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4 janvier 2017 3 04 /01 /janvier /2017 15:19
Trois sucettes à la menthe

"Un roman de Robert Sabatier (pour les lecteurs)

 

Les odeurs de la rue : gros savon, eau de Javel, cuisines grasses, lessives bouillonnantes. Pourquoi ce calme ? Pas de cris, de disputes, de TSF bruyantes. Fini cette musique discordante : tintamarres du travail artisanal, bassines d'eau jetées à la volée dans les rigoles, bavardages des commères, piaillements des enfants fessés, scènes de ménage, accordéon des musiciens errants...

 Au milieu, la Marie-Rose s'affirmant la mort parfumée des poux.

A côté de l'évier, la grosse bouteille de Javel La Croix, la boîte avec le slogan Persil blanchit par l'oxygène, un sachet de teinture Idéal-Boule, la poudre Vim, le Nab, la Saponite.

 Et un mot :

- Il ne faut jamais mettre le pain à l'envers. Ca fait pleurer la Sainte Vierge.

Une récitation affleura à sa mémoire. C'était une poésie de Théophile Gauthier apprise en classe :

"Tandis qu'à leurs oeuvres perverses,

Les hommes courent, haletants,

Mars qui rit malgré les averses

Prépare en secret le printemps.

"Faut que ça brille ! Pas trop de cirage et beaucoup d'huile de coude... Allez plus vite, Jean de la Lune, dit Blanche, et elle ajouta un dicton : Long à manger, long à travailler.

Il nettoya jusqu'aux semelles et aux talons. Il sifflotait Les Gars de la marine...

La TSF marchait en permanence et Olivier reconnaissait les programmes, les voix étudiées des speakers : Toscane, Radiolo ou le célèbre Jean Roy de Radio-Toulouse avec son généreux accent. Parfois l'emploi d'un appareil ménager suscitait des parasites et on se bouchait les oreilles.

L'oncle Henri écoutait une fois par semaine "Les vieux succès français" où l'époque 1900 apportait ses mélodies, ses chansons à voix, ses comiques troupiers, ses valses-hésitation. On passait de Dalbret  à Mercadier, de Polin à Mayol, d'Yvette Guilbert à Fragon.

 Les romances tremblaient de sentiment et on pouvait imaginer les gestes poignants des chanteurs "Ah ! Paul Desmet...", disait l'oncle en écoutant Envoi de fleurs ou Fermons nos rideaux.

Cela devenait viril avec Le père la victoire, grave avec La chanson des peupliers, attendri avec Petits enfants prenez garde aux flots bleus, folklorique avec Fleur de blé noir ou Ma vieille maison grise, comique avec L'Ami Bidasse ou La Caissière du Grand Café.

 De sa chambre, ce veinard de Marceau se mettaient à fredonner une antienne radiophonique de circonstance : "Dans son petit lit tout rose,

Bébé va s'endormir sans rancune

Car maman lui a donné sa dose

De bon vermifuge Lune !

 

Des phrases éparses dans ses livres résonnaient : Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira-t-à toi ! ou Par morbleu, ouvre donc, tavernier du diable ! Et des dialogues. A l'interrogation Où vas-tu Orsini ? Une voix altière répondait : A la tour de Nesle !

 A ces jeux de toute enfance, Olivier mettait une passion singulière. Il imitait encore Laurel et Hardy, Charlot, prenait la voix rocailleuse de Fréhel ou de Damia, devenait le beau Tino en chantant : Catali, Catali ou Vieni, Vieni, Vieni......

L'oncle se leva pour régler le cinédyne-secteur qui diffusait une scie publicitaire : KLG, oui-oui-oui, KLG, non-non-non, KLG, c'est bien la meilleure ! Il tourna le bouton, cela fit piiiiouittt et on entendit : Marie, tes foie gras, Marie, tes fois gras, Tes foies gras, Marie, sont splendides. Il ferma cette TSF bavarde et dit à l'intention de la tante Victoria qui lisait un numéro de L'Illustration plein de généraux et de gens du monde :

- C'est assommant à la fin. Cette publicité, on se demande jusqu'où elle ira.

Dans l'antichambre, Jami marchait au pas cadencé en chantant à tue-tête Dansons la Capucine.

A l'office, Blanche prenait un bain de pieds dans une bassine, ajoutant de temps en temps une poignée de Saltrates Rodell.

 Sur un carton, le gros père Lustucru des pâtes alimentaires avançait un ventre en forme d'oeuf quadrillé. Dans la cour, on entendait un peintre qui chantait :

Le pharmacien l'a dit à la bouchère

Et la bouchère l'a dit au cantonnier,

Le cantonnier l'a dit à Monsieur le maire...

