemer parle toujours : son fils a pris cela comme une insulte. Il ne s’en est pas remis.

 

Une lourde erreur du service de santé, assure le père avec force. Le petit est beaucoup plus robuste qu’il n’y paraît. Il est de première force au fleuret, bon joueur de tennis et il rêve d’aviation. Quand ce père loquace demande d’accorder à son fils l’honneur de s’engager en qualité d’élève pilote, l’officier répond par une fin de non-recevoir : que ce jeune homme fasse ses classes et l’on verra. Pour la première fois, le père abandonne sa superbe. Tristement, il confie que son fils s’est présenté dans cinq ou six bureaux de recrutement et que partout il a été refusé.

Rien à faire, conclut le capitaine. Il se lève pour signifier à ses visiteurs que l’entretien est terminé : "Or, ayant accompagné ces messieurs jusqu’à la porte de l’école, je m’aperçus que le petit Georges pleurait." C’est à ce moment très précis que Bernard-Thierry a craqué. Il a regagné son bureau, il s’est plongé dans ses papiers et puis, brusquement, il s’est levé pour appeler son planton : 

- Saute sur ton bureau, va me chercher les deux messieurs qui sortent d’ici. Ramène-les moi !

Les voici de retour dans le bureau. du coup, il ne pleure plus, le garçon. Il observe le capitaine avec une attention extrême. On dirait qu’il le transperce du regard. Un quart d’heure plus tôt, Bernard-Thierry ne voyait en lui qu’une mauviette. Maintenant, il ressent l’impression d’être confronté à de l’énergie à l’état pur. il s’étonnerait moins s’il savait qu’un jour, le même garçon, qualifié de plus petit de la classe, a giflé un professeur !

- Avez-vous des notions de mécanique ?

Le père répond : C'est bien simple, son fils sait tout faire. Tant de détermination achève de convaincre Bernard-Thierry. Il signe même dans la foulée un certificat d’aptitude professionnelle. Plus tard, il jurera que ce fut là le seul faux de sa vie. Nous le croyons sur parole. A mesure que progresse l’escalade, Bernard Thierry sent le trouble s’accroître en lui. Encore faut-il que tout cela ait au moins l’air vrai ! Le capitaine conseille donc au petit, avant de se présenter, d’aller acheter une salopette de mécano et de se salir un peu. Voilà comment Georges Guynemer, l’après-midi du même jour, entre comme élève mécanicien dans l’aviation française.

Le 26 janvier 1915, la sonnerie du téléphone retentit dans le bureau du capitaine Bernard-Thierry. Le général Hirschauer lui annonce qu’il va recevoir une nouvelle fournée de cent élèves pilotes. Tout à coup, une idée folle traverse l’esprit de Bernard-Thierry. Il demande alors au général s’il ne pourrait pas ajouter à la liste un 101ème... Oui, un sujet d’élite qu’il garantit sur facture. Il en est sûr, archisûr. Le général accepte. Il demande simplement au capitaine de lui faire connaître le nom du 101ème.

- Guynemer Georges, mon général. 

- Au bout du fil, un silence. Le capitaine comprend que le général est en train d’inscrire Guynemer en queue de sa liste. Une question pour la forme :

- Il est bien dans le service armé, votre Guynemer ?

Ici, Bernard-Thierry s’entend répondre, la gorge serrée, comme s’il se jetait à l’eau :

- Oui, mon général, naturellement.

A peine a-t-il raccroché que Bernard-Thierry se prend la tête à deux mains. Le général Hirschauer a ajouté : "Vous m’enverrez son dossier." Or il n’existe pas de dossier. Il décide donc de ne rien envoyer.

Pendant des mois, avec une remarquable constance, l’administration réclame le dossier de Guynemer. Toutes les quatre ou cinq semaines, une nouvelle lettre : "Suite à notre demande de telle date, nous prions l’autorité militaire de l’Ecole de Pau de bien vouloir faire suivre le dossier de l’élève pilote Guynemer Georges." A quoi Bernard-Thierry répond avec la même régularité que le dossier a déjà été envoyé et qu’il a dû se perdre. L’administration s’est fatiguée la première. Un beau jour, on n’a plus rien réclamé.


Le premier carnet de vol de Georges Guynemer contient à la première page cette simple mention :

Mercredi 27 janvier : corvée de neige.

Ce carnet de cinquante feuillets se termine le 28 juillet 1916 par le procès-verbal de la 11ème victoire de Guynemer : un avion allemand abattu sur la Somme.

En effet, en l’air, on le sent comme dans son élément. Il s’amuse.

Prenons-en conscience : la guerre aérienne n’a pas commencé. Allemands et Français ne se provoquent pas. On s’observe. Il arrive même qu’on se salue. Tout cela n’est pas du goût de Guynemer. Il veut en découdre.

Brocard qui s’est fait descendre - et qui s’en est tiré - n’en dort plus : il a juré de rendre coup pour coup. Le 3 juillet, il atterrit, saute à terre et fou de joie, hurle : "J’en ai eu un." L’escadrille toute entière rêve de réitérer un tel exploit. Guynemer le premier.

Le 19 juillet 1915, un lundi, Charles Guerder dort à poings fermés quand il se sent secoué comme un sac de vieilles pommes. Il a du mal à ouvrir les yeux. Il reconnaît Guynemer penché vers lui et qui lui crie : "Debout, lève-toi, viens comme tu es !"

Un peu plus tard, l’artillerie allemande les prend pour cible. Ce n’est pas là l’important. Guynemer découvre en dessous de lui, volant tranquillement vers le sud, un autre avion allemand. Il ne ressent pas la moindre hésitation : la proie tant attendue, tant espérée, est enfin à sa portée.

Il le laisse passer, l’Aviatik, "sournoisement", écrira-t-il. Et puis, il fait demi-tour, s’engage dans un piqué plein gaz.  A 50 m de l’Allemand, Guynemer fait un signe à Guerder qui,  aussitôt, lâche sa ravale, puis une seconde, puis une troisième, puis une quatrième. Le boche a été atteint mais il réplique ! finalement, à la 115 ème cartouche, le pilote ennemi est atteint.  "J’ai eu l’émotion bien douce, dira Guynemer, de le voir s’effondrer dans le fond du fuselage. L’observateur boche a levé les bras au ciel dans un geste de désespoir et l’Aviatik a piqué du nez et s’est enfoncé dans la brume, en flammes. Il est tombé entre les tranchées."

