"Le piano à bretelles.
Aux yeux des étrangers, l'accordéon est l'instrument de musique qui nous fait tous lever et danser.
Le "piano à bretelles" commence sa vraie vie hexagonale en 1852, alors que M. Bouton fait breveter son accordéon à touches-piano. Les gens découvrent alors un instrument qui déhanche, vit, souffle... et les incite à en faire de même.
Petit à petit le "branle-poumon", comme on le surnomme aussi gagne les guinguettes parisiennes où il se substitue à la musette, un vieil instrument à vent proche de la cornemuse. L'accordéon peut en effet réaliser le rythme aussi bien que la mélodie. Il remplace à lui tout seul un orchestre, ce qui lui vaut une place grandissante dans tous les bals populaires. Cet accordéon représente "La Belle époque" des années 1900, son insouciance, son vent de liberté...
On compte alors au début du siècle pas moins de trente fabricants français, localisés surtout dans les villes de Brive, Tulle ou encore Sarlat.
Après la guerre de 14/18, dans la joie d'une paie retrouvée, la passion pour l'accordéon s'enracine. Il est partout : dans les cafés, les banquets républicains, les bals de plein air... Il s'invite sur les scènes des musics-halls, enflamme les dancings comme le célèbre Balajo. Il devient l'instrument populaire joué pour le 14 juillet et pour les étapes du Tour de France...
Le piano à bretelles apporte aussi avec lui des danses inconnues comme la polka, la valse, la java ou le tango...
Les parisiens le baptisent alors "boîtes à frissons", tandis que les prêtres de Bretagne le désignent comme la "Boest an diaoul" - la boîte du diable - car ces nouveaux entrechats près du corps sont autant d'incitations à la débauche !
Dans les années 40, le bal musette offre toujours une place centrale à l'accordéon, mais se marie volontiers avec une guitare, un banjo ou une batterie de jazz.
Après la Deuxième Guerre mondiale, l'accordéon s'essoufflera. Le chanteur Antoine ira même jusqu'à chanter : " Ton accordéon nous fatigue Yvette... Si tu jouais plutôt de la clarinette".
Tout ça pour dire que ma mami a rencontré mon papi à un bal populaire sur un air de musette. Deux pas de danses et le tour était joué et que c'était le début de la fin de l'accordéon...
Au début, ma Mamie n'aimait pas l'accordéon. C'est Yvette qui l'a convaincu. Oeil de jais, cheveux d'ébène, bouche coquelicot, Yvette Horner, vint ans, fait son premier Tour de France. En tête du peloton, elle joue du "piano du pauvre" juchée sur le toit d'une voiture conduite par son mari. La future "reine du bal musette" commence sa carrière en fanfare. Elle entame alors une carrière fulgurante qui ne lui laissera jamais une minute, ni le temps d'avoir un enfant.
Avec le tour, en trois semaines, elle allait toucher plus de monde qu'en dix ans de gala. C'est pourquoi, malgré son épuisement après 200 km d'accordéon par jour, "Vévette ne déclare pas forfait. Sa morale, c'est celle de l'effort. Elle vendra 30 millions de disques et aura son jour de gloire en jouant en duo avec Valéry Giscard d'Estaing. Excusez du peu.
A la maison, il y avait 46 disques d'Yvette.
Ni plus, ni moins.
Collection "Les choses de Mamie"
Mamie boit dans un verre Duralex - Mamie porte le n°5 - Le bol de chocolat chaud - Le cadeau Bonux - Les pantoufles - Les pâtes alphabet - Le vélosolex - La "bleue" - Le Bikini - L'accordéon - Super Cocotte - Mamie roule en DS - Le béret béarnais - Le savon de Marseille - Les cachous Lajaunie - Le couteau Opinel