 Olivier rangea ses chaussures et dit :

- Il chante faux et c'est bête !

Les cocktails à la mode ? Alexandra, Rose ou Side-Car.

Le kiosque à musique répondait par des flots-flons. ​​​​​​​Assis sur un banc, il lisait et pensait aux courses folles de la rue Labat, aux gendarmes et aux voleurs, aux cow-boys et aux Indiens, au Bol d'Or de la marche.

 Parfois une nounou offrait un sein rose et blanc à un bébé et des messieurs détournaient pudiquement le regard.

 A l'entrée des buttes, le marchand de glaces, penché sur son triporteur préparait des merveilles colorées, emprisonnant entre deux gouffres de la pistache, de la fraise, du café, de la noisette ou du chocolat. Le kiosque de marchand de jouets proposait un étalage de cerceaux à musique, de cordes à sauter, de ballons en baudruche, de balles-mousses, de poupées, de cerfs-volants, de sceaux à sable, des tambourins, des girouettes en mica au bout d'un bâtonnet. 

​​​​​​​ Il revit des galopades dans les rues, la fête foraine avec ses copains, les parties de billes, les farces, les virées avec Bougras, les discussions. Qui pouvait comprendre ?

 Jami, un livre de lecture à la main, ânonnait : Le... pe... mit... chat... a ... bu ... tout ... le ... lait.

Olivier fredonna la chanson de Milton : J'ai ma combine...

Au ciné, de jeudi à jeudi, les films se succédèrent : il y eut les rencontres avec Frankenstein et Fantômes, avec Tarzan et avec Topaze. Marguerite préférait La Folle Nuit, Le Lieutenant souriant ou Princesse à vos ordres, Olivier s'émerveillait avec Les Seigneurs de la jungle ou Baudu sauvé des eaux. ou A Nous la liberté.

​​​​​​​ Tout était intéressant : les dessins animés avec Mickey, les documentaires sur la nature et même les actualités annoncées par un coq s'égosillant.

​​​​​​​ Un jour Olivier chantait et il se souvenait que Ce n'est pas le chant d'un marin... était le film vu la veille. Une autre fois, il entonna :

"T'en fais pas, Bouboule.

Te casse pas la boule,

N'attrape pas d'ampoules.

 

Une réplique apprise :

Do ré mi fa sol la si do

Gratt'moi la puce que j'ai dans l'dos.

Une chanson de ducasse fut alors fredonné :

Allons veux-tu venir compère

A la Ducasse de Douai ?

Elle est jolie et si tant gaie

Que de Valenciennes à Tournai,

De Lille, d'Orchis et d'Arras,

Les plus pressés viennent à grands pas.

 Dans le souvenir d'Olivier, un curieux petit instrument devait rythmer ces heures mémorables. L'arrivée du yo-yo.

 Par la magie de ce disque évidé qui montait et descendait le long d'un cordonnet, tout Paris devenait une fête enfantine et l'on chantait :

Elle jouait du yo-yo

La petite Yéyette...

- Mayol, le vieux Mayol en représentation !

Mayol chanta :

"Cousine, cousine,

Tu es fraîche comme une praline.

Cousine, cousine,

Embrasse ton cousin germain.

 Ce fut un triomphe. Heureux, il retrouvait son souffle d'antan. Des spectateurs revivaient leur jeunesse et parfois des yeux se mouillaient. Il chanta ensuite des chansons grivoises : Les petites boniches et Ma doué, mon pé, mais les admirateurs réclamèrent Les Mains de femme et il fut bissé. Il quitta la scène sous les ovations et on annonça l'entracte.

Esther Lekain, Perchicot, Cora Madou, Dréan, Dalbret, Choof, Sergius, Georgel et les bons jeunes Fred Goin, Guy Berry, Max Tremor...

C'était le temps de Cécile Sorel qu'on appelait Célimène, Pierre Bertin, Marie Bell, Henri Rollan, Marguerite deval, Moreno, Dussane, Yvonne Printemps...

En sortant du café, il fredonna :

En amour il n'est pas de grade,

L'important c'est d'avoir vingt ans !

Puis pour se donner du courage, il chanta Pour être fort, faut faire du sport.

Sans oublier une version écolière de la Marseillaise :

"Allons enfants de la marmi-ite

La soupe aux choux est écumée !"

Plus tard, il chanta :

​​​​​​​"Un petit peu d'papier collant

​​​​​​​Pour qu'a tienne, pour que ça tienne,

Un petit peu de papier collant

​​​​​​​Pour qu'a tienne en attendant !