L’émotion bien douce. Un peu gênante, la formule. On pouvait espérer de sa part un peu de compassion pour ses adversaires qui n’ont pas plus que lui manqué de courage. Ne nous leurrons pas : ce n’es pas le genre de Guynemer. Jules Roy qui l’a compris mieux que personne nous dévoile sa vraie nature : Guynemer est un tueur. Chaque fois qu’il abattra un appareil ennemi, il criera sa joie. Souvent il atterrira pour voir de près ses victimes et, devant les cadavres, sourira cruellement. Ses lettres à sa famille contiennent des phrases qui nous glacent tant elles sont impitoyables.

Un tueur ? Si l’on veut désigner un guerrier sans complexe, il faut admettre le mot. Après tout, une guerre est faite pour être gagnée. Et la seule alternative est : tuer ou être tué. La survie est la condition de la victoire. Et Guynemer  ressent la rage de la victoire.

Pour s’en convaincre, n’oublions pas le dialogue historique entre Guynemer et Guerder, le lendemain ou le surlendemain de l’affaire :

- Dis-donc Guerder, c’est bien avec le zinc de Bonnard qu’on a descendu notre premier Fritz ?

- Oui. Et Bonnard, parce qu’il s’appelle Charles, l’a toujours appelé Vieux Charles.

- Alors, pour celui-là et tous ceux qui viendront après, ce sera la même chose :  Vieux Charles.

Après tout s’enchaîne. Le second ? "Ca s’est passé au dessus de la forêt d’Ourscamp. Il y avait une heure et demi que je le guettais... J’ai constaté avec joie qu’il tombait en vrille."

Trois jours plus tard, il abat un L.V.G allemand et note : "Le passager tombe à Bus. Le pilote à Tilloloy." Le jour où il recevra la Légion d’honneur, il esquissera un "mince sourire".

 

Le 1er juillet s’engage la bataille de la somme. Rude partie. Son carnet de vol enregistre sa neuvième, dixième et onzième victoire. Un jour c’est l’as des as allemand, Ernst Udet, qu’il rencontre. Udet d’en est toujours souvenu. Il a vu le Spad français fonçer sur lui. Il a viré à gauche.  L’autre aussi. Sur le fuselage du Français, Udet a distingué le mot Vieux... Il a compris : Guynemer.  Une longue traque commence entre les deux hommes. "Peu à peu, je m’aperçois qu’il m’est supérieur. Ce n’est pas seulement la machine qui est meilleure, l’homme qui pilote est aussi plus fort que moi. J’ai essayé tous les moyens : tonneaux, glissades latérales. Rapide comme l’éclair, il devine chacun de mes mouvements et la riposte est là, elle aussi, comme l’éclair. Ma mitrailleuse s’est alors enrayée. J’ai lâché un moment le manche et je martèle ma mitrailleuse des deux poings. Guynemer m’a vu. Il sait que la proie est à sa merci. De nouveau il vient raser ma tête. C’est alors que se produit une chose inouïe : il étend le bras et me fait signe, un tout petit signe de la main, puis il plonge et disparaît..."

Epargner un adversaire ? Un de ces boches tant haïs ? Voilà qui ne ressemble guère à Guynemer. Pourtant, il l’a fait. Peut-être parce que cet ennemi était seul, qu’il s’était bien battu, aussi bien que lui. Parce qu’il l’a senti son égal. Il ne s’est pas trompé : Udet finira la guerre auréolé de 62 victoires, second des as allemands derrière Richthofen.

La gloire de Guynemer grandit de mois en mois, sa photographie s’étale dans les magazines avec des légendes époustouflantes, ses exploits ont déjà pris figure de légende - et aucun jupon ne se profile à l’horizon, Guynemer serait-il mort puceau ?

Heureusement, Jules Roy est passé par là. Il nous a rassurés. Il y a eu des femmes dans la courte vie de Guynemer : une charmante Mme de Cornois, à Valenciennes, une Marie-Louise à Breille-Sec. mais l’aventure de sa vie, la vraie, c’est à Paris qu’il l’a vécue.

 

En ce temps-là, la capitale toute entière vibre pour les aviateurs. Dès qu’ils apparaissent dans leurs uniformes si reconnaissables, on s’empresse, on leur fait la fête, on les acclame. Les caissières de cinéma refusent leur argent. Montmartre leur appartient et le café de la Paix, et le Fouquet’s, et Maxim’s. pour eux, le meilleur champagne, les plus longs cigares et les plus jolies filles. elles sont bien rarees, celles qui ont le courage de leur résister. Ce soir-là, en compagnie d’un copain, Guynemer est allé au théâtre. Une chance, parce que justement de bien jolies filles évoluent sur la scène. Quand, on baisse le rideau, les aviateurs décident de ne pas en rester là, se glissent dans les coulisses, font passer leurs cartes de visite aux deux comédiennes qu’ils ont repérées. celle qu’à choisi Guynemer est blonde, avec des yeux immenses, un petit nez retroussé de l’effet le plus coquin et une voix aux modulations exquises. Elle s’appelle Yvonne Printemps.

Quand l’ouvreuse lui passe la carte de Guynemer, Yvonne sursaute : Sous-lieutenant Georges Guynemer. Il était donc dans la salle ! Il est venu l’applaudir ! Il veut la voir ! Elle le fait entrer à l’instant et, toute bête pour une fois, ne sait que dire. un regard à vous faire entrer sous terre ou à vous expédier au ciel. Elle le trouve beau. Et tranquille, et heureux. il faut qu’elle se secoue, Yvonne, pour s’exclamer avec cette gouaille qui accroît d’autant son charme.

- Dites donc avec tout ça, où est-ce qu’on va ?

C’est chez Maxim’s qu’on est allé. Plus tard elle s’est demandé de quoi ils avaient bien pu parler ce soir-là. impossible de s’en souvenir. Deux ou trois fois, elle l’a fait rire. Mais qu’est-ce qu’il l’attendrissait ce petit Guynemer ! Comme elle se sentait bien avec lui ! Quand il a réclamé l’addition, le maître d’hôtel est accouru :

- Il n’ y a pas d’addition pour vous, mon lieutenant ! Guynemer a grommelé quelque chose qui devait ressembler à un merci. Il s’est levé brusquement, a entraîné Yvonne.  Au matin, le lit où ils se sont retrouvés était devenu un champ de bataille. Une étrange liaison commence. Sur l’uniforme de Guynemer, Yvonne découvre toujours un galon de plus : sous-lieutenant Guytemer... Lieutenant Guytemer... Capitaine Guytemer. Capitaine à vingt-deux ans !

