"Une illustration, là, sous vos yeux.
Le 6 août 1945, Hiroshima n'est plus.
Les premiers, ceux qui se trouvaient directement en dessous de la projection sur le sol de l'explosion, ont été désintégrés.
Plus de traces de choses ni de gens.
Si l'on s'éloigne du "point zéro", ce sont des cadavres calcinés que l'on découvre.
Les hommes, les femmes, les enfants, se sont embrasés, d'un seul coup.
100 000 morts, 40 000 blessés. Officiellement.
Sans doute beaucoup plus.
Quand le major Eatherly a su ce qui était arrivé à Hiroshima, il s'est tu.
Pendant plusieurs jours, il a refusé d'adresser la parole à quiconque.
Pourtant il n'a pas largué la bombe. Mais il a conseillé à l'Enola Gay de la larguer.
Cette idée-là, il ne peut la supporter.
Or le responsable, c'était Truman.
Ma Mamie en est parfaitement consciente. Quand ont paru ses mémoires, elle a avant tout cherché le passage où l'auteur décrirait l'angoisse ressentie au moment où il il avait décidé d'utiliser la bombe.
Ayant traversé une telle crise de conscience, il ne pouvait que l'évoquer en des pages nécessairement bouleversantes. Or elle n'a trouvé que quelques paragraphes très secs, totalement dénués d'émotion. Truman se devait d'ordonner que l'on utilisât la bombe. Il l'avait fait.
Il le disait.
Rien de plus.
Plus tard, interrogé par des journalistes qui lui demandèrent à brûle-pourpoint quel était l'évènement de sa vie qu'il regrettait le plus, Truman répondit sans hésiter :
- Je regrette de ne pas m'être marié plus tôt.
Apparemment, il n'avait pas pensé à la bombe.
Claude Eatherly, lui ne s'en ai jamais remis. Après plusieurs dépressions, un divorce et une tentative de suicide, il va se rendre en pèlerinage à Hiroshima. Les Japonais l'accueillent comme un frère retrouvé. Les militants du désarmement se reconnaissent en lui. En 1952, il participe à une manifestation monstre contre l'arme atomique. Jusqu'au bout, il clamera qu'il faut renoncer à l'atome en tant que moyen de destruction. Jusqu'en ce mois de juillet 1958 où, à 59 ans, il mourra d'un cancer.
Au-delà de sa propre mort, Claude Eatherly a voulu militer encore. A sa demande, son corps fut brûlé. Comme tant d'autres corps l'avaient été, treize ans plus tôt.
A Hiroshima.
Collection "Mamie explore le temps"
Lee Harvey Oswald - Stavisky ou la corruption - Sarajevo ou la fatalité - Jeanne d'Arc - Seul pour tuer Hitler - Leclerc - Sacco et Vanzetti - La nuit des longs couteaux - Jaurès - Landru - Adolf Eichmann - Nobile - Mr et Mme Blériot - Les Rosenberg - Mamie embarque sur le Potemkine - L'horreur à Courrières - Lindbergh - Mamie au pays des Soviets - Jean Moulin face à son destin - Mamie est dos au mur - L'assassinat du chancelier Dolfuss - L'honneur de Mme Caillaux - Mamie au pays des pieds noirs - La Gestapo française