Un porto-flop maison et le tour est joué. On allume e bouton de la TSF pour se caler sur RadioL.-L où on donnait hospitalité au jazz.

Des phrases ça et là... Avec de bons restes on fait de bons repas ou bien un repas que les boches n'auront pas. 

Tous les Auvergnats

Y z'ont la barbe fine,

Tous les Auvergnats

Y z'ont du poil aux bras.

Ou :

Halte-là, qui vive ?

C'est Saponaire la bonne lessive, ha, ha !

Halte-là, qui vive ?

C'est saponaire que v'là !

 Et :

Elle finit au bout de la terre,

Notre Cane... Cane... Canetière !

Et...

Les vieux pyjamas

C'est pour mon papa.

Les dessous troublants

C'est pour ma Maman.

Et ...

Au petit bois, petit bois charmant

Quand on y va on est à l'aise...

Au petit bois, petit bois charmant

Quand on y va on est content.

Et :

C'est un vieux moulin Parmi les champs de lin

Qui jase au trémolo

De l'eau.

Le livret de classe ? Un 3 en Conduite, un 4 en Arithmétique, un 0 souligné de rouge pour la gymnastique, un 2 en instruction morale et civique, un 4 en solfège. Seuls un 8 en rédaction et un 7 en Histoire et Géographie sauvèrent du désastre.

La fin ? Des gens qui se suicidaient après avoir entendu la chanson fatidique Sombre Dimanche. Il sortit une boite de Valda, pensa à Bougras et les souvenirs de la Rue remontèrent à la surface.

Aujourd'hui, lecture libre !

Des illustrés avaient aussitôt jailli des cartables et des gibecières : Les Belles Images, Cri-Cri, L'Epatant, Le Petit Illustré, et des albums : Charlot, Les Pieds-Nickelés, Bibi Fricotain, Zig et Puce, Bicot président de club.La suite prochainement.

 La fin ? Boulevard de Strasbourg, l'oncle Henri entra dans une confiserie et acheta trois sucettes à la menthe, une pour chacun de ses enfants.

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Published by Régis IGLESIAS - dans Les souvenirs de ...

Livre d'or

Première affiche

 

  "MA MAMIE M'A DIT"  

Spectacle nostalgique 

 

"On nous avait promis la magie, promesse tenue : un spectacle plein de féérie de souvenirs où chacun se retrouvait. Une belle énergie. Les résidents ont adoré. Merci." Marie ("La Clairière de Luci" - Bordeaux)
 
"Formidable ! Nous sommes tous remontés dans le temps, nous avons vingt ans, on a ri, on a presque pleuré et surtout on a chanté. Merci." Cathy (Arles)
 
"Un véritable petit chef d'oeuvre" ; "La légion d'honneur pour la créativité" "Un véritable artiste" ; "Après-midi formidable" ; "Absolument parfait" ; "Une rétrospective originale" ; "Un très bon moment d'évasion". Propos recueillis à la résidence Emera d'Angoulême  
 
"Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux... C'était magnifique. Nous avons revu toute notre jeunesse et notre enfance. Et c'est beau de redevenir jeune dans l'ambiance d'autrefois." Aimée et Janine
 
"Les chansons, les réclames et les anecdotes ont transporté les résidents dans leur enfance. Une après-midi de nostalgie mais aussi de chansons et de rires. Merci encore pour ce magnifique spectacle." Sandrine
 
"Spectacle complet, tellement agréable et thérapeutique pour nos personnes âgées, encore félicitations !" Docteur Souque
 
"Un choix extraordinaire de chansons, des moments magiques, des photos magnifiques, vous nous avez mis de la joie dans le coeur. Et retrouver sa jeunesse avec tous ces souvenirs, ça fait plaisir et j'espère que vous reviendrez nous voir." Mme Lorenzi (Juan-Les-Pins)
 
"Pour ma fête, par un pur hasard je me suis retrouvé dans un club de personnes âgées où j'ai pu assister à votre spectacle sur le passé. Cela m'a rappelé mes grands-parents et mes parents et c'était vraiment un moment magique." Josette, La Roque d'Antheron
 
"Bravo bravo bravo Regis, c'est le meilleur spectacle que j'ai vu depuis que je fais le métier d'animatrice." Bénédicte La Salette-Montval (Marseille)
 
"Je n'imaginais pas lorsque je vous ai accordé un rendez-vous que vous enchanteriez pendant 1 h 1/4 les personnes âgées d'une telle façon. Merci pour votre prestation qui a fait revivre les moments publicitaires, évènementiels et musicaux de leurs vies." Michelle, CCAS de Toulouse
 
