"Quand vous arrivez, la première chose à faire est d'établir des liens.
Il faut passer du temps avec l'ensemble des membres de l'équipe de direction pour vous présenter, faire connaissance, identifier les principaux problèmes qu'ils sont en train d'affronter, les solutions qu'ils y apportent. La première chose à faire est de créer une équipe."
"Louis Schweitzer m'avait donné l'impression de quelqu'un à qui je pouvais confié mon avenir. Cette confiance est très importante. Si vous avez l'impression d'être confronté à un margoulin, vous n'y allez pas. Savoir ce que l'on a en face de soi quelqu'un qui est droit, qui accorde de l'importance à sa parole, c'est crucial."
"Une entreprise ne se gère pas dans la fantaisie au niveau des couts. Il faut être vraiment très net sur vo actifs et vos couts. Cela demande une attention particulière et une action très énergique. mais si vous ne faites que cela, vous n'allez pas très loin."
"Une fois que l'on a débattu d'un problème, l'exécution est expédiée en quelques minutes. Il y a quelque part une prime à la belle parole, à la connaissance par rapport à l'action et à la mise en oeuvre. J'ai été frappé par une énorme propension à trouver des excuses pour justifier le fait que les choses ne vont pas plutôt que de s'attacher à ce qu'il faut faire pour que cela marche."
"Ce plan de redressement de Renault avait un certain nombre de composants mais la principale était la réduction des coûts. J'ai apporté ma contribution très vite, avec un rythme, avec des actions, des responsabilités, des échéances. Les gens se sont dits : "Le nouveau, il veut faire bouger les choses."
Les mêmes recettes qu'au brésil : former une équipe, faire tomber les murailles internes, définir des objectifs chiffrés, un calendrier et s'y tenir.
"Pour pouvoir, il faut d'abord savoir "
"Lorsqu'on parle d'entreprise dans les médias, le critère n'est pas la rentabilité mais l'emploi. On prend un des attributs de l'entreprise qui n'est qu'un des éléments de sa performance, et on fait un critère absolu. or nous savons que ça ne marche pas. quand vous essayez de préserver un emploi qui est condamné par l'évolution des marchés ou de la technologie, tout ce que vous faîtes, c'est de fragiliser l'entreprise."
"Nissan ? J'avais le background idéal, j'étais probablement la personne la mieux préparée pour relever ce défi. Je ne fais pas preuve d'immodestie en disant cela. au fond, j'avais même le sentiment que c'était pour ça que j'étais venu chez Renault. "
Un défi hors du commun. Il me fallait convaincre ma femme qui a dit : "c'est une carte extraordinaire et comme je suis certaine que tu vas réussir, cela t'ouvrira des perspectives comme tu ne pouvais même pas en rêver."
"Il y a comme cela des personnes qui arrivent au bon moment, sur la bonne tâche et qui accomplissent quelque chose qui ne serait pas possible pour celui qui aurait une autre formation et une autre sensibilité."
" Chez Nissan, il fallait recréer de la passion, reconstruire une vision, retrouver un rythme, remettre les choses en phase, donner un élan et un projet à l'entreprise. si je pouvais résumer, je dirais qu'il y avait besoin de flamme, d'intensité, de lumière."
Pour mon équipe le message était : "Cela va être très dur, je ne veux pas de colons, je ne veux pas de professeurs, je veux des coachs, des gens qui aident, des "problem solvers" et pas des gens qui posent des problèmes, parce que nous n'en avons pas le temps."
Sa méthode : d'abord ausculter Nissan sous toutes ses coutures, un plan intensif, d'analyse et de synthèse pour définir les grandes lignes du plan de renaissance : "Je passais mon temps à rencontrer des gens, à inspecter des usines, à visiter des fournisseurs, ce fut une période d'échauffement. Le programme était bien organisé et me permettait de rencontrer des membres du personnel à différents niveaux de responsabilité. Je me faisais expliquer la situation de l'entreprise : ce qui ne va pas bien, ce qui va bien et que suggérez-vous pour que ça aille mieux ? Je cherchais à obtenir une analyse de la situation qui ne soit pas statique mais qui identifie ce qui pourrait être mieux fait pour améliorer les résultats de l'entreprise. Ce fut une période d'écoute intense, pas passive mais active. Je prenais des notes, j'emportais des documents avec des chiffrages très précis des différentes situations auxquelles nous avions à faire face et je rédigeais des synthèses personnelles. Je me suis alors forgé par petites touches ma propre image de l'entreprise.
Alors ? " Chacun tirait de son côté. Pas de vision, pas de stratégie, pas de priorités, pas d'instruments de mesure.Je me suis dit qu'il fallait que je mette de la lumière partout ou qu'il y ait autour de moi des gens qui passent leur temps à mettre de l'éclairage sur les problèmes, afin que chacun y voit clair sur ce qu'il y avait à faire."