Elle en est toquée du petit Guytemer. L’ennui, c’est ce Sacha Guitry qui commence à faire une cour sérieuse à celle qu’il appelle Vonvon. Sacha ne déplaît pas à Yvonne. Coucher avec le talent, voilà ce qui est nouveau pour elle. Et pas désagréable. Elle a conscience d’avoir jusque -là mal administré sa carrière, d’avoir joué n’importe quoi. Sacha, acclamé par le public, porté aux nues par la critique, écrit déjà pour elle des rôles sur-mesure ! Mais rien n’y fait : quand le téléphone sonne, quand elle entend la voix de Guynemer, elle court au rendez-vous. Certes, elle deviendra Madamee Sacha Guitry, mais elle n’oubliera jamais son petit aviateur.

 

Impossible de raconter une à une toutes les victoires de Guynemer. Il est tombé sept fois. sept fois il s’en est tiré. Comment oublié ce combat au cours duquel il a foudroyé trois Fokker en cinq minutes et, son avion touché, a réussi à se poser en catastrophe dans nos lignes ? L’avion s’est à peu près retourné, le train écrasé, l’empennage dressé à trois mètres du sol. Et lui, Guynemer, vivant !

Imaginez les poilus qui ont aperçus ça au fond de leurs tranchées. On s’élance pour voir de près l’aviateur. Quelqu’un hurle : c’est Guynemer ! Quoi ? Guynemer ? Le vrai ? On se rue sur lui. On veut le voir, le toucher mais il souffre. C’est à peine s’il peut tenir debout. On a prévenu le général commandant la division. Il accourt.

- C’est vrai que vous êtes Guynemer ?

Le général fait rassembler ses troupes. Il veut que le héros les passe en revue avec lui. Il obéit. tout se brouille devant ses yeux. Il n’ira pas jusqu’au bout, il est est sûr, mais voilà que des rangs de tous ces poilus s’élève le chant de la Marseillaise. Alors, lui, Guynemer, oublie tout. il lâche le bras du général, affermit son pas et achève de passer les troupes en revue comme s’il était à l’exercice.

Le 28 juillet 1917, il remporte sa cinquantième victoire homologuée mais, écrit-il à son père, "si on avait tout compté, ce serait le double".

L’aube du 11 septembre 1917, le soleil l’emporte sur le brouillard. Belle journée pour voler.  A 8 h 25, Guynemer décolle. Il ne reviendra pas. Toute la journée l’escadrille le recherchera. En vain.

Le 27 septembre, la Gazette des Ardennes, journal allemand imprimé en français, publiera un récit qui dissipera le mystère : le 11 du même mois, à 10 h du matin, heure française, un aviateur s’est écrasé dans les lignes allemandes. Un sous-officier allemand s’est rendu avec deux hommes à l’endroit de la chute. Le pilote portait sur lui une carte d’identité dont le journal reproduit la photographie. Celle du capitaine Georges Guynemer.

On a su plus tard que le pilote qui l’avait abattu s’appelait Wissemann. La mort avit été causée par une balle dans la tête. qu’est devenu le cadavre de Guynemer ? Impossible de le savoir. 

La conclusion du communiqué ne manquera pas d’allure : "Les aviateurs allemands regrettent de n’avoir pu rendre honneurs aux vaillant adversaire." Nul n’a porté en terre les restes de Georges Guynemer, homme du ciel. 

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Ces années-là
14 février 2010 7 14 /02 /février /2010 20:34

imagesCAH66LG3"Vingt et un jours plus tôt, une bombe semblable à celle que portait l'Enola Gay avait été expérimentée dans le désert du Nouveau-Mexique. Ce jour-là, le 16 juillet 1945, sur une distance de quatre cents kilomètres à la ronde, un éclair avait embrasé les cieux.

Aux dires des témoins, il éblouissait "comme plusieurs soleils réunis". Une gigantesque sphère de feu s'était élevée jusqu'à 8 000 mètres. La terre avait tremblé. Dans tout le sud-ouest des Etats-Unis, on avait entendu l'explosion et beaucoup s'étaient étonnés de voir le soleil se lever plus tôt que d'ordinaire. Une aveugle s'était écriée soudain : "Je vois !"

Une nouvelle ère avait commencé.


Flash back :

Dans les années 1920 et 1930, de jeunes savants cherchent éperdument et passionnément le secret de la matière. C'est Enrico Fermi qui ouvre la voie à de nouvelles applications, ce qui lui vaut, en 1938, le prix Nobel de physique. L'année suivante, il part pour l'Amérique : sa femme, Laura, est juive. Il a peur pour elle.

Les persécutions hitlériennes vont d'ailleurs éloigner d'Europe plusieurs savants atomistes. Juste retour des choses : si Hitler n'avait pas voulu imposer son absurde doctrine raciale, peut-être aurait-il disposé de la bombe atomique avant les Américains. Parmi ces exilés aux Etats-Unis, un physicien Hongrois du nom de Léo Szilard ne peut que susciter un intérêt particulier : il sait que cette bombe peut tout changer. Pour être entendu de Roosevelt, il songe à Einstein. Sa gloire est à son zénith. Même l'homme de la rue a entendu parler de la théorie de la relativité. Ils vont écrire une lettre pour convaincre le président.

C'est Alexander Sachs qui va donner cette lettre à Roosevelt quand il estimera que l'heure est venue. Sera-t-il ébranlé ? Sachs, qui connaît bien le passé et mieux encore son Franklin, lui conte alors une anecdote significative. Pendant des années, Napoléon a rêvé d'envahir l'Angleterre. Il n'y est jamais parvenu. Toujours les vents se sont révélés contraires. Un jeune inventeur du nom de Fulton est venu lui proposer de construire pour lui des navires à vapeur. Toute une flotte. L'empereur pourrait traverser la manche au jour qu'il choisirait. L'Angleterre une fois écrasée, il serait maître du monde. Napoléon a éconduit Fulton. L'affaire lui paraissait peu sérieuse. Il n'avait pas de tmps à perdre. C'est ainsi que, jamais, jamais il ne fut maître du monde.

Derrière ses lorgnons, les yeux de Roosevelt étincellent. Pensif, il aspire une bouffée de son long fume-cigarette. Il se fait apporter une bouteille de fine Napoléon, trinque avec Sachs puis donne l'ordre d'agir immédiatement. Tout va donc commencer ce jour-là. L'énorme machine américaine va se mettre en marche. Au bout du chemin, éclatera la bombe d'Hiroshima.

Einstein dira : "Si j'avais su, je n'aurai jamais signé cette lettre."

Le nom de l'entreprise : projet Manhattan. Son chef : le général Groves. L'effort est si considérable que le premier complexe industriel réalisé à Oak Ridge fait de la ville, en quelques mois, le cinquième du Tennessee.