"Un super voyage dans le temps pour le plus grand plaisir des résidents. Merci à Régis pour cette magie et à bientôt." Brigitte (Lunel)
 
"Enfin un retour à notre "époque". Quel bonheur, que de souvenirs, quelle belle époque ou l'amitié était de mise. Merci pour cette très belle après-midi, on s'est régalé avec ce très très beau spectacle". Danielle (Mirandol)
 
"Super - divinement bien -  tout le monde était enchanté même que M. Benaben a dit : "Vous nous avez donné l'envie de revivre notre vie"." Sylvie (Sainte Barthe)
 
"Un grand merci pour ce bon moment et je crois, je suis sûre, qu'il a été partagé par mon mari." Mme Delbreil
 
"Une féérie de l'instant." Christian
 
"Beaucoup d'émotion dans ce spectacle plein de chaleur et d'humanité." Sylvie
 
"Une soirée inoubliable. Continuez à nous émerveiller et faites un long chemin." Claude
 
"Le meilleur spectacle que j'ai jamais vu. De loin." Tonton Kiko
 
"C'est bien simple, je n'ai plus de Rimmel !" Claudine (seconde femme de Tonton Kiko)
 
"A ma grande surprise, j'ai versé ma larme. Tu as atteint mon coeur. Bravo pour ces sentiments, ces émotions fortes, j'ai eu des frissons par moment." Ta couse Céline
 
"Redge, encore un bon moment passé en ta présence. On était venu plus pour toi que pour le spectacle, mais quelle agréable surprise ! On est fier de toi, continues d'oser, de vivre !" Pascale
 
"J'avais froid, un peu hagard, l'humeur moribonde et puis voilà, il y a toi avec toute ta générosité, l'intérêt, l'affection que tu as toujours su apporter aux autres, à moi aussi et Dieu sait si tu m'as rendu la vie belle depuis qu'on se connaît comme tu as su le faire une fois de plus." Jérôme
 
"Ce spectacle est nul à chier et je pèse mes mots." Gérard
 
memoria.viva@live.fr

Ma Mamie m'a dit...

Madka Regis 3-copie-1

 

COLLECTION "COMEDIE"

Mamie est sur Tweeter

Mamie n'a jamais été Zlatanée !

Mamie doit travailler plus pour gagner plus

Mamie, tu l'aimes ou tu la quittes

"Casse-toi pauvre Régis !"

Papi a été pris pour un Rom

Mamie est sur Facebook

Papi est sur Meetic

Il y a quelqu'un dans le ventre de Mamie

Mamie n'a pas la grippe A

La petite maison close dans la prairie

 

COLLECTION "THRILLER"

Landru a invité Mamie à la campagne...

Sacco et Vanzetti

Mamie a rendez-vous chez le docteur Petiot

La Gestapo française

Hiroshima

 

COLLECTION "SAGA"

Les Windsor

Mamie et les cigares du pharaon

Champollion, l'homme qui fit parler l'Egypte

Mamie à Tombouctou

 

COLLECTION "LES CHOSES DE MAMIE"

Mamie boit dans un verre Duralex

Le cadeau Bonux

Le bol de chocolat chaud

Super Cocotte

Mamie ne mange que des cachous Lajaunie

 

COLLECTION "COUP DE COEUR"

Mamie la gauloise

Mamie roule en DS

Mamie ne rate jamais un apéro

Mamie et le trésor de Rackham le Rouge

 

COLLECTION "DECOUVERTE"

Mamie va au bal

La fête de la Rosière

Mamie au music-hall

Mamie au Salon de l'auto

 

COLLECTION "SUR LA ROUTE DE MAMIE"

Quand Papi rencontre Mamie

Un Papi et une Mamie

Mamie fait de la résistance

Mamie au cimetière

24 heures dans la vie de Mamie

 

COLLECTION "MAMIE EXPLORE LE TEMPS"

Jaurès

Mamie embarque sur le Potemkine

Mamie et les poilus

Auschwitz

 

COLLECTION "FRISSONS"

Le regard de Guynemer

Mr et Mme Blériot

Lindbergh décroche la timbale

Nobile prend des risques

 

COLLECTION "MAMIE EN BALLADE"

Mamie chez les Bretons

Mamie voulait revoir sa Normandie !

La fouace Normande

La campagne, ça vous gagne...

Mamie à la salle des fêtes

Launaguet

La semaine bleue

Le monastère

 

COLLECTION "MAMIE AU TEMPS DES COURTISANES"

Lola Montès

Les lorettes

Mme M.

Napoléon III

Plonplon

La marquise de Païva

Mme de Pompadour

Générique de fin