Et le profit ? " Quand le profit n'est pas un élément moteur, il ne peut pas être simplement le résultat du hasard. Si vous ne le placez pas au centre de vos préoccupations, vous n'allez pas l'obtenir comme par enchantement."
Le client dans tout ça : " C'est la deuxième raison : on parle du client mais il n'est pas présent dans l'entreprise. quand nous posions la question de savoir à quelle clientèle était destiné tel ou tel produit, pourquoi le client achèterait tel ou tel produit, pourquoi le client achèterait ne Nissan de préférence à un modèle de la concurrence, toutes ces questions de base, nous n'obtenions pas de réponse. Il n'y avait pas de processus plan produits qui amenait à réfléchir sur le client, sur le marché. La tendance était de repéter des modèles déjà existants ou de copier ce que faisait les concurrents."
"D'une certaine manière, un plan de reconstuction d'une entreprise est un travail d'ingénieur. C'est comme la construction d'une maison. Il y a des priorités, des étapes, des seuils, des spécifications. On commence par les fondations. Il faut établir un calendrier et un budget. Et bien sûr, il faut des engagements fermes sur les prix et les délais." Pour cela, les équipes transverses, ou CFT ( Cross functional Team) sont au coeur de la "méthode Ghosn". "Je savais que si j'essayais d'imposer le changement à partir du sommet, j'échouerais. C'est pourquoi j'ai décidé de mettre au centre de l'effort de redressement une batterie d'équipes transverses. Elles constituent un instrument puissant pour conduire les cadres à regarder au-delà des frontières fonctionnelles ou géographiques qui bornaient leurs responsabilités diverses."
La suite ? " Les plans qui avaient été élaborés auparavant étaient essentiellement qualitatifs. Il n'y avait pa de priorités, pas de réglages dans le temps. On n'avait pas mis un nom ou une équipe en face de chaque objectif. Il n'y avait pas eu de communication interne ni de bouclage financier. Il ne suffit pas de proclamer "je veux faire un produit de qualité" et d'en restez là. si vous ne définnissez pas la qualité, son niveau actuel, lobjectif recherché et le calendrier pour l'améliorer, les organismes qui y travailleront, si le plan n'est pas articulé, divisé en séquences que les acteurs au sein de l'entreprise peuvent s'approprier, il ne se passe rien ou en tout cas pas grand chose."
Mais concrètement M. Ghosn...
"Equipe n°1 : la croissance, c'est à dire nouveaux produits, nouveaux services, nouveaux marchés.
Equipe n°2 : Les achats qui représentent 60% des coûts d'un constructeur.
Equipe n°3 : L'outil de production et la logistique.
Equipe n°4 : La recherche et le développement.
Equipe n°5 : Le commerce et le marketing.
Equipe n°6 : Les services généraux.
Equipe n°7 : Les finances.
Equipe n°8 : Tout ce qui concerne l'arrivée en fin de vie d'un produit, d'un équipement, d'un service.
Equipe n°9 : L'organisaton et la valeur ajoutée.
Comme ça ça a l'air facile mais... "Chaque équipe est structurée de manière comparable. A la tête, deux leaders, membre du comité exécutif de Nissan. deux responsables pour éviter que le CFT ait une vision trop limitée de son domaine.
Le CFT "organisation" réunit ainsi les fonctions plan produits, commercial et marketing, fabrication, ingénieurie, finances et achats. Les équipes sont dotées d'un ou plusieurs objectifs sur lesquels elle doivent concentrer leurs efforts. L'équipe transverse n°1 a la charge de la "croissance rentable", des opportunités, des nuveaux produits, de l'identité de la marque et des temps de développement des nouveaux modèles.
Les équipes comprenaient en moyenne dix personnes, des cadres intermédiaires exerçant des responsabilités diverses. dix membres, c'était la condition pour aller vite. Mais pas suffisant pour aller dans le détail de tous les thèmes. C'est pourquoi chaque CFT s'est appuyé sur des cellules de dix membres également, chargées de se concentrer sur un sujet bien précis. Ainsi, l'équipe transverse dédiée à la fabrication a-t-elle créé 4 cellules qui ont passé en revue les capacités, la productivité, les coûts fixes et les investissements.
Et la prise de décision ?
"Je n'ai jamais été partisan du consensus mou ou du consensus passif. On se réunit, quelqu'un n'est pas d'accord et on s'arrête là. Je suis partisan de ce que j'appelle le consensus actif. Si quelqu'un n'est pas d'accord. Il faut d'abord vérifier qu'il n'y a pas divergence sur les objectifs, ce qui est en général le cas. il doit alors offrir une alternative. Nous discutons jusqu'à ce que l'un des deux reconnaisse la supériorité de l'approche de l'autre. En pratiquant cette mélode, vous cumulez les avantages : concensus actif et garantie de prendre la bonne décision. Il permet d'optimiser la prise de décision et l'exécution. Cela demande beaucoup d'intensité, d'engagement. Parce qu'il faut que chacun sache qu'il sera écouté et qu'il a la capacité d'enrichir une décision."