Le soir de Noël 44, Groves déclare que les progrès sont tels que, très probablement le 1er août 1945, on pourra disposer d'une bombe. Du moins, il l'espère.

Si l'on se réfère au précédent de Napoléon refusant l'offre de Fulton, on peut dire que Hitler a purement et simplement réédité la même erreur. Roosevelt l'a évitée.

La guerre s'achève en Europe avant que la bombe soit prête. Désormais, c'est au Pacifique que les Etats-Unis vont consacrer tous leurs efforts. L'état-major élabore des plans d'attaque sans tenir compte de l'arme atomique, puisque les plus grands chefs militaires - même Eisenhower, même Mac Arthur - en ignorent l'existence. On prévoit de débarquer au Japon en deux étapes et en se référant à ce qu'à coûté en vies humaines la reconquête du pacifique, l'état-major estime que les pertes américaines, lors du premier débarquement, s'élèveront à un chiffre intermédiaire entre 30 000 et 40 000 hommes. 

Mais l'imprévisible est advenu : les savants ne veulent plus lancer la bombe. Léo Szilard lui-même a émis, le premier, les plus expresses réserves. Il voulait en 39 que les Etats-Unis disposent de la bombe avant Hitler. On y est parvenu. Le paradoxe est que, pour vaincre Hitler, on n'a pas besoin de la bombe. Ne reste que le Japon qui ne la possède pas. Il s'est expliqué plus tard : "Le monde entier savait déjà, et les Japonais eux-mêmes, que le Japon n'avait aucune chance de gagner la guerre. Il fallait donc penser à la paix et laisser les bombes de côté. Un bombardement au Japon ne se justifiait en aucune façon."

Le 1er juin 1945, le comité nommé par Truman qui a pris la relève dépose ses premières conclusions. Il recommande de lancer la bombe au plus tôt sur le Japon. ceci sans prévenir les Japonais de sa nature.

Les savants s'élèvent contre l'emploi de la bombe. Ils préconisent que "la nouvelle arme soit présentée dans un désert en présence des délégués de toutes les nations." Des Japonais seraient invités. On créerait ainsi une atmosphère extrêmement favorable à un accord international. l'Amérique s'adresserait au monde : "Voyez l'arme que nous possédons. pourtant nous ne nous en servons pas. Nous sommes disposés à ne pas l'utiliser dans l'avenir, à condition que les autres nations adhèrent à notre proposition et que l'on sente un contrôle international sérieux..."

Le document destiné au président Truman ne lui est jamais parvenu.


Le journaliste William L. Laurence, seul observateur officiel du projet Manhattan est persuadé que si Truman, s'il l'avait lu, ne l'aurait pas compris : "A cette époque-là, il était impensable de ne pas faire usage d'une arme qui mettrait fin à la guerre et nul ne voulait se résigner à perdre au moins 500 000 hommes, sans compter au minimum 2 millions de vies japonaises. C'était un argument qu'aucun chef d'Etat ne pouvait négliger."

pendant de longs jours, les savants continuent à se battre contre l'utilisation de la bombe. Ils frappent à toutes les portes. En vain. Le comité Stimson a tranché. Truman a entériné ses propositions. Il n'est plus au pouvoir de personne d'empêcher l'inéluctable.

Le 16 juillet donc, la première bombe atomique expérimentale explose dans le désert du Nouveau-Mexique. Au moment où s'est déchaînée la terrifiante explosion, un passage d'un livre sacré de l'Inde atraversé l'esprit d'Oppenheimer :

Si le rayonnement de milliers de soleils

Irradiait dans l'instant le ciel

dans toute sa splendeur apparaîtrait le Tout-Puissant...

Je suis la mort,

La fin de tous les temps.

Winston Churchill a déclaré, lui, qu'il s'agissait de la colère de Dieu.

Après cette expérimentation, on dispose de deux bombes : l'une à l'uranium, Little Boy, l'autre au plutonium, Fat Man. On utilisera la première. Si le Japon refuse de capituler, on utilisera la seconde.

On choisit Paul W. Tibbets Jr, ving-neuf ans, brun de cheveux, grand fumeur de pipe et surtout modèle d'équilibre pour larguer la bombe. Quand il fut convoqué à Colorado Springs et qu'il s'entendit révéler le secret de sa désignation, il ressentit, confiera-t-il, l'impression "qu'on venait de l'arracher à une planète pour l'introduire dans une autre".

Le 5 août, après le service religieux auquel il assiste avec ses hommes, Tibbets s'avise que son appareil ne porte pas de nom. Tibbets fait plus qu'aimer sa mère, il la vénère. se souvenant de son nom de jeune fille, il décide de baptiser l'appareil Enola Gay.

Le 6 août, l'Enola Gay s'élance sur la piste. Il prend peu à peu de la vitesse mais le B-29 est lourd, trop lourd. Trempés de sueur, Tibbets voit s'approcher à toute vitesse l'extrémité de la piste. ON ROULE À 80 m/seconde. On ne décolle toujours pas ! Le co-pilote Lewis n'a jamais oublié ce qu'il a pensé alors : "Nous n'y arriverons pas. Nous devrions déjà être en l'air. Il ne reste plus assez de piste."

De toutes ses forces, il tire le manche à balai en arrière. A quelques mètres de l'extrémité de la piste, le nez de l'appareil se lève enfin. On décolle.


A Hiroshima, les habitants qui s'éveillent prévoient une journée caniculaire. Depuis quelques jours les japonais ne comprennent pas pourquoi Hiroshima est éviter par les bombes. certains vont jusqu'à raconter que la mère de Truman se trouve dans la ville. Ce qui est bien sûr faux. Ils ne sauront que plus tard que c'est parce que la ville était intacte que la ville a été choisie.

Dans cette ville, on manque de tout. On s'attend au débarquement américain. Sans cesse, la radio exhorte les Japonais à se prépare pour, le moment venu, rejeter l'envahisseur à la mer. Avec quelles armes résistera-t-on ? Avec quelles munitions ? La plupart des hommes ne sont armés que de bâtons.

A 7 h 09, heure locale, les sirènes retentissent. On a repéré un avion. Ceux qui lèvent la tête peuvent reconnaître un avion météo. Ce n'est pas dangereux, un avion météo. Nul ne s'inquiète. comment sauraient-ils qu'il s'agit du Straight Flush du major Eatherly ? Et que cet avion-là devrait les inquiéter bien plus que n'importe quel avion de combat ? Il est là pour donner le feu vert...

A 8 heures, l'Enola Gay arrive sur place, il a tenu son horaire. A l'heure fixée, la bombe a été amorcée. Le moment est venu. A l'adresse de Ferebbee, Tibbets lance :

- A vous de jouer maintenant.

Tom Ferebee rive son oeil au collimateur. A 9 h 14, en plein dans la mire, le milieu d'un pont se détache : c'est l'objectif qui lui a été désigné sur photo. Il hurle :

- Je le tiens !

La bombe est larguée. Tous les hommes de l'Enola Gay, comme on le leur a prescrit, baissent sur leurs yeux d'épaisses lunettes noires. Soudain, l'équipage tout entier est aveuglé. Bob Lewis se croit atteint de cécité. La bombe vient d'éclater. Elle a déchaîné une température de 100 millions de degrés. Déjà, un nuage qui ressemble à un champignon commence à s'élever. Hiroshima est devenu un immense brasier.

Bob Lewis serre les poings et murmure :

- Mon Dieu, qu'avons-nous fait ?

Cette phrase est celle qui figure au journal de bord.


Hiroshima n'est plus. Les premiers, ceux qui se trouvaient directement en dessous de la projection sur le sol de l'explosion, ont été désintégrés. Plus de traces de choses ni de gens. Si l'on s'éloigne du "point zéro", ce sont des cadavres calcinés que l'on découvre.. les hommes, les femmes, les enfants, se sont embrasés, d'un seul coup.

100 000 morts, 40 000 blessés. Officiellement.

Sans doute beaucoup plus.

Quand le major Eatherly a su ce qui était arrivé à Hiroshima, il s'est tu. Pendant plusieurs jours, il a refusé d'adresser la parole à quiconque. Pourtant il n'a pas largué la bombe. mais il a conseillé à l'Enola Gay de la larguer. Cette idée-là, il ne peut la supporter.

Or le responsable, c'était Truman. Il déclara dans ses mémoires qu'il se devait d'ordonner que l'on utilisât la bombe. Il l'avait fait. Il le disait. Rien de plus.

Plus tard, interrogé par des journalistes qui lui demandèrent à brûle-pourpoint quel était l'évènement de sa vie qu'il regrettait le plus, Truman répondit sans hésiter :

- Je regrette de ne pas m'être marié plus tôt.

Apparemment, il n'avait pas pensé à la bombe.

Claude Eatherly, lui ne s'en ai jamais remis. Après plusieurs dépressions, un divorce et une tentative de suicide, il va se rendre en pèlerinage à Hiroshima. Les Japonais l'accueillent comme un frère retrouvé. Les militants du désarmement se reconnaissent en lui. En 1952, il participe à une manifestation monstre contre l'arme atomique. Jusqu'au bout, il clamera qu'il faut renoncer à l'atome en tant que moyen de destruction. Jusqu'en ce mois de juillet 1958 où, à 59 ans, il mourra d'un cancer.

Au-delà de sa propre mort, Claude Eatherly a voulu militer encore. A sa demande, son corps fut brûlé. Comme tant d'autres corps l'avaient été, treize ans plus tôt.


A Hiroshima. 

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Ces années-là
14 février 2010 7 14 /02 /février /2010 11:55

imagesCAZ12DN5"L'homme s'avance, inspecte longuement la cellule. La plupart du temps, les occupants n'ont droit qu'à un regard dédaigneux. La porte se referme, l'exploration continue. De temps à autre un sourire éclaire le visage du visiteur. Il s'adresse à un assassin, à un voleur ou à un escroc : comment le directeur l'oublierait-il ?

- Libérez-le, dit l'homme.

Le capitaine Radecke se contente d'approuverer. 27 détenus vont ainsi quitter la prison. A chacun d'eux, l'homme aux cheveux noirs a dit simplement : 

- T'es libre.

Il s'appelle Henri Lafont. Ce jour-là, il commence à recruter les effectifs qui, au service des Allemands, composeront ce que l'on a appelé la Gestapo française. A ces individus en marge, le service de l'Allemagne nazie va fournir l'occasion d'une revanche acquise au mépris de tous les principes moraux existants. Au prix de toutes les abjections.

 

Tout a commencé quand les Allemands ont mis en place des bureaux d'achat chargés de négocier tout ce qui se révélera disponible sur le marché français. Le raisonnement de Lafont est simple :

- Ça, c'est un bon coup à ne pas rater. Moi, je vais leur acheter n'importe quoi, tout ce qu'ils veulent, les Fritz.

Plus tard, il affirmera qu'il aurait pu tout aussi bien, à cette époque, rejoindre un réseau de Résistance.

- Et qu'est-ce que je serais devenu maintenant ? Et bien, tout simplement un héros ! Et je n'aurais pas fait de cadeaux aux Fritz. J'aurais fonçé comme un dingue, comme un forcené, à fond. Seulement, voilà, en juillet et en août 1940, des résistants, je n'en ai pas connu, pas vu la couleur. Je ne savais même pas ce que c'était. Ca tient à rien la vie et le destin d'un homme : un truc comme rien, un petit hasard. Une histoire d'aiguillage. Ou alors, c'est la fatalité, et là je n'y peux rien. Mais à l'époque, j'avais simplement envie de ne pas crever, de vivre.

Mué en grossiste, il parcourt l'Ile-de-France, la Normandie : il achète du blé, du maïs, du beurre - par tonnes -, du bétail et même des fourrures. Les Allemands apprécient. Voilà un homme.

Son raisonnement est simple : si les employeurs allemands le lâchaient, il serait un homme fini. Pour éviter une telle éventualité, une solution, une seule : les compromettre si complètement qu'il leur deviendra impossible de se passer de lui. Lafont va donc s'appliquer à mêler à son "entreprise" tous les chefs allemands qui l'utiliseront. Il leur verse des commissions considérables et leur offre des "cadeaux" dont il gardera soigneusement la trace. Ainsi va croître sa puissance. Il en arrivera à dicter ses ordres à ceux qui, dans la hiérarchie nazie en France, occupe des postes clés. L'ex-petit truand va faire trembler des lieutenants de Hitler.  

Mais Lafont a besoin d'hommes de confiances qui sont prêts à tout. Il va aller les trouver en prison. A ces détenus, Lafont s'est montré explicite : au services des Allemands, il y a du fric à gagner. Beaucoup. Ce n'est pas le patriotisme qui étouffe ces truands. Ils ne demandent qu'à se mettre "au travail". A chacun de ses hommes, il a lancé :

- Tu m'appelleras Patron.

Mais Lafont dépasse les bornes et se retrouve dans le collimateur des Allemands. Il va alors dénicher Lambrecht, un des chefs de la résistance antinazie qui se cache dans le Sud-Ouest. Aucune haine ne l'anime à l'égard de cet homme qu'il ne connaît pas. Pour Lafont, il n'y aura jamais de guerre idéologique. Il avance des pions sur un échiquier, rien de plus. Lambrecht en est un. La vie de Lambrecht contre - pour lui - la fortune et la puissance ? Il trouve ce donnant donnant parfaitement équilibré. D'ailleurs est-ce que cela compte la vie humaine ?

 

Il se précipite à Bordeaux. Quelques nuits de beuverie dans les bars de la ville lui permettent de nouer des contacts. Un policier ivre mort lâche le morceau : Lambrecht se cache à Toulouse. Il livre même l'adresse. Cadeau. Il retourne à Paris. Le ressentiment des Allemands n'est pas éteint, mais la perspective de capturer Lambrecht efface tout. Il obtient des armes, des uniformes allemands, des Ausweiss et beaucoup d'argent. Il a posé ses conditions : aucun Allemand n'interviendra. Il veut réussir l'affaire avec ses hommes et personne d'autre.

 

Qui sont à cette époque les hommes de Lafont ? Il s'agit de Robert dit "le Fantassin", de Hyrbes dit "la Rigole" - deux figures notoires du milieu - et d'Estebéteguy, un tueur surnommé "Adrien la main froide". On loue une voiture, on file sur Toulouse. A l'adresse indiquée, on trouve Lambrecht en train de se raser. On l'assomme, on le ligote, on s'empare de ses documents, on le jette dans le coffre de la voiture et on le dépose au siège de la Gestapo. Maintenant, il faut que Lambrecht parle. "Laissez-moi faire", dit Lafont aux Allemands. Il va conduire l'interrogatoire... Il va durer deux jours et deux nuits. Lafont ne s'accorde pas une minute de repos, pas un instant de sommeil. A la fin, ses propres bras lui refusent tout service, ses hommes doivent le relayer. réduit à l'état de loque sanglante, Lambrecht craque. Il donne tous les détails qu'on attendait de lui. Grâce à ses aveux, les services allemands arrêteront plus de six cents personnes. Six cents ! Une "réussite" totale.

 

Cette réussite sera fêtée au One-two-two, "maison" parisienne célèbre. dans cette capitale qui, en octobre 1940, meurt littéralement de faim, le colonel Reile offre à "Monsieur Henri" ainsi qu'il l'appelle - le nom lui restera - un dîner somptueux.

Galvanisé, Monsieur Henri jette son dévolu sur un appartement de l'avenue Pierre-1er-de Serbie. Très vite, les locaux se révèlent trop exigus. Quand Lafont prend pour quartier général un hôtel particulier, 93, rue Lauriston, il ne cache pas que les vastes sous-sols ont été pour beaucoup dans son choix. On pourra y recevoir des prisonniers et les "interroger" sans que leurs cris ameutent le quartier.

En même temps, il recrute. Autour de lui, travaillent désormais Paulo du Helder dit "la Gamberge", Charles Cazauba, secoué de tics, Miclar qui se spécialisera dans les dénonciations de juifs, Riri l'Américain, proxénète connu - et le pire de tous : Abel danos dit "le Danois", "le Sanguinaire", "le Mammouth", "le Gros", "Gros Bill", "Bel Abel". Il mérite tous ses surnoms. En 1936, l'attaque du train de Marseille-Blancarde lui a permis de rafler 100 kg d'or. Danos est "un tueur à froid, dira l'inspecteur Chenevier. Danos avait le crime dans le sang".

D'autres encore : Armand le fou, huit condamnations, interdit de séjour, meurtrier d'un de ses amis, le proxénète Raymond Richard et sa "régulière" Simone Verhes qui, en mai 1944, provoqueront à eux deux, en une seule journée, l'arrestation de soixante résistants. s'y ajoutent Gaston Lorraine et Charles Forêt, tenanciers de maison close, Feu-Feu, dit "le Riton", sept condamnations, surtout respecté dans le milieu depuis l'attaque du fourgon postal de la rue de Maubeuge, Jo le corse, un tueur à gages, Adolphe Cornet dit "Frédo la terreur du Gnouff" qui, rue Lauriston, va se spécialiser dans les interrogatoires électriques, ce qu'il appelle la "magnéto à effacer le sourire". Et d'autres, bien d'autres.

C'est entouré de ces membres éminents de l'aristocratie du crime que Lafont va pendre la crémaillère. Sur une longue table jonchée d'orchidées, les crus des grandes années voisinent avec les champagnes millésimés. Toute la soirée défile des plats exquis. A table, à la place d'honneur, il y a même le conseiller criminel Boemelburg, l'un des hommes qui ont reçu pour mission de transposer dans les faits les théories prêchées par Hitler. Boemelburg doit concourir à la création de ce Grand Reich allemand qui doit vivre mille ans. Aux yeux des nazis français, du fait même qu'il va au bout de ses principes, il est respectable et doit être respecté.

C'est à ce moment là qu'arrive Bonny. Les Allemands l'ont trouvé dans la misère. Prêt à tout. C'est un organisateur. Il sait tenir des dossiers, toutes choses dont Lafont - qui sait à peine lire et écrire - est incapable. Du patron, il deviendra le complément indispensable. C'est grâce à lui que Lafont a pu glisser dans la paume des Allemands un rouage précis, huilé, ciselé, qu'il n'y a plus qu'à enchâsser dans la machine policière qui broie le coeur de la patrie.

Contre les réseaux de résistance, l'efficacité du Service va se révéler redoutable. Daniel Hirbes dénonce le groupe "Résistance-fer". Après s'être infiltré dans l'organisation, Bernard tertre porte des coups sérieux aux maquisards de "Libération vengeance". lafont élimine personnellement le réseau "défense de la France" auquel appartient Geneviève de Gaulle. Le 26 juillet 1943, Bonny arrête lui-même la nièce du général.

On a affirmé que Lafont était l'inventeur du supplice de la baignoire. Le certain est que la bande utilise abondamment cette méthode née de l'occupation. très simple : on attache les mains du "client" dans le dos par des menottes. On remplit une baignoire d'eau glacée. On plonge sous l'eau la tête de celui dont il faut tirer les aveux. lorsque le supplicié cesse de se débattre, prouvant par là qu'il a tteint la suffocation complète, on le ramène à la surface en le tirant brusquement par les cheveux. Si, ayant repris souffle, il refuse encore de parler, on le replonge dans l'eau.

