"L’aigle noir.
Au début de l’année 1955, Barbara enregistre deux chansons chez Decca : Mon pote le gitan et L'œillet blanc.
« Le premier jour qu'il vit la fille,
Il lui offrit un oeillet blanc.
C'était pas une fille de famille
Mais elle avait des sentiments
Et elle en eut le coeur content …
En 1958, elle réussit à s'imposer, sous le surnom de La Chanteuse de minuit, si bien que sa notoriété grandit et lui attire un public de fidèles, en particulier parmi les étudiants du Quartier latin. Sous le nom de Barbara, elle effectue son premier passage à la télévision, le 12 juillet 1958, sur l’unique chaîne de la RTF, dans l’émission Cabaret du Soir, où la présentatrice la compare à Yvette Guilbert et lui assure « qu’elle deviendra certainement une grande vedette ».
À cette époque, poussée par son ami Brel19, elle commence à écrire. Remarquée et engagée par Pathé-Marconi, elle enregistre, sous le label La Voix de son Maître, son premier Super 45 tours, La Chanteuse de minuit, avec deux de ses propres chansons : J’ai troqué et J’ai tué l’amour.
En 1961, elle décroche un tour de chant du 9 au 20 février, en première partie de Félix Marten à Bobino.
Sa performance est peu appréciée, sa présentation jugée austère, à l’évidence pas encore prête pour les grandes scènes. Loin de se décourager, elle reprend ses récitals à L’Écluse. La même année, elle se rend à Abidjan, où elle retrouve son amant, le diplomate Hubert Ballay ; elle lui écrira Dis, quand reviendras-tu ?, avant de le quitter.
Le 4 juillet 1964, elle se rend sans enthousiasme en Allemagne de l’Ouest. Agréablement surprise et touchée par l’accueil chaleureux qu’elle reçoit, elle prolonge son séjour d’une semaine. L'avant-veille de son départ, elle offre au public la chanson Göttingen, qu’elle a écrite d’un trait dans les jardins du théâtre.
« Et tant pis pour ceux qui s’étonnent
Et que les autres me pardonnent
Mais les enfants ce sont les mêmes
À Paris ou à Göttingen …
Comme convenu, elle chante à Bobino avec Georges Brassens en « vedette » du 21 octobre au 9 novembre 1964. Le public est conquis et les critiques sont unanimes pour saluer sa prestation. Paris-Presse-L’Intransigeant écrit qu’elle « fait presque oublier Brassens », L'Humanité : « Un faux pas de Brassens, une prouesse de Barbara.
Le 14 mars 1965, sort son premier album Philips, Barbara chante Barbara. Il obtient le prix de l’Académie Charles-Cros et un réel succès commercial. Lors de la cérémonie, au palais d’Orsay, Barbara déchire son prix en quatre pour le distribuer aux techniciens, en témoignage de sa gratitude.
La même année, elle obtient un grand succès à Bobino. Le 15 septembre, jour de la première, France Inter organise une journée Barbara sur ses ondes. La chanteuse est si profondément marquée par cette première qu’elle l'immortalise peu après dans l’une de ses plus grandes chansons : Ma plus belle histoire d’amour.
« Ce fut, un soir, en septembre
Vous étiez venus m’attendre
Ici même, vous en souvenez-vous ? …
En 1967, elle écrit avec Georges Moustaki, La Dame brune, chanson d'amour qu'ils interprètent en duo. Elle dira à son sujet : « Moustaki, c'est ma tendresse ».
En 1998, ses mémoires inachevés sont publiés chez Fayard, sous le titre « Il était un piano noir… ». Elle y révèle l’inceste dont elle a été victime :
« J’ai de plus en plus peur de mon père. Il le sent. Il le sait. J’ai tellement besoin de ma mère, mais comment faire pour lui parler ? Et que lui dire ? Que je trouve le comportement de mon père bizarre ? Je me tais. Un soir, à Tarbes, mon univers bascule dans l’horreur. J’ai dix ans et demi. Les enfants se taisent parce qu’on refuse de les croire. Parce qu’on les soupçonne d’affabuler. Parce qu’ils ont honte et qu’ils se sentent coupables. Parce qu’ils ont peur. Parce qu’ils croient qu’ils sont les seuls au monde avec leur terrible secret.
De ces humiliations infligées à l’enfance, de ces hautes turbulences, de ces descentes au fond du fond, j’ai toujours resurgi. Sûr, il m’a fallu un sacré goût de vivre, une sacrée envie d’être heureuse, une sacrée volonté d’atteindre le plaisir dans les bras d’un homme, pour me sentir un jour purifiée de tout, longtemps après. »