" Je ne me suis pas entêté sur des réalisations. Mais j'ai dit que je ne ferais pas de compromis sur les objectifs de retour à la rentabilité, de désendettement, de reconquête des PDM. Sur le comment, j'étais prêt à discuter : "Voici mon plan mais si vous m'en présentez un meilleur, je suis partant." La détermination et l'entêtement ne sont pas la même chose."
Et alors ? "Là ou il y a eu le plus de résistance, c'est sur le dossier de la réorganisation du réseau commercial au Japon. Manque de compétence, bureaucratie, poids des liens traditionnels, absence de transparence, de stratégie, pas d'approche analytique, objective. C'était un des secteurs qui étaient les plus sinistrès."
Pour pouvoir, il faut d'abord savoir !
Des choses claires, simples, dotées de priorités, sur lesquelles on se met d'accord; la manière dont on élabore une vision, comment on transforme une stratégie en plan d'action, comment le plan d'action est divisé en contributions apportées par des milliers de personne à l'intérieur de l'entreprise. Tout cela exige un savoir faire. Cela ne s'invente pas ex abrupto.
Ce n'est pas du recrutement dont il s'agit, le problème est ce qu'on en fait quand il rentrent dans l'entreprise. La meilleure personne avec le plus fort potentiel, ne fera rien si elle n'est pas sollicitée, si on n'est pas exigeant vis à vis d'elle, si on ne lui assigne pas des objectifs tendus. elle va s'étioler progressivement. La plus belle musculature si elle ne travaille pas finira par s'atrophier.
Discours : En quelques phrases, Carlos Guosn résume le diagnostic : manque d'attention portée au profit, négligence à l'égard du client, faiblesse du travail transversal, absence d'un sentiment d'urgence, pas de vision commune à LT. Mais il rappelle aussi les atouts de Nissan : "Nissan a établi une présence internationale significative et un déploiement global. Nissan a développé un système de production de classe mondiale; Nissan est à la pointe de la technologie dans des domaines cruciaux; Nissan a formé une alliance avec Renault." " Je sais et je mesure quel effort, quel sacrifice, quelle douleur nous devrons subir pour pour le succès du plan de renaissance. Mais, croyez-moi, nous n'avons pas le choix et cela en vaudra la peine. Nous avons partagé un rêve : celui d'une entreprise reconstruite et revivifiée. Le rêve d'un Nissan inspiré et audacieux en chemin vers une croissance rentable dans une alliance équilibrée avec Renault pour créer un acteur majeur de l'industrie automobile mondiale. Ce rêve est devenu vision. Cette vision deviendra une réalité pour autant que chaque salarié la partage avec nous."
Alors ? "Il n'y a pas eu de résistance parce qu'il n'y avait pas d'alternative. Les gens ont basculé petit à petit en se disant que les les résultats arrivaient et qu'ils devaient donner un coup de main. c'est ainsi que l'on entre dans un cercle vertueux."
La crédibilité, elle repose sur deux piliers. D'abord la performance, puis la transparence.
Le redressement de l'entreprise passe par la motivation du personnel et donc, observer de près, mesurer autant que possible tout ce qui renforce cette motivation était une prioritée.
Je m'adresse aux gens qui sont conscients de l'intérêt de leur entreprise, je ne vais pas perdre mon temps avec celui qui n'est préoccupé que par son intérêt personnel. Ensuite, Il y a eu surtout les incitations financières, les distinctions, les promotions, les négociations avec les syndicats. Mais il y a eu surtout la présentation d'une vision de l'entreprise qui était tout à fait différente. Voilà, ce que nous serons dans deux ans, cinq ans, si nous atteignons nos objectifs.
Il fallait à tout prix redynamiser le réseau. Ce qui voulait d'abord dire élever la barre en matière de performance et d'efficacité.
Nos mesurons cela par la remontée de la PDM, le redressement de la rentabilité du réseau, mais aussi par l'indice de satisfaction du consommateur et par les intentions d'achat. Il faut que quelqu'un qui entre chez un concessionnaire ressente une impression de qualité et de professionalisme. Tout cela se mesure et permettra de montrer la différence entre avant, maintenant e demain.
Il fallait redonner aux vendeurs de Nissan l'envie de vendre.
Les évènements produits arrivent. Ils sont articulés, ciblés, soutenus par une bonne promotion, une bonne communication. C'est ce que veulent les vendeurs. Un projet, une stratégie, un plan produit qui soit logique.
"Il y avait de notre part la volonté de ne pas faire de changement pour le changement mais pour la performance. Apporter une contribution originale, pratique et mesurable."