"C'était folklo.
Je me souviens des parties de foot de quartier. Là, ça bardait. Les pires matchs c'était les Calmettes contre la Grillaté. Ça se jouait aux marrons. On faisait nos buts avec des ficelles de lieuse - du fil bleu -, tu pouvais taper fort, le ballon il ne passait pas. Un jour un vieux a péter les barres pour agrandir son jardin. Il a avait un jardin magnifique avec des tomates, des haricots... Quand on est passé, il ne restait plus rien. On avait tout bouffé ! Il n'y avait plus un légume, ce qu'on avait pas bouffé, on l'avait pris.
Le soir, on tapait aux portes des gens qu'on aimait pas. On prenait un journal, on chiait dedans et on foutait le feu au journal devant sa porte. Il ouvrait, il éteignait le feu avec ses pieds et se retrouvait avec de la merde partout. Le voisin, il nous tirait à la fronde des boulons parce qu'on avait mangé l'oseille, les fraises ou les cerises de son jardin.
Pour prendre le train gratuit, on montait sur les wagonnets. Les flics nous courraient après mais on avait tous une fronde avec des pierres et des boulons, qu'ils nous fichent la paix. Le soir, on décidait de mettre le quartier dans le noir. Et avec les frondes, toutes les ampoules elles ont fumé et le quartier était noir. C'était pour faire comprendre aux flics qu'il ne fallait pas nous emmerder.
Au coin de la rue, il y avait un magasin qui s'appelait Maman bébé, il y avait plein de cartons devant l'entrée. On se mettait dedans à trois ou quatre, celui de devant faisait deux trous dans le carton pour y voir et on se barrait tout doucement essayant de ne pas montrer nos chevilles et nos mollets et on allait monter des cabanes. Dans les cabanes, on pouvait se cacher des frères et des parents pour fumer et être tranquille.
Les gens mettaient des sous dans une caisse placée devant la maison pour le lait et le pain, mais nous on passait avant le laitier et le boulanger et on prenait la monnaie pour acheter des P4 ou des Gauloises au détail. Pour fumer des Lucky Strike, il aurait fallu faire une banque. Mais oui, avant quand on avait un franc, on était riche. Les P4, c'était 10 centimes la clope, elles étaient dégueulasses mais au moins on avait des clopes. Chez la marchande, on prenait deux ou trois cigarettes mais avant qu'elle arrive de son jardin avec sa patte gauche, on avait piqué des paquets ou des bonbons mais on ne piquait jamais dans la caisse. En revanche, les cônes surprises, on les chourait. A rubar !
On prenait les pires boutons de maman et on disait à la marchande, "Maman voudrait des comme ça. La marchande, elle montait à l'échelle et nous on piquait tout. Une fois, Olga elle avait même mis des bonbons dans sa culotte ! "C'est pas grave Clotilde si vous ne trouvez pas les boutons..."
Maman disait toujours "Ramenez la monnaie". Il fallait toujours ramener la monnaie. Mais nous, on a toujours oublié de ramener la monnaie. Des fois, elle disait qu'on marque et qu'elle reviendrait plus tard. Comme on avait pas de clopes, on se les faisait avec une longue herbe trouée, cela consumait et on aspirait à s'arracher la gorge. C'était folklo à l'époque. On a même fumé des bouts de maïs dans du journal pour rouler. Mon frère était à l'armée, il ramenait des cartouches de Troupes. Là on pouvait fumer à la maison. Parce qu'avant, il ne fallait pas sentir alors on mangeait des trucs pour couper le goût de la cigarette.
Et les bagarres...
Si un de chez nous allait à Bellevue, il prenait une branlée. Quatre gifles pour qu'il comprenne qu'il fallait qu'il fasse le grand tour. Du coup, quand un de chez eux venait chez nous, il prenait une branlée. Il prenait ses quatre gifles et il était content. C'était réciproque. Pour les matchs de foot, on se changeait dans la bagnole, ça partait dans tous les sens parce qu'il n'ya avait pas d'arbitre. Pas d'arbitre, pas de carton rouge.
Le dimanche à la maison, c'était la polenta. Un morceau de polenta plus gros que l'assiette. "Je vais manger la polenta dehors." J'allais vers le poulailler et hop ! Les poules, elles l'adoraient la polenta. Le vélo, on se le faisait aux crasses, deux roues, deux pédales, un cadre et on avait un vélo. Tant pis pour les freins. Pour atteindre les pédales, on devait rouler sous la barre. En travers.
La bonne époque, on a rigolé...