 

Parfois certaines maîtresses de Lafont assistent aux interrogatoires. Il advient qu'elles mettent la main à la pâte, brûlant par exemple avec une cigarette la pointe des seins d'autres femmes arrêtées. pour obtenir des aveux toutes les méthodes sont bonnes. Jacques Delarue en énumère un certain nombre. Tantôt, le "terroriste", doit s'agenouiller tandis que l'un des hommes de Lafont monte sur ses épaules, tantôt on le suspend par les bras ramenés en arrière, à moins que l'on préfère le frapper à coup de pied, de poing, de nerf de boeuf. le résultat est le même : la perte de conscience. Pour réveiller le "client", on lui jette un sceau d'eau en pleine figure. "On limait les dents, on arrachait les ongles, on brûlait avec une cigarette et parfois même avec une lampe à souder. On pratiquait aussi le supplice de l'électricité. On entaillait la plante des pieds au rasoir, et on obligeait ensuite le blessé à marcher sur du sel. Des morceaux de coton imbibés d'essence étaient placés entre les doigts de pieds et enflammés."

Lutter contre la résistance, la décapiter si possible, mais n'oublier jamais de se remplir les poches : tel était le programme du Service.

A son procès, on prouvera que Lafont a sauvé la vie de résistants, de Juifs. Un coup de téléphone aux Allemands suffit : "ici Lafont, faites libérer M. X..." On libérait M. X... pour ces interventions, il demande de l'argent, parfois beaucoup. dans d'autres cas : "Envoyez-moi des fleurs." Jouir de la gratitude de gens qu'il n'aurait pas même osé aborder dix ans plus tôt est un plaisir qu'il savoure. Il se plaît à recruter ses maîtresses dans l'aristocratie. La comtesse Natacha Kolnikov est sa grande passion de l'année 41. Lui succèdent Geneviève de P..., puis la marquise d'A... dont le règne sera plus long et qui l'initiera aux joies de l'équitation. Il monte Séville, tandis que la marquise monte Belle Cocotte. Une fois par semaine, il offre un plantureux repas aux clochards : souvenir du temps où il était dans la rue ?

A mesure que croît l'audace des réseaux de résistance, le service durcit son action et augmente ses effectifs. A la fin de l'occupation, on estime à 34 000 hommes, le nombre d'agents de la Gestapo française. Chiffre effarant, accablant, les Allemands ont atteint leur but : gangrener la société française.

 

Pour la résistance, Lafont est devenu l'ennemi public numéro 1, l'homme à abattre. Plusieurs fois on tente de l'assassiner. Il est trop bien protégé. On lui propose alors une rencontre. Il accepte. Le 17 août 43, un homme se présente à lui :

-Lieutenant-colonel Ricard.

L'homme de l'ombre va droit au but : Lafont a joué la mauvaise carte, la défaite allemande est certaine, il a commis des crimes mais on sait qu'il a aussi sauvé des Français. Il est temps encore. On connaît ses qualités d'organisateur. pourquoi ne les mettrait-il pas au service de la Résistance ?

Lafont a semblé d'abord attentif, puis ému. En définitive, il refuse. il saisit la bouteille de champagne, boit au goulot.

- Colonel Ricard, ne me demandez pas d'être habillé de beaux sentiments. Pourquoi irais-je me déguiser chez vous ?Aimez-vous les femmes colonel ? Moi je les aime blondes, brunes, rousses, châtain clair, lisses, potelées, minces ; je les aime parfumées, maquillées, sages, démentes, douces, agressives. Je les ai toutes, jusqu'à satiété, jusqu'au doux écoeurement. Avez-vous autant de femmes à m'offrir ?

Il lève sa bouteille de champagne, boit encore :

- Aimez-vous l'argent, colonel Ricard ? Moi j'aime le posséder, le pétrir de mes mains, le jeter par les fenêtres... Aimez-vous la puissance, la gloire, colonel Ricard ?... Moi, j'aime dominer, humilier, vaincre, faire courber les têtes, voir des hommes ramper devant moi, m'implorer, me supplier, demander grâce, devenir fourbes, lâches, serviles, répugnants de bassesse.

Il a reposé la bouteille sur la table. il regarde bien en face le résistant. Les yeux dans les yeux :

- Vous ne me donnerez jamais, comme je le veux, autant de femmes, autant d'argent, autant de puissance. Et vous voulez que j'abandonne tout cela, que je me lance dans l'aventure, que je revienne à une vie d'errance, de clandestinité, de danger ? Non.

Après le débarquement, les rats quittent le navire : plusieurs de ses complices l'abandonnent. l'un deux, Estebéteguy, dit "Adrien le basque", croit trouver une filière pour passer en Amérique du Sud et finira dans la chaudière du docteur Pétiot. On retrouvera le cadavre de Ménard dans la banlieue de New-York : assassiné. Herbert sera exécuté d'une rafale de mitraillette dans une boîte de Mexico. Du fabuleux butin de Lafont, d'autres ont profité qui auront pignon sur rue. Lafont sera dénoncé et n'opposera aucune résistance.

Lors du procès, il ne se départira pas d'un grand calme qui ressemble à de la dignité. Il assumera toute la responsabilité. pour Lafont comme pour Bonny et plusieurs de leurs lieutenants, le même verdict : la mort.

Le 26 décembre 1944, Lafont et Bonny marchent vers le peloton d'exécution. Lafont refuse le secours de l'aumônier. A l'adresse de Maître Floriot, il lance :

- On devrait moderniser et, plutôt qu'un curé, vous envoyer, par exemple, une belle nana, histoire de garder de la vie un bon souvenir !

I rajoutera : Vous savez, je ne regrette rien. Quatre années au milieu des orchidées, des dahlias et des Bentley, ça paye, non ? J'ai vécu dix fois plus vite, c'est tout.

Il est de la première fournée. jusqu'au dernier moment, il tire sur sa cigarette. il se laisse attacher au peloton d'exécution mais refuse qu'on lui bande les yeux :

- Je veux boire jusqu'au dernier rayon de soleil.

 

A 9 h 50, les balles le frappent en plein visage. Le long du poteau blanc, il glisse vers le sol.

