"Le Français et la Prussienne...
Un jour, en pleine nuit, je parlais à ma Mamie des couples célèbres qui dansaient dans ma mémoire. Whitney et Yannick, Brigitte et Serge, Carla et Nicolas, Véronique et Stephen, Danielle et François, sans parler de Cécilia et Nicolas.
Ma Mamie m'a alors parlé de Marlene Dietrich, qui était avec Greta Garbo une de ses meilleures amies. Magnéto Mamie :
"Marlene était merveilleuse. Elle avait l'esprit "Berlin", le Berlin des années 20, de la fête, avec un humour vif, cruel, un esprit frondeur. Gabin l'appelait "la prussienne". Comme beaucoup de gens d'Europe centrale, elle avait la passion de la vie, l'amour des autres, une immense générosité, une grande fidélité, avec toujours ce côté glace et une retenue en toute circonstance. Je la voyais souvent, elle me faisait la cuisine chez elle. Elle me concoctait des écrevisses à la nage et, sa grande spécialité, des pots-au feu.
A l'époque, elle écrivait beaucoup, tapait à la machine, envoyait des télégrammes longs comme des jours sans pain. Il y avait aussi trois photos : une de Hemingway, une de Gabin et une de Fleming, l'homme qui inventa la pénicilline. A la photo dédicacée, "C'est à toi que je le dois", il avait accroché un petit tube en verre de laboratoire.
Trois photos, trois hommes qui comptèrent beaucoup dans sa vie. Mais quand Marlene évoquait Gabin, on comprenait tout de suite qu'il avait été et resterait le grand amour de sa vie. Elle en parlait avec autant de tendresse et de respect que de regrets et de nostalgie. Elle avait choisi l'Amérique plutôt que Gabin, qui, lui, ne pouvait pas vivre loin de la France. ils s'étaient donc séparés. Et, en 1949, Jean avait épousé Dominique, qui était alors le sosie de Marlene Dietrich. Dominique aimait rire, aimait la vie, aimait Gabin, à qui elle donna trois enfants magnifiques.
Quand on lui parlait de Marlene, il était mal à l'aise et se contentait de dire : "C'est le passé." Marlene, obstinée, attendait son retour. Elle me demandait si je voyais Jean, ce qu'il devenait, s'il était heureux. Elle était encore très attachée à lui, alors que lui avait tourné la page. j'étais avec Jean le jour où elle se cassa le fémur en Australie. Elle avait du mal à s'en remettre.
Je me souviens que j'avais dit à Jean :
"Vous savez Marlene a eu un accident. Je lui envoie un télégramme, est-ce que vous permettez que j'écrive qu'on a fait le marché ensemble et que vous lui dîtes bonjour ?
- Bien sûr..."
Alors je lui écrivis que Gabin lui faisait ses amitiés et lui souhaitait une bonne convalescence. Ces mots simples lui firent un plaisir incroyable. Jean était sa faiblesse. Gabin me raconta plus tard que, pendant la guerre, partout où il allait, elle était là, devant lui. Elle était parachutée grâce au général Eisenhower, qu'elle connaissait bien. il arrivait dans un camp perdu, personne ne savait où il se trouvait, et elle surgissait, tombant du ciel comme un ange habillée en soldat.
L'Ange bleu."