"Une illustration, là, sous vos yeux.
La belle Sissi qui a tant fait rêver ma Mamie... Jugez plutôt :
L’empereur François-Joseph arrive. Il toise Hélène, sa promise. Elle lui paraît possible... sans plus. Autant celle-là qu’une autre, après tout. Il lui ferait des archiducs et des archiduchesses. Sa mère serait heureuse, et c’était là le principal.
Oui mais non.
Soudain, son regard tombe sur Sissi. Il est ébloui.
IIl suffit, aujourd’hui, de regarder les photographies d’Elisabeth pour comprendre l’éblouissement de l’empereur devant cette beauté royale.
Les cheveux de Sissi tombent en boucles fauves jusqu’à ses genoux. Son nez est droit comme celui d’une statue grecque. Le front délicatement bondé. La bouche est faite pour le sourire... Grande, souple, flexible, mince avec de délicieuses rondeurs bien placées, Elisabeth est faite à ravir.
- C’est Diane chasseresse ! murmure l’empereur.
Sissi sourit, et lorsqu’elle sourit, deux adorables fossettes se dessinent sur ses joues nacrées.
Ni une ni deux, l’empereur veut l’épouser. Seul problème, Sissi n’a que seize ans. Cela n’a pas d’importance, on la laissera vieillir un peu !
Sa décision est prise. Oublié Hélène sa promise. C’est la seconde fille qu’il veut. Et il l’aura ! Le soir, au dîner, l’empereur ne regarde qu’Elisabeth, délicieuse dans sa robe "couleur pêche". Il ne danse qu’avec elle et il lui fait offrir toutes les fleurs du coin. Hélène n’aura même pas une rose...
François-Joseph est follement amoureux. Quand il voit la jeune fille pour la première fois à cheval, il fond. Quelle souveraine ! Il l’admirera durant quarante-cinq années - comme au premier jour.
Et elle ?
Après être demeurée sans voix à la pensée de régner à seize ans sur l’un des plus beaux empires du monde, elle s’est mise à aimer de toute son âme cet homme de conte de fées.
Elle quitte son château pour le rejoindre. Le soir, Elisabeth et François-Joseph sont enfin seuls...
Et c’est le drame. L’empereur a été habitué aux amours faciles prodiguées par les comtesses hygiéniques de la cour - l’expression est de ma Mamie.
S’il faut en croire le bien renseigné ambassadeur Maurice Paléologue, l’empereur amoureux "n’a pas su ménager les pudeurs, les ignorances, les délicatesses morales et physique de la jeune épouse. Dès le premier soir, il l’a possédée avec une fougueuse ardeur. Et cette brusque initiation l’a laissée, pour longtemps, meurtrie, méfiante, rétive, désenchantée."
La suite ? Deux filles, un garçon puis durant des mois et des mois, elle va sillonner le monde. Toujours par monts et par vaux. Lorsqu’elle revient enfin à Vienne n’ayant qu’une seule idée en tête : repartir, elle se rend compte que son "pauvre petit" ne peut continuer à vivre seul. Elle a remarqué que l’empereur regardait complaisamment une jeune comédienne. Elle se nomme Catherine Schratt. Sissi la fait venir, la trouve jolie, vive, enjouée et lui propose de distraire l’empereur et de l’entourer de "douceur, de la grâce, et du parfum d’une présence féminine".
Elle ajoute : "Nous serons maintenant des amies et vous vous occuperez de l’empereur".
Catherine, stupéfaite, accepte.
Désormais, on put voir l’empereur se faire conduire, dès six heures du matin chez Mlle Schratt. Il prenait son café au lait avec elle, lui parlait de Sissi, son grand amour, toujours au loin, mais qui lui écrivait des lettres adorables.
Il semble que Sissi, devenue une demi-déséquilibrée, une grande malade des nerfs, après avoir fui le despotisme de sa belle-mère et voulu s’évader des pénibles servitudes de son rang, se mit à se fuir elle-même.
- Je sais que je vais vers un but effrayant qui m’est assigné par le destin.
Ce "but effrayant", elle le trouvera le 10 septembre 1898. Ce matin-là, à Genève, l’Italien Luigi Luccheni - un paranoïaque - lui enfonça dans le coeur une lime de dix centimètres.
A la même heure, à Schoenbrunn, François-Joseph écrivait à celle qui était toujours pour lui la Sissi d’autrefois :
"Que Dieu te garde, mon ange ! Je te presse dans mes bras de tout mon coeur."
"Ton petit"