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Ces années-là
17 août 2005 3 17 /08 /août /2005 10:25
Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Ces années-là
1 mai 2005 7 01 /05 /mai /2005 15:37

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by Régis IGLESIAS - dans Ces années-là

Livre d'or

Première affiche

 

  "MA MAMIE M'A DIT"  

Spectacle nostalgique 

 

"On nous avait promis la magie, promesse tenue : un spectacle plein de féérie de souvenirs où chacun se retrouvait. Une belle énergie. Les résidents ont adoré. Merci." Marie ("La Clairière de Luci" - Bordeaux)
 
"Formidable ! Nous sommes tous remontés dans le temps, nous avons vingt ans, on a ri, on a presque pleuré et surtout on a chanté. Merci." Cathy (Arles)
 
"Un véritable petit chef d'oeuvre" ; "La légion d'honneur pour la créativité" "Un véritable artiste" ; "Après-midi formidable" ; "Absolument parfait" ; "Une rétrospective originale" ; "Un très bon moment d'évasion". Propos recueillis à la résidence Emera d'Angoulême  
 
"Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux... C'était magnifique. Nous avons revu toute notre jeunesse et notre enfance. Et c'est beau de redevenir jeune dans l'ambiance d'autrefois." Aimée et Janine
 
"Les chansons, les réclames et les anecdotes ont transporté les résidents dans leur enfance. Une après-midi de nostalgie mais aussi de chansons et de rires. Merci encore pour ce magnifique spectacle." Sandrine
 
"Spectacle complet, tellement agréable et thérapeutique pour nos personnes âgées, encore félicitations !" Docteur Souque
 
"Un choix extraordinaire de chansons, des moments magiques, des photos magnifiques, vous nous avez mis de la joie dans le coeur. Et retrouver sa jeunesse avec tous ces souvenirs, ça fait plaisir et j'espère que vous reviendrez nous voir." Mme Lorenzi (Juan-Les-Pins)
 
"Pour ma fête, par un pur hasard je me suis retrouvé dans un club de personnes âgées où j'ai pu assister à votre spectacle sur le passé. Cela m'a rappelé mes grands-parents et mes parents et c'était vraiment un moment magique." Josette, La Roque d'Antheron
 
"Bravo bravo bravo Regis, c'est le meilleur spectacle que j'ai vu depuis que je fais le métier d'animatrice." Bénédicte La Salette-Montval (Marseille)
 
"Je n'imaginais pas lorsque je vous ai accordé un rendez-vous que vous enchanteriez pendant 1 h 1/4 les personnes âgées d'une telle façon. Merci pour votre prestation qui a fait revivre les moments publicitaires, évènementiels et musicaux de leurs vies." Michelle, CCAS de Toulouse
 
"Un super voyage dans le temps pour le plus grand plaisir des résidents. Merci à Régis pour cette magie et à bientôt." Brigitte (Lunel)
 
"Enfin un retour à notre "époque". Quel bonheur, que de souvenirs, quelle belle époque ou l'amitié était de mise. Merci pour cette très belle après-midi, on s'est régalé avec ce très très beau spectacle". Danielle (Mirandol)
 
"Super - divinement bien -  tout le monde était enchanté même que M. Benaben a dit : "Vous nous avez donné l'envie de revivre notre vie"." Sylvie (Sainte Barthe)
 
"Un grand merci pour ce bon moment et je crois, je suis sûre, qu'il a été partagé par mon mari." Mme Delbreil
 
"Une féérie de l'instant." Christian
 
"Beaucoup d'émotion dans ce spectacle plein de chaleur et d'humanité." Sylvie
 
"Une soirée inoubliable. Continuez à nous émerveiller et faites un long chemin." Claude
 
"Le meilleur spectacle que j'ai jamais vu. De loin." Tonton Kiko
 
"C'est bien simple, je n'ai plus de Rimmel !" Claudine (seconde femme de Tonton Kiko)
 
"A ma grande surprise, j'ai versé ma larme. Tu as atteint mon coeur. Bravo pour ces sentiments, ces émotions fortes, j'ai eu des frissons par moment." Ta couse Céline
 
"Redge, encore un bon moment passé en ta présence. On était venu plus pour toi que pour le spectacle, mais quelle agréable surprise ! On est fier de toi, continues d'oser, de vivre !" Pascale
 
"J'avais froid, un peu hagard, l'humeur moribonde et puis voilà, il y a toi avec toute ta générosité, l'intérêt, l'affection que tu as toujours su apporter aux autres, à moi aussi et Dieu sait si tu m'as rendu la vie belle depuis qu'on se connaît comme tu as su le faire une fois de plus." Jérôme
 
"Ce spectacle est nul à chier et je pèse mes mots." Gérard
 
memoria.viva@live.fr

Ma Mamie m'a dit...

Madka Regis 3-copie-1

 

COLLECTION "COMEDIE"

Mamie est sur Tweeter

Mamie n'a jamais été Zlatanée !

Mamie doit travailler plus pour gagner plus

Mamie, tu l'aimes ou tu la quittes

"Casse-toi pauvre Régis !"

Papi a été pris pour un Rom

Mamie est sur Facebook

Papi est sur Meetic

Il y a quelqu'un dans le ventre de Mamie

Mamie n'a pas la grippe A

La petite maison close dans la prairie

 

COLLECTION "THRILLER"

Landru a invité Mamie à la campagne...

Sacco et Vanzetti

Mamie a rendez-vous chez le docteur Petiot

La Gestapo française

Hiroshima

 

COLLECTION "SAGA"

Les Windsor

Mamie et les cigares du pharaon

Champollion, l'homme qui fit parler l'Egypte

Mamie à Tombouctou

 

COLLECTION "LES CHOSES DE MAMIE"

Mamie boit dans un verre Duralex

Le cadeau Bonux

Le bol de chocolat chaud

Super Cocotte

Mamie ne mange que des cachous Lajaunie

 

COLLECTION "COUP DE COEUR"

Mamie la gauloise

Mamie roule en DS

Mamie ne rate jamais un apéro

Mamie et le trésor de Rackham le Rouge

 

COLLECTION "DECOUVERTE"

Mamie va au bal

La fête de la Rosière

Mamie au music-hall

Mamie au Salon de l'auto

 

COLLECTION "SUR LA ROUTE DE MAMIE"

Quand Papi rencontre Mamie

Un Papi et une Mamie

Mamie fait de la résistance

Mamie au cimetière

24 heures dans la vie de Mamie

 

COLLECTION "MAMIE EXPLORE LE TEMPS"

Jaurès

Mamie embarque sur le Potemkine

Mamie et les poilus

Auschwitz

 

COLLECTION "FRISSONS"

Le regard de Guynemer

Mr et Mme Blériot

Lindbergh décroche la timbale

Nobile prend des risques

 

COLLECTION "MAMIE EN BALLADE"

Mamie chez les Bretons

Mamie voulait revoir sa Normandie !

La fouace Normande

La campagne, ça vous gagne...

Mamie à la salle des fêtes

Launaguet

La semaine bleue

Le monastère

 

COLLECTION "MAMIE AU TEMPS DES COURTISANES"

Lola Montès

Les lorettes

Mme M.

Napoléon III

Plonplon

La marquise de Païva

Mme de Pompadour

